Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Cour fédérale

Federal Court

Date : 20100526

Dossier : T-461-10

Référence : 2010 CF 577

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 26 mai 2010

En présence de monsieur le juge Blanchard

 

ENTRE :

DEAN SHAW

demandeur

ET

 

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] Le demandeur, non représenté par un avocat, au moyen d’une requête écrite déposée le 10 mai 2010, interjette appel de la décision du 29 avril 2010 du protonotaire Lafrenière, rejetant une requête du demandeur sollicitant une [traduction] « interdiction complète de publication visant le dossier de la Cour T-461-10 ».

 

  • [2] En rejetant la requête, le protonotaire a appliqué les principes applicables à une partie sollicitant une ordonnance de confidentialité qui exigent que l’intérêt à protéger soit clairement exposé et soit soupesé par rapport à l’intérêt public dans une procédure judiciaire publique (Abbot Laboratories c. Canada (Santé), 2005 CF 1368). Le protonotaire a conclu que [traduction] « […] le demandeur n’a aucunement tenté de définir le genre de renseignements qu’il cherche à faire désigner comme confidentiels, ni de formuler sa requête de manière à ce qu’elle ne vise que les renseignements dont la stricte confidentialité doit être protégée ». Le protonotaire a également conclu que [traduction] « […], la simple déclaration du demandeur selon laquelle il fait l’objet d’une menace n’est pas rationnellement liée à un préjudice réel susceptible de découler d’un accès public aux renseignements en question ». Le protonotaire a conclu ce qui suit : [traduction] « En l’absence de toute preuve du genre de renseignements qui devraient être traités comme confidentiels, ou de précisions sur le risque ou le préjudice auquel serait exposé le demandeur dans l’éventualité d’une communication publique, la requête doit être rejetée. »

 

  • [3] Comme l’a fait observer la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc., [2004] 2 R.C.F. 259, 30 C.P.R. (4th) 40 aux paragraphes 18 et 19, les ordonnances discrétionnaires des protonotaires ne devraient pas être révisées en appel, sauf si les questions soulevées dans la requête ont une influence déterminante sur l’issue du principal, ou si les ordonnances sont entachées d’erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits. Dans ces cas, le juge doit exercer son pouvoir de révision de novo.

 

  • [4] En suivant l’approche énoncée ci‑dessus, je dois d’abord décider si les questions soulevées dans la requête ont une influence déterminante sur l’issue du principal. La question soulevée dans la requête a trait à une demande d’interdiction de publication. Une ordonnance qui tranche une requête en interdiction de publication n’a pas une influence déterminante sur l’issue du principal qui concerne une réclamation en dommages-intérêts, en dommages spéciaux pour la communication d’une information privilégiée et d’autres allégations de négligence énoncées dans la déclaration.

 

  • [5] Je dois maintenant examiner la question de savoir si l’ordonnance du protonotaire est entachée d’erreur flagrante, en ce sens qu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits.

 

  • [6] Dans son affidavit déposé dans le dossier de la requête, le demandeur semble avoir reformulé sa demande d’interdiction de publication de la manière suivante :

[traduction] Je demande qu’un juge fédéral ORDONNE une interdiction de publication à l’égard de l’affaire des ressources humaines no 04-0024 / (pièce A) et une interdiction relative à tous les renseignements tirés du dossier d’enquête no 7100-01754 (pièce B) du Commissariat fédéral à la protection de la vie privée et des lettres ou des documents des tierces parties impliquées alors qui ont été échangés avec des fonctionnaires fédéraux ou de la documentation prouvant une entreprise criminelle relativement à cette atteinte à la vie privée négligente et insouciante. Tous les renseignements communiqués au public tirés de l’ensemble du demandeur sont une menace à ma liberté et à la sécurité de la personne et des personnes. Le demandeur a subi suffisamment de contraintes et de frictions en raison de cette négligence insouciante!

 

 

  • [7] Dans ses brèves observations écrites, le demandeur soutient ce qui suit :

[traduction] Le Commissariat fédéral à la protection de la vie privée ne communiquera aucun renseignement demandé par le demandeur, sauf si le juge le lui ordonne. Si la défenderesse accepte les allégations du demandeur, les enquêtes documentées du Commissariat fédéral à la protection de la vie privée ne seront pas nécessaires. L’enquête et la recherche des faits menées par le Commissariat fédéral à la protection de la vie privée corroboreront les allégations du demandeur et fourniront de la jurisprudence à l’appui. La question en cause comporte un élément criminel et dangereux qui exige une totale interdiction de publication et, peut-être, au gré du juge, la communication de certains renseignements à des tiers après le jugement. Il s’agit d’une information privée et elle est « à l’origine du problème », de sorte qu’il n’est pas approprié qu’un tiers prenne connaissance des renseignements de toute façon. Le jugement devrait être automatique et le demandeur ne devrait pas avoir à répéter ces renseignements dans le cadre de l’appel de la requête initiale. Lorsqu’une personne déclare avoir fait l’objet de contraintes en raison des actes d’une autre partie, alors, la cour devrait sanctionner et ne pas nier la menace, sauf preuve contraire. Le demandeur a fait personnellement l’expérience d’une menace à sa sécurité personnelle et a été menacé par la suite par l’entreprise particulière tirée de la documentation de la défenderesse sur l’entreprise criminelle dangereuse et il fait toujours l’objet de menaces! Je demande la permission de faire une demande avec des documents mis à jour si la Cour peut tenir une audience à huis clos!

 

  • [8] L’affidavit du demandeur semble fournir certains renseignements précisant généralement ce qu’il cherche à inclure dans l’interdiction de publication, notamment toute l’information provenant du « Commissariat fédéral à la protection de la vie privée ». Il cherche aussi à faire inclure dans l’interdiction « Tous les renseignements communiqués au public tirés de l’ensemble du demandeur sont une menace à ma liberté et à la sécurité de la personne et des personnes ». Même si j’acceptais que l’affidavit du demandeur contînt des précisions suffisantes sur la nature des renseignements qu’il cherche à faire protéger, ou le préjudice qui découlerait de la communication des renseignements visés par l’interdiction de publication, et je ne l’accepte pas, les renseignements n’ont pas été présentés au protonotaire lorsqu’il a pris sa décision. La règle générale est que l’appel d’une ordonnance d’un protonotaire doit être jugé à partir des documents qui étaient présentés devant lui (James River Corp. of Virginia c. Hallmark Cards, Inc. [1997] A.C.F. no 152, 126 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst.))).

 

  • [9] De nouveaux éléments de preuve peuvent être admissibles dans des circonstances dans lesquelles ils n’ont pu être présentés plus tôt; ils vont dans le sens de l’intérêt de la justice; ils aideront la Cour et ils ne causeront pas de préjudice grave à la partie adverse. Aucune preuve au dossier ne permet d’affirmer que l’un de ces critères a été rempli en l’espèce. Et le demandeur ne formule aucun argument en ce sens.

 

  • [10] Ainsi, la nouvelle information contenue dans l’affidavit du demandeur ne peut pas être prise en compte dans le cadre du présent appel.

 

  • [11] En ce qui concerne les observations écrites du demandeur, elles sont difficiles à comprendre. Il me faudrait conjecturer sur les arguments que le demandeur entend présenter. Ce qui est clair, toutefois, c’est que les observations n’indiquent pas que le protonotaire a fondé sa décision sur un mauvais principe ou une mauvaise appréciation des faits. Je conclus en effet que le demandeur n’a pas soulevé dans ses observations quelque argument qui mériterait une intervention de la Cour.

 

  • [12] Je suis convaincu que le protonotaire a recensé les principes de droit applicables aux circonstances de l’espèce et n’a pas commis d’erreur dans l’application de ces principes aux faits qui lui étaient présentés. Je conclus que l’ordonnance du protonotaire n’est pas entachée d’erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire aurait exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits. L’appel sera donc rejeté.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que l’appel soit rejeté.

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :  T-461-10

 

INTITULÉ :  DEAN SHAW c SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  LE JUGE BLANCHARD

 

DATE :  Le 26 mai 2010

 

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :

 

Dean Shaw

 

POUR LE DEMANDEUR

(sans avocat)

 

Jack Wright

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

s/o

 

POUR LE DEMANDEUR

(sans avocat)

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada 

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.