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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100526

Dossier : IMM-5439-08

Référence : 2010 CF 576

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 mai 2010

En présence de monsieur le juge Mainville

 

 

ENTRE :

OGHOMWEN UWADIA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Madame Oghomwen Uwadia (la demanderesse) présente une demande en application de l'article 72 et suivants de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi). La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de l’omission alléguée du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (les défendeurs) de permettre à la demanderesse de présenter une demande d'asile pour l'application de l'article 99 de la Loi et d'examiner la possibilité du renvoi d'une telle demande à la Section de la protection des réfugiés conformément à l'article 100 de la Loi.

 

[2]               La présente demande est rejetée pour les motifs énoncés ci-après. En bref, même si l'avocate de la demanderesse a présenté des arguments pertinents à l'appui de la demande de sa cliente, cette dernière n'a pas établi le fondement factuel sur lequel ces arguments reposent.

 

Le contexte

[3]               La demanderesse est une citoyenne du Nigéria, née le 26 novembre 1978. Elle est arrivée au Canada, à l'aéroport international de Toronto, le 8 novembre 2008 sans documents de voyage tel un passeport ou un visa. Elle a été par la suite interrogée par des agents de l'Agence des services frontaliers du Canada et une mesure d'exclusion a été prononcée contre elle le même jour.

 

[4]               La demanderesse et les agents de l'Agence des services frontaliers du Canada décrivent de façon très différente les faits qui se sont déroulés à l'aéroport international de Toronto.

 

[5]               La demanderesse affirme dans l’affidavit qu'elle a présenté à l'appui de sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire qu'elle a quitté le Nigéria pour échapper à un oncle qui lui infligeait des mauvais traitements. Elle soutient avoir obtenu les services d'un passeur italien connu sous le nom de « Steve » pour voyager du Nigéria au Canada. La demanderesse a payé les services de « Steve » au moyen de la cession du titre de propriété de la maison dont elle avait hérité de son père au Nigéria. Ainsi, elle prétend avoir quitté le Nigéria pour le Canada, en passant par l'Italie, le 7 novembre 2008 accompagnée de « Steve ». Elle a découvert [traduction] « à un certain moment au cours du voyage, que Steve avait disparu et avait pris [son] passeport avec lui » (le paragraphe 4 de l'affidavit de la demanderesse).

 

[6]               La demanderesse présente comme suit la description des faits qui se sont déroulés après son arrivée au Canada, aux paragraphes 5 et 6 de son affidavit :

                        [traduction]

5.         Lorsque je suis descendue d'avion, j'ai immédiatement fait face à des représentants canadiens qui étaient très en colère parce que je n'étais pas munie d'un passeport. J'ai été prise à part et placée dans une pièce où j’ai été questionnée périodiquement par jusqu'à cinq représentants différents. Je ne pouvais comprendre tout ce qui se disait mais j'ai conclu qu'ils ne croyaient pas que je n'avais pas de passeport. J'ai subi une fouille à nu et été interrogée de façon énergique pendant ce qui a semblé des heures. J'ai été accusée de mentir et menacée d'emprisonnement. J'avais très peur et je pleurais de manière incontrôlable et, de plus, je me sentais très malade, une chose que j'ai expliquée aux représentants.

 

6.         Finalement, un des représentants canadiens qui m'avait interrogée auparavant est arrivé avec un crayon et un calepin et m'a demandé si j'avais déjà été accusée d'un crime au Nigéria. Lorsque j'ai répondu que je ne l'avais pas été, il a affirmé que cela signifiait que je ne craignais pas de retourner au Nigéria et il m'a demandé d'écrire sur le papier, alors qu'il dictait [traduction] « Je suis venue au Canada pour travailler. » À un certain moment, on m'a demandé si j'avais besoin d'un interprète et j'ai répondu par la négative même si je ne savais pas ce qu'était un interprète à ce moment-là. De manière générale, je ne comprenais pas exactement ce qui se passait, je ne me sentais pas bien et j'avais très peur. Si j'avais su ce qu'était une demande d’asile ou si j'avais eu l'occasion de m'expliquer, j’aurais très certainement dit que j'étais venue au Canada pour demander l'asile.

 

[7]               Les agents de l'Agence des services frontaliers du Canada ont un souvenir très différent des faits.

 

[8]               L'agent Allen Milcic a procédé au contrôle de la demanderesse à l'aéroport international de Toronto peu après qu'elle fut arrivée au Canada sans être munie de documents de voyage. Il joint à son affidavit ses notes d'entrevue qui contiennent les questions suivantes qu’il a posées à la demanderesse, ainsi que les réponses de celle-ci :

                        [traduction]

[…]

                        Q. Avez-vous l'intention de demeurer au Canada temporairement ou en permanence?

                        R. Oui, en permanence.

 

                                    Q. Avez-vous déjà présenté une demande de résidence permanente au Canada?

R. Non.

 

[…]

 

Q. Craignez-vous de retourner dans votre pays?

R. Non.

 

Q. Seriez-vous exposée à un danger quelconque si vous retourniez au Nigéria?

R. Non.

 

Q. Si vous retourniez au Nigéria ce soir ou demain, est-ce que quelque chose vous arriverait?

R. Non.

 

Q. Vous a-t-on déjà refusé l'entrée dans un autre pays ou vous a-t-on déjà demandé de quitter un autre pays?

R. Non.

 

Q. Avez-vous déjà été déclarée coupable d’un crime ou d'une infraction dans un pays?

R. Non.

 

Q. Craignez-vous d'être persécutée dans un pays?

R. Non, non, non.

 

[…]

 

Q. Pourquoi venez-vous au Canada?

R. Pour travailler, pour aider ma maman.

 

[…]

 

Q. Pourquoi êtes-vous ici au Canada, vous n'avez pas demandé de visa de travail, vous n'êtes donc pas autorisée à travailler?

R. Je vous ai dit que je souhaitais aider ma famille.

 

Q. La seule raison pour laquelle vous êtes ici est pour travailler?

R. Oui.

 

Q. Avez-vous de l'instruction?

R. Ouais, j'ai terminé mon cours élémentaire et j'étais dans la classe 2 et mon père est mort et j’ai alors arrêté.

 

Q. Êtes-vous à l'aise de parler anglais?

R. Oui.

 

Q. Est-ce la langue principale que vous utilisez?

R. Oui.

 

Q. Pouvez-vous lire et écrire?

R. Pas beaucoup.

 

Q. Je désire que vous écriviez dans vos propres mots la raison pour laquelle vous êtes au Canada.

R. Je ne peux pas écrire. Je vous ai dit que j'ai terminé mon cours élémentaire. Je ne peux pas écrire avec des fautes d’orthographe.

 

Q. Écrivez dans vos propres mots la raison pour laquelle vous êtes au Canada. Peu importe si l'orthographe n'est pas parfaite.

R. Vous devez m'aider avec l'orthographe.

 

[…]

 

Q. Je désire confirmer une fois de plus que votre intention est de vivre au Canada et d'y travailler.

R. Oui.

 

Q. Je veux confirmer que vous n'aviez pas de crainte ou que vous n'avez pas de crainte de retourner au Nigéria.

R. Aucune crainte.

 

[…]

 

Q. Je vous demande encore une fois si vous comprenez que l'entrée au Canada vous est refusée et que vous êtes renvoyée au Nigéria?

R. Je comprends.

 

Q. Et cela vous convient?

R. Bien non, parce que je veux vivre et travailler au Canada parce que je veux subvenir aux besoins de la famille.

 

                        Q. Et c'est la raison pour laquelle vous êtes au Canada, pour trouver du travail et y vivre?

R. Oui.

 

Q. Avez-vous autre chose à ajouter?

R. Non.

 

[9]               Au cours de ce contrôle, la demanderesse a rempli et signé trois déclarations écrites. Dans la première déclaration, elle dit [traduction] « Je veux être interrogée en anglais. » Dans la deuxième déclaration, elle affirme [traduction] « Je suis venue au Canada pour travailler et aider ma famille, [mots incompréhensibles], je n'ai pas peur d'aller au Nigéria. P.S. si le pays peut m'aider, je serais heureuse pour moi et ma famille. Bien à vous. » La troisième et dernière déclaration est rédigée comme suit :

[traduction] Je suis ici au Canada parce que je veux aider ma mère et ma sœur. En 1993, mon père est mort assassiné, laissant ma mère avec huit enfants, mon oncle a évincé ma mère et les enfants de la maison, parce qu’elle avait des filles, si cela [incompréhensible] à faire pour aider ma mère, je le ferai.

 

 

[10]           Après le contrôle, la demanderesse s'est présentée devant Mme Maria Martins-Miller, la représentante du ministre qui a procédé à un réexamen et qui a alors prononcé une mesure d'exclusion à son encontre. Les notes de Mme Maria Martins-Miller jointes à son affidavit, ainsi que l’affidavit même, confirment qu'il a été de nouveau demandé à la demanderesse si elle souhaitait poursuivre son interrogatoire en anglais et qu'elle a répondu par l'affirmative. Les notes et l'affidavit affirment également qu'elle comprenait les allégations qui pesaient contre elle. De plus, à aucun moment au cours de l'entrevue avec Mme Maria Martins-Miller la demanderesse n'a fait savoir qu'elle craignait de retourner au Nigéria ou qu'elle souhaitait présenter une demande d'asile au Canada.

 

[11]           Une fois que la mesure d'exclusion a été prononcée contre elle, la demanderesse a été détenue. Elle a finalement obtenu les services d'un avocat. Elle a par la suite cherché à présenter une demande d'asile. Toutefois, cette demande a été réputée irrecevable en vertu du paragraphe 99(3) de la Loi, puisqu'elle faisait alors l'objet d'une mesure d'exclusion.

 

[12]           Enfin, M. Javier Cerda, surintendant de l'Équipe d'intervention au débarquement (la DART), Division opérations passagers et exécution de la loi, de l'Agence des services frontaliers du Canada au terminal 1 de l'aéroport international de Toronto confirme au moyen d'une preuve par affidavit qu'il est pratique courante de consigner par écrit les fouilles à nu. Aucune fouille à nu n'a été consignée par écrit ou autorisée à l'égard de la demanderesse. De plus, les fouilles à nu ont rarement lieu dans l’aire d'immigration des opérations et ces fouilles sont considérées comme une pratique très inhabituelle.

 

La position de la demanderesse

[13]           L'avocate de la demanderesse soutient que les défendeurs ont manqué à la justice naturelle et à l’équité procédurale, de même qu'aux obligations internationales du Canada, en ne donnant pas à la demanderesse l'occasion de présenter une demande d'asile. L'avocate de la demanderesse a également prétendu au départ que les défendeurs avaient violé les droits de la demanderesse garantis par la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) et contestait l'applicabilité du paragraphe 99(3) de la Loi pour ce motif. Aucun avis officiel de question constitutionnelle n'a été présenté et l'avocate de la demanderesse a expliqué lors des plaidoiries que l'argument fondé sur la Charte n'était pas une contestation directe d'une disposition précise de la Loi, notamment le paragraphe 99(3), mais était plutôt utilisé comme fondement sous-jacent à l'appui de ses arguments concernant la justice naturelle et l'équité procédurale.

 

[14]           L'avocate de la demanderesse reconnaît volontiers qu'il n'existe pas de jurisprudence sur le sujet, mais soutient que la conduite des agents au point d'entrée soulève une crainte raisonnable de partialité, puisque ceux-ci jouent un double rôle. Ils doivent à la fois garder les frontières du Canada et s'assurer que les personnes à protéger bénéficient d'une possibilité raisonnable de présenter leur demande d'asile. En l'espèce, des considérations liées à la protection des frontières ont donné lieu à une ligne de conduite qui a dans les faits empêché la demanderesse, par crainte ou autrement, de faire connaître sa demande d'asile avant que la mesure d'exclusion soit prise contre elle. Ce comportement équivalait à un manquement à la justice naturelle et à l'équité procédurale dans les circonstances de l'espèce. Lors des plaidoiries, l'avocate de la demanderesse a affirmé qu'il ne s’agissait pas d’une affaire dans laquelle la partialité institutionnelle était alléguée, les allégations de partialité étant limitées aux faits particuliers de l'espèce.

 

[15]           En outre, les articles 96, 97 et 99 de la Loi et les articles connexes ont été incorporés dans la Loi en exécution des obligations internationales du Canada. L'alinéa 3(2)b) de la Loi énonce expressément que l'un des objets de la Loi est de remplir les obligations en droit international du Canada relatives aux réfugiés.

 

[16]           En l'espèce, l'agent Milcic a reconnu lors du contre-interrogatoire sur son affidavit qu’il [traduction] « montait une preuve » contre la demanderesse. Cette attitude relative à l'exécution de la loi est compatible avec les obligations internationales du Canada et les droits de la demanderesse garantis par la Charte, notamment le droit à la sécurité de sa personne garanti par l'article 7 et auquel il ne peut être porté atteinte qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. La demanderesse aurait dû être traitée avec un plus grand respect et avec plus de sensibilité à l'égard de ses besoins comme demandeure d'asile potentielle.

 

[17]           Dans la présente affaire, les agents auraient dû se préoccuper de la possibilité de questions relatives à la protection dès que la demanderesse a dit que son père avait été assassiné. Les agents ont plutôt traité la demanderesse comme une migrante économique sans égard à ses besoins en tant que personne à protéger.

 

[18]           De plus, même si les services d'un interprète étaient facilement accessibles à l'agent qui a effectué le contrôle, la demanderesse a uniquement été questionnée en anglais, une langue dans laquelle elle n'était pas tout à fait à l'aise et qu'elle ne comprenait pas très bien. De toute évidence, la demanderesse comprenait un peu l'anglais, mais les agents auraient dû être plus sensibles à ses besoins et à ses difficultés linguistiques avant de lui poser des questions. En l'espèce, la demanderesse a plus tard déclaré dans son témoignage qu'elle ne comprenait pas la signification du mot [traduction] « persécution » et, en conséquence, les réponses qu'elle a fournies aux agents lors de l'entrevue à l'aéroport sur le sujet de la persécution étaient erronées. La situation a été aggravée par l'expérience épouvantable qu'a subie la demanderesse de la part de l’Agence des services frontaliers du Canada.

 

La position des défendeurs

[19]           Pour les défendeurs, la seule question de fond en l'espèce est la question de savoir si la demanderesse a prouvé les allégations de conduite non professionnelle de la part des agents. Les défendeurs affirment que, dans la présente instance, le témoignage de la demanderesse est contradictoire, n'est pas très logique et n'est pas étayé par le dossier. En bref, la demanderesse n'est pas un témoin particulièrement digne de foi et aucun poids ne devrait être accordé à sa version des faits menant à la mesure de renvoi. Les défendeurs soutiennent que la demanderesse présente le scénario classique de la personne qui, n'ayant pas réussi à présenter une demande d'asile lors de l'entrevue au point d'entrée, revient plus tard avec une version [traduction] « améliorée » de son récit, incluant de nouvelles allégations de persécution. Les défendeurs sollicitent donc le rejet du contrôle judiciaire avec dépens, compte tenu du comportement inacceptable de la demanderesse.

 

[20]           Les défendeurs avancent que même si la demanderesse soutient dans son affidavit qu'elle a subi une fouille à nu, elle a par la suite modifié son histoire lors du contre-interrogatoire. Compte tenu de la grande quantité d'éléments de preuve montrant qu’une fouille à nu n'a jamais eu lieu, la demanderesse prétend maintenant avoir simplement subi une fouille au moyen d'un scanneur et une fouille par palpation alors qu'elle était vêtue d’un t-shirt et d'un slip.

 

[21]           La demanderesse présente un récit concernant la cession du titre de propriété d'une maison à son passeur « Steve », mais insiste qu'elle ne connaît pas le nom de famille de « Steve », une affirmation incroyable de la part d'une personne qui a signé un titre de propriété avec « Steve » et qui doit certainement contenir son nom complet.

 

[22]           La demanderesse a clairement affirmé qu'elle pouvait répondre aux questions en anglais lors des entrevues à l'aéroport et les agents qui l'ont interviewée ont tous déclaré dans leur témoignage qu'elle comprenait l'anglais. Toutefois, la demanderesse soutient maintenant qu'elle possède une connaissance insuffisante de la langue anglaise, tentant ainsi d'escamoter les réponses qu'elle a fournies lors de ces entrevues et qui ne lui servent plus aux fins de ses nouvelles allégations de personne à protéger.

 

[23]           La conclusion incontestable à tirer de toutes ces incohérences et contradictions est que la demanderesse n'est tout simplement pas crédible.

 

[24]           De plus, comme la Cour l'a affirmé dans Mitchell c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 918, [2008] A.C.F. no 1147 (QL), l'article 7 de la Charte n'entre pas en jeu au stade de l'examen de la recevabilité. Ceci est compatible avec la jurisprudence qui a conclu que l'article 7 de la Charte n'entre pas en jeu lorsqu'il existe d'autres recours dans le cadre desquels les allégations de risques peuvent être examinées avant un renvoi. En l'espèce, la demanderesse est admissible à un examen des risques avant renvoi en vertu de la Loi, dans le cadre duquel toutes ses allégations de risques peuvent être traitées avant son renvoi. En conséquence, aucun argument fondé sur la Charte n'entre en jeu en l'espèce.

 

Les dispositions légales applicables

[25]           Les alinéas 3(2)a), b), c) et e), les paragraphes 11(1) et 18(1), l'alinéa 41a) et les paragraphes 44(1) et (2), 99(3) et 112(1) de la Loi sont rédigés comme suit :

 

 

 

 

Analyse

[26]           Bien que l'avocate de la demanderesse soulève des arguments intéressants et bien formulés concernant les principes de justice naturelle et l’équité procédurale, de même que concernant le lien entre la Charte et les mesures préliminaires prises en vertu de la Loi et menant à la décision relativement à une demande d'asile, il ne sera pas nécessaire d'examiner ces arguments.

 

[27]           Dans la présente affaire, la demanderesse n'a pas établi le fondement factuel des questions juridiques présentées par son avocate.

 

[28]           En bref, la prétention de la demanderesse selon laquelle elle ne comprenait pas suffisamment la langue anglaise pour répondre correctement aux questions qui lui étaient posées à l'aéroport international de Toronto n'est tout simplement pas défendable. En outre, le dossier dont je suis saisi ne contient aucun élément de preuve montrant que la demanderesse se trouvait en quelque sorte dans une [traduction] « situation épouvantable » qui a entravé sa capacité de présenter une demande d’asile lors des entrevues menées par les agents de l’Agence des services frontaliers du Canada.

 

[29]           Sur la foi du dossier qui m'est présenté, la demanderesse a clairement reconnu devant les agents intéressés qu'elle était une migrante économique et qu’elle n'avait aucune crainte de retourner au Nigéria. Dans une telle situation, les agents ont agi de façon appropriée et raisonnable lorsqu'ils ont préparé et prononcé une mesure d'exclusion contre elle. Les prétentions que la demanderesse peut maintenant avoir concernant le risque qu'elle allègue si elle retournait au Nigéria seront examinées au moyen des mécanismes prévus par la Loi, notamment la procédure d'examen des risques avant renvoi.

 

[30]           En l'espèce, la demanderesse a versé un montant important à un passeur pour entrer au Canada et est arrivée à l'aéroport international de Toronto sans aucun document de voyage. Son vol est arrivé à environ 15 h, le 8 novembre 2008, et son entrevue avec l'agent Milcic, qui a finalement donné lieu à la mesure d'exclusion prise contre elle, a pris fin à 17 h 10. Au cours de cette période relativement courte, la demanderesse a dû descendre de l'avion, se mettre en file avec tous les autres passagers pour un premier contrôle. Puisque la demanderesse n'avait aucun document, elle a été déférée à un autre contrôle. Les agents ont dû fouiller l'avion à la recherche de ses documents et lui ont fait subir par la suite une fouille par scanneur, toujours à la recherche des documents de voyage manquants. La demanderesse a ensuite été interviewée par l'agent Milcic.

 

[31]           Il est tout simplement inconcevable que la demanderesse ait pu s'imaginer franchir les contrôles de la frontière canadienne sans être questionnée. L'allégation selon laquelle elle a subi une expérience [traduction] « épouvantable » n'a tout simplement pas été démontrée. Elle est arrivée à l'aéroport sans documents et manifestement à titre de migrante illégale. Les agents de l'Agence des services frontaliers du Canada avaient l'obligation de la questionner et de vérifier le but dans lequel elle tentait d'entrer au Canada. Je conclus, au vu du dossier dont je suis saisi, que les agents ont accompli leurs fonctions d’une façon appropriée et équitable.

 

[32]           Tout d'abord, en ce qui concerne l'allégation de fouille à nu, le dossier montre de façon concluante que la demanderesse n'a fait l'objet d'aucune fouille à nu. La demanderesse l'a elle-même reconnu lors de son contre-interrogatoire. La demanderesse a dû enlever certains articles qu'elle portait par-dessus ses vêtements pour passer au scanneur, ce qui ne semble pas être une opération plus intrusive que ce à quoi tous les passagers de vols internationaux sont habitués. Une telle fouille est raisonnable et aucune question constitutionnelle n'entre en jeu (Dehghani c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l’Immigration), [1993] 1 R.C.S. 1053, aux pages 1071 à 1074 et 1077.

 

[33]           La prétention de la demanderesse selon laquelle elle ne comprenait pas suffisamment l'anglais à l'occasion de l'entrevue avec l'agent Milcic contredit le dossier dont je suis saisi. La preuve au dossier montre que les services d'un interprète ont été offerts à la demanderesse, qui a refusé cette offre, préférant que l'entrevue se déroule en anglais. L'agent Milcic et la représentante du ministre Maria Martins-Miller confirment tous deux qu'ils n'ont eu aucune difficulté à communiquer oralement avec la demanderesse en anglais, qui leur a de plus confirmé qu'elle comprenait ce qui lui était dit en anglais. Je souligne que la demanderesse n'a pas contesté l'affidavit de Mme Maria Martins-Miller.

 

[34]           Par conséquent, je n'accepte pas que la demanderesse ne comprenait pas les questions qui lui étaient posées à l'aéroport. Toutefois, même si je devais accepter, comme le prétend la demanderesse, qu'elle ne comprenait pas la signification du mot [traduction] « persécution », cela n’expliquerait toujours pas la raison pour laquelle la demanderesse a répondu [traduction] « non » aux nombreuses questions simples qui lui ont été posées quant à savoir si elle craignait de retourner au Nigéria.

 

[35]           La demanderesse soutient que l'agent Milcic n'a pas été assez sensible à sa situation à titre de réfugiée potentielle. Cependant, l'agent Milcic a demandé au moins cinq fois à la demanderesse si elle avait quelque crainte de retourner au Nigéria et elle a répondu [traduction] « non » à chaque question. De plus, la demanderesse elle-même a confirmé par écrit qu'elle ne craignait pas de retourner au Nigéria. Dans ce contexte, je n'arrive pas à comprendre comment l'agent Milcic aurait pu faire preuve d'une plus grande [traduction] « sensibilité » à l'égard de la demanderesse pour vérifier si elle avait une telle crainte.

 

[36]           L'avocate de la demanderesse critique le témoignage de l'agent Milcic selon lequel il [traduction] « montait une preuve » contre la demanderesse, mais l'avocate utilise cette déclaration hors de son contexte. La demanderesse a clairement informé l'agent Milcic qu'elle était une migrante économique sans documents de voyage qui tentait d'être admise au Canada pour y travailler et non par crainte. La réponse de l'agent Milcic à la question qui lui a été posée était la suivante (contre-interrogatoire d’Allen Milcic, à la page 44, question 138) :

[traduction]

Q.        Ainsi vous montiez un dossier concernant Mme Uwadia lorsque vous l'interrogiez?

 

R.         Tout à fait, je montais un dossier, Madame. Elle est arrivée au Canada sans documents. Je devais l'interroger pour en connaître la raison. Il fallait que je comprenne pourquoi, et compte tenu de ses réponses, j'ai eu le sentiment de la possibilité d'une mesure d'exécution. Je devais monter un dossier de la manière la plus appropriée possible avec le plus d'informations possible, pour que lorsqu'un représentant du ministre prendrait une décision, il pourrait prendre une décision tout à fait éclairée.

 

Les actions prises par l'agent étaient appropriées dans les circonstances de l'espèce et, compte tenu de ce qui précède, je ne puis constater aucun manquement à la justice naturelle ou à l'équité procédurale, pas plus que je ne puis constater de partialité dans la manière dont l'agent a traité le cas de la demanderesse. L'agent exécutait tout simplement ses fonctions.

 

[37]           La demanderesse fait de plus valoir que puisqu'elle a fait savoir que son père avait été assassiné, cela aurait dû susciter chez les agents des préoccupations quant à la possibilité d'un besoin de protection. J'estime que cet argument est sans fondement. La demanderesse a affirmé que son père avait été assassiné en 1993, soit quinze ans avant son arrivée au Canada. En outre, la déclaration écrite de la demanderesse, dans laquelle elle a affirmé que son père avait été assassiné, a été écrite après qu'elle eut déclaré à plusieurs reprises qu'elle n'avait aucune crainte de retourner au Nigéria. La conclusion tirée par l'agent Milcic était tout à fait raisonnable et pertinente comme le montre son contre-interrogatoire (contre-interrogatoire d’Allen Milcic, à la page 45, question 140) :

[traduction]

Q.        Ainsi, malgré que vous ayez vu à la page 22 du DCT qu'elle avait écrit « Mon père est mort assassiné », vous n'avez pas pensé à la possibilité qu'elle pourrait craindre de retourner au Nigéria?

 

R.         Non, Madame. Je lui ai donné toutes les occasions de m'expliquer si elle avait une crainte quelconque de retourner au Nigéria. Alors, entre le fait que cela a eu lieu il y a 15 ans et le fait qu'elle m'a dit à plusieurs occasions qu'elle n'avait absolument aucune crainte de retourner au Nigéria, qu'elle n'avait rien à craindre, qu'elle n'était pas persécutée et que rien ne lui arriverait si elle retournait au Nigéria, j'ai tiré la seule conclusion possible et cette conclusion était qu'elle n'avait aucune crainte de retourner au Nigéria.

 

[38]           La Cour suprême du Canada a déclaré dans plusieurs arrêts que les obligations imposées par le devoir d'agir équitablement varient selon les circonstances (Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653, à la page 682; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 21.

 

[39]           En l'espèce, l'Agence des services frontaliers du Canada était en présence d'une étrangère qui avait tenté manifestement d'entrer au Canada sans documents et avec l'aide avouée d'un passeur. Je ne suis saisi d'aucun élément de preuve donnant à penser que les agents de l'Agence des services frontaliers du Canada ont agi irrégulièrement soit lorsqu'ils ont fouillé la demanderesse, soit lorsqu'ils l’ont interrogée. Des services d'interprétation ont été offerts à la demanderesse qui les a refusés, préférant poursuivre en anglais. La demanderesse parlait en anglais avec les agents d'une manière qui n'a soulevé aucune préoccupation de leur part quant à sa capacité de communiquer en anglais. À plusieurs reprises, on a demandé à la demanderesse si elle avait quelque crainte de retourner au Nigéria et celle-ci a toujours répondu par la négative. À plusieurs reprises on a demandé à la demanderesse la raison pour laquelle elle venait au Canada et elle a toujours répondu que c'était pour travailler afin d'aider sa famille.

 

[40]           Dans ces circonstances, les faits de l'espèce ne peuvent soutenir l'argument selon lequel il y a eu manquement à la justice naturelle ou à l'équité procédurale ou selon lequel un droit garanti par la Constitution a été autrement violé ou enfreint. En conséquence, il n'est pas nécessaire que j'examine plus avant les questions de droit soulevées par l'avocate de la demanderesse, et je ne prends donc aucune position à l'égard de ces questions qui devront faire l'objet d'une décision, le cas échéant, dans une autre affaire montrant le fondement factuel approprié.

 

La demande des dépens

[41]           Les défendeurs sollicitent les dépens à l'encontre de la demanderesse. Selon leur position, la demanderesse a créé un retard inutile pour son contre-interrogatoire en exigeant un interprète edo à la dernière minute, bien que son affidavit ait été rédigé en anglais sans l'assistance d'un interprète. En conséquence, la demanderesse devrait assumer les dépenses inutiles d'une journée de contre-interrogatoire et les frais de transcription connexes qu’a entraînés son insistance d'obtenir un interprète, alors que la situation montrait clairement qu'elle comprenait l'anglais aux fins des paragraphes 80(2.1) et 93(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106.

 

[42]           La demanderesse soutient qu'en vertu de l'article 22 des Règles des cours fédérales en matière d'immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22, sauf ordonnance contraire rendue par le juge pour des raisons spéciales, une demande de contrôle judiciaire présentée en application des articles 72 et suivants de la Loi ne donne pas lieu à des dépens. Il n'existe pas de raisons spéciales en l'espèce.

 

[43]           Le désaccord concerne essentiellement la désignation de la partie qui devrait assumer la responsabilité financière des frais d'un interprète lorsque l'auteur d'un affidavit est contre-interrogé. Il est utile de mentionner que la demanderesse a présenté un affidavit rédigé en anglais à l'appui de sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire. Les défendeurs ont donc souhaité la contre‑interroger, mais quelques jours avant la date fixée pour le contre-interrogatoire, la demanderesse a insisté pour avoir accès à un interprète edo. Les défendeurs ont jugé cette demande abusive, tandis que la demanderesse estimait qu'elle avait droit à un interprète. Les défendeurs ont finalement obtenu les services d'un interprète edo, sous réserve de la possibilité de demander les dépens.

 

[44]           Les deux parties conviennent qu'il n'existe pas de jurisprudence sur ce sujet.

 

[45]           Le paragraphe 4(1) des Règles des cours fédérales en matière d'immigration et de protection des réfugiés prévoit que les paragraphes 80(2.1) et 93(1) des Règles des Cours fédérales s'appliquent à la présente instance. Ces paragraphes des Règles des Cours fédérales sont rédigés comme suit :

 

 

 

 

[46]           La demanderesse a présenté un affidavit en langue anglaise sans formule d'une assermentation faite par le truchement d'un interprète. Lorsque la demanderesse a affirmé qu'elle avait besoin d'un interprète pour être contre‑interrogée sur son affidavit (un besoin soulevé seulement quelques jours avant la date fixée au départ pour son contre‑interrogatoire), les défendeurs ont alors soulevé la question de la validité de son affidavit. En effet, si la demanderesse ne comprenait pas l'anglais, son affidavit qui n'était pas accompagné d'une assermentation faite par le truchement d'un interprète, aurait peu de poids, sinon aucun (Momcilovic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 998, [2001] A.C.F. no 1375 (QL), au paragraphe 6; Liu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 375, 231 F.T.R. 148, [2003] A.C.F. no 525 (QL), au paragraphe 3; Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 315, [2006] A.C.F. no 387 (QL), au paragraphe 44; Tkachenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1652, [2005] A.C.F. no 2105 (QL), au paragraphe 8.

 

[47]           Devant cette situation, la demanderesse a par la suite soutenu qu'elle comprenait en effet l'anglais, mais pas suffisamment pour un contre‑interrogatoire. Elle a également ajouté que son affidavit lui avait été traduit en langue edo par [traduction] « quelqu'un » qui n'a pas été nommé et qui n'était pas compétent pour signer une formule de serment à titre d'interprète. Le fait que cet interprète non compétent n'a jamais été identifié et n'a jamais témoigné est quelque peu troublant. De plus, la demanderesse aurait pu présenter un nouvel affidavit corrigé, accompagné de la formule d'une assermentation faite par le truchement d'un interprète, comme cela a été autorisé dans Fibremann Inc. c. Rocky Mountain Spring (Icewater 02) Inc., 2005 CF 977, [2005] A.C.F. no 1238 (QL). Mais elle ne l'a jamais fait.

 

[48]           La conclusion inéluctable est que la demanderesse a signé son affidavit en anglais parce qu'elle comprenait suffisamment bien cette langue pour le faire. Cela est en outre tout à fait compatible avec tous les autres éléments de preuve au dossier montrant que la demanderesse comprenait l'anglais et pouvait communiquer adéquatement dans cette langue avec les agents de l'Agence des services frontaliers du Canada à son arrivée au Canada.

 

[49]           La question est donc de savoir si les défendeurs étaient tenus d'assumer les frais d'un interprète pour contre‑interroger la demanderesse sur son affidavit, si celle-ci exigeait les services d'un interprète par préférence plutôt que par nécessité. À mon avis, si la demanderesse préférait être assistée par un interprète pour son contre-interrogatoire, dans les circonstances particulières de l'espèce, elle avait la responsabilité d'obtenir ces services.

 

[50]           Les défendeurs ont estimé les frais de l'interprète à 250 $ et l’avocate de la demanderesse n'a pas contesté cette estimation. En conséquence, la question en l'espèce est de savoir si une ordonnance d'adjudication des dépens pour ce montant devrait être prononcée contre la demanderesse. L'article 22 des Règles des cours fédérales en matière d'immigration et de protection des réfugiés limite expressément les ordonnances d'adjudication des dépens :

 

 

 

 

[51]           Les dépens sont donc exceptionnels dans le cas des demandes de contrôle judiciaire présentées en vertu de la Loi, et ils ne peuvent être adjugés que pour des raisons spéciales. Je conclus qu'aucune raison spéciale n'a été établie en l'espèce pour justifier une telle adjudication.

 

[52]           En l'espèce, les défendeurs auraient pu présenter une requête à la Cour lui demandant de se prononcer sur la question des services d’interprète avant de procéder au contre-interrogatoire de la demanderesse. Les défendeurs ont plutôt décidé de contre‑interroger la demanderesse avec un interprète dont les services ont été retenus à leurs propres frais. Dans un tel cas, je ne suis pas enclin à leur adjuger maintenant des dépens pour des frais qui auraient pu être évités si une requête demandant à la Cour de statuer sur la question avait été présentée avant l'engagement de ces frais.

 

La certification d'une question

[53]           Tant la demanderesse que les défendeurs ont convenu que le présent contrôle judiciaire ne comportait aucune question grave de portée générale à certifier. Néanmoins, certaines questions juridiques soulevées par la demanderesse auraient pu justifier une certification en vertu de l'alinéa 74d) de la Loi. Cependant, l'absence du fondement factuel approprié qui aurait permis de débattre de ces questions m'amène à conclure qu'aucune question ne doit être certifiée.


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Robert M. Mainville »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5439-08

 

 

INTITULÉ :                                       OGHOMWEN UWADIA c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 13 mai 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MAINVILLE

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 26 mai 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Wennie Lee

 

POUR LA DEMANDERESSE

Jamie Todd

Manuel Mendelzon

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lee & Company

Immigration Advocacy, Counsel & Litigation

North York (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LES DÉFENDEURS

 

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