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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20100520

Dossier : IMM-5572-09

Référence : 2010 CF 557

Montréal (Québec), le 20 mai 2010

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

WILLY ELIEU DOMINGUEZ

partie demanderesse

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

partie défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               En 1984, le demandeur, citoyen du Guatemala, fait une demande d’asile au Canada, alléguant craindre l’armée, mais retourne dans son pays avant l’audition en raison, dit-il, de l’état de santé de son père. La demande d’asile est rejetée.

 

[2]               De retour au Guatemala, il est ordonné prêtre en 1990. En 2003, il est assigné prêtre de la paroisse de St-Pierre et St-Paul, où il y avait des conflits. Il reçoit des menaces de mort. Quelqu’un tire des coups de feu sur l’église. Le 20 février 2008, il est enlevé par quatre personnes. Il est hospitalisé pendant deux jours. Il part se cacher à Quetzaltenango. Il apprend que les Maras (des gangs) sont à sa recherche. Il décide de quitter à nouveau le pays.

 

[3]               En avril 2008, le demandeur revient au Canada et y demande l’asile une deuxième fois, après avoir passé deux jours aux États-Unis sans y demander la protection.

 

[4]               Le tribunal a conclu à l’absence de crainte subjective, ainsi qu’au défaut du demandeur d’avoir renversé la présomption de protection étatique. Il s’agit d’un contrôle judiciaire de cette décision.

 

LES QUESTIONS

[5]               Il faut examiner les deux questions suivantes :

a.       La conclusion d’absence de crainte subjective.

b.      La conclusion que le demandeur n’a pas réfuté la présomption de protection de l’État.

 

LA CRAINTE

[6]               La jurisprudence établit clairement que la crainte de persécution d’un demandeur d’asile doit comporter deux éléments. Le demandeur doit avoir une crainte subjective et, de plus, il doit y avoir un fondement objectif pour cette crainte. Étant donné que M. Dominguez avait de la famille au Canada et était simplement passé à travers les États-Unis, je doute de la validité de la conclusion de la SPR que le fait qu’il n’ait pas demandé l’asile aux États-Unis indique qu’il n’avait pas de crainte subjective. Cependant, il n’est pas nécessaire d’examiner cet aspect de la décision étant donné que je suis satisfait que la conclusion que M. Dominguez n’avait pas réfuté la présomption de protection étatique fût raisonnable.

 

LA PROTECTION DE L’ÉTAT

[7]               À titre préliminaire, l'avocat du ministre s'est opposé à l'allégation dans le mémoire du demandeur que « [l]e Président actuel du Guatemala a été accusé directement de l’assassinat d’un Avocat… », au motif que ce prétendu fait n’était pas devant le tribunal.

 

[8]               Sauf dans des circonstances qui ne s’appliquent pas ici, une révision judiciaire est basée sur le dossier du tribunal dont la décision est sous contrôle. L’avocat de M. Dominguez a admis que cette allégation n’avait pas été soumise au tribunal et donc, je ne vais pas en tenir compte.

 

[9]               Le tribunal a conclu que M. Dominguez n’a fait aucun effort raisonnable pour demander la protection de l’État au Guatemala. Cette constatation est tout à fait raisonnable. Cependant, la prochaine question est de déterminer ce qu’il se serait probablement produit s’il avait demandé la protection du Guatemala.

 

[10]           M. Dominguez soumet que c’était une décision optimiste dans le sens que bien que le tribunal ait reconnu qu’il y avait beaucoup de problèmes de corruption, il n’a pourtant pas analysé les éléments de corruption.

 

[11]           À mon avis, il était loisible au tribunal d’arriver à la conclusion qu’il a tirée concernant la protection étatique. Par exemple, comme le soutient le ministre :

22.       La preuve documentaire au dossier confirme que malgré les nombreux problèmes liés au crime et au comportement des policiers au Guatemala, les autorités font des efforts pour combattre les gangs de rue et améliorer le système judiciaire, dont :

 

·        Des condamnations contre des policiers ayant tué des membres de gangs de manière extrajudiciaire;

 

·        Un taux élevé d’incarcération pour les membres de gangs;

 

·        Des descentes et opérations antigangs dans des quartiers à haute criminalité, malgré certains problèmes dans le comportement des policiers à l’égard des suspects;

 

·        Des centaines d’arrestations de membres de gangs, provoquant le déplacement territorial des activités de ces bandes;

 

·        Une augmentation du nombre d’accusations pour meurtre;

 

·        Plus d’équipement permettant au Ministère public d’enquêter les crimes;

 

·        Le déploiement de soldats de l’armée guatémaltèque pour assister les forces policières ayant du mal à contrôler les gangs de rue;

 

·        L’appui logistique des services secrets militaires à la police pour retrouver des membres des bandes criminelles;

 

·        Une collaboration avec plusieurs entités étatiques canadiennes, comprenant le gouvernement canadien, la Law Courts Education Society, le gouvernement de Colombie-Britannique et la Gendarmerie royale du Canada, afin d’améliorer le système judiciaire criminel guatémaltèque.

 

[12]           Bien que la protection étatique ne soit peut-être pas parfaite, la conclusion qu’elle était adéquate n’était pas déraisonnable au sens donné par Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 S.C.R. 190. Le demandeur demande à cette Cour de réévaluer la preuve. Il serait inapproprié de le faire.

 


JUGEMENT

PAR CES MOTIFS;

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  L’affaire ne soulève aucune question grave de portée générale à certifier.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5572-09

 

INTITULÉ :                                       Willy Elieu Dominguez c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 19 mai 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      le 20 mai 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Oscar Fernando Rodas

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Bassam Khouri

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Oscar Fernando Rodas

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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