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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100521

Dossier : IMM-5102-09

Référence : 2010 CF 558

Ottawa (Ontario), le 21 mai 2010

En présence de Monsieur le juge de Montigny

 

ENTRE :

SAMSON LAWAL

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’Immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi ou la LIPR), d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’Immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 23 septembre 2009, par laquelle la demande d’asile du demandeur a été refusée.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, j’ai déterminé que la demande contrôle judiciaire doit être rejetée.

 

I.          Les faits

[3]               Le demandeur est un citoyen du Nigéria de 44 ans qui a quitté son pays d’origine en 1991 pour les États‑Unis (les É.‑U.). Il n’est retourné au Nigéria que lorsqu’il a été expulsé en 2007, après être devenu résident clandestin aux É.‑U. en 2003.

 

[4]               Pendant son séjour aux É.-U., le demandeur a eu quatre enfants avec une conjointe de fait, avec laquelle il a vécu de 1993 à 2005. En 1997, il a été reconnu coupable de faux et de fraudes aux É.-U. et il a été condamné à cinq ans de probation, qu’il a purgés sans incident.

 

[5]               Le demandeur a déclaré que, peu après son retour au Nigéria en 2007, il avait rejoint son père au sein du parti politique Action Congress (AC) à titre d’organisateur. Le demandeur a affirmé que, le 13 avril 2007, la maison de sa famille avait été incendiée pendant son absence par des hommes de main liés au parti au pouvoir, le People’s Democratic Party (le PDP). Sa sœur serait décédée dans l’incendie. Le demandeur a aussi déclaré que deux jours plus tard, il avait été enlevé puis torturé pendant deux jours par des hommes de main du PDP. La police n’aurait rien fait lorsqu’il a signalé l’incident. Comme il se sentait menacé, le demandeur a fui le Nigéria et a demandé l’asile au Canada le 26 novembre 2007. Pour entrer au Canada, le demandeur a présenté un passeport américain au nom de « Vincent Curry » qu’il n’a pas caché être un faux. Le demandeur a aussi affirmé que son père avait échappé à la persécution politique en fuyant en Afrique du Sud. Pour conclure, le demandeur a déclaré que des amis l’avaient informé en mars 2009 que la police était à sa recherche sous prétexte qu’il serait membre de l’Oodua People’s Congress (l’OPC).

 

II.         La décision contestée

[6]               La Commission a rejeté la demande du demandeur en l’espèce après avoir conclu qu’il n’était pas crédible. D’après les motifs de la Commission, le demandeur avait fait de nombreuses déclarations invraisemblables et incohérentes. Les contradictions relevées par la Commission sont les suivantes :

A.        La Commission a jugé contradictoire le fait que le demandeur ait indiqué dans son Formulaire de renseignements personnels (le FRP) modifié qu’il s’était engagé dans des activités politiques très tôt dans la vie, avant de quitter le Nigéria, alors qu’il avait déclaré dans sa déposition orale que ses seules premières participations à des activités politiques avaient été d’aider sa mère à servir des repas et des boissons aux associés politiques de son père.

B.         De plus, en ce qui concerne les activités politiques de sa famille, il a expliqué dans son FRP modifié que son père appuyait le défunt chef Awolowo lorsque le National Party of Nigeria (le NPN) avait écarté ce dernier de la présidence en 1978. À l’audience, lorsqu’on l’a questionné au sujet du parti que son père recevait à leur résidence, il a répondu qu’il s’agissait du NPN et a expressément précisé qu’il voulait bien dire le « National Party of Nigeria ».

C.        La Commission a interrogé le demandeur quant à sa participation à la campagne électorale de l’AC en 2007. La Commission a jugé invraisemblable que le demandeur soit retourné au Nigéria en février, se soit joint à l’AC en mars, puis soit devenu organisateur et orateur à l’occasion de grands rassemblements politiques tenus dans le cadre des élections d’État prévues à Lagos pour le 14 avril 2007 et dans le cadre des élections fédérales prévues pour le 21 avril 2007. La Commission a remis en question l’empressement du parti à nommer un nouveau membre à un poste important. Selon le demandeur, c’est parce qu’il avait appuyé financièrement le parti en 2006 et que le parti s’intéressait à ses expériences aux É.-U. Le tribunal a toutefois jugé que cette explication était improbable, puisque la seule chose que le demandeur a pu dire à propos de l’expertise qu’il prétendait avoir se résumait à ce qu’il était d’avis que les Américains tenaient des élections de manière à ce que la population exerce son pouvoir dans le cadre d’un processus libre et juste. Selon la Commission, il ne s’agissait pas d’une information inédite pour la plupart des Nigérians modérément informés et il était peu probable que cette information présente un intérêt particulier dans le contexte intense d’une élection au Nigéria. La Commission a de plus souligné que le demandeur n’avait fourni aucune preuve de son supposé soutien financier en 2006.

D.        La Commission s’est interrogée à savoir dans quelle mesure le demandeur était devenu une figure politique assez importante pour être ciblé après tout ce temps. D’après le demandeur, ce serait le cas puisqu’il s’agit de la façon de faire typique au Nigéria. Lorsqu’on lui a rappelé que les hommes de main du PDP ne pouvaient pas et n’allaient pas tuer tous ceux qui appuyaient l’AC, le demandeur a répondu que son père était très connu, que la maison de sa famille avait été incendiée et qu’il s’était adressé à la police pour obtenir une protection. La Commission a toutefois jugé que le profil politique de son père ne ferait pas du demandeur une cible, particulièrement si tôt après une absence de 16 ans. Il était plutôt raisonnable de croire que son père serait une cible. De plus, compte tenu de la corruption et de l’inefficacité notoire de la police nigériane, le fait que le demandeur ait signalé ses problèmes à la police ne constituerait pas une menace pour les hommes de main du PDP à Lagos.

E.         La Commission a souligné qu’à la lecture du récit relaté dans le FRP, on pourrait croire que le demandeur avait été enlevé et détenu pendant deux jours. Toutefois, l’affidavit fourni par le demandeur mentionne plutôt qu’il aurait été « suivi et enlevé sur l’autoroute [...] où il [aurait] été battu puis abandonné ».

F.         Le demandeur a déclaré dans le récit relaté dans son FRP que quelques jours après que la maison de sa famille ait été incendiée, « des hommes de main [étaient] venus » et l’[avaient] enlevé ». Cependant, il a aussi prétendu qu’il était déménagé sur la rue Freemen à Lagos le 14 avril et qu’il y avait habité jusqu’à ce qu’il quitte le Nigéria. Il ne faut pas manquer de rappeler qu’il avait aussi affirmé avoir travaillé comme commerçant autonome du 30 février au 1er novembre 2007 à Lagos. La Section de la protection des réfugiés (SPR) a relevé que la déposition du demandeur différait du récit relaté dans son FRP. Le demandeur avait précisé qu’il avait été enlevé le 15 avril et qu’il avait commencé à envisager de quitter le Nigéria vers la mi-mai.

G.        Comme il possédait déjà un passeport nigérian, on lui a demandé pourquoi il n’avait pas tout simplement quitté le pays à ce moment, ce à quoi le demandeur a répondu qu’il se cachait. Il a ajouté qu’il croyait que les hommes de main du PDP et la police étaient à sa recherche et qu’il ne pouvait donc pas transiter par l’aéroport sous son vrai nom car « il y [avait] des policiers partout ». La SPR a toutefois souligné que si le demandeur avait pu vivre au même endroit de la mi-avril à novembre, et qu’il avait été en mesure de travailler comme commerçant autonome pendant cette période, on ne pouvait dire qu’il tentait de se cacher.

H.        Bien que, techniquement, le demandeur ait fait sa demande d’asile au point d’entrée, il l’a fait parce qu’on lui a posé des questions au sujet de ses documents de voyage frauduleux avant de quitter l’avion. En fait, les notes du délégué du ministre à la Commission étaient formulées comme suit :

[Traduction] Le sujet a été arrêté par les membres de l’équipe de débarquement qui avaient des préoccupations quant à la validité du passeport américain en sa possession. Il a reconnu durant le présent processus d’examen que, s’il était entré au Canada sans se faire remarquer, il se serait rendu jusqu’aux États‑Unis afin de tenter d’y entrer.

 

Lorsqu’on lui a demandé pourquoi l’agent aurait consigné cette déclaration dans son rapport, le demandeur a d’abord nié avoir fait cette déclaration et a plus tard affirmé ne pas savoir pourquoi le délégué avait consigné une telle déclaration dans son rapport. La Commission a accordé plus de poids au récit de l’agent d’immigration plutôt qu’au témoignage du demandeur qui, par son comportement, avait précédemment démontré l’intention de déformer la vérité. De plus, l’agent d’immigration a relevé que le demandeur avait déclaré au point d’entrée être veuf et avoir deux enfants, alors qu’il avait indiqué dans son premier FRP qu’il n’avait jamais été marié et qu’il avait deux enfants. Le demandeur a finalement modifié son FRP pour y déclarer qu’il avait quatre enfants. Il a de plus déclaré dans sa déposition orale qu’il avait été en union de fait pendant 12 ans. La Commission a jugé que le demandeur n’avait pu justifier ces contradictions de manière acceptable.

I.          La Commission a jugé préoccupant le fait que le demandeur ait déclaré que lorsqu’il était allé aux É.-U. en 1991, il avait l’intention de retourner au Nigéria après un séjour de quelques mois. Il y est resté pendant 16 ans, et ce, sans statut pendant les trois dernières années. Il n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi il avait agi ainsi. Le tribunal a trouvé cette réponse préoccupante, parce qu’elle indiquait soit que le demandeur n’avait pas été en mesure de réfléchir à une décision qui allait changer sa vie, soit qu’il cachait une telle décision, soit qu’il cachait sa réponse par crainte des conséquences ou de la désapprobation du tribunal.

J.          La grave condamnation pour faux et fraude aux É.-U., quoique pas suffisamment grave pour justifier l’exclusion, a été considérée par la Commission comme une indication de la volonté du demandeur de dénaturer la vérité pour servir ces propres intérêts.

K.        La Commission a jugé invraisemblable la version modifiée du FRP du demandeur dans laquelle il prétendait que la police nigériane l’avait accusé d’être membre de l’OPC. La Commission a expliqué que, compte tenu du degré de corruption au Nigéria, la police n’avait pas besoin de l’accuser d’être membre d’un parti pour le maintenir en détention presque en toute impunité. De plus, bien que la Commission admette que la police n’offrait pas nécessairement de protection aux personnes persécutées par les hommes de main du PDP, rien n’indiquait que la police voulait persécuter le demandeur de son propre chef.

L.         La Commission a admis que le demandeur avait soumis certaines preuves documentaires à l’appui de ses prétendus problèmes au Nigéria. Toutefois, la Commission, en se fondant sur une enquête norvégienne, a conclu que les faux documents et les documents authentiques contenant de faux renseignements sont facilement accessibles au Nigéria. Ainsi, la Commission a accordé peu de poids aux documents.

 

[7]               Compte tenu de toutes ces invraisemblances et contradictions et en raison de la tendance du demandeur à camoufler ou à dissimuler des renseignements, la Commission a conclu que l’effet cumulatif des lacunes du récit du demandeur était suffisant pour conclure que son manque de crédibilité entachait l’ensemble de sa demande. La Commission a donc conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur n’est pas un témoin crédible et qu’il n’est pas plus probable que le contraire que sa vie soit menacée ou qu’il subisse des traitements ou des peines cruels et inusités s’il était renvoyé au Nigéria.

 

III.       Les questions à trancher

[8]               La présente demande de contrôle judiciaire soulève quatre questions que l’on peut résumer comme suit :

A.        Quelle est la norme de contrôle applicable?

B.         La Commission a-t-elle commis une erreur de droit relativement à la norme de preuve applicable dans le contexte de l’article 97 de la LIPR?

C.        La Commission a-t-elle porté atteinte à l’équité procédurale en omettant de confronter le demandeur relativement aux contractions observées quant à sa stabilité d’emploi et de logement pendant la période où il a déclaré qu’il se cachait?

D.        La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en concluant à une absence générale de crédibilité?

 

IV.       Analyse

A.        La norme de contrôle applicable

[9]               L’énonciation de la norme de preuve applicable dans le contexte de l’article 97 de la LIPR est une question de droit dépassant la compétence de la Commission; elle sera donc examinée en fonction de la norme de la décision correcte.

 

[10]           Pour ce qui est de la question de l’équité procédurale, il est bien établi qu’elle doit être examinée en fonction de la norme de la décision correcte : S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] A.C.F. no 28, paragraphe 100; Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2005] A.C.F. no 2056, paragraphe 54; Guo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1996), 65 A.C.W.S. (3d) 991 (C.F. 1re inst.), paragraphe 2.

 

[11]           Enfin, la crédibilité est une question de fait pour laquelle la retenue s’impose et qui doit être examinée en fonction de la norme de la raisonnabilité : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] A.C.F. no 9, paragraphe 53; Aguebor c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1993), 42 A.C.W.S. (3d) 886, paragraphe 4 (C.A.F.); Gatore c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 702, [2009] A.C.F. no 871, paragraphes 27-28.

 

B.         La norme de preuve applicable dans le contexte de l’article 97

[12]           Le demandeur a prétendu de manière assez confuse que la Commission avait commis une erreur de droit en appliquant le critère de l’issue « plus probable que le contraire » à une décision relative à l’article 97. Selon le demandeur, la jurisprudence démontre qu’un demandeur doit établir ses prétentions selon la prépondérance des probabilités et non prouver qu’il serait plus probable qu’il soit persécuté que le contraire.

 

[13]           L’argument est clairement dénué de fondement. D’abord, il n’y a aucune distinction entre la prépondérance des probabilités et le critère de l’issue « plus probable que le contraire ». Plus important encore, il faut distinguer entre la norme de preuve et les critères à appliquer dans le contexte des alinéas 97(1)a) et b). Sauf disposition contraire d’une loi ou dans certaines circonstances impératives, la norme de preuve en matière civile est toujours celle de la prépondérance des probabilités. Par conséquent, le demandeur doit établir ses prétentions selon la prépondérance des probabilités dans le contexte des articles 96 et 97.

 

[14]           Pour ce qui est du critère juridique à appliquer pour établir le risque de torture ou d’une menace à la vie, ou le risque de traitements ou peines cruels et inusités, la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’il faut là aussi appliquer la prépondérance des probabilités, ou l’issue plus probable que le contraire. Ce principe est valide pour les alinéas 97(1)a) et b). Bien que les termes utilisés pour décrire la norme de preuve et le critère applicable dans le contexte du paragraphe 97(1) soient les mêmes, les concepts différèrent néanmoins. La Cour s’est ainsi prononcée :

Il devient immédiatement apparent que les termes utilisés pour décrire la norme de preuve – la probabilité la plus forte – sont équivalents à ceux qui sont utilisés pour décrire le critère objectif auquel il doit être satisfait afin d’avoir qualité de personne à protéger en vertu de l’alinéa 97(1)a), à savoir, plus probable que le contraire. Même si les termes sont à peu près identiques, il y a deux étapes distinctes. La preuve selon la prépondérance des probabilités est la norme de preuve que le tribunal applique dans l’appréciation d’une preuve afin de tirer ses conclusions de fait. Le critère permettant de déterminer le risque de torture est de savoir, compte tenu des faits dont le tribunal est saisi, si le tribunal est convaincu qu’il est plus probable que le contraire que l’individu serait personnellement soumis à un danger de torture.

 

Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 1, [2005] A.C.F. no 1, paragraphe 29.

 

 

[15]           En l’espèce, la Commission n’a pas commis d’erreur en jugeant qu’il n’était pas plus probable que le contraire que la vie du demandeur soit menacée ou que le demandeur soit exposé à un risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il retournait au Nigéria. Il s’agit clairement du critère à appliquer dans le contexte de l’article 97. Étant donné qu’il a été conclu que le demandeur n’était pas un témoin crédible et qu’il n’a fourni aucune autre preuve indiquant qu’il exposé à un danger, la Commission était clairement justifiée de conclure qu’il n’avait pas établi ses prétentions selon la prépondérance des probabilités.

 

C.        L’équité procédurale

[16]           L’avocat du demandeur a invoqué que la Commission avait porté atteinte à l’équité procédurale en omettant d’offrir la possibilité au demandeur de donner des explications quant aux importantes contradictions apparentes quant au fait qu’il travaillait pour son propre compte pendant qu’il vivait clandestinement. À l’audience, l’avocat du demandeur a précisé que, puisqu’il travaillait pour son propre compte, le demandeur n’avait pas à être présent physiquement sur les lieux de travail et qu’il avait donc pu travailler en se cachant.

 

[17]           Je conviens avec le défendeur que la Commission n’avait pas à lui demander des explications au sujet de contradictions évidentes figurant dans son récit. Il n’est pas vraiment clair si le demandeur a été enlevé; son père ne fait pas mention de cet incident dans son affidavit, et un de ses amis a mentionné dans son affidavit qu’il avait été enlevé sur l’autoroute. Néanmoins, une lecture normale du récit du FRP pourrait permettre de croire que le demandeur a été enlevé et détenu pendant deux jours (comme semble l’indiquer le demandeur lorsqu’il dit que les hommes de main « sont revenus »). De surcroît, je ne suis pas d’avis qu’il était déraisonnable de la part de la Commission de conclure que le demandeur ne se cachait pas puisqu’il avait pu habiter au même endroit de la mi-avril à novembre et qu’il avait pu travailler comme commerçant pendant ce temps. Qu’il ait ou non dû être physiquement présent pour mener ses affaires, il reste que c’est là qu’il a habité pendant plus de six mois sans changer d’endroit.

 

D.        Conclusion défavorable quant à la crédibilité

[18]           La conclusion défavorable quant à l’absence générale de crédibilité en l’espèce découle d’une accumulation de contradictions dans la preuve du demandeur. La Commission a tiré la conclusion suivante en ce qui concerne la crédibilité :

[33] Je suis conscient qu’aucune des questions de crédibilité soulevées en l’espèce ne peut à elle seule justifier le rejet de la demande d’asile. Toutefois, lorsqu’elles sont prises en compte dans leur ensemble, je ne dispose pas d’une preuve crédible et digne de foi suffisante pour conclure que le demandeur d’asile a qualité de réfugié au sens de la Convention.

 

 

[19]           La jurisprudence admet la possibilité qu’un tribunal tire des conclusions défavorables en raison de l’effet cumulatif de doutes quant à la crédibilité :

[…] la Commission peut conclure à juste titre que la crédibilité d’un demandeur est irrémédiablement minée en raison notamment d’une accumulation d’incohérences et de contradictions qu’elle a considérées dans leur ensemble.

 

Asashi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 102, [2005] A.C.F. no 129, paragraphe 8.

 

 

[20]           En effet, la Commission peut tirer des conclusions défavorables des contradictions et des incohérences internes répétées dans le récit d’un demandeur : Kilola c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 185 F.T.R. 124, paragraphe 18. En l’espèce, la Commission a correctement constaté diverses contradictions et incohérences dans la preuve du demandeur. Comme la Cour d’appel fédérale l’a énoncé dans une de ses décisions :

[à] moins que l’on ne soit prêt à considérer comme possible (et à accepter) que la Commission a fait preuve d’une crédulité sans bornes, il doit exister une limite au-delà de laquelle les contradictions d’un témoin amèneront le juge des faits le plus généreux à rejeter son témoignage.

 

Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Dan-Ash (1988), 5 Imm. L.R. (2d) 78 (C.A.F.); voir aussi Perjaku c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 496, [2007] A.C.F no 669, paragraphe 18.

 

 

[21]           De plus, la Commission est également justifiée de mettre en doute la crédibilité d’un demandeur en se fondant sur le bon sens, la logique et la vraisemblance de son récit : Kiyarath c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1269, [2005] A.C.F. no 1529, paragraphe 22; Osakpolo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 286, [2009] A.C.F. no 381, paragraphe 39; Shahamati c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’immigration), [1994] A.C.F. no 415 (C.A.F.).

 

[22]           Compte tenu des incohérences et des invraisemblances susmentionnées, il était raisonnable que la Commission tire une conclusion générale d’absence de crédibilité en l’espèce. Cette conclusion s’étend à tous les éléments de preuve pertinents découlant de la version du demandeur : Sheikh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 C.F. 238 (C.A.), paragraphe 8. Le manque de crédibilité du demandeur peut aussi être généralisé à l’ensemble de la preuve documentaire qu’il a présentée pour corroborer sa version des faits. Ainsi, la Commission n’avait pas à prendre en considération tous les documents présentés par le demandeur à l’appui de son récit : Nijjer c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1259, [2009] A.C.F. no 1696, paragraphe 26.

 

[23]           Le demandeur prétend aussi que la Commission a commis une erreur en concluant que ses documents étaient faux pour le seul motif que les documents contrefaits sont facilement accessibles au Nigéria. Je n’interprète pas les motifs de la Commission de cette façon. Contrairement à l’affaire Halili c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 999, [2002] A.C.F. no 1335, citée par le demandeur, la Commission a fondé sa déclaration selon laquelle les faux documents et les documents authentiques contenant de faux renseignements sont facilement accessibles au Nigéria sur une étude indépendante citée dans une réponse à une demande d’information. De plus, contrairement aux circonstances de l’affaire Cheema c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 224, [2004] A.C.F. no 255, la Commission a pris en compte l’accessibilité des faux documents et le manque général de crédibilité du témoignage du demandeur avant de conclure, non pas qu’ils étaient faux, mais qu’il fallait leur accorder peu de poids. La Commission n’a pas commis d’erreur pouvant faire l’objet d’une révision en accordant peu de valeur probante à ces documents : Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 333, [2004] A.C.F. no 324, paragraphes 43-45.

 

[24]           En dernier lieu, le demandeur a affirmé que la Commission avait tiré à tort des conclusions défavorables relativement au fait qu’il avait modifié son FRP pour ajouter les deux enfants qu’il avait d’abord omis de déclarer. Je ne pas être d’accord avec le demandeur. En effet, ce n’est pas la modification du FRP qui a amené la Commission a tiré des conclusions défavorables, mais bien la déformation répétée de la vérité du demandeur qui a semé le doute. La Cour a déjà établi que la crédibilité d’un demandeur avait été minée à juste titre parce qu’il avait omis de déclarer des renseignements importants aux autorités canadiennes : Ren c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 973, [2009] A.C.F. no 1181, paragraphes 15-18. En l’espèce, non seulement le demandeur est entré au Canada sous une fausse identité sans justification convaincante, mais il a aussi négligé de fournir franchement des renseignements aussi simples que le nombre de ses enfants et sa situation de famille. Il a aussi admis à un agent d’immigration au point d’entrée qu’il voulait entrer au Canada sous sa fausse identité pour ensuite entrer aux É.-U. sans avoir fait de demande d’asile au Canada. La Commission a rejeté l’allégation selon laquelle il n’avait jamais fait une telle déclaration et a accordé plus de poids aux notes de l’agent. De plus, le demandeur avait été reconnu coupable aux É.-U. pour faux et fraudes, autre facteur désavantageux pour sa crédibilité. La Commission pouvait de bon droit tenir compte de ce facteur : Ikhuiwu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 35, [2008] A.C.F. no 35, paragraphes 28 et 31.

 

[25]           À la lumière des éléments de preuve dont elle disposait, il était raisonnable que la Commission conclue à l’absence générale de crédibilité compte tenu de l’effet cumulatif des contradictions, des invraisemblances et des incohérences figurant dans le récit du demandeur. Dans ces circonstances, la Commission était libre d’accorder peu de poids à la preuve documentaire et rien ne justifie l’intervention de la Cour.

 

[26]           Pour tous les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé la certification d’une question, et aucune ne se sera certifiée.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

NUMÉRO DE DOSSIER :               IMM-5102-09

 

INTITULÉ :                                       SAMSON LAWAL

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 13 mai 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE de MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             Le 21 mai 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sina Ogunleye

 

POUR LE DEMANDEUR

Leanne Briscoe

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Avocat et procureur

112 rue Adelaide est, 3e étage

Toronto (Ontario) M5C 1K9

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                               

 

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