Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Cour fédérale

Federal Court


Date : 20100525

Dossier : IMM-3301-09

Référence : 2010 CF 563

Ottawa (Ontario), le 25 mai 2010

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

PRESNICK LORMILSAINT,

ELMITA CLEOPHARD et

KATIANA LORMILSAINT

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.        Aperçu

 

[1]               M. Presnick Lormilsaint, son épouse Elmita Cleophard et leur fille Katiana ont demandé l’asile au Canada au motif qu’ils étaient victimes de persécution en Haïti en raison de ses opinions politiques. M. Lormilsaint et Mme Cleophard ont affirmé qu’ils ont subi de mauvais traitements en raison de leur opposition au mouvement Lavalas. M. Lormilsaint a quitté Haïti en 2000 et son épouse en 2003. Le couple a habité aux États‑Unis pendant plusieurs années et leur fille y est née. La famille est venue au Canada en 2007.

 

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile des demandeurs. Pour ce qui est de la demande de M. Lormilsaint, la Commission a jugé que la preuve qu’il a présentée était incohérente et peu fiable. Cette partie de la décision de la Commission n’a pas été contestée par les demandeurs. Ce qui est remis en question, c’est le traitement de la demande de Mme Cleophard. La Commission a conclu que Mme Cleophard craignait le climat général de criminalité qui règne en Haïti, plus particulièrement le taux élevé de criminalité envers les femmes, ce qui ne lui confère pas la qualité de réfugié.

 

[3]               Mme Cleophard affirme que la décision de la Commission était déraisonnable au motif que la Commission n’a pas tenu compte du fait que le risque qu’elle court est accru par ses activités politiques passées et que, par conséquent, le cadre de sa crainte débordait du cadre du traitement général réservé aux femmes en Haïti. Elle demande une nouvelle audience devant un tribunal différemment constitué.

 

[4]               Lors de ma lecture de la décision de la Commission, je n’ai pas relevé de doutes au sujet de la description des mauvais traitements infligés à Mme Cleophard pour avoir fait censément fait des déclarations politiques. Mais, la Commission a conclu que la crainte de Mme Cleophard se limitait au taux élevé de criminalité en Haïti. À mon avis, la Commission a commis une erreur en ne prenant pas en compte les éléments de preuve à l’appui de l’affirmation de Mme Cleophard selon laquelle elle était persécutée du fait de ses opinions politiques. Je dois par conséquent faire droit à la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[5]               La seule question en litige qui se pose en l’espèce est de savoir si la décision de la Commission était déraisonnable.

 

II.     L’analyse

 

(1)   La décision de la Commission

 

[6]               Mme Cleophard a déclaré qu’elle était enseignante en Haïti. Elle a ajouté qu’elle a été battue par des partisans de Lavalas après avoir dit à ses étudiants que le gouvernement haïtien gaspillait de l’argent et négligeait le système d’éducation. Après cet événement, elle a commencé à craindre pour sa vie. De plus, elle craignait d’être violée car les femmes en Haïti subissent parfois des agressions sexuelles en représailles à leurs convictions politiques. Mme Cleophard affirme que l’appareil étatique haïtien n’est pas en mesure de protéger les femmes en danger.

 

[7]               La Commission a conclu qu’il n’y avait aucun lien entre le fondement de la crainte de Mme Cleophard et l’un de motifs de protection prévus par la Convention sur les réfugiés, c’est‑à‑dire la persécution politique. La Commission a souscris à l’opinion que les femmes en Haïti sont maltraitées. Cependant, elle a conclu que le risque que court Mme Cleophard n’est pas différent du risque que courent les autres femmes en Haïti.

 

(2)   La décision de la Commission était-elle déraisonnable?

 

[8]               La Commission semble avoir accepté le récit de Mme Cleophard concernant le traitement qu’elle a reçu pour avoir critiqué le gouvernement. La Commission n’a pas fait état d’incohérences ou de contradictions dans la preuve de Mme Cleophard. En outre, la preuve documentaire dont disposait la Commission indiquait que les citoyens d’Haïti qui y retournent sont davantage susceptibles de faire l’objet de mauvais traitements s’ils ont, dans le passé, participé à des activités politiques.

 

[9]               La Commission semble ne pas avoir pris en compte la possibilité que le risque que court Mme Cleophard est plus important que celui que courent les autres citoyens haïtiens retournant dans leur pays. Ce faisant, elle a omis d’apprécier la preuve étayant la prétention de Mme Cleophard selon laquelle elle est exposée à un risque plus élevé de mauvais traitements que la population générale.

 

[10]           À mon avis, la conclusion de la Commission selon laquelle la situation de Mme Cleophard n’est pas différente de celle des autres femmes en Haïti est déraisonnable parce qu’elle a omis de prendre en compte la preuve contraire qui lui a été soumise. Par conséquent, la décision n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

III.   Conclusion et dispositif

 

[11]           La décision de la Commission était déraisonnable parce que celle‑ci n’a pas abordé un aspect important de la demande d’asile présentée par Mme Cleophard. Je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner la tenue d’une nouvelle audience. Ni l’une ni l’autre des parties n’a demandé la certification d’une question de portée générale, et aucune n’est formulée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie. Un tribunal de la Commission différemment constitué tiendra une nouvelle audience.

2.                  Aucune question de portée générale n’est formulée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.

Réviseur

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3301-09

 

INTITULÉ :                                       LORMILSAINT ET AL c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 4 FÉVRIER 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS ET

DU JUGEMENT :                             LE 25 MAI 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Dov Maierovitz

Philip Varickanickal

                     POUR LES DEMANDEURS

 

Laoura Christodoulides

 

                     POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gertler, Etienne LLP

Toronto (Ontario)

 

                     POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

                     POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.