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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20100518

Dossier : IMM-5800-09

Référence : 2010 CF 545

 

Ottawa (Ontario), le 18 mai 2010

 

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

 

Entre :

 

JAMILA SMITH ALLINAGOGO

HARRY SMITH

demandeurs

et

 

Le ministre de la citoyenneté

et de l’IMMIGRATION

défendeur

 

 

Motifs du jugement et jugement

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), sollicitant le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 13 octobre 2009 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), laquelle a conclu que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.

 

[2]               Jamila Smith Allinagogo (la demanderesse) et son mari, Harry Smith (le demandeur) sont tous deux citoyens du Nigéria. La demande d’asile du demandeur s’appuie sur celle de la demanderesse. Les demandeurs demandent l’asile au motif qu’ils craignent des représailles de la part de l’oncle de la demanderesse et d’un chef à qui l’oncle l’a vendue.  

 

[3]               La Commission a rejeté la demande d’asile en raison du manque de crédibilité des deux demandeurs.

 

[4]               La demande de contrôle judiciaire sera rejetée pour les motifs qui suivent.

 

[5]               Les deux parties soutiennent, et je suis d’accord, que la norme de contrôle à appliquer en l’espèce est la norme de la raisonnabilité. La jurisprudence a établi de façon satisfaisante que les conclusions de la Commission quant à la crédibilité sont susceptibles de contrôle selon cette norme (Huerta c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 586, [2008] A.C.F. no 737 (QL), au paragraphe 14; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190). La question de l’appréciation de la preuve est également régie par la même norme (Zavalat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1279, [2009] A.C.F. no 1639 (QL)).

 

[6]               Lorsqu’elle évalue le caractère raisonnable d’une décision, la cour doit se demander « si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient [également] à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (arrêt Dunsmuir, au paragraphe 47).

 

[7]               Les demandeurs allèguent que la Commission a commis une erreur dans son évaluation de la crédibilité et que les motifs montrent un excès de zèle dans la recherche de contradictions. Ils allèguent également que les conclusions quant à la crédibilité montrent une vigilance excessive, sont le résultat d’un examen trop détaillé des éléments de preuve et sont contraires aux principes énoncés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Attakora c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 99 N.R. 168 (C.A.F.). À mon avis, cet argument ne peut être retenu. La demanderesse fait valoir que la Commission aurait dû accepter les explications qu’elle a donnés concernant son anniversaire et le jour où elle est allée au village pour se cacher. La Commission a cependant le droit de rejeter une explication si elle conclut qu’elle n’est pas raisonnable (Mulliqi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF  563, 291 F.T.R. 313; Hilo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.); Huang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001), 213 F.T.R. 14, 2001 CFPI 1239). En l’espèce, la Commission fournit des motifs convaincants concernant la raison pour laquelle elle a rejeté les explications, et je suis convaincu que la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[8]               Les conclusions quant à la crédibilité sont au cœur même du pouvoir discrétionnaire de la Commission qui est la mieux placée pour évaluer la crédibilité et tirer les inférences qui s’imposent (Aguebor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)). Les demandeurs insistent sur deux conclusions quant à la crédibilité, malgré le fait que beaucoup d’autres ont été tirées, et que la Commission a relevé un bon nombre d’invraisemblances et de contradictions quant à d’importants faits exposés dans leurs demandes qu’ils ne contestent pas. Dans l’ensemble, je suis convaincu que les autres conclusions justifient une décision défavorable en raison du manque de crédibilité.

 

[9]               Les demandeurs soutiennent que la Commission n’a pas tenu compte des éléments de preuve importants à l’appui de leur demande d’asile. La Commission a ignoré une lettre rédigée par un médecin qui confirme la déclaration de la demanderesse selon laquelle elle a subi une mutilation génitale féminine. Les demandeurs prétendent également que la Commission a omis de mentionner une lettre d’un travailleur social qui [traduction] « reconnaît le fait que [le demandeur] a eu besoin de soins médicaux pour le traumatisme et le stress qu’il a vécus alors qu’il craignait d’être blessé ou tué par l’oncle de son épouse et le chef » (mémoire des demandeurs, au paragraphe 34).

 

[10]           Dans la décision Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35 (C.F., 1re inst.), il est établi qu’un tribunal est présumé avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve dont il était saisi et qu’il n’est pas obligé de mentionner chaque élément dont il a tenu compte avant de rendre sa décision (voir par exemple Shahid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 390, [2004] A.C.F. no 484 (QL), au paragraphe 5).

 

[11]           En ce qui a trait aux éléments de preuve invoqués par les demandeurs, bien que la lettre établisse que la demanderesse a subi une mutilation génitale féminine, elle ne corrobore pas la prétention selon laquelle elle craint pour sa vie à cause de son oncle ou du chef. Quant à la lettre du travailleur social, elle est de nature très générale et indique simplement que [traduction] « M. Smith présente des difficultés psychosociales découlant d’une accumulation de stress lié aux expériences vécues dans son pays natal » (dossier certifié du tribunal, à la page 238).

 

[12]           Cette interprétation de la lettre n’est pas la même que celle présentée par les demandeurs dans leurs observations écrites devant la Cour, et je ne peux conclure que la Commission a rendu sa décision sans tenir compte de la preuve pour le seul motif que cette lettre n’est pas mentionnée. L’appréciation par la Commission à la fois de la preuve documentaire et des témoignages en l’espèce est détaillée dans des motifs convaincants et je suis convaincu que l’ensemble de la preuve a été pris en compte.    

 

[13]           Les demandeurs mentionnent les Directives no 4 : Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe (les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe) et allèguent que la Commission aurait dû s’y reporter pour obtenir des indications sur la manière d’apprécier le témoignage de la demanderesse.

 

[14]           Cet argument ne peut être retenu, puisque la Commission n’a aucune obligation de mentionner les directives dans sa décision et les motifs montrent qu’elle a dûment pris en compte la prétention de la demanderesse (S.I. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1662, [2004] A.C.F. no 2015 (QL), au paragraphe 7).

 

[15]           Après avoir examiné les transcriptions, je suis d’avis qu’aucun élément de preuve n’établit que la Commission a manqué de sensibilité dans le déroulement de l’audience ou dans l’examen des demandes d’asile. À mon avis, les motifs montrent le degré de connaissance, de compréhension et de sensibilité commandé par les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe (S.I., au paragraphe 7; Griffith c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 171 F.T.R. 240 (C.F., 1er inst), au paragraphe 27).

 

[16]           Aucune question n’a été proposée aux fins de certification et aucune ne se pose.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5800-09

 

Intitulé :                                       JAMILA SMITH ALLINAGOGO

HARRY SMITH

et

le ministre de la citoyenneté

et de l’IMMIGRATION

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

Date de l’audience :               Le 12 mai 2010

 

Motifs du jugement

et jugement :                              le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 18 mai 2010

 

 

Comparutions :

 

Andrea Hwang                                                                         pour les demandeurs

 

Sylviane Roy                                                                            pour le défendeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waice Ferdoussi, avocats                                                         pour les demandeurs

Montréal (Québec)

                                                                                               

Myles J. Kirvan, c.r.                                                                 pour le défendeur       

Sous-procureur général du Canada

 

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