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Date : 20100512

Dossier : T-135-10

Référence : 2010 CF 520

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 mai 2010

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

ENTRE :

R. MAXINE COLLINS

demanderesse

et

 

L’HONORABLE PETER VAN LOAN

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

 

défendeur

 

Dossier : T-136-10

 

 

ET ENTRE :

 

R. MAXINE COLLINS

 

demanderesse

 

et

 

L’HONORABLE JEAN-PIERRE BLACKBURN

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une requête en appel de la directive d’un protonotaire présentée en vertu de l’article 51 des Règles des Cours fédérales, DORS/2004-283.

 

[2]               La directive est rédigée comme suit :

[traduction]

La demanderesse dans les présentes affaires a tenté de déposer les dossiers de demande par voie électronique. Il s’agit de longs documents et la table des matières de chacun renvoie à cinq affidavits. Les dossiers de demande, tels que déposés électroniquement, contiennent deux des cinq affidavits, alors qu’il est mentionné que trois des affidavits ont été déposés dans le dossier préliminaire no 08-T-60. Comme le mentionne la demanderesse dans sa correspondance avec le greffe, les trois affidavits dans ce dernier dossier ont déjà été signifiés et déposés, et le défendeur n’a pas contesté que le dépôt des dossiers de demande se fasse de cette manière. Il est louable que la demanderesse renvoie à l’article 3 des Règles comme fondement pour ne pas inclure les trois affidavits du dossier préliminaire dans ces dossiers de demande. Bien que la Cour oblige les parties à tenir compte de l’article 3 des Règles lors des instances, les politiques prévues à l’article 3 des Règles cèdent le pas à l’assurance que les documents qui seront utilisés à l’audience devant la Cour sont bien organisés dans les dossiers de demande. Il n’appartient pas au greffe ou à la Cour de rechercher dans des dossiers de requête concernant d’autres instances les affidavits ou les documents sur lesquels un demandeur souhaite s’appuyer lors d’une audience. Il incombe au demandeur de préparer les dossiers de demande de la manière appropriée prévue par les Règles, et d’y inclure les documents dont il souhaite saisir la Cour à l’audience. En conséquence, puisque les dossiers de demande tels que déposés par voie électronique ne sont pas conformes au paragraphe 309(2) des Règles, ils ne peuvent pas être admis pour dépôt.

 

 

[3]               Les articles 306 et 309 des Règles des Cours fédérales sont rédigés comme suit :

306. Dans les 30 jours suivant la délivrance de l’avis de demande, le demandeur signifie et dépose les affidavits et les pièces documentaires qu’il entend utiliser à l’appui de la demande.

 

[. . .]

 

309.(1) Dans les 20 jours suivant le contre-interrogatoire des auteurs des affidavits déposés par les parties ou dans les 20 jours suivant l’expiration du délai prévu pour sa tenue, selon celui de ces délais qui est antérieur à l’autre, le demandeur :

 

a) signifie son dossier;

 

 

b) dépose :

 

(i) dans le cas d’une demande présentée à la Cour fédérale, trois copies de son dossier,

 

 

(ii) dans le cas d’une demande présentée à la Cour d’appel fédérale, cinq copies de son dossier.

 

(2) Le dossier du demandeur contient, sur des pages numérotées consécutivement, les documents suivants dans l’ordre indiqué ci-après :

a) une table des matières indiquant la nature et la date de chaque document versé au dossier;

 

b) l’avis de demande;

 

c) le cas échéant, l’ordonnance qui fait l’objet de la demande ainsi que les motifs, y compris toute dissidence;

 

 

d) les affidavits et les pièces documentaires à l’appui de la demande;

 

e) les transcriptions des contre-interrogatoires qu’il a fait subir aux auteurs d’affidavit;

 

f) les extraits de toute transcription des témoignages oraux recueillis par l’office fédéral qu’il entend utiliser à l’audition de la demande;

 

g) une description des objets déposés comme pièces qu’il entend utiliser à l’audition;

 

h) un mémoire des faits et du droit.

 

306. Within 30 days after issuance of a notice of application, an applicant shall serve and file its supporting affidavits and documentary exhibits.

 

 

. . .

 

309.(1) An applicant shall, within 20 days after completion of all parties’ cross-examinations or the expiration of the time for doing so, whichever is earlier,

 

 

 

 

(a) serve the applicant’s record; and

 

(b) file

 

(i) where the application is brought in the Federal Court, three copies of the applicant’s record, and

 

(ii) where the application is brought in the Federal Court of Appeal, five copies of the applicant’s record.

 

(2) An applicant’s record shall contain, on consecutively numbered pages and in the following order,

 

(a) a table of contents giving the nature and date of each document in the record;

 

 

(b) the notice of application;

 

(c) any order in respect of which the application is made and any reasons, including dissenting reasons, given in respect of that order;

 

(d) each supporting affidavit and documentary exhibit;

 

 

(e) the transcript of any cross-examination on affidavits that the applicant has conducted;

 

(f) the portions of any transcript of oral evidence before a tribunal that are to be used by the applicant at the hearing;

 

 

(g) a description of any physical exhibits to be used by the applicant at the hearing; and

 

(h) the applicant’s memorandum of fact and law.

 

 

[4]               Dans l’arrêt Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc., [2004] 2 R.C.F. 459, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit, aux paragraphes 17 à 19, concernant la norme de contrôle applicable aux ordonnances discrétionnaires des protonotaires :

17  Dans l’arrêt Canada c. Aqua-Gem Investment Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.), la Cour énonce dans les termes suivants la norme de contrôle applicable aux ordonnances discrétionnaires des protonotaires :

 

Selon en particulier la conclusion tirée par lord Wright dans Evans c. Bartlam, [1937] A.C. 473 (H.L.) à la page 484, et par le juge Lacourcière, J.C.A., dans Stoicevski c. Casement (1983), 43 O.R. (2d) 436 (C. Div.), le juge saisi de l’appel contre l’ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

 

a) l’ordonnance est entachée d’erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits,

 

b) l’ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal.

 

Si l’ordonnance discrétionnaire est manifestement erronée parce que le protonotaire a commis une erreur de droit (concept qui, à mon avis, embrasse aussi la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits) ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l’affaire depuis le début.

 

18   Le juge MacGuigan a ensuite expliqué, aux pages 464 et 465, que la question de savoir si une question est déterminante pour l’issue de l’affaire doit être tranchée sans égard à la réponse que le protonotaire y a donnée :

 

Il me semble qu’une décision qui peut être ainsi soit interlocutoire soit définitive selon la manière dont elle est rendue, même si elle est interlocutoire en raison du résultat, doit néanmoins être considérée comme déterminante pour la solution définitive de la cause principale. Autrement dit, pour savoir si le résultat de la procédure est un facteur déterminant de l’issue du principal, il faut examiner le point à trancher avant que le protonotaire ne réponde à la question, alors que pour savoir si la décision est interlocutoire ou définitive (ce qui est purement une question de forme), la question doit se poser après la décision du protonotaire. Il me semble que toute autre approche réduirait la question de fond de "l’influence déterminante sur l’issue du principal" à une question purement procédurale de distinction entre décision interlocutoire et décision définitive, et protégerait toutes les décisions interlocutoires contre les attaques (sauf le cas d’erreur de droit).

 

C’est probablement pourquoi, selon moi, il utilise les mots « [l’ordonnance] porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal », plutôt que « [l’ordonnance] a une influence déterminante sur l’issue du principal ». L’accent est mis sur le sujet des ordonnances et non sur leur effet. Dans un cas comme celui de l’espèce, la question à se poser est de savoir si les modifications proposées sont en soi déterminantes, qu’elles soient ou non autorisées. Si elles sont déterminantes, le juge doit exercer son pouvoir discrétionnaire de novo.

 

19   Afin d’éviter la confusion que nous voyons parfois découler du choix des termes employés par le juge MacGuigan, je pense qu’il est approprié de reformuler légèrement le critère de la norme de contrôle. Je saisirai l’occasion pour renverser l’ordre des propositions initiales pour la raison pratique que le juge doit logiquement d’abord trancher la question de savoir si les questions sont déterminantes pour l’issue de l’affaire. Ce n’est que quand elles ne le sont pas que le juge a effectivement besoin de se demander si les ordonnances sont clairement erronées. J’énoncerais le critère comme suit : « Le juge saisi de l’appel contre l’ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants : a) l’ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal, b) l’ordonnance est entachée d’erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits. »

 

[5]               Il semble ressortir de l’examen de la décision du protonotaire qu’il croyait, après avoir examiné les renseignements qui lui avaient été fournis, que trois des affidavits n’étaient pas inclus dans le dossier de demande. Cependant, l’examen des dossiers révèle que tous les affidavits étaient inclus dans le dossier de demande.

 

[6]               En fait, ce qui s’est produit c’est que la demanderesse n’a pas déposé les autres affidavits dans les présentes demandes, tel que l’exige l’article 306 des Règles des Cours fédérales. La demanderesse désirait utiliser les trois affidavits déposés dans le dossier du tribunal no 08-T-60. Elle a placé tous les affidavits dans les dossiers de demande pour les dossiers du tribunal nos T-135-10 et T-136-10, mais n’a pas déposé de nouveau les affidavits compris dans le dossier du tribunal no 08‑T‑60 dans les présentes demandes.

 

[7]               Je suis d’avis que la directive du protonotaire n’était pas essentielle à l’issue du principal. Elle vise une question de procédure concernant le dépôt.

 

[8]               Je souligne que le défendeur n’a pas pris part au présent appel ni n’a pris de position à son égard. Le défendeur ne s’est pas opposé à ce que la demanderesse dépose ses dossiers de demande de cette manière. La demanderesse a informé le défendeur qu’elle plaçait ces affidavits provenant de l’autre dossier dans ses dossiers de demande.

 

[9]               Je suis d’avis que la directive était manifestement erronée en ce qu’elle était fondée sur une mauvaise appréciation des faits, à savoir que tout les affidavits n’étaient pas inclus dans les dossiers de demande de la demanderesse.

 

[10]           Bien que je ne sois pas saisi de l’affaire, je dois ajouter qu’il appartient au protonotaire ou à la Cour d’autoriser l’utilisation d’affidavits provenant d’un autre dossier (dossier du tribunal no 08‑T‑60) dans les présentes demandes. Comme les défendeurs ne semblent pas s’y opposer, une requête en vertu de l’article 369 des Règles pourrait être présentée afin que les affidavits en question soient inclus en l’espèce, avec le consentement des défendeurs. Si les défendeurs ne donnent pas leur consentement, une requête en vertu de l’article 369 des Règles visant le versement, dans les présentes demandes, des affidavits provenant du dossier du tribunal no 08‑T‑60 pourrait quand même être présentée.

 

[11]           En conséquence, la requête (l’appel) est accueillie, et la directive est annulée.

 

[12]           Compte tenu des faits de la présente affaire, je ne suis pas disposé à adjuger les dépens.


 

ORDONNANCE

 

[13]           LA COUR ORDONNE que la requête (l’appel) soit accueillie et que la directive du 23 avril 2010 soit annulée; aucune ordonnance n’est rendue à l’égard des dépens.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                      T-135-10 et T-136-10

 

INTITULÉ :                                       R. MAXINE COLLINS

 

                                                            - et -

 

                                                            L’HONORABLE PETER VAN LOAN

                                                            MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

 

                                                            R. MAXINE COLLINS

 

                                                            - et –

 

                                                            L’HONORABLE JEAN-PIERRE BLACKBURN

                                                            MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 3 mai 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 12 mai 2010

 

Comparutions :

 

R. Maxine Collins

 

 

DemandeRESSE

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Aucune comparution

 

Pour leS défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

R. Maxine Collins

 

Pour lA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

Pour leS défendeurs

 

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