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Federal Court

Cour fédérale


 

Date : 20100511

Dossier : IMM-4826-09

Référence : 2010 CF 516

[TRACTUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE NON-RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 11 mai 2010

En présence de monsieur le juge Campbell

 

Entre :

ROBERT HACHEM

demandeur

 

 

 

et

 

 

Le ministre de la citoyenneté et de l’IMMIGRATION

défendeur

 

Motifs de l'ordonnance et ordonnance

 

[1]               La présente demande vise un citoyen chrétien qui demande l'asile en vertu des articles 96 et 97 de la LIPR au motif qu'il craint plus qu'une simple possibilité d'être persécuté et d'être exposé à une menace à sa vie de la part de l'organisation terroriste Hezbollah s'il devait retourner au Liban. La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté la demande d'asile du demandeur parce qu'elle a tiré une conclusion défavorable quant à sa crédibilité. À mon avis, la conclusion défavorable quant à la crédibilité est déraisonnable et pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision faisant l'objet du contrôle comporte une erreur susceptible de contrôle.

 

[2]               La conclusion défavorable quant à la crédibilité est fondée sur un élément principal de la différence entre les notes au point d'entrée et le FRP du demandeur. La demande d'asile du demandeur repose essentiellement sur sa participation à « la coalition du 14 mars » qui est un groupe politique d'opposition au Hezbollah. En ce qui a trait à son affiliation, dans les notes au point d'entrée en réponse à la question de savoir s'il était un membre, un associé d'une organisation politique, sociale, jeunesse, étudiante ou professionnelle ou s'il en avait appuyé une, le demandeur a déclaré [traduction] « Je n'appartiens à aucune organisation. » (dossier du tribunal, à la page 89). Le dossier de l'entrevue présentée au moment de son entrée offrait la réponse suivante à la question : [traduction] « Êtes-vous ou avez-vous été membre d'une organisation politique ou d'autres organisations? » :

[traduction] Non – cependant, le sujet était un sympathisant de la « coalition du 14 mars » qui réclame l’indépendance complète du Liban. Le sujet a participé à des rassemblements et à des démonstrations. Pas de violence.

(Dossier de ce tribunal, à la page 95)

 

La question suivante a été posée au demandeur : [traduction] « Expliquez pourquoi vous présentez une demande d'asile et (ou) pourquoi vous ne pouvez retourner dans votre pays natal ». En réponse, on a indiqué que le demandeur avait mentionné ce qui suit :

[traduction] J'ai peur du Hezbollah. Je crains d'être torturé et tué. On m'a menacé et battu en raison de ma participation à la « coalition du 14 mars ».

(Dossier du tribunal, à la page 99)

 

[3]               Dans son FRP, le demandeur a coché les cases indiquant qu’il était membre d’un groupe social particulier et qu'il demandait l'asile du fait de ses opinions politiques (dossier du tribunal, à la page 18). Dans l'exposé circonstancié du FRP, il a fait la déclaration suivante :

[traduction] Je n'ai jamais été membre d'un parti politique jusqu'au jour où le président Rafik al-Hariri a été assassiné le 14 février 2005, de même que ses amis, le crime qui a eu lieu à cette date était un crime contre l'humanité et était la principale raison pour laquelle j’ai joint la coalition du 14 mars. La manifestation la plus importante de l'histoire du Liban a eu lieu cette journée-là, demandant liberté, paix et indépendance.

 

Après le 14 mars, j'ai participé à chaque manifestation.

 

 

Dans son FRP, le demandeur explique qu'à la suite de ses activités avec la coalition du 14 mars, il a été battu le 17 février 2007 et [traduction] « il m’ont dit qu'il s'agissait d'une petite leçon, car la prochaine fois ce serait la fin pour moi, si je continuais à appuyer la coalition du 14 mars » (dossier du tribunal, à la page 19).

 

[4]               Dans son analyse, la SPR a fait les déclarations suivantes aux paragraphes 6 et 7 de la décision rendue :

[6]        Dans l’évaluation de la présente demande d’asile, la question déterminante est la crédibilité du récit du demandeur d’asile. Comme ce dernier a affirmé être membre d’un parti politique, il s’est fait demander s’il avait une preuve de cette adhésion. Il a répondu par la négative, disant qu’il n’était pas un membre officiel, mais plutôt un sympathisant de la coalition du 14 mars, qui, selon lui, détient la majorité des sièges au Parlement, par une représentation de plus de 64 députés. Le tribunal est d’avis que le demandeur d’asile a brodé sur son lien avec la coalition politique du 14 mars dans l’exposé circonstancié de son FRP, et qu’il a ensuite répondu, lorsqu’il s’est fait poser des questions sur ladite coalition, il a répondu qu’il n’en était pas un membre, mais plutôt un sympathisant. Le demandeur d’asile n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve de son appui à la coalition politique du 14 mars, appui qui serait à l’origine de ses problèmes avec le Hezbollah et l’aurait, en partie, amené à quitter le Liban.

 

[…]

 

Le tribunal fait remarquer que, dans son FRP, le demandeur d’asile n’a pas mentionné, que, après avoir été battu le 17 février 2007, il craignait le Hezbollah ni qu’il croyait que la raclée qu’il avait reçue était imputable au Hesbollah (sic).

 

 

[5]               À mon avis, aucun élément ne corrobore la conclusion selon laquelle le demandeur « a brodé sur son lien avec la coalition politique du 14 mars dans l’exposé circonstancié de son FRP ». Bien qu'il existe des différences, les différences ont été expliquées de façon exhaustive lorsque le demandeur a témoigné à l'audience devant la SPR, sous un interrogatoire serré de l'agent d'audience et du tribunal. Il est évident que les différences ont motivé la conclusion défavorable quant à la crédibilité sans inclure les explications données par le demandeur concernant ces différences. Un élément-clé du témoignage est le suivant :

[traduction]

L’AGENT DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS : Êtes-vous en ce moment membre d'un parti politique?

 

LE DEMANDEUR : Oui.

 

L’AGENT DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS : De quel parti s'agit-il?

 

LE DEMANDEUR : C'est le – ils l’appellent la coalition du 14 mars. Ce parti a été créé après l'assassinat du président Rafik al-Hariri, qui a eu lieu le 14 février 2005.

 

L’AGENT DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS : Euh. Très bien. Vous êtes membre, et à moins que je fasse erreur, je n'ai vu aucune carte ni aucun autre document dans cette ---

 

LE DEMANDEUR : Oui.

 

L’AGENT DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS : --- chose.

 

LE DEMANDEUR : Je ne me suis pas encore inscrit officiellement, mais ---

 

L’AGENT DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS : Pour montrer.

 

LE DEMANDEUR : --- j'étais un réel sympathisant.

 

L’AGENT DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS : Ouais. Quand avez-vous commencé à appuyer cette coalition du 14 mars?

 

LE DEMANDEUR : J'ai commencé à l’appuyer après l'assassinat du président Rafik al-Hariri, le 14 février 2005.

 

L’AGENT DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS : Ouais. Et vous avez été membre jusqu'à votre venue au Canada?

 

LE DEMANDEUR : Oui.

 

L’AGENT DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS : Êtes-vous toujours membre?

 

LE DEMANDEUR : Dans mon cœur, oui.

 

LE TRIBUNAL : M. Martin, je m'excuse de vous interrompre.

 

L’AGENT DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS : Euh.

 

LE TRIBUNAL : Je veux tout simplement préciser que le demandeur a modifié sa déclaration pour dire qu'il n'avait pas de preuve d'adhésion mais qu'il est simplement un sympathisant. Il semble donc que ---.

 

L’AGENT DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS : D'accord.

 

LE TRIBUNAL : --- selon la preuve, il est un simple sympathisant de la coalition.

 

L’AGENT DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS : Alors vous n'en êtes pas membre?

 

LE DEMANDEUR : J'ai mal compris la question au départ.

 

LE TRIBUNAL : D'accord.

 

L’AGENT DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS : Ça va. Je n'ai tout simplement pas entendu cette réponse. Je remercie le tribunal. D'accord.

 

Alors, dites-moi pourquoi vous êtes au Canada aujourd'hui.

 

LE DEMANDEUR : Je demande l'asile au Canada parce que j'ai été menacé. Ma vie est en danger là-bas. C’est la raison pour laquelle je suis venu au Canada pour demander l'asile.

 

L’AGENT DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS : Votre vie est en danger parce que vous êtes – vous êtes un sympathisant de la coalition du 14 mars? Est-ce exact?

 

LE DEMANDEUR : Absolument.

(Dossier du tribunal, aux pages 237 et 238)

 

[6]               À mon avis, le refus de la SPR d'accepter la déclaration du demandeur concernant les différences dans la preuve à l'égard de l'affiliation du demandeur à la coalition du 14 mars reflète un esprit non disposé à apprendre. Tout au long de son témoignage, le demandeur a soutenu qu'il était un sympathisant et, clairement, a décrit de diverses manières son appui comme étant une adhésion. À mon avis, la conclusion de la SPR selon laquelle « [l]e demandeur d’asile n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve de son appui à la coalition politique du 14 mars » n'est pas fondée. 

 

[7]               En conséquence, je conclus que la décision faisant l'objet du contrôle comporte une erreur susceptible de contrôle.


Ordonnance

 

LA COUR ORDONNE :

            J'annule la décision et renvoie l'affaire à un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision.

 

            Il n'y a aucune question à certifier.

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

 

Brigitte Grégoire, LL.L.

Réviseure

 


cour fédérale

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                       IMM-4826-09

 

 

Intitulé :                                      ROBERT HACHEM c. Le ministre de

                                                           la citoyenneté et de L’immigration

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 11 mai 2010

 

 

Motifs de l'ordonnance

ET ORDONNANCE :                      le juge CAMPBELL

 

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 11 mai 2010

 

 

Comparutions :

 

Michael Romoff

Pour le demandeur

 

 

Brad Bechard

Pour le défendeur

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Romoff

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

 

 

 

 

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