Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100505

Dossier : IMM-3527-09

Référence : 2010 CF 499

Ottawa (Ontario), le 5 mai 2010

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

CECILIA JIMENEZ HERRERA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. Introduction

[1]               La demanderesse, une Mexicaine, a affirmé avoir dû fuir le Mexique parce qu’elle avait été droguée et agressée sexuellement par un trafiquant de drogue (Lopez), qui aurait continué de lui extorquer des rapports sexuels jusqu’à son départ. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Commission) a rejeté sa demande d’asile et de protection. La conclusion quant à la protection offerte par l’État au Mexique est au cœur du présent contrôle judiciaire.

 


II. Faits

[2]               La demanderesse vivait à Tampico, à 550 milles de Mexico. Elle a rencontré Lopez en 2005 au bar où elle travaillait et, en juin 2007, ils sont sortis au restaurant. Elle affirme avoir été droguée et violée. Au cours du même mois, Lopez est passé prendre la demanderesse et l’a amenée à un hôtel, où ils ont eu des rapports sexuels.

 

[3]               La relation sexuelle s’est poursuivie pendant plusieurs mois, et la demanderesse prétend y avoir été partie sous l’effet de la peur. Après le second incident de nature sexuelle, la demanderesse a signalé la situation à un service de police non identifié. La police avait répondu qu’elle la rappellerait, mais ne l’a jamais fait. Il s’agit de l’unique fois où elle a demandé l’aide de la police et l’information n’est pas consignée.

 

[4]               La demanderesse habitait avec ses parents à l’époque. Elle a retardé de trois mois son départ du Mexique pour des raisons familiales et pour obtenir les fonds nécessaires. Lopez n’est jamais entré en contact avec sa famille, ni avant ni après le départ de la demanderesse.

 

[5]               La demanderesse est arrivée au Canada en août 2007 en tant que visiteuse. En mai 2008, elle a rendu visite à sa sœur à New York. Elle croyait également que lors de son retour au Canada, son statut de visiteur serait prolongé de six mois. Elle a plutôt été avisée qu’elle avait cinq jours pour quitter le Canada. La demanderesse a déposé sa demande d’asile à ce moment-là.

 

[6]               La Commission a conclu (a) que le retard de la demanderesse, au Mexique puis au Canada, bien que ce facteur ne soit pas un critère déterminant, révélait une absence de crainte subjective, (b) qu’il n’existait pas de lien entre sa situation et un des motifs prévus par la Convention puisqu’elle était victime de la criminalité en général,  (c) qu’elle n’avait pas suffisamment sollicité la protection de l’État, et (d) qu’il existait une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Mexico.

 

III. Analyse

[7]               Les conclusions de la Commission quant au lien, au bien-fondé de la crainte, à la protection de l’État et à la PRI sont toutes des questions mixtes de fait et de droit en l’espèce (voir Suvorova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2009 CF 373, et Espinosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2003 CF 1324). La question de la norme de contrôle judiciaire n’a pas été débattue.

 

[8]               En ce qui concerne le délai, il n’était pas déraisonnable, pour la Commission, de conclure que ce retard au Mexique et au Canada n’était pas compatible avec une crainte subjective. La demanderesse a laissé entendre que ce retard devrait être mesuré à partir du moment où elle a su qu’elle devait quitter le Canada. Toutefois, elle savait ou aurait dû savoir qu’elle n’avait aucun droit de demeurer au Canada autrement qu’en tant que visiteuse. En effet, elle s’est rendue aux États-Unis pensant qu’à son retour, son statut de visiteuse serait renouvelé. Elle avait une idée du régime d’immigration. Il n’était pas déraisonnable de rendre une décision défavorable à la demanderesse sur cette question.

 

[9]               La conclusion de la Commission sur le lien était également raisonnable. La Commission a pris en considération les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe. Toutefois, en l’espèce, la demanderesse ne faisait pas partie d’un groupe pris pour cible en raison du sexe. Elle était victime d’une personne apparemment obsédée, et non de persécution systémique. Quoi qu’il en soit, les conclusions quant à la protection de l’État et à la PRI répondent à toute critique de la conclusion de la Commission à cet égard.

 

[10]           La présomption de l’existence de la protection de l’État au Mexique est devenue une source de complications; cependant, elle ne demeure qu’une présomption et peut être réfutée par la preuve. Il existe des élément de preuve montrant que certaines régions et certaines autorités gouvernementales éprouvent de graves problèmes. Toutefois, il n’était pas déraisonnable de conclure que la présomption de la protection de l’État est applicable au Mexique. Il s’agit d’une démocratie contrôlant son territoire, dotée d’organismes gouvernementaux fonctionnels. Les faits propres à chaque affaire servent à déterminer si la présomption est réfutée en ce qui a trait à la personne, au groupe ou aux prétendus actes criminels en cause.

 

[11]           En l’espèce, la Commission a reconnu que certains corps policiers mexicains présentent des problèmes. À part une occasion où elle a communiqué avec la police, la demanderesse n’a pas exprimé de crainte envers cette dernière, et n’a pas non plus montré que son assaillant avait des liens avec la police qui feraient en sorte que toute enquête plus approfondie soit impossible ou déraisonnable. Elle n’a pas fui le Mexique parce qu’aucune autre organisation n’aurait pu lui venir en aide.

[12]           Dans le présent contexte, il n’était pas déraisonnable de la part de la Commission de conclure qu’une plainte signalée à la police était insuffisante pour réfuter la présomption de la protection de l’État. La Commission n’avait pas à se lancer dans une analyse détaillée de toutes les organisations, gouvernementales et autres, à qui la demanderesse pouvait s’adresser puisque cet objet  n’était pas en cause.

 

[13]           En ce qui concerne la conclusion de la Commission quant à une PRI à Mexico, une certaine déférence est de mise envers la Commission. De toute façon, les préoccupations non précisées formulées relativement à la sécurité informatique et la possibilité que certaines bases de données puissent être employées pour retrouver la demanderesse étaient hypothétiques et mal établies. La prémisse est que Lopez tenterait de retrouver la demanderesse, mais il n’a rien fait de tel depuis qu’elle a quitté le Canada, ni même à l’époque où elle était au Mexique. Sa famille n’a jamais été contactée par Lopez. Par conséquent, il n’était pas déraisonnable de conclure que la demanderesse avait une PRI à Mexico.

 

IV.       Conclusion

[14]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE QUE la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3527-09

 

INTITULÉ :                                       CECILIA JIMENEZ HERRERA

 

                                                            c

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 4 mai 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 5 mai 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Richard Addinall

 

Pour la demanderesse

 

Marcia Pritzker Schmitt

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Richard Addinall

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.