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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20100505

Dossier : IMM‑2226‑10

Référence : 2010 CF 494

Montréal (Québec), le 5 mai 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

 

SALVATOR PONCE MORENO

MARIA CONCEPCION ORTIZ VALDEZ

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DELA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

APRÈS AVOIR EXAMINÉ LA REQUÊTE présentée aux termes de l’article 18.2 de la Loi sur les cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, par les demandeurs pour obtenir le sursis de l’exécution de leur renvoi fixé au 8 mai 2010 jusqu’à ce que leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire concernant la décision de l’agent d’immigration Jean Bellavance, datée du 15 avril 2010, rejetant leur demande de report du renvoi ait fait l’objet d’une décision définitive;

 

APRÈS avoir soigneusement examiné et pris en compte les preuves et observations contenues dans le dossier de requête des demandeurs et dans le dossier de requête du défendeur;

 

APRÈS avoir tenu une audience sur la présente requête à laquelle ont assisté les conseils de toutes les parties au cours d’une session spéciale de la Cour tenue à Montréal le 4 mai 2010;

 

APRÈS avoir pris en compte le critère à trois volets applicable à la présente requête, tel qu’exposé par la Cour suprême du Canada dans Manitoba (A.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110 et RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, et appliqué au sursis en matière de renvoi par la Cour d’appel fédérale dans Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302;

 

LA COUR ORDNNE que la présente requête en vue d’obtenir le sursis du renvoi soit rejetée pour les motifs suivants :

 

Le contexte

[1]               Les demandeurs sont citoyens mexicains, nés respectivement en 1947 et en 1949; ils sont entrés au Canada le 12 décembre 2006. Le statut de réfugié ou de personnes à protéger leur a été refusé aux termes d’une décision, datée du 9 mai 2008, d’un tribunal de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Le tribunal a admis que les demandeurs avaient fait l’objet de menaces de la part de criminels non identifiés; il a néanmoins conclu que les demandeurs disposaient d’une possibilité de refuge intérieur au Mexique.

 

[2]               La décision du tribunal a été confirmée, à la suite d’une demande de contrôle judiciaire, par une décision datée du 5 février 2009 du juge de Montigny.

 

[3]               Après le rejet de leur demande de contrôle judiciaire, les demandeurs ont sollicité l’évaluation des risques avant renvoi. Au cours de cette évaluation, les demandeurs ont présenté de nouvelles preuves, à savoir que leur fils aurait prétendument reçu de nouvelles menaces au Mexique, y compris des allégations au sujet d’un accident suspect concernant un membre de la famille.

 

[4]               L’évaluation des risques avant renvoi a été achevée le 23 février 2010. Il a été décidé que les allégations des demandeurs n’avaient pas pour effet d’invalider la conclusion du tribunal de la Section de la protection des réfugiés au sujet de l’existence d’une possibilité de refuge intérieur, étant donné que le fils était retourné dans la collectivité où avaient été proférées les menaces au lieu de chercher refuge ailleurs au Mexique. De plus, les allégations au sujet d’un accident suspect concernant un membre de la famille ont été déclarées n’être qu’une simple hypothèse. La décision relative à l’évaluation des risques avant renvoi n’a pas fait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire.

 

[5]               Pendant que leur demande d’évaluation des risques avant renvoi était pendante, les demandeurs ont également présenté une demande de résidence permanente à partir du Canada basée sur des motifs d’ordre humanitaire, datée du 27 juillet 2009 (la demande CH), aux termes du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). Cette demande CH soulevait diverses questions concernant l’intérêt des petits‑enfants des demandeurs vivant au Canada, l’établissement des demandeurs au Canada, les difficultés auxquelles ils feraient face s’ils devaient présenter une demande de l’extérieur du Canada, le principe de la réunification des familles et enfin le risque auquel ils seraient personnellement exposés en cas de retour dans leur pays, tel que mentionné dans leur évaluation des risques avant renvoi. Cette demande CH n’a pas encore été tranchée par les autorités d’immigration du Canada.

 

[6]               À la suite de la décision négative relative à l’évaluation des risques avant renvoi du 23 février 2010, les demandeurs ont été informés le 27 mars 2010 qu’ils devaient quitter le Canada au plus tard le 8 mai 2010.

 

[7]               Le 7 avril 2010, les demandeurs ont demandé, par l’intermédiaire de leur avocat, le report du renvoi en attendant la décision relative à leur demande CH. Un des éléments soulevés dans la demande de report concernait le risque auquel seraient exposés les demandeurs s’ils retournaient au Mexique, risque qui a été précisé dans des observations supplémentaires relatives au report présentées par les demandeurs le 13 avril 2010. Il s’agissait des mêmes facteurs de risque et faits connexes que ceux qui avaient été présentés dans le contexte de l’évaluation des risques avant renvoi.

 

[8]               L’agent d’exécution a rendu une décision en date du 15 avril 2010 dans laquelle il concluait qu’il n’y avait pas de motifs suffisants pour reporter le renvoi, compte tenu des observations présentées par les demandeurs et de l’intérêt supérieur des enfants touchés. D’où la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire contestant cette décision présentée le 21 avril 2010.

 

Positions des parties

[9]               Dans la présente requête en sursis du renvoi, les demandeurs soutiennent que l’agent d’exécution a commis une erreur de droit lorsqu’il a refusé de reporter le renvoi en attendant l’évaluation de l’intérêt supérieur des petits‑enfants dans le contexte de la demande CH en cours.

 

[10]           Les demandeurs affirment également qu’ils subiraient un préjudice irréparable s’ils étaient renvoyés, étant donné que leur famille a été ciblée par des criminels au Mexique, et que leur renvoi serait contraire à l’intérêt supérieur de leurs petits‑enfants. Les demandeurs ajoutent que la prépondérance des inconvénients correspond au préjudice irréparable qu’ils subiront.

 

[11]           Le défendeur soutient que, en l’espèce, il y a lieu d’appliquer une norme stricte à l’égard de l’existence d’une question sérieuse à trancher. L’agent d’exécution a pris en compte les preuves présentées ainsi que l’intérêt supérieur des petits‑enfants et en est arrivé à une conclusion qui correspond aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[12]           Le défendeur ajoute que le préjudice irréparable n’a pas été établi, étant donné que le risque soulevé par les demandeurs est le même que celui qui a été examiné dans le cadre de l’évaluation des risques avant renvoi qui n’a pas été contestée. De plus, les demandeurs n’ont pas établi que leur renvoi causerait un préjudice irréparable à leurs petits‑enfants. Enfin, la prépondérance des inconvénients favorise le défendeur, qui est tenu par la loi, aux termes du paragraphe 48(2) de la LIPR, d’exécuter une mesure de renvoi dès que les circonstances le permettent.

 

Analyse

[13]           La présente requête peut être tranchée conformément aux principes énoncés récemment par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, 309 D.LR. (4th) 411; [2009] A.C.F. no 314 (QL) (Baron) qui cite en l’approuvant la décision du juge Pelletier dans Wang c. Canada, 2001 FCT 148; [2001] 3 C.F. 682; [2001] A.C.F. no 295 (QL) (Wang) et la décision du juge Nadon dans Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 187 F.T.R. 219; [2000] A.C.F. no 936 (QL) (Simoes).

 

[14]           L’arrêt Baron précise, aux paragraphes 66 et 67, que le juge saisi d’une requête en sursis d’un renvoi dans le contexte d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire du refus de la part de l’agent d’exécution de reporter le renvoi devrait agir selon les principes suivants : premièrement, le pouvoir discrétionnaire de reporter le renvoi d’une personne visée par une mesure de renvoi exécutoire est limité, et deuxièmement, la norme de contrôle de la décision de l’agent d’exécution est celle de la raisonnabilité. De plus, étant donné que la requête en sursis demande essentiellement une décision définitive sur le refus de reporter le renvoi, le demandeur doit présenter une thèse très convaincante pour justifier un sursis. Le juge des requêtes doit donc examiner attentivement le fond de la demande sous‑jacente.

 

[15]           L’arrêt Baron fait lui‑même référence à la décision Wang. Dans Wang, le juge Pelletier a déclaré ce qui suit aux paragraphes 48 et 52 [Non souligné dans l’original.] :

Il est admis qu’il existe un pouvoir discrétionnaire de différer l’exécution du renvoi, bien que les limites de ce pouvoir discrétionnaire ne soient pas définies. L’octroi de ce pouvoir discrétionnaire se trouve dans le même article qui impose l’obligation d’exécuter les mesures de renvoi, une juxtaposition à laquelle il faut accorder tout son sens. Dans son sens le plus large, le pouvoir discrétionnaire de différer ne devrait en toute logique être exercé que dans des circonstances où la procédure à laquelle on défère peut avoir comme résultat que la mesure de renvoi devienne nulle ou de nul effet. Le report dont le seul objectif est de retarder l’échéance ne respecte pas les impératifs de la Loi. Un exemple de politique qui respecte le pouvoir discrétionnaire de différer tout en limitant son application aux cas qui respectent l’économie de la Loi est de réserver l’exercice de ce pouvoir aux affaires où il y a des demandes ou procédures pendantes et où le défaut de différer ferait que la vie du demandeur serait menacée, ou qu’il serait exposé à des sanctions excessives ou à un traitement inhumain, alors qu’un report pourrait faire que la mesure devienne de nul effet. Dans de telles circonstances, on ne pourrait annuler les conséquences d’un renvoi en réadmettant la personne au pays par suite d’un gain de cause dans sa demande qui était pendante. Les affaires comme celle‑ci, qui causent des difficultés à la famille, sont malheureuses, mais on peut y remédier par une réadmission.

[…]

Quant à la question soumise au contrôle judiciaire sous‑jacent, le refus de l’agent chargé du renvoi de différer l’exécution du renvoi jusqu’à ce qu’on ait tranché la demande invoquant des motifs d’ordre humanitaire, je considère qu’il n’y a pas de question sérieuse à trancher au sujet de sa conduite. Comme je l’ai expliqué plus tôt, une demande pendante invoquant des motifs d’ordre humanitaire fondée sur la séparation d’avec la famille n’est pas en soi un motif de remettre un renvoi à plus tard. La traiter comme étant un tel motif aurait pour résultat de créer un sursis que le législateur n’a pas voulu inclure dans la Loi.

 

[16]           Cette approche a été approuvée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Baron, au paragraphe 51 [Non souligné dans l’original.] :

À la suite de ma décision dans l’affaire Simoes, précitée, mon collègue le juge Pelletier, alors juge à la Section de première instance de la Cour fédérale, a eu l’occasion, dans la décision Wang c. Canada (M.C.I.), [2001] 3 C.F. 682 (C.F.), dans le contexte d’une requête en sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi, d’aborder la question du pouvoir discrétionnaire de l’agent d’exécution de reporter le renvoi. Après avoir examiné attentivement et à fond les dispositions législatives applicables et la jurisprudence s’y rapportant, le juge Pelletier a circonscrit la portée du pouvoir discrétionnaire d’un agent d’exécution en matière de report de renvoi. Dans des motifs que je ne puis améliorer, il a expliqué ce qui suit :

‑  Il existe divers facteurs qui peuvent avoir une influence sur le moment du renvoi, même en donnant une interprétation très étroite à l’article 48. Il y a ceux qui ont trait aux arrangements de voyage, et ceux sur lesquels ces arrangements ont une incidence, notamment le calendrier scolaire des enfants et les incertitudes liées à la délivrance des documents de voyage ou les naissances ou décès imminents.

‑  La loi oblige le ministre à exécuter la mesure de renvoi valide et, par conséquent, toute ligne de conduite en matière de report doit respecter cet impératif de la Loi. Vu l’obligation qui est imposée par l’article 48, on devrait accorder une grande importance à l’existence d’une autre réparation, comme le droit de retour, puisqu’il s’agit d’une réparation autre que celle qui consiste à ne pas respecter une obligation imposée par la Loi. Dans les affaires où le demandeur a gain de cause dans sa demande CH, il peut obtenir réparation par sa réadmission au pays.

 

‑  Pour respecter l’économie de la Loi, qui impose une obligation positive au ministre tout en lui accordant une certaine latitude en ce qui concerne le choix du moment du renvoi, l’exercice du pouvoir discrétionnaire de différer le renvoi devrait être réservé aux affaires où le défaut de le faire exposerait le demandeur à un risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain. Pour ce qui est des demandes CH, à moins qu’il n’existe des considérations spéciales, ces demandes ne justifient un report que si elles sont fondées sur une menace à la sécurité personnelle.

 

‑  Il est possible de remédier aux affaires où les difficultés causées à la famille sont le seul préjudice subi par le demandeur en réadmettant celui‑ci au pays par suite d’un gain de cause dans sa demande qui était en instance.

 

Je souscris entièrement à l’exposé du droit du juge Pelletier.

 

[17]           Le report de la mesure de renvoi est donc demandé en se fondant sur l’existence d’une demande CH pendante présentée aux termes du paragraphe 25(1) de la LIPR; en l’absence de circonstances spéciales, le report ne devrait être envisagé que lorsqu’il est établi que la sécurité personnelle du demandeur est menacée.

 

[18]           En l’espèce, la sécurité personnelle des demandeurs n’est pas en cause. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada ainsi que l’agent qui a effectué l’évaluation des risques avant renvoi ont tous deux conclu que les demandeurs disposaient d’une possibilité de refuge intérieur au Mexique. La décision de la Section de la protection des réfugiés a été confirmée par la Cour fédérale et l’évaluation des risques avant renvoi n’a pas été contestée. En l’absence de nouvelles preuves à l’effet contraire, l’agent d’exécution n’avait pas le pouvoir d’écarter ou d’infirmer ces décisions.

 

[19]           Par conséquent, la seule question en litige est de savoir si la demande CH en cours est en elle‑même une raison suffisante pour reporter le renvoi. Autrement dit, l’existence d’une demande CH en cours constitue‑t‑elle une des considérations spéciales mentionnées dans Wang et Baron qui autoriserait l’agent d’exécution à reporter le renvoi des demandeurs? J’estime que l’agent d’exécution n’a pas agi de façon déraisonnable lorsqu’il a conclu que les faits particuliers de la présente affaire ne constituaient pas une telle considération spéciale.

 

[20]           Comme l’a fait remarquer le juge Nadon dans l’arrêt Baron, au paragraphe 50, le seul fait qu’une demande CH ait été présentée ne constitue pas un empêchement à l’exécution d’une mesure de renvoi valide. De plus, au sujet de la présence d’enfants nés au Canada, l’agent d’exécution n’est pas tenu d’effectuer un examen approfondi de l’intérêt supérieur des enfants avant d’exécuter la mesure de renvoi. Le juge Nadon en est arrivé à cette conclusion en reprenant les commentaires qu’il avait formulés dans la décision Simoes, aux paragraphes 12 à 14 :

À mon avis, le pouvoir discrétionnaire que l’agent chargé du renvoi peut exercer est fort restreint et, de toute façon, il porte uniquement sur le moment où une mesure de renvoi doit être exécutée. En décidant du moment où il est « raisonnablement possible » d’exécuter une mesure de renvoi, l’agent chargé du renvoi peut tenir compte de divers facteurs comme la maladie, d’autres raisons à l’encontre du voyage et les demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire qui ont été présentées en temps opportun et qui n’ont pas encore été réglées à cause de l’arriéré auquel le système fait face. […]

En ce qui concerne les demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire qui sont en instance, à coup sûr, le fait que pareille demande ne soit toujours pas réglée n’empêche pas l’exécution d’une mesure de renvoi valide. Comme le juge Noël l’a avec raison fait remarquer : « Décider autrement reviendrait en fait à permettre aux demandeurs de surseoir automatiquement et unilatéralement à l’exécution de mesures de renvoi valablement prises en déposant la demande appropriée et ce, selon leur volonté et à leur loisir. Cette conséquence n’est certainement pas celle visée par le législateur. »

En ce qui concerne les demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire mettant en cause des enfants canadiens, je ne puis souscrire à l’avis exprimé par la demanderesse ‑‑ à savoir, que l’agent chargé du renvoi doit reporter le renvoi d’un parent dont les enfants sont canadiens en attendant le règlement de la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire qu’ils ont présentée. […]

 

 

[21]           La décision Simoes énonce que l’agent chargé du renvoi peut tenir compte de l’existence d’une demande CH en instance qui a été présentée en temps utile mais qui n’a pas encore été réglée en raison de l’arriéré auquel le système fait face. Le juge Zinn a souligné dans la décision récente Williams c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2010 CF 274, [2010] A.C.F. no 318 (QL), au paragraphe 36, qu’il semble que la raison d’être de cette affirmation n’a fait l’objet d’aucune analyse ou discussion; le juge Zinn souligne toutefois que la raison d’être est peut‑être qu’il ne convient pas d’autoriser le ministre à exécuter de façon rigoureuse son obligation en matière de renvoi alors qu’il ne respecte pas son obligation de traiter les demandes susceptibles de rendre un tel renvoi inutile ou invalide.

 

[22]           Il est possible qu’un agent d’exécution puisse reporter le renvoi si la décision relative à la demande CH est imminente, évitant ainsi aux demandeurs d’avoir à se déplacer plusieurs fois dans le cas où leur demande CH serait acceptée; il est également possible que la période pendant laquelle la demande CH est demeurée en instance soit un facteur à prendre en compte pour déterminer si la décision relative à cette demande est imminente; cependant, le seul fait qu’une demande CH soit en instance depuis longtemps et non depuis peu ne semble pas à première vue justifier un report en l’absence de circonstances spéciales : voir les commentaires du juge Blais dans Baron, au paragraphe 80. Il est en outre douteux, à la lumière de l’arrêt Baron, que l’existence d’une demande CH en instance, même si son traitement dure depuis longtemps, suffise à elle seule à justifier le report d’un renvoi lorsqu’il n’est pas démontré que le demandeur serait exposé personnellement à un risque pour sa sécurité. Il n’est toutefois pas nécessaire de trancher ces questions en l’espèce, étant donné qu’il est clair que l’examen de la demande CH par le ministre s’effectue dans un délai raisonnable et qu’il n’existe aucun élément indiquant que la décision relative à la demande CH soit imminente. Dans ces circonstances, je ne pense pas que l’agent d’exécution ait agi de façon déraisonnable en refusant de reporter le renvoi des demandeurs.

 

[23]           Il est utile de rappeler que la demande présentée aux termes du paragraphe 25(1) de la LIPR a pour but d’obtenir une exemption à l’égard d’une obligation prévue par cette loi et que la décision d’accorder ou non une telle demande appelle l’exercice discrétionnaire d’un pouvoir ministériel. L’exercice de ce pouvoir discrétionnaire est assujetti au contrôle judiciaire, mais le seul fait qu’une telle demande ait été présentée ne peut, à lui seul, accorder le droit de demeurer au Canada. Les demandeurs ont été déclarés ne pas être des réfugiés ni des personnes à protéger à la fois par le tribunal de la Section de la protection des réfugiés et par l’agent responsable de l’évaluation des risques avant renvoi. Ils n’ont donc plus le droit de demeurer au Canada et le seul fait d’avoir présenté une demande CH ne leur accorde pas un tel droit. En l’absence de circonstances spéciales et de preuves établissant que leur sécurité personnelle est en danger, l’agent chargé du renvoi avait le pouvoir de ne pas leur accorder le report du renvoi pour le motif que leur demande CH était en instance.

 

[24]           L’argument des demandeurs fondé sur le préjudice irrémédiable qu’ils subiraient s’ils étaient renvoyés est intégralement réfuté par les décisions du tribunal de la Section de la protection des réfugiés et de l’agent chargé de l’évaluation des risques avant renvoi, qui ont tous les deux conclu que les demandeurs avaient accès à une possibilité de refuge intérieur au Mexique. De plus, aucune preuve démontrant que les petits‑enfants des demandeurs subiraient un préjudice irréparable n’a été présentée.

 

[25]           Dans ces circonstances, la prépondérance des inconvénients favorise également le défendeur.

 

[26]           La requête en sursis du renvoi est donc rejetée.

 

 

 

« Robert M. Mainville »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑2226‑10

 

INTITULÉ :                                       SALVADOR PONCE MORENO ET AL. c.

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET

                                                            DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 4 mai 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE JUGE MAINVILLE

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             le 5 mai 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Arash Banakar

 

POUR LES DEMANDEURS

Lisa Maziade

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Arash Banakar

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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