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Cour fédérale

 

 

Federal Court


 

Date : 20100504

Dossier : IMM-1567-10

Référence : 2010 CF 492

Toronto (Ontario), le 4 mai 2010

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

DALVIR KAUR GILL

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La Section de l’immigration (SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) a jugé Mme Dalvir Kaur Gill interdite de territoire au Canada pour avoir, directement ou indirectement, fait une fausse déclaration au sujet de faits importants (alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), L.C. 2001, ch.27). La décision de la SI a été maintenue par la Section d’appel de l’immigration (SAI). Mme Dalvir Kaur Gill a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de la SAI et a ultérieurement déposé la présente requête visant le report de l’exécution de la mesure de renvoi prévue pour le 10 mai 2010.

 

CONTEXTE

 

[2]               Mme Kaur Gill, citoyenne de l’Inde, est née en 1979.

 

[3]               Elle a épousé Jagras Singh Gill (« M. Gill ») en Inde en 2002. Mme Kaur Gill et M. Gill ont passé deux semaines et demie ensemble avant le retour de M. Gill au Canada.

 

[4]               Après avoir été parrainée par M. Gill, Mme Kaur Gill a obtenu le statut de résidente permanente en décembre 2002 et a déménagé au Canada. M. Gill a quitté l’Inde à la fin de 2002 et Mme Kaur Gill ne l’a plus jamais revu.

 

[5]               Mme Kaur Gill a signé une requête en divorce d’avec M. Gill en 2003 et leur divorce a été prononcé en novembre 2004.

 

[6]               Mme Kaur Gill a épousé Preetpal Singh Virk (« M. Virk ») en 2004 et elle a déposé une demande de parrainage de son époux au Canada. Mme Kaur Gill et M. Virk ont un fils qui est Canadien.

 

[7]               La Section de l’immigration de la CISR a pris une mesure d’exclusion contre Mme Kaur Gill pour présentation erronée de faits dans le cadre du processus visant à l’obtention de son statut de résidente permanente. Mme Kaur Gill a interjeté appel de cette décision devant la SAI. La SAI a rejeté l’appel de l’appelante le 2 novembre 2009.

 

QUESTION EN LITIGE

 

[8]               Mme Kaur Gill a-t-elle satisfait au critère conjonctif à trois volets de l’arrêt Toth, critère applicable à un sursis à une mesure d’exécution (Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302 C.A.F.)?

 

a.                  Question sérieuse

 

[9]               L’alinéa 40(1)a) de la LIPR exige qu’il y ait eu présentation erronée sur un fait important pour qu’une décision emportant interdiction de territoire soit rendue.

 

[10]           Il n’existe pas d’exigence quant à l’évaluation de l’authenticité d’un mariage. Dans Ramkisson, une affaire dont les faits sont pratiquement identiques à la présente affaire, la Cour a décidé que :

De plus, le critère qu’a appliqué la SAI et qu’elle devait appliquer n’était pas celui qui a été formulé dans la décision Horbas. La SAI n’examinait pas l’authenticité d’une demande de parrainage d’un conjoint. La question à laquelle la SAI devait répondre était celle de savoir si la demanderesse avait donné une fausse indication sur un fait important lorsqu’elle a demandé le droit d’établissement à titre d’épouse de M. Pasad.

 

Ramkissoon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 971, au paragraphe 8.

 

 

[11]           En outre, comme il est déclaré dans la décision ci-dessous :

Selon l’alinéa 40(1)a) de la Loi, il n’est pas nécessaire qu’une présentation erronée soit directe. Une personne peut également être interdite de territoire pour avoir fait indirectement une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi.

 

[…]

 

Même s’il était vrai que la demanderesse s’appuyait sur son père pour fournir des renseignements exacts concernant son âge et que les renseignements fournis par son père à son insu étaient inexacts, cela n’empêcherait pas l’application de l’article 40 de la Loi. La fausse déclaration demeure fausse déclaration directe ou indirecte qui, en l’espèce, a entraîné une erreur dans l’application de la Loi. En conséquence, je conclus que la SAI n’a pas commis d’erreur à cet égard.

 

Kaur Barm c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 893, au paragraphe 20.

 

 

[12]           Les affaires liées à la dissimulation de renseignements importants diffèrent de la présente affaire. Celle-ci porte sur de fausses déclarations directes ou indirectes qui sont faites. Elle s’inscrit nettement dans le raisonnement de Kaur Barm cité ci-dessus (Il importe de reconnaître qu’en l’espèce, la conjointe parrainée, qui parraine maintenant à son tour, devrait expliquer aux autorités sa situation personnelle, situation dans laquelle elle a obtenu son statut à l’origine, et ce qu’elle tente de faire lorsqu’elle demande à parrainer un conjoint, à la suite de sa situation précédente. Cela ne s’est jamais produit).

 

[13]           L’intérêt supérieur de l’enfant a également été dûment examiné. La SAI a précisé qu’il n’y avait pas de preuve établissant que l’enfant souffrirait indûment s’il accompagnait sa mère en Inde. La SAI a considéré à juste titre que l’intérêt supérieur de l’enfant constitue un des facteurs à prendre en compte, mais que ce n’est pas nécessairement un facteur déterminant.

 

Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125.

 

Caesar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 215.

 

[14]           Mme Kaur Gill n’a pas établi l’existence d’une question sérieuse à trancher, et la requête pourrait être rejetée sur cette seule base.

 

B. Préjudice irréparable

 

[15]           Le préjudice irréparable ne doit être ni spéculatif ni reposer sur une série de conjectures. La Cour a statué que le fait que le Canada constitue, pour un enfant, un meilleur endroit pour vivre que le pays où le renvoi doit avoir lieu n’équivaut pas à un préjudice irréparable, même dans le cas des enfants nés au Canada.

Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [2000] A.C.F. no 936, au paragraphe 19.

 

[16]           De plus, la jurisprudence établit clairement que le fait qu’un enfant né au Canada quitte le Canada avec son parent et ne puisse peut-être pas être en mesure de revenir avant que son parent régularise son statut au Canada ou avant que l’enfant devienne un adulte ne constitue pas un empêchement au renvoi du parent. Il ne faut pas éviter l’exécution d’une mesure de renvoi valide sous prétexte qu’une personne est le parent d’un enfant né au Canada.

 

Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, au paragraphe 57.

 

[17]           Mme Kaur Gill n’a pas satisfait au critère du préjudice irréparable et la présente requête peut aussi être rejetée sur cette seule base.

 

C. Prépondérance des inconvénients

 

[18]           La prépondérance des inconvénients penche en faveur du défendeur. L’article 48 de la LIPR prévoit qu’une mesure de renvoi exécutoire doit être appliquée dès que les circonstances le permettent.

 

[19]           La Cour d’appel fédérale a décidé que le report d’une mesure de renvoi équivaut à davantage qu’un simple inconvénient. Comme l’a écrit le juge Evans :

À mon avis, l’équilibre des inconvénients ne milite pas en faveur d’un nouveau report de l’accomplissement de leur obligation, en tant que personnes visées par une mesure de renvoi exécutoire, de quitter le Canada immédiatement, ni en faveur d’un nouveau report de l’accomplissement de l’obligation du ministre de les renvoyer dès que les circonstances le permettront : voir le paragraphe 48(2) de la LIPR). Il ne s’agit pas simplement d’une question de commodité administrative, il s’agit plutôt de l’intégrité et de l’équité du système canadien de contrôle de l’immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système.

 

Selliah c.Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 261, au paragraphe 22.

 

 

 

[20]           Mme Kaur Gill demande une mesure équitable hors de l’ordinaire. Elle n’a pas réussi à établir qu’il est dans l’intérêt public de ne pas la renvoyer comme cela est prévu selon l’intention du législateur et d’après la jurisprudence citée ci-dessus. Peut-être était-elle une victime vulnérable, qui ignorait ce que son premier mari ferait à son endroit. En conséquence, seule une autorisation ministérielle lui permettrait, sur une base exceptionnelle et pour des raisons d’ordre humanitaire, d’obtenir un statut; toutefois, la décision ressortit du pouvoir discrétionnaire du ministre et non de l’interprétation des tribunaux.

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE : le rejet de la requête visant le report de l’exécution de la mesure de renvoi du Canada.

 

« Michel M.J. Shore »

                           Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A. Trad.jur.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-1567-10

 

INTITULÉ :                                                   DALVIR KAUR GILL

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 3 mai 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                  Le juge Shore

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 4 mai 2010

 

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jaswant Mangat

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

Kevin Doyle

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jaswant Mangat

Mangat Law Professional Corp.

Brampton (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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