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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20100330

Dossier : IMM-4450-09

Référence : 2010 CF 345

Ottawa (Ontario), le 30 mars 2010

En présence de monsieur le juge Boivin

 

 

ENTRE :

FRANKLIN ANTONIO PEREZ

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), relativement à une décision datée du 20 août 2009 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger aux termes des articles 96 ou 97 de la Loi.

 

Le contexte factuel

[2]               Le demandeur, Franklin Antonio Perez, est né et a grandi au Honduras. En 2003, il a eu plusieurs démêlés avec un gang connu sous le nom de Mara Salvatrucha 13.

 

[3]               Le demandeur a été impliqué dans trois incidents avec plusieurs membres de ce gang. Il soutient que lors du premier incident, survenu le 15 février 2003, plusieurs membres du gang l’ont abordé et ont exigé qu’il se fasse tatouer et qu’il achète certains types de vêtement afin de joindre leurs rangs. Ils l’ont également battu et volé. Dans les jours qui ont suivi, le demandeur n’a pas suivi leurs instructions.

 

[4]               Lors du deuxième incident, survenu le 24 février 2003, un groupe de membres du gang ont accosté le demandeur et l’ont battu. Ils ont dit qu’il devait se joindre au gang.

 

[5]               À la troisième occasion, le 4 mars 2003, deux membres du gang ont tiré des coups de feu dans sa direction, dans la rue, et une balle lui a éraflé le genou.

 

[6]               Le demandeur s’est présenté à la police le 24 février et le 4 mars 2003, et des copies des rapports de police ont été produites. Après le troisième incident survenu le 4 mars 2003, la police a déclaré au demandeur qu’elle allait tenter de faire enquête, mais elle n’a fait aucune promesse parce qu’elle manquait de ressources.

 

[7]               Le demandeur a reçu des soins médicaux après les deuxième et troisième incidents, et des copies de certificats médicaux datés du 24 février et du 4 mars 2003 ont été produites.

 

[8]               Le 1er avril 2003, des voisins et des amis ont dit à la mère du demandeur que des membres du gang étaient à la recherche d’une personne qui correspondait à sa description dans le quartier. Le demandeur s’est caché dans une église de l’endroit pendant plusieurs jours et il a ensuite quitté le Honduras, en se dirigeant vers le nord. Il est entré aux États-Unis en mai 2003, où il est resté jusqu’à son arrivée au Canada le 1er juin 2008.

 

[9]               Le demandeur a présenté une demande d’asile le lendemain de son arrivée au Canada, disant qu’il craignait d’être persécuté du fait de son appartenance à un groupe social et qu’il était exposé à une menace à sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités sur le territoire de la République du Honduras.

 

[10]           Durant son séjour aux États-Unis, le demandeur n’a pas demandé l’asile. Il indique dans son formulaire de renseignements personnels (FRP) qu’il ignorait qu’il pouvait faire une telle demande. Toujours aux États-Unis, le demandeur a présenté plusieurs demandes infructueuses dans le cadre d’un programme de protection temporaire appelé Temporary Protected Status (le programme TPS) et on lui a finalement demandé de ne plus le faire.

 

[11]           Le programme TPS accorde le statut d’immigrant temporaire aux ressortissants admissibles qui viennent de pays désignés. Le statut de protection temporaire est accordé aux ressortissants étrangers auxquels il est provisoirement impossible de retourner sans danger dans leur pays d’origine à cause d’un conflit armé en cours, d’une catastrophe écologique ou d’autres situations extraordinaires et provisoires. Une personne à qui l’on accorde le statut TPS peut séjourner aux États-Unis et obtenir un permis de travail, mais ce statut ne mène pas à celui de résident permanent.

 

[12]           Le demandeur a décidé d’essayer d’être reconnu comme bénéficiaire dans le cadre du programme TPS. Il est notoire que le processus de demande d’asile aux États-Unis est difficile et les demandeurs d’asile sont souvent renvoyés dans leur pays d’origine. Le demandeur craignait qu’on le renvoie au Honduras.

 

[13]           À l’audience, le demandeur a produit divers documents sur le programme TPS, dont une décision de l’« Administrative Appeals Office » (le « Bureau des appels administratifs »), datée du 24 août 2007, qui mentionne, notamment, ce qui suit :

[Traduction]

 

À l’appui de sa requête en réouverture, le demandeur envoie simplement une copie de son passeport et des documents relatifs à son allégation de résidence continue aux États-Unis depuis le 30 décembre 1998 et de présence continue dans ce pays depuis le 5 janvier 1999.

 

[14]           L’une des conditions d’admissibilité au programme TPS qu’il faut obligatoirement remplir est une présence et une résidence continues aux États-Unis. Après de nombreuses tentatives de demande de la part du demandeur, celui-ci a été informé qu’étant donné qu’il ne résidait pas de façon continue aux États-Unis depuis le 30 décembre 1998, ou qu’il n’était pas présent de façon continue dans ce pays depuis le 5 janvier 1999, il n’était pas admissible au programme.

La décision contestée

[15]           En l’espèce, les questions déterminantes étaient la crédibilité du demandeur, sa crainte subjective et la question de savoir s’il faisait face à un risque généralisé.

 

[16]           En ce qui concerne la crédibilité du demandeur, la Commission a rejeté son explication concernant le délai écoulé avant de demander l’asile, et plus particulièrement le fait de ne pas avoir demandé l’asile aux États-Unis. En se fondant sur la décision rendue par l’Administrative Appeals Office aux États-Unis, le demandeur a présenté une demande liée à [Traduction] « son allégation de résidence continue aux États-Unis depuis le 30 décembre 1998 et de présence continue dans ce pays depuis le 5 janvier 1999 ». La Commission a conclu que cela ne cadrait pas avec la prétention du demandeur selon laquelle, au Honduras, en 2003, il avait été victime d’incidents qui l’avaient amené à fuir ce pays pour sa sécurité. Quand on lui a demandé d’expliquer cette incohérence, le demandeur a simplement dit qu’il n’avait pas dit qu’il se trouvait aux États-Unis avant 2003. La Commission a conclu que le témoignage du demandeur n’était pas tout à fait crédible ou digne de foi.

 

[17]           La Commission a fait remarquer que, même si le demandeur d’asile avait peut-être menti aux États-Unis afin d’être admissible au programme TPS, les faits survenus au Honduras s’étaient peut-être bel et bien produits en 2003, d’autant plus qu’il avait fourni des déclarations corroborantes. Elle a donc examiné le fond de la demande d’asile en s’appuyant sur ces allégations et conclu que le demandeur d’asile n’avait pas besoin de la protection offerte aux réfugiés.

 

[18]           Le demandeur a attendu cinq ans aux États-Unis sans présenter de demande d’asile et avant de s’en venir au Canada pour faire une demande de protection à titre de réfugié. La Commission a conclu qu’il s’agissait là d’un retard important pour chercher de l’aide face à des dangers potentiels graves tels que la persécution, la mort et des traitements cruels et inusités, ce qui nécessitait une explication.

 

[19]           Le demandeur d’asile a déclaré qu’il ignorait qu’il pouvait demander l’asile aux États-Unis, mais la Commission n’a pas admis cette explication. Il a été en mesure de découvrir qu’il pouvait présenter une demande dans le cadre du programme TPS, lequel fait partie du système d’immigration aux États-Unis. La Commission n’a pas jugé crédible que le demandeur d’asile n’ait pas su aussi qu’il pouvait demander l’asile ou solliciter une forme quelconque de protection offerte aux réfugiés.

 

[20]           Le demandeur d’asile a expliqué qu’il avait eu peur de présenter une demande d’asile, parce qu’il risquait l’expulsion si son cas attirait l’attention des autorités américaines. La Commission a rejeté cette explication, signalant que le demandeur d’asile avait présenté plusieurs demandes dans le cadre du programme TPS, jusqu’à ce qu’on lui demande de cesser de le faire. Au dire de la Commission, le demandeur d’asile avait de toute évidence attiré l’attention des autorités américaines à maintes reprises. Il sollicitait l’aide des États-Unis pour demeurer dans ce pays et la Commission a conclu qu’il ne craignait pas trop les autorités responsables de l’octroi de l’asile pour s’adresser à elles.

 

[21]           La Commission a également conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve indiquant que le demandeur d’asile avait été traité différemment d’autres personnes qui sont la cible, au Honduras, de gangs faisant du recrutement. Elle a conclu que le demandeur n’était pas confronté à un risque personnalisé, mais plutôt à un risque auquel sont généralement confrontées d’autres personnes au Honduras.

 

[22]           La Commission a signalé de plus que l’on comptait environ 36 000 membres de gang au Honduras en 2007 et 2008, mais d’autres sources indiquent que ce chiffre peut s’élever à 70 000. En Amérique centrale, y compris au Honduras, les gangs sont largement impliqués dans l’industrie du trafic de la drogue, ainsi que dans les enlèvements, la traite de personnes et la contrebande d’automobiles et d’armes. La violence liée aux gangs représenterait jusqu’à 50 p. 100 des cas de violence dans ce pays. La Commission a reconnu l’existence de ce problème, mais elle ne disposait pas de beaucoup d’informations sur les structures internes des gangs, y compris le Mara Salvatrucha 13.

 

[23]           La Commission a conclu que le demandeur d’asile avait été traité d’une manière similaire à celle à laquelle sont généralement confrontées d’autres personnes au Honduras ou originaires de ce pays et qu’il n’y avait rien dans le récit du demandeur qui pouvait inciter la Commission à conclure que ce dernier, relativement à son recrutement, avait été soumis à une expérience différente de celle que vivent généralement d’autres personnes.

 

Les questions en litige

[24]           La présente demande soulève les questions suivantes :

1.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’est pas tout à fait crédible ou digne de foi?

 

2.         La Commission a-t-elle fondé sa décision selon laquelle le demandeur n’a pas prouvé qu’il avait une crainte subjective de persécution sur une conclusion de fait erronée, sans tenir compte des éléments dont elle disposait?

 

3.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’est pas exposé à une menace à sa vie aux termes de l’article 97 de la Loi et que d’autres personnes présentes au Honduras ou originaires de ce pays font généralement face au même risque?

 

Analyse

La norme de contrôle applicable

[25]           Le demandeur et le défendeur soutiennent tous deux - et la Cour y souscrit - que la norme de contrôle à appliquer en l’espèce est la raisonnabilité.

 

[26]           L’évaluation de la crédibilité et l’appréciation de la preuve relèvent de la compétence du tribunal administratif qui est appelé à apprécier l’allégation de crainte subjective d’un demandeur d’asile (Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1998), 157 F.T.R. 35, 83 A.C.W.S. (3d) 264, au paragraphe 14). La Cour n’interviendra que si la Commission a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans qu’il soit tenu compte des éléments dont elle disposait (Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1993), 160 N.R. 315, 42 A.C.W.S. (3d) 886 (C.A.F.)). Depuis l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la norme de contrôle applicable est la raisonnabilite.

1.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’est pas tout à fait crédible ou digne de foi?

 

[27]           Le demandeur soutient qu’il a fourni une réponse et une explication détaillées aux questions de la Commission et qu’il a expliqué ce qu’est le programme TPS. La Commission a fait référence à une incohérence qui repose sur une interprétation erronée de la décision de l’Administrative Appeals Office au sujet des demandes présentées dans le cadre du programme TPS. Il ajoute que les dates mentionnées dans la lettre de l’Administrative Appeals Office sont fondées sur l’exigence du programme TPS selon laquelle il est nécessaire d’être présent de manière continue aux États-Unis pour être admissible, et cela n’implique pas que le demandeur était présent aux États-Unis durant cette période.

 

[28]           La Cour signale que la Commission est la mieux placée pour évaluer les explications données par le demandeur sur les incohérences perçues, et qu’il ne lui incombe pas de substituer son jugement aux conclusions de fait que tire la Commission quant à la crédibilité du demandeur d’asile (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 181, 146 A.C.W.S. (3d) 325, au paragraphe 36; Mavi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (2001), 104 A.C.W.S. (3d) 925, [2001] A.C.F. no 1 (QL)).

 

[29]           En l’espèce, la conclusion que la Commission a tirée n’était pas déraisonnable au vu des incohérences relevées dans le témoignage et la preuve du demandeur d’asile. Ce dernier n’a pas fourni une preuve convaincante de sa crainte subjective, car il a attendu cinq ans avant de demander l’asile au Canada. Son explication, à savoir qu’il ignorait qu’il pouvait demander l’asile aux États‑Unis, est invraisemblable, compte tenu particulièrement de ses multiples tentatives de demande auprès du programme TPS et du fait que ce programme fait partie du système d’immigration aux États-Unis. Le demandeur n’a pas non plus expliqué comme il faut l’incohérence relative à sa résidence et à sa présence aux États-Unis qui découle de la décision de l’Administrative Appeals Office.

 

2.         La Commission a-t-elle fondé sa décision selon laquelle le demandeur n’a pas prouvé qu’il avait une crainte subjective de persécution sur une conclusion de fait erronée, sans tenir compte des éléments dont elle disposait?

 

[30]           Le demandeur soutient que les nombreuses tentatives qu’il a faites pour être reconnu comme bénéficiaire dans le cadre du programme TPS aux États-Unis démontrent clairement sa crainte subjective de persécution. Il soutient qu’il a expliqué de manière raisonnable le fait de ne pas avoir présenté une demande d’asile, c’est-à-dire qu’il craignait que les autorités américaines le renvoient dans son pays d’origine. Il soutient qu’il est notoire que le programme d’asile américain est très difficile et qu’il a décidé d’essayer d’obtenir le statut de bénéficiaire dans le cadre du programme TPS.

 

[31]           Le demandeur allègue de plus que le fait même d’avoir quitté les États-Unis pour le Canada après s’être rendu compte qu’il n’était pas admissible au programme TPS et qu’il pouvait être renvoyé au Honduras est une preuve de sa cohérence et démontre qu’il craignait encore d’être renvoyé dans son pays. À son arrivée au Canada, il a immédiatement présenté une demande d’asile, car il savait que le Canada n’avait pas de programme équivalant au programme TPS.

 

[32]           Selon le défendeur, la Commission a conclu de façon raisonnable que les gestes du demandeur ne cadraient pas avec une crainte subjective de persécution. Le fait de ne pas avoir demandé l’asile aux États-Unis avait une incidence défavorable sur sa prétention de crainte subjective ainsi que sur sa crédibilité quant aux faits survenus au Honduras, et il était raisonnablement loisible à la Commission de conclure que ces gestes ne cadraient pas avec une crainte subjective de persécution. Ainsi qu’il a été indiqué dans la décision Riadinskaia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (2001), 102 A.C.W.S. (3d) 967, [2001] A.C.F. no 30 (QL), il était loisible à la Commission de conclure que, si le demandeur d’asile craignait réellement pour sa vie, son plus grand souci aurait été de protéger sa vie.

 

[33]           Le demandeur doit satisfaire à deux éléments afin d’établir l’existence d’une crainte fondée de persécution : une crainte subjective et un fondement objectif à cette crainte. La Cour a confirmé que l’absence de preuve d’une crainte subjective de persécution est une lacune fatale ((Rodriguez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 292, 119 A.C.W.S. (3d) 999, au paragraphe 32; Herrera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration,), 2007 CF 979, 161 A.C.W.S. (3d) 469, aux paragraphes 23 et 24). La Cour estime que la conclusion d’absence de crainte subjective que la Commission a tirée était raisonnable, surtout que le demandeur a attendu cinq (5) ans avant d’arriver au Canada pour demander l’asile. En fait, dans la décision Mejia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1087, 151 A.C.W.S. (3d) 509, la Cour a jugé que la Commission n’avait pas commis d’erreur en concluant qu’un séjour de quinze (15) mois aux États-Unis était incompatible avec l’existence d’une crainte subjective. En l’espèce, la Cour est donc d’avis qu’il en est de même d’un séjour de cinq (5) ans aux États-Unis, sans solliciter l’asile.

 

3.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’est pas exposé à une menace à sa vie aux termes de l’article 97 de la Loi et que d’autres personnes présentes au Honduras ou originaires de ce pays font généralement face au même risque?

 

[34]           Le demandeur soutient que la Cour, dans la décision Surajnarain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1165, 336 F.T.R. 161, a conclu avec raison que, pour qu’une demande soit accueillie, il faut qu’un demandeur d’asile soit exposé à un risque qui n’est pas aléatoire et auquel peut être exposé un petit groupe de la population. Si c’est la population tout entière qui est exposée à ce risque, la demande ne sera pas retenue.

 

[35]           Le défendeur soutient qu’au vu des faits particuliers de l’espèce, lorsqu’un vaste sous‑groupe de la population d’un pays est visé, ce vaste sous-groupe peut être considéré comme une population générale, ainsi qu’il a été conclu dans la décision Osorio, aux paragraphes 22 à 27. Comme il a été signalé dans cette décision, il serait déraisonnable que n’importe quel jeune homme originaire du Honduras soit admissible à une protection s’il lui suffisait de venir au Canada.

 

[36]           Le fait que le recrutement soit personnel ne signifie pas forcément que le risque est personnalisé. Cela ne veut pas dire qu’il ne s’agit pas d’une activité à laquelle sont généralement confrontées d’autres personnes, car, ainsi que l’a mentionné la Commission : « La nature du recrutement, c’est d’intégrer des personnes dans une organisation. »

 

[37]           Il ressort de la preuve documentaire que les gangs sont un problème sérieux au Honduras et qu’ils présentent un certain risque pour la plupart des habitants du pays. Quant au recrutement auquel le demandeur a été confronté, la Cour est d’avis que, d’après la preuve, un vaste sous‑ensemble de la population - tous les jeunes hommes essentiellement - s’expose au risque d’être victime de stratégies de recrutement semblables à celles dont le demandeur a fait état, et la Commission a pris ce fait en considération.

 

[38]           Dans la décision Gabriel, la Cour a récemment analysé si le risque que court un vaste sous‑groupe d’une population constitue un risque personnel ou un risque auquel est confrontée une population générale. Dans la décision Gabriel, la Cour a conclu, au paragraphe 23, que le risque doit être précisé en fonction de la situation personnelle du demandeur. Dans ce contexte, en l’espèce, le demandeur doit faire état d’un risque personnalisé qui ne s’applique pas à tous les autres jeunes hommes vivant au Honduras, et le défendeur soutient que la Commission n’a pas été déraisonnable en concluant que le demandeur d’asile ne l’avait pas fait.

 

[39]           En me fondant sur la jurisprudence de la Cour, je suis d’avis que le demandeur ne s’expose pas à un risque personnalisé auxquels ne sont pas confrontées en général d’autres personnes vivant au Honduras ou originaires de ce pays. Selon la jurisprudence, il n’est pas nécessaire que tous les citoyens soient exposés à un risque généralisé, et il est possible qu’un sous-groupe de la population soit exposé à un tel risque. Comme il est indiqué dans la décision Gabriel, au paragraphe 20 : « […] un risque généralisé peut être celui qui est vécu par une partie de la population d’un pays; l’appartenance à cette catégorie n’est donc pas suffisante pour que le risque soit personnalisé ». En l’espèce, le demandeur ne pouvait pas personnaliser son risque au-delà de l’appartenance au sous‑groupe des jeunes hommes qui sont recrutés pour faire partie d’un gang au Honduras. Selon la propre preuve corroborante du demandeur - preuve émanant du pasteur - ces gangs ciblent de nombreux jeunes hommes.

 

[40]           Par conséquent, au vu de ce qui précède, la Cour conclut que la Commission a procédé à une analyse détaillée et appropriée et n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle en appréciant la preuve ou en appliquant le droit. La décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir; Canada (M.C.I.) c. Khosa, 2009 CSC 19).

 

[41]           Il n’est donc pas justifié que la Cour intervienne et, pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

« Richard Boivin »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4450-09

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            FRANKLIN ANTONIO PEREZ c. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 mars 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 30 mars 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Nico G.J. Breed

 

POUR LE DEMANDEUR

Rick Garvin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Spier Harben

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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