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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100423

Dossier : IMM-3475-09

Référence : 2010 CF 442

Ottawa (Ontario), le 23 avril 2010

En présence de madame la juge Tremblay-Lamer

 

 

Entre :

BALJINDER KAUR

ARVINDER SINGH

PARAMJIT KAUR

demandeurs

et

 

Le ministre de la citoyenneté

et de l’IMMIGRATION

défendeur

 

 

Motifs du jugement et jugement

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée par Baljinder Kaur (la demanderesse) en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, (la LIPR), sollicitant le contrôle judiciaire d’une décision datée du 15 juin 2009 rendue par le deuxième secrétaire à l’immigration du Haut Commissariat du Canada à Delhi (l’agent des visas), par laquelle il a rejeté la demande de visa de travailleuse qualifiée de la demanderesse.

 

[2]               La demanderesse est une citoyenne de l’Inde. Elle a présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre de travailleuse qualifiée. Elle a indiqué qu’elle était cuisinière et qu’elle avait été employée dans cette profession pendant trois ans et demi.

 

[3]               À l’appui de sa demande, elle a fourni la copie d’une lettre d’un employeur, déclarant qu’elle était une bonne travailleuse et avait appris à cuisiner plusieurs types de repas indiens. Elle a également fourni une brève description de ses tâches dans un formulaire présenté avec sa demande.

 

[4]               L’agent des visas a conclu que ces documents d’appui étaient insuffisants. Il a donc rejeté sa demande.

 

[5]               L’agent des visas n’a jamais communiqué avec la demanderesse ni avec son employeur concernant ses préoccupations. La demanderesse en a eu connaissance uniquement lorsqu’elle a reçu la lettre l’informant du rejet de sa demande. 

 

[6]               La seule question soulevée par la demanderesse concerne l’équité procédurale. Si l’agent des visas a manqué à son obligation d’équité, il n’y aura pas lieu de faire preuve de retenue à l’égard de sa décision et elle sera annulée parce qu’« [i]l appartient aux tribunaux judiciaires [...] de donner une réponse juridique aux questions d’équité procédurale » (S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539, au paragraphe 100).

 

[7]               La demanderesse soutient qu’elle a fourni une [traduction] « lettre détaillée » déclarant qu’elle a accompli les tâches d’une cuisinière pendant trois ans et demi en Inde. La préoccupation de l’agent des visas selon laquelle la lettre était insuffisante aurait pu être facilement réglée s’il avait avisé la demanderesse. En effet, l’agent avait l’obligation de le faire. Bien que la demanderesse reconnaisse qu’elle doit présenter une preuve suffisante à l’appui de sa prétention, elle soutient qu’elle a en effet fourni une preuve prima facie suffisante pour imposer à l’agent des visas une obligation de s’adresser à elle pour dissiper toute préoccupation qu’il pouvait avoir. Elle ajoute qu’elle n’aurait pas pu prévoir les doutes de l’agent des visas quant au caractère suffisant de ses documents d’appui.

 

[8]               Le ministre prétend que la lettre de l’employeur de la demanderesse n’était pas détaillée et, à vrai dire, omettait d’inclure des renseignements, tels que les responsabilités de la demanderesse à son lieu de travail et sa rémunération, qu’elle était tenue de fournir. De plus, la lettre ne corrobore pas la liste des tâches présentées par la demanderesse avec sa demande.

 

[9]               Il incombe à la demanderesse de présenter une preuve suffisante à l’appui de sa demande, fardeau dont elle ne s’est pas acquittée. L’équité n’exigeait pas que l’agent des visas avise la demanderesse de l’insuffisance de ses documents. La demanderesse n’avait pas droit à une entrevue pour corriger ses propres omissions.

 

[10]           Je suis d’accord avec le ministre. La demanderesse a omis de s’acquitter de son fardeau de présenter une preuve suffisante à l’appui de son obligation et l’agent des visas n’était aucunement tenu de l’aider à le faire. Comme le juge Marshall Rothstein, alors juge de la Cour fédérale, première instance, l’a statué dans Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1239 (C.F., 1re inst.), aux paragraphes 3 et 4, l’argument selon lequel un requérant pourrait présenter une preuve prima facie qui, bien qu’insuffisante pour appuyer sa demande, donnera néanmoins naissance à l’obligation d’obtenir des éclaircissements à propos de cette preuve :

[...] donnerait l’avantage aux demandeurs de résidence permanente qui soumettent une demande ambiguë. Il ne saurait être acceptable.

Un agent des visas peut pousser ses investigations plus loin s’il le juge nécessaire. Il est évident qu’il ne peut délibérément ignorer des facteurs dans l’instruction d’une demande, et il doit l’instruire de bonne foi. Cependant, il ne lui incombe nullement de pousser ses investigations plus loin si la demande est ambiguë. C’est au demandeur qu’il incombe de déposer une demande claire avec à l’appui les pièces qu’il juge indiquées. Cette charge de la preuve ne se transfère pas à l’agent des visas, et le demandeur n’a aucun droit à l’entrevue pour cause de demande ambiguë ou d’insuffisance des pièces à l’appui.

 

[11]           Il est vrai que dans certains cas un agent des visas aura en effet l’obligation de faire part de ses préoccupations à un demandeur. Toutefois, après avoir examiné les décisions dans lesquelles il a été déclaré qu’une telle obligation existait, le juge Richard Mosley a expliqué, dans Hassani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, [2007] 3 R.C.F. 501, au paragraphe 24, qu’« [i]l ressort clairement [...] que, lorsque les réserves découlent directement des exigences de la loi ou d’un règlement connexe, l’agent des visas n’a pas l’obligation de donner au demandeur la possibilité d’y répondre. » (Voir aussi, par exemple, Roberts c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 518, au paragraphe 20, ainsi que la jurisprudence qui y est citée, pour des applications de ce principe).

 

[12]           La question de savoir si un demandeur possède l’expérience pertinente comme l’exige le règlement et est ainsi qualifié pour le métier ou la profession à l’égard duquel il prétend être un travailleur qualifié est « fondée directement sur les exigences de la loi et des règlements » (Hassani, précité, au paragraphe 26). En conséquence, il incombait à la demanderesse de présenter une preuve suffisante à propos de cette question et l’agent des visas n’avait aucune obligation de lui faire part de ses préoccupations.

 

[13]           De plus, comme le souligne le ministre, la demanderesse a reçu une liste de contrôle pour l’aider à rédiger sa demande. Cette liste de contrôle prévoyait que chacune des lettres de recommandation d’employeurs « doit contenir », notamment, « les principales responsabilités [...] dans le cadre de chacune [des] fonctions » qu’elle a occupées et « le salaire annuel total ainsi que les avantages y ayant trait. » Toutefois, la seule preuve indépendante présentée était une lettre d’un ancien employeur qui ne contenait pas les renseignements exigés.

 

[14]           Il était raisonnable que l’agent des visas soit préoccupé par le manque flagrant de détails dans la lettre de l’employeur présentée par la demanderesse. La demanderesse a semblé avoir copié la description de ses propres tâches de la Classification nationale des professions, ce qui ne l’a pas aidée. Ainsi, il était loisible à l’agent des visas, compte tenu du peu d’éléments de preuve dont il était saisi, de conclure que la demanderesse n’avait pas établi qu’elle avait une expérience professionnelle suffisante à l’égard de la profession déclarée et de rejeter sa demande pour ce motif.

 

[15]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3475-09

 

Intitulé :                                       BALJINDER KAUR et al.

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

Lieu de l’audience :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 22 avril 2010

 

Motifs du jugement :            la juge TREMBLAY-LAMER

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 23 avril 2010

 

 

 

Comparutions :

 

Krassina Kostadinov

 

Pour les demandeurs

Adrienne Rice

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lorne Waldman

Avocat

 

Pour les demandeurs

Myles Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

 

Pour le défendeur

 

 

 

 

 

 

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