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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100312

Dossier : IMM-3962-09

Référence : 2010 CF 284

Ottawa (Ontario), le 12 mars 2010

En présence de monsieur le juge Near

 

ENTRE :

Mme UNETELLE, Mme UNETELLE, M. UNTEL, M. UNTEL

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision (la décision) par laquelle un agent chargé de l’examen des risques avant le renvoi (l’agent) a refusé la demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire présentée depuis le Canada par les demandeurs.

 

[2]               Pour les motifs ci-après exposés, la demande est accueillie.

 

I.                    Le contexte

 

[3]               Âgée de 46 ans, la demanderesse principale (la demanderesse) est citoyenne d’un des pays de l’Union européenne (UE). Elle a quatre enfants de moins de 15 ans : trois d’entre eux sont des citoyens de l’UE et le quatrième est né au Canada. Les trois enfants nés dans le pays de l’UE sont parties à la présente demande. Les demandeurs sont tous musulmans.

 

[4]               Les demandeurs se sont enfuis du pays de l’UE et sont arrivés au Canada en 2004. À l’époque, la demanderesse fuyait une situation de violence sexuelle. À l’été 2004, les demandeurs ont présenté une demande d’asile qui a été rejetée en 2005. Après le rejet de leur demande d’asile, les demandeurs ont présenté une demande de résidence permanente au Canada en invoquant des motifs d’ordre humanitaire (la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire). Les demandeurs n’ont pas bénéficié de l’aide d’un avocat pour leur demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Avant même que cette demande ne soit examinée, les demandeurs sont rentrés dans leur pays de l’UE.

 

[5]               À son retour dans le pays de l’UE, la demanderesse a de nouveau été harcelée par la même personne. Elle a commencé à éprouver des difficultés d’ordre psychologique et a consulté un psychiatre et un chef religieux de sa communauté. La demanderesse et son mari ont alors divorcé.

 

[6]               En juillet 2007, la demanderesse et ses enfants sont revenus au Canada. Les demandeurs ont présenté une demande d’examen des risques avant le renvoi (ERAR) et ont retenu les services d’une avocate, Me Rwigamba, pour les aider avec l’ERAR. En février 2008, la demanderesse a mis fin au mandat de l’avocate. La demanderesse explique qu’à part quelques échanges au sujet des honoraires et quelques appels avec silence au bout du fil provenant du cabinet de l’avocate, elle n’a plus jamais entendu parler de l’avocate en question.

 

[7]               Le 12 février 2008, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a envoyé à la demanderesse une lettre lui demandant d’actualiser sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, en fournissant notamment des renseignements médicaux à jour. La demanderesse a répondu à CIC par lettre en mars 2008. La lettre exposait notamment en détail l’état de santé de la demanderesse.

 

[8]               Le 19 février 2009, à l’insu de la demanderesse, l’agent chargé d’examiner la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a fait parvenir à Me Rwigamba une lettre dans laquelle il réclamait de plus amples renseignements de la demanderesse et fixait au 6 mars 2009 la date limite pour recevoir les renseignements en question (la réquisition). L’agent qui examinait la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire était le même que celui qui était chargé d’examiner la demande d’ERAR. Les renseignements réclamés portaient sur le fait que les demandeurs étaient des citoyens d’un des pays de l’UE et qu’ils disposaient donc d’une possibilité de refuge intérieur viable (la PRI) puisqu’ils pouvaient résider dans n’importe quel pays de l’Union européenne. Aucun renseignement médical n’était demandé. Cette lettre n’a pas été transmise à la demanderesse, qui n’a été mise au courant de la réquisition qu’une fois la décision relative aux motifs d’ordre humanitaire rendue.

 

[9]               Par décision datée du 10 mars 2009, l’agent a refusé la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire présentée par les demandeurs. Dans sa décision, l’agent a indiqué par erreur que Me Rwigamba était l’avocate de la demanderesse.

 

[10]           Ce n’est que le 24 août 2009, lorsqu’elle a été mise au courant des motifs de la décision en prenant connaissance des notes de l’agent, que la demanderesse a été mise au courant de la réquisition visant à obtenir de plus amples renseignements.

 

II.                 La question en litige

 

[11]           Les demandeurs soulèvent la question suivante dans la présente affaire : les demandeurs ont-ils été privés de l’équité procédurale du fait qu’ils n’ont pas été avisés que d’autres éléments de preuve avaient été réclamés?

 

III.               La norme de contrôle

 

[12]           La question en litige dans la présente affaire porte sur l’équité procédurale. Elle est assujettie à la norme de la décision correcte (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12; [2009] 1 R.C.S. 339, Zambrano v. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 481; 326 F.T.R. 174). Je relève qu’il a déjà été jugé que la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer à une décision tout entière portant sur des motifs d’ordre humanitaire est celle de la décision raisonnable (Zambrano, au paragraphe 31).

 

IV.              L’analyse

 

[13]           Pour aborder comme il se doit la question soulevée par les demandeurs, j’ai scindé la question en plusieurs volets conformément à l’exposé et à la plaidoirie que les demandeurs et le défendeur en ont fait dans leur mémoire des faits et du droit.

 

A.        Une expectative légitime a-t-elle été créée?

 

[14]           Les demandeurs soutiennent qu’ils étaient en droit de s’attendre légitimement à ce qu’on communique avec eux si CIC réclamait de plus amples renseignements.

 

[15]           La règle de l’expectative légitime a récemment été abordée par la Cour suprême dans l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539; 2003 CSC 29. Au paragraphe 131, le juge Binnie, qui s’exprimait au nom de la majorité, expose comme suit la règle :

131        La règle de l’expectative légitime est « le prolongement des règles de justice naturelle et de l’équité procédurale » : Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.‑B.), [1991] 2 R.C.S. 525, p. 557.  Elle s’attache à la conduite d’un ministre ou d’une autre autorité publique dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire — y compris les pratiques établies, la conduite ou les affirmations qui peuvent être qualifiées de claires, nettes et explicites — qui a fait naître chez les plaignants (en l’espèce, les syndicats) l’expectative raisonnable qu’ils conserveront un avantage ou qu’ils seront consultés avant que soit rendue une décision contraire.  Pour être « légitime », une telle expectative ne doit pas être incompatible avec une obligation imposée par la loi.  Voir : Assoc. des résidents du Vieux St‑Boniface Inc. c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170; Baker, précité; Mont‑Sinaï, précité, par. 29; Brown et Evans, op. cit., par. 7:2431.  Lorsque les conditions d’application de la règle sont remplies, la cour peut accorder une réparation procédurale convenable pour répondre à l’expectative « légitime ».

 

[16]           À mon avis, les conditions préalables à l’application de la règle ne sont pas réunies en l’espèce. Il est de jurisprudence constante qu’il incombe au demandeur de fournir tous les documents nécessaires pour appuyer sa demande et qu’un fonctionnaire n’est pas tenu de réclamer des renseignements actualisés (Zambrano, précité; Melchor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1327; 39 Imm. L.R. (3d) 79). On ne saurait donc qualifier de claire, nette et explicite l’expectative dont la demanderesse fait état.

 

[17]           Je tiens compte de la décision de la juge Anne Mactavish dans l’affaire Pramauntanyath c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 174; 39 Imm. L.R. (3d) 243. Dans l’affaire Pramauntanyath, l’agente d’ERAR avait exigé que le demandeur soumette ses observations sur une question précise. Une fois les motifs prononcés, on s’est rendu compte que les observations que le demandeur avait formulées sur la question n’avaient pas été examinées. La juge Mactavish a conclu que, comme il avait offert au demandeur la possibilité de fournir les renseignements supplémentaires en question, CIC avait créé chez M. Pramauntanyath l’attente légitime que les nouveaux renseignements qu’il fournirait seraient examinés, dès lors qu’ils étaient envoyés à CIC dans le délai imparti.

 

[18]           Les faits de l’affaire Pramauntanyath se distinguent de ceux de la présente espèce. Dans l’affaire Pramauntanyath, l’attente qui avait été créée était que les renseignements réclamés seraient examinés, et non que la réquisition serait faite.

 

B.         La question a-t-elle été abordée dans la lettre se rapportant à la décision?

 

[19]           La demanderesse fait valoir que, dans la réquisition du 19 février 2009, l’agent d’ERAR réclamait des renseignements médicaux actualisés. Le défendeur rétorque que les renseignements réclamés ne portaient que sur l’existence d’une PRI viable. Vu la teneur de la lettre du 19 février 2009, il est clair que la réquisition ne visait à obtenir que des renseignements sur la PRI. La demanderesse soutient que les renseignements médicaux étaient très pertinents pour se prononcer sur la question de la PRI. Ayant pris connaissance des observations, y compris de la lettre réclamée, je conclus que la lettre portait sur la PRI et qu’elle n’établissait pas un lien direct ou indirect entre une PRI et une question d’ordre médical.

 

[20]           Le défendeur soutient que rien ne laisse croire que l’oubli de la part de l’agent et le fait que la demanderesse n’a en conséquence pas formulé d’arguments sur la question de la PRI ont influencé sensiblement la décision prise au sujet des motifs d’ordre humanitaire. Le défendeur affirme que la question de la PRI n’était pas cruciale lorsque la décision a été rendue.

 

[21]           Je ne suis pas de cet avis. L’agent écrit en effet ce qui suit à la fin de ses motifs :

[traduction] J’ai examiné les questions soulevées par les demandeurs, y compris leurs facteurs de risque, l’établissement des enfants et l’intérêt supérieur de ces derniers, de même que l’état de santé de la demanderesse principale. La preuve dont je dispose ne permet pas de penser que le retour des demandeurs dans leur pays ou dans tout autre État membre de l’UE leur causerait un préjudice. Vu la preuve dont je dispose, les demandeurs n’ont pas démontré que leur situation personnelle faisait en sorte qu’ils subiraient des

difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives ou non prévues par la loi si la dispense qu’ils réclament leur était refusée. La demande est refusée [Non souligné dans l’original.]

 

[22]           Vu cette conclusion, il est évident que la question de l’existence d’une PRI viable dans un autre pays de l’UE était un facteur pertinent pour la décision.

 

C.        La demanderesse a-t-elle été privée de l’équité procédurale?

 

[23]           Dans le cas qui nous occupe, l’agent a commis une erreur en faisant parvenir à Me Rwigamba la réquisition relative aux motifs d’ordre humanitaire. La demanderesse soutient que, comme elle n’a été mise au courant de la réquisition qu’une fois la décision rendue, elle n’a pas été en mesure de participer pleinement à la décision.

 

[24]           Le défendeur admet que la réquisition n’a pas été envoyée à la bonne personne, mais ajoute que rien ne permet de penser que cette erreur a influencé sensiblement la décision.

 

[25]           Les décisions relatives à des motifs d’ordre humanitaire sont assujetties à l’obligation d’équité (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; 174 D.L.R. (4th) 193, au paragraphe 20). Dans l’arrêt Baker, la Cour suprême s’est penchée sur la nature de cette obligation et a déclaré qu’elle comprenait la possibilité donnée aux personnes visées par la décision de présenter leur point de vue complètement ainsi que des éléments de preuve de sorte qu’ils soient considérés par le décideur (au paragraphe 22).

 

[26]           Comme la demanderesse n’a pas reçu la réquisition, elle n’était pas en mesure de participer et de faire valoir son point de vue.

 

[27]           De toute évidence, deux erreurs ont été commises en l’espèce. Tout d’abord, l’agent a commis une erreur en envoyant la lettre relative aux motifs d’ordre humanitaire à l’avocate qui avait été mandatée par les demandeurs pour la demande d’ERAR. En second lieu, l’ancienne avocate des demandeurs aurait dû transmettre la lettre à la demanderesse dès sa réception. Aucune de ces erreurs ne peut être imputée à la demanderesse et elles étaient indépendantes de sa volonté. Dans son affidavit, la demanderesse affirme que, si elle avait reçu la réquisition, elle y aurait répondu. Comme elle n’a pas été contre-interrogée au sujet de son affidavit et comme ses actes démontrent qu’elle avait jusqu’alors répondu aux demandes de renseignements, je conclus que c’est effectivement le cas.

 

[28]           La Cour a déjà jugé que la négligence d’un avocat ne devrait pas causer préjudice au demandeur qui a agi avec prudence (Gulishvili c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1200; 225 F.T.R. 248, Mathon c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1988), 28 F.T.R. 217; 38 Admin. L.R. 193; Shirwa c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 2 C.F. 51; [1993] A.C.F. no 1345).

 

[29]           Bien que la jurisprudence précitée porte sur une inconduite ou une négligence de l’avocat commise au dossier, je ne vois aucune raison de ne pas appliquer le même principe au cas qui nous occupe, dans lequel les services d’un avocat avaient été retenus, même si c’était pour une autre demande.

 

[30]           Je constate que le dossier ne renferme aucun renseignement qui proviendrait de Me Rwigamba et je limite ma décision et mes motifs à la présente question.

 

[31]           Les demandeurs n’ont pas été privés de l’équité procédurale du fait qu’ils n’ont pas été avisés que des éléments de preuve supplémentaires étaient réclamés.

 

D.        Quelle est la réparation appropriée?

 

[32]           Le défendeur affirme que les tribunaux ont reconnu que, même si un manquement aux principes de justice naturelle a effectivement eu lieu, on peut renoncer à la tenue d’une nouvelle audience si le fait de renvoyer l’affaire pour réexamen ne changerait rien à l’issue de l’affaire. Il invoque les trois décisions suivantes à l’appui de sa thèse : Mobil Oil Canada Ltd. c. Office CanadaTerre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202; [1994] A.C.S. no 14, Yassine c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 172 N.R. 308; Imm. L.R. (2d) 135 (C.A.F.) et Zambrano, précitée.

 

[33]           Dans l’arrêt Mobil Oil, la majorité de la Cour suprême a estimé que malgré le fait qu’un manquement aux principes de justice naturelle avait effectivement été commis, il serait absurde de forcer l'Office à réexaminer l’affaire étant donné que, suivant le résultat du pourvoi incident, l'Office serait juridiquement tenu de rejeter cette demande, en raison de l'arrêt de la Cour suprême (au paragraphe 51).

 

[34]           Dans l’arrêt In Yassine, la Cour d’appel fédérale, citant l’arrêt Mobile Oil, déclare :

[9]        Même si les nouveaux renseignements ont été reçus de façon irrégulière et que l'appelant n'a pas renoncé à cette irrégularité, il ne semble pas y avoir de raison de renvoyer l'affaire à la Section du statut de réfugié, en autant que celle-ci a eu raison, comme je le crois, de conclure que la version de l'appelant n'était pas crédible. Je ne veux pas dire que la violation d'un principe de justice naturelle ne nécessite pas habituellement une nouvelle audience. Le droit à une audience impartiale est un droit indépendant. Habituellement, le déni de ce droit a pour effet de rendre nulles l'audience et la décision qui en résulte. Une exception à cette règle stricte a été reconnue dans l'arrêt Mobile Oil Canada Ltd. et al c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202 où, à la page 228, la Cour suprême du Canada a cité l'opinion suivante du professeur Wade :

 

On pourrait peut-être faire une distinction fondée sur la nature de la décision. Dans le cas d'un tribunal qui doit trancher selon le droit, il peut être justifiable d'ignorer un manquement à la justice naturelle lorsque le fondement de la demande est à ce point faible que la cause est de toute façon sans espoir.

 

Tout en reconnaissant qu'il y avait eu manquement à la justice naturelle ou à l'équité sur le plan de la procédure, la Cour suprême a donné effet à la distinction du professeur Wade en refusant d'accorder une réparation, parce que l'affaire soulevait une question pour laquelle il existait une réponse « inéluctable » , étant donné que l'instance décisionnelle « serait juridiquement tenue de rejeter [la] demande » de l'appelante dans cette cause.

 

[35]           Dans l’affaire Zambrano, précitée, les demandeurs affirmaient qu’ils avaient été victimes d’un déni d’équité parce qu’on n’avait pas communiqué avec eux pour qu’ils actualisent les renseignements contenus dans leur demande. La juge Eleanor Dawson, alors juge à la Cour fédérale, a déclaré que les demandeurs n’avait soumis aucun élément de preuve pour appuyer leur argument que la décision aurait été différente si on leur avait accordé la possibilité d’actualiser leurs observations. Elle a refusé d’intervenir.

 

[36]           Ces affaires ont un point en commun, en l’occurrence le fait que dans chacune d’entre elles, la Cour a estimé que, même si on la renvoyait au tribunal administratif, l'affaire soulevait une question pour laquelle il existait une réponse inéluctable.

 

[37]           Dans son ouvrage Administrative Law, Cases, Text, and Materials, 5e éd. (Toronto, Emond Montgomery Publications Ltd, 2003), l’auteur, David J. Mullen, analyse, à la page 1255, le point de vue adopté par la Cour suprême dans l’arrêt Mobil Oil, précité. Mullen met en garde contre un refus d’accorder une réparation pour des raisons d’ordre pratique. Voici ce qu’il écrit aux pages 1255 et 1256 :

[traduction] Ces raisons pratiques sont, bien sûr, qu’en pareil cas, la preuve soumise au tribunal s’intéresse d’abord et avant tout, non pas au fond, mais plutôt aux conséquences procédurales qui seraient produites. Ce n’est qu’accessoirement que le tribunal est mis au courant du fond de l’affaire et ce qu’il apprend risque d’être très fragmentaire. Il peut donc s’avérer très dangereux pour le tribunal d’émettre des hypothèses sur ce qu’aurait pu être l’issue de l’affaire si la procédure avait été suivie à la lettre. En outre, l’acceptation d’un tel pouvoir discrétionnaire dans les affaires de ce genre ne ferait qu’inciter les parties à chercher à soumettre au tribunal autant d’éléments de preuve sur le fond qu’elles le pourraient. Non seulement cette façon de procéder augmenterait-elle les coûts du contrôle judiciaire, mais elle supposerait que le tribunal s’arrogerait un rôle qui revient légitimement au décideur dont la procédure est remise en question. On peut donc considérer que tant le respect dont il convient de faire preuve en ce qui concerne le partage des pouvoirs prévu par la loi que les limites que doivent respecter les tribunaux dans l’exercice de leur compétence dictent aux tribunaux judiciaires de refuser par eux-mêmes d’exercer un tel pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne les réparations à accorder.

 

[38]           Dans le cas qui nous occupe, l'affaire ne soulève pas une question pour laquelle il existe une réponse inéluctable et la Cour ne devrait substituer son opinion à celle de l’agent. La demanderesse aurait pu soumettre, au sujet de la viabilité d’une PRI dans un autre pays de l’UE, des renseignements qui auraient pu conduire à un résultat différent.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

1.         La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision est annulée et l’affaire devra être jugée de nouveau;

2.         Il n’y a pas d’adjudication de dépens.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3962-09

 

INTITULÉ :                                       Mme UNETELLE et autres c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA

 

DATE DE L’AUDIENCE :               17 FÉVRIER 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                      12 MARS 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Laila Demirdache

 

 

POUR LES DEMANDEURS

Korinda McLaine

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Laila Demirdache

Community Legal Services

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

n

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