Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100429

Dossier : IMM-4803-09

Référence : 2010 CF 472

Ottawa (Ontario), le 29 avril 2010

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

EMMA GRIZZEL DIAZ HEVIA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision (la décision) de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 18 août 2009, par laquelle la Commission a tranché que la demanderesse n’a ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.R. 2001, ch. 27.

 

[2]               Pour les motifs énoncés ci-après, la demande est rejetée.

 

I.          Contexte

 

[3]               La demanderesse, âgée de 30 ans, est une citoyenne du Venezuela qui est entrée au Canada le 12 décembre 2007 et a présenté une demande d’asile. Elle a allégué craindre d’être persécutée du fait de sa participation à des activités politiques menées contre le gouvernement du président Hugo Chavez.

 

[4]               La demanderesse prétend qu’elle était perçue comme une opposante au régime du président Chavez du fait de son appartenance à un parti politique connu sous le nom de Parti social chrétien (COPEI), dont elle était l’une des têtes dirigeantes, et qu’en conséquence le gouvernement les ciblait, elle et sa famille. La demanderesse affirme avoir tenté de dénoncer cette situation, mais qu’un seul poste de police a accepté d’enregistrer sa plainte et qu’elle ne pouvait pas nommer ses activités politiques comme étant la cause des menaces et des attaques.

 

[5]               La demanderesse a quitté le Venezuela et y est ensuite retournée en septembre 2007. Elle affirme avoir reçu en octobre et en novembre 2007, après son retour, deux lettres de menaces anonymes lui enjoignant de mettre fin à son travail avec le COPEI. La demanderesse a quitté le pays pour le Canada en décembre 2007.

 

[6]               La Commission a conclu que la demanderesse n’avait pas réussi à démontrer, au moyen d’une preuve crédible et digne de foi, qu’elle était l’une des têtes dirigeantes du COPEI dans son État et qu’elle a été l’objet de persécution, de préjudices et de menaces du fait de ses activités politiques.

 

[7]               En particulier, la Commission a conclu que :

•           la demanderesse n’a pas présenté une preuve suffisamment crédible et digne de foi à l’appui de son allégation selon laquelle elle était une des têtes dirigeantes du COPEI dans son État;

•           des contradictions ont été relevées entre les allégations de la demanderesse dans ses notes au point d’entrée (PDE) et son Formulaire de renseignements personnels (FRP);

•           la Commission ne pouvait accorder d’importance à la preuve médicale, car elle n’était pas satisfaite de l’explication que la demanderesse a donnée pour justifier les contradictions relatives au format du document;

•           le fait que la demanderesse s’est réclamée de nouveau de la protection du Venezuela a ébranlé le bien-fondé de sa crainte;

•           la preuve documentaire n’a pas étayé l’argument de la demanderesse selon lequel un parti politique en particulier a menacé des membres de l’opposition et leur aurait fait du tort en 2007 durant la période de persécution alléguée.

 

II.         Questions à trancher et norme de contrôle

 

[8]               La demanderesse soulève les questions suivantes :

(a)        La Commission a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte d’éléments de preuve ou en interprétant mal la preuve lorsqu’elle a tiré ses conclusions relatives à la crédibilité?

 

(b)        Les conclusions relatives à la crédibilité de la Commission étaient‑elles abusives ou arbitraires et ne lui était‑il pas raisonnablement loisible de les tirer?

 

(c)        La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant d’évaluer tous les éléments de preuve dont elle disposait avant de trancher si la demanderesse serait ou non exposée à un risque raisonnable d’être persécutée si elle retournait au Venezuela?

 

[9]               Ces questions seront appréciées selon la norme de la décision raisonnable (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12; [2009] 1 R.C.S. 339). Comme il a été établi dans les arrêts Dunsmuir et Khosa, le caractère raisonnable tient à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[10]           La Cour doit faire preuve d’une déférence importante envers les décisions rendues par la Commission relativement aux questions de crédibilité et à l’appréciation de la preuve (voir Camara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 362; [2008] A.C.F. n442, au paragraphe 12).

 

III.       Analyse

A.                 Questions relatives à la crédibilité

 

[11]           Essentiellement, la demanderesse allègue que la Commission n’a pas tenu compte de tous les éléments de preuve dont elle disposait, qu’elle les a mal interprétés ou qu’elle a omis de tous les évaluer et qu’elle a tiré des conclusions iniques ou arbitraires relativement à la crédibilité et qu’il ne lui était pas raisonnablement loisible de les tirer.

 

[12]           La Commission a tranché que la demanderesse n’a pas présenté une preuve crédible et que la preuve qu’elle a produite était contradictoire. La Commission a relevé de nombreuses contradictions entre les déclarations faites par la demanderesse dans ses notes au point d’entrée (PDE) et son FRP. La Commission a également conclu que la demanderesse avait commis de nombreuses erreurs inacceptables relativement à des renseignements particuliers sur le COPEI, dont elle affirmait avoir été l’une des têtes dirigeantes.

 

[13]           La demanderesse affirme avoir fourni des explications sur ces contradictions à la deuxième séance de l’audience en réponse aux questions de son conseil.

 

[14]           Bien qu’il soit loisible à la demanderesse de donner des explications, la Commission peut examiner la réponse et décider si elle était ou non suffisante (voir Sinan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 87; [2004] A.C.F. n188, au paragraphe 10). En l’espèce, la Commission a fait remarquer qu’elle préférait la preuve produite lors de la première séance de l’audience, car la demanderesse n’avait pas eu le temps de préparer sa réponse. La Commission a déclaré que l’incapacité de la demanderesse à répondre correctement à la plupart des questions qu’elle lui a posées relativement à son parti a miné sa crédibilité et son allégation selon laquelle elle faisait partie du COPEI et en était l’une des têtes dirigeantes. La décision de la Commission était raisonnable.

 

B.                 Questions relatives à la preuve

 

[15]           La demanderesse affirme que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte des éléments de preuve dont elle disposait, en les interprétant mal et en les rejetant déraisonnablement. S’appuyant sur Toro c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1981] 1 C.F. 652, action no A-281-80, Padilla c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 13 Imm. L.R. (2d) 1; [1991] A.C.F. no 71 (C.A.F.) et Lai c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] A.C.F. no 906, appel no A-484-91), la demanderesse fait valoir que le tribunal ne peut pas écarter des éléments de preuve pertinents ou mal les interpréter en tirant ses conclusions.

 

[16]           La Commission a examiné la preuve relative à la persécution des membres de l’opposition par le « Cercle bolivien ». Je constate que bon nombre des articles cités par la demanderesse sont récents et ne portent pas directement sur la période durant laquelle la demanderesse prétend avoir été persécutée. Après avoir examiné la preuve, la Commission a conclu que les documents n’étayaient pas l’allégation de la demanderesse selon laquelle le groupe avait activement persécuté les dirigeants de l’opposition. Il n’appartient pas à la Cour d’apprécier de nouveau la preuve. La décision de la Cour était raisonnable.

 

[17]           De plus, s’appuyant sur le témoignage problématique de la demanderesse, la Commission avait auparavant conclu qu’elle n’était pas l’une des têtes dirigeantes du COPEI. Par conséquent, l’appréciation qu’a faite la Commission de la preuve documentaire relative au COPEI et à ses membres au Venezuela n’est pas au cœur de la décision.

 

C.                 La question de se réclamer de nouveau de la protection du pays

 

[18]           La demanderesse soutient que la Commission n’a pas tenu compte de la preuve et des explications qu’elle a présentées pour avoir quitté le Venezuela et y être retournée en septembre 2007. Elle a défendu sa position selon laquelle elle a affirmé, lors de son audience, que les menaces, sous la forme de deux lettres, se sont intensifiées à son retour. La demanderesse soutient donc que la décision de la Commission selon laquelle son retour démontrait une absence de crainte subjective n’était pas raisonnable.

 

[19]           Le défendeur soutient que la Cour a statué que la Commission peut conclure à l’absence de crainte de persécution d’un demandeur s’il retourne dans son pays de nationalité ou y séjourne (voir Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 112 F.T.R. 9; [1996] A.C.F. n558). Par conséquent, si la demanderesse avait réellement craint pour sa vie, elle ne se serait pas réclamée de nouveau de la protection du Venezuela.

 

[20]           La Commission a conclu que le fait que la demanderesse se soit réclamée de nouveau de la protection du Venezuela a ébranlé le bien‑fondé de sa crainte. Cette décision est raisonnable même si les menaces se sont intensifiées après son retour en septembre 2007. La demande d’asile de la demanderesse était fondée sur la présumée persécution avant et après 2007. Il était donc raisonnable que la Commission conclue que son allégation de crainte subjective d’être persécutée était minée par son retour dans un pays qu’elle avait fui auparavant parce qu’elle était victime de persécution. Le comportement de la demanderesse était incompatible avec son allégation selon laquelle elle craignait avec raison d’être persécutée.

 

[21]           Les parties n’ont pas demandé à ce qu’une question soit certifiée et aucune ne l’a été.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE :

1.                  la présente demande est rejetée;

2.                  aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-4803-09

 

INTITULÉ :                                                   HEVIA c. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 20 AVRIL 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 29 AVRIL 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Richard Addinall

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

Ada Mok

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Richard Addinall

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

n

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.