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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20100430

 

Dossier : IMM-4003-09

 

Référence : 2010 CF 484

Ottawa (Ontario), le 30 avril 2010

En présence de monsieur le juge O'Reilly

 

 

ENTRE :

FARZAN FARZANEH SARKARIZI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.        Aperçu

 

[1]               En 2007, M. Farzan Farzaneh Sarkarizi a présenté une demande d’asile au Canada après sa fuite d’Iran. Il affirme avoir été persécuté en Iran à cause de son intérêt pour le christianisme. Un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a entendu sa demande et l’a rejetée au motif que son compte rendu des faits n’était pas crédible.

 

[2]               Selon le demandeur, les conclusions défavorables de la Commission quant à la crédibilité étaient déraisonnables; il me demande donc d’ordonner qu’un tribunal différent de la Commission procède à un nouvel examen de sa demande. Je reconnais que la Commission a commis une erreur et je vais, par conséquent, faire droit à la présente demande de contrôle judiciaire.

 

II.  Analyse

 

(1)   Le contexte factuel

 

[3]               M. Sarkarizi a énuméré un certain nombre de problèmes qu’il avait en Iran, alors qu’il était perçu comme étant contre l’Islam. Il a eu du mal à rentrer à l’université et a connu des difficultés au cours de son service militaire. Il a été arrêté et battu à deux reprises, la première pour avoir joué de la musique dans son auto, la deuxième pour avoir porté un t-shirt de Michael Jackson. M. Sarkarizi a eu des problèmes plus graves quand il a dit à un membre du Basij qu’il voulait suivre les enseignements du Christ. Deux jours plus tard, son appartement a fait l’objet d’une descente. Des agents de l’État ont cherché le demandeur au domicile de son père. Ils ont accusé M. Sarkarizi d’insultes à l’islam et ont menacé de le tuer.

 

(2)   La décision de la Commission

 

[4]               La Commission a relevé des contradictions dans le compte rendu des faits de M. Sarkarizi. Premièrement, la Commission a noté que, lors de son entrevue initiale au Canada, M. Sarkarizi s’est dit athée, pas chrétien.

 

[5]               Deuxièmement, la Commission a jugé que M. Sarkarizi ne s’était pas, dans les faits, converti au christianisme et qu’il n’avait pas passé le temps nécessaire à l’étudier en Iran lorsqu’il en avait eu l’occasion.

 

[6]               Troisièmement, bien que M. Sarkarizi a prétendu qu’il se rendait régulièrement à une église des Témoins de Jéhovah, il n’a, encore une fois, pas pu confirmer qu’il avait complètement adhéré au christianisme. En outre, il n’avait pas de documents corroborant provenant de l’église; il avait seulement une lettre d’un autre paroissien.

 

[7]               Quatrièmement, M. Sarkarizi a fait valoir que les autorités le chercheraient toujours en Iran. La Commission a jugé ce fait invraisemblable après les deux années que M. Sarkarizi avait passées au Canada.

 

[8]               Cinquièmement, la Commission a été préoccupée par la déclaration solennelle de M. Sarkarizi, faite au point d’entrée, à son arrivée au Canada, qui ne faisait pas état de son affirmation d’avoir été arrêté et détenu en Iran.

 

(3)   La décision de la Commission était-elle raisonnable?

 

[9]               M. Sarkarizi conteste toutes les conclusions de la Commission. Je suis d’accord pour affirmer qu’au moins certaines des conclusions ne sont pas conséquentes avec la preuve.

 

[10]           Premièrement, au point d’entrée, M. Sarkarizi a mentionné son intérêt pour le christianisme. Ensuite, bien qu’il soit vrai que M. Sarkarizi s’est désigné comme athée, il a expliqué qu’en Iran, ce terme s’applique à quelqu’un qui n’est pas religieux ou qui ne pratique pas l’islam. M. Sarkarizi avait le sentiment que cette définition s’appliquait à lui, malgré son intérêt pour la foi chrétienne qu’il avait très clairement exprimé.

 

[11]           Deuxièmement, il semble que M. Sarkarizi n’a pas encore complètement adhéré au christianisme. Cependant, ça ne signifie pas qu’il n’a pas été persécuté en Iran pour des motifs religieux, ou qu’il ne le serait pas.

 

[12]           Troisièmement, M. Sarkarizi a affirmé qu’il se présentait à des séances d’étude de la bible à une église des Témoins de Jéhovah une ou deux fois par semaine (la Commission a dit une ou deux fois par mois, ce qui semble être une erreur commise par inadvertance). Il a expliqué que l’église avait comme politique de ne pas fournir de lettre aux demandeurs d’asile. La Commission n’a pas examiné cette explication. M. Sarkarizi a cependant fourni une lettre corroborant sa présence au cours d’étude de la bible.

 

[13]           Quatrièmement, la Commission avait le droit d’être sceptique au sujet de la déclaration de M. Sarkarizi selon laquelle les autorités le chercheraient toujours. Cependant, il faut généralement veiller à trouver des éléments de preuve pour appuyer des conclusions d’invraisemblance. La Commission n’a fait allusion à aucune preuve documentaire sur ce point.

 

[14]           Cinquièmement, au point d’entrée, M. Sarkarizi a bel et bien mentionné ses détentions – pour avoir joué de la musique et pour avoir porté un t-shirt jugé offensant. La même prétention apparaît dans son exposé circonstancié.

 

[15]           En conclusion, la Commission a déclaré que l’effet cumulatif de ses préoccupations au sujet de la crédibilité de M. Sarkarizi l’a menée à croire que le demandeur ne serait pas persécuté en Iran. À mon avis, plusieurs des principales préoccupations de la Commission n’étaient pas appuyées par la preuve. Par conséquent, sa décision était déraisonnable.

 

III.   Conclusion et dispositif

 

[16]           Bon nombre des conclusions défavorables de la Commission quant à la crédibilité n’étaient pas appuyées par la preuve. En conséquence, sa conclusion comme quoi le compte rendu des faits de M. Sarkarizi n’était pas crédible était déraisonnable – elle ne faisait pas partie des issues acceptables au regard des faits et du droit. Par conséquent, je devrai accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner la tenue d'une nouvelle audience devant un tribunal de la Commission différemment constitué. Les parties n'ont pas soumis de question de portée générale pour la certification et aucune n'est énoncée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à la Commission pour qu’un tribunal différemment constitué l’entende à nouveau;

 

2.                  Aucune question de portée générale n'est énoncée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche LL.B.

Réviseur

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4003-09

 

INTITULÉ :                                       SARKARIZI c. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 3 FÉVRIER 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 30 AVRIL 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Micheal Crane

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Jamie Todd

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Micheal Crane

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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