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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20100430

Dossier : IMM-2670-09

 

Référence : 2010 CF 474

Ottawa (Ontario), le 30 avril 2010

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

ANNA VALERIEVNA KLOCHEK

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.     Aperçu

[1]               Mme Anna Valerievna Klochek est arrivée au Canada en provenance du Bélarus en 2004. Elle a demandé l'asile au motif qu'elle avait été forcée de se prostituer et qu'elle était recherchée par des criminels dans son pays d'origine. Étant donné les rapports étroits entre les criminels et les forces policières au Bélarus, elle craignait aussi d'être faussement accusée d'une infraction. Un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, concluant que son récit des événements n’était pas crédible, a rejeté sa demande.

 

[2]               En tentant d'obtenir le statut de résidente permanente au Canada, Mme Klochek a appris qu'elle était interdite de territoire parce qu'un mandat d'arrêt délivré par Interpol contre elle pour vol simple était en attente d'exécution. Elle a ensuite présenté une demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR) et une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire (CH). Les deux demandes ont été rejetées en 2009 par le même agent. Le présent contrôle judiciaire porte sur son ERAR. Dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire distincte (IMM-2672-09), j'ai accueilli sa demande de contrôle judiciaire relative à sa demande CH.

 

[3]               Mme Klochek prétend que l'agent d'ERAR a commis une erreur en ne tenant pas d'audience, en négligeant des éléments de preuve et en faisant fi d'un aspect important de sa demande. Puisque je suis d'accord avec elle sur ce dernier point, je vais accueillir sa demande de contrôle judiciaire. Il n'est donc pas nécessaire d’aborder ses autres arguments.

 

II.     La décision de l’agent

 

[4]               L'agent a accepté que Mme Klochek avait présenté une nouvelle allégation de risques fondée sur le mandat d'Interpol. Il décrit ce point comme étant une question de « sanction légitime ». Selon mon interprétation des motifs de l'agent, il renvoyait au sous-alinéa 97(1)b)(iii) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (voir l’annexe « A » ci-jointe). Aux termes de cette disposition, une personne qui serait reconnue comme personne à protéger en raison d'une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités n'a pas droit à la protection si « la menace ou le risque résulte de sanctions légitimes – sauf celles infligées au mépris des normes internationales – et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles ».

 

[5]               L'agent a ensuite analysé la preuve documentaire portant sur des questions comme l’arrestation et la détention, la possibilité d'avoir un procès juste, et les conditions de détention dans les prisons du Bélarus. Se fondant sur son examen de la preuve, il ne pouvait conclure que les peines pour vol simple au Bélarus étaient disproportionnées par rapport aux normes internationales.

 

[6]               En ce qui concerne les conditions de détention, l'agent a renvoyé à la preuve documentaire indiquant que :

            •           les conditions de détention constituent une menace à la vie et à la santé

            •           il y a pénurie de nourriture, médicaments, vêtements et literie

            •           les maladies transmissibles pullulent

            •           la surpopulation et les travaux forcés sont monnaie courante

            •           les prisonniers qui se plaignent font l'objet de menaces, d'humiliation et de chantage

                        plusieurs des candidats à la libération conditionnelle doivent soudoyer le personnel de la prison

            •           des établissements correctionnels de rechange existent.

 

[7]               L'agent a reconnu que tout n’est pas rose dans le système correctionnel au Bélarus. Il a cependant noté la présence d’établissements correctionnels de rechange, d'amnisties et de libérations conditionnelles, et a conclu que Mme Klochek n'avait pas présenté de nouveaux éléments de risque qui ne résultaient pas d’une sanction légitime au Bélarus. De plus, il n’y avait pas assez de preuve [traduction] « visant à démontrer que les conditions dans le pays avaient changé significativement depuis la date à laquelle la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rendu sa décision ».

 

III.     L'agent a-t-il fait fi d'un aspect de la demande de Mme Klochek?

 

[8]               À la lecture de la décision de l'agent, je remarque qu'il a conclu que, selon l'allégation principale de Mme Klochek, elle serait exposée soit à une menace à sa vie, soit au risque de traitements ou peines cruels ou inusités si elle devait retourner au Bélarus pour répondre à des accusations de vol simple. Il a conclu que le risque résultait de sanctions légitimes. Pour les besoins de la présente décision, je vais présumer qu'il s'agissait d’une manière raisonnable de qualifier sa demande.

 

[9]               La question à laquelle il faut répondre concernant les sanctions légitimes est, comme l'énonce le sous-alinéa 97(1)b)(iii), de savoir si ces sanctions sont conformes aux normes internationales reconnues. L'agent a examiné si la durée de toute peine que Mme Klochek pouvait devoir purger serait disproportionnée par rapport aux normes internationales et a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment de preuve à ce sujet. Il a ensuite examiné les conditions de détention, mais a conclu que tout risque découlant d'un séjour en prison au Bélarus « résultait de sanctions légitimes », et qu'il ne devait donc pas en tenir compte.

 

[10]           Si une personne doit se voir refuser l'asile parce que le risque auquel elle s'expose découle d'une sanction légitime, il faut ensuite se poser la question de savoir si cette sanction est conforme aux normes internationales. Selon moi, l'agent n'a pas répondu à cette question, et a par conséquent omis de traiter d'un aspect important du risque auquel Mme Klochek s'exposerait si elle devait retourner au Bélarus.

 

[11]           L'omission de l'agent de répondre à cette question peut être assimilée à une erreur de droit, c’est-à-dire une application erronée de l'alinéa 97(1)b), ou à un rejet déraisonnable de la demande de Mme Klochek, parce qu'il n'a pas correctement tenu compte de la preuve portant sur les conditions de détention au Bélarus. D'une façon ou d'une autre, la Cour doit intervenir.

 

IV.    Conclusion et dispositif

 

[12]           L'agent a omis de tenir compte d'une question importante soulevée dans la demande de Mme Klochek. Par conséquent, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner qu'elle fasse l'objet d'un nouvel examen par un autre agent. Ni l’une ni l’autre des parties n’a demandé la certification d’une question de portée générale, et aucune n’est formulée.

 


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

2.                  Aucune question de portée générale n’est formulée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


Annexe « A »

 

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, 2001, ch. 27

 

  97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

[…]

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

[…]

 (iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles

 

Immigration and Refugee Protection Act, 2001, c. 27

 

  97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

...

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

 (iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2670-09

 

INTITULÉ :                                       KLOCHEK c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 1er février 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge O’Reilly

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 30 avril 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Matthew Jeffery

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Melissa Mathieu

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Matthew Jeffery

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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