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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20100427

Dossier : T-1647-07

Référence : 2010 CF 455

ENTRE :

T-MOBILE USA, INC.

demanderesse

 

et

 

TELUS CORPORATION, SOCIÉTÉ TÉLÉ-MOBILE,

TELUS COMMUNICATIONS COMPANY

ET TELUS COMMUNICATIONS INC.

 

défenderesses

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

LE JUGE SUPPLÉANT GIBSON

 

Introduction

[1]               Les présents motifs font suite à l’instruction d’un appel interjeté, par voie de requête en vertu de l’article 51 des Règles des Cours fédérales[1], à l’encontre de l’ordonnance du 15 avril 2010 de la protonotaire Milczynski, dans la mesure où l’ordonnance rejetait la demande présentée par la demanderesse pour qu’il soit enjoint au représentant des défenderesses, J. J. Hochrein, d’assister de nouveau à son interrogatoire préalable au nom des défenderesses et de répondre aux questions 187, 210, 212, 213, 217, 218, 219, 225, 226, 227, 229, 234, 238, 270, 273 et 276 (« les questions en cause de l’interrogatoire préalable »), qui lui avaient été posées au nom de la demanderesse les 11 et 12 août 2009, dans le cadre de son interrogatoire préalable.

 

[2]               Dans les observations écrites présentées au nom de la demanderesse, on a décrit les questions en litige dans le cadre de la requête. Il s’agit de savoir, premièrement, quelle norme de contrôle il convient d’appliquer à un appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance en cause et, deuxièmement, si les questions en cause de l’interrogatoire principal ont une influence déterminante sur l’issue du principal. Si ces questions ont une telle influence, troisièmement, il s’agit de savoir si elles sont pertinentes quant à une allégation de fait non admise dans les actes de procédure déposés par les défenderesses ou par la demanderesse. Si au contraire ces questions n’ont pas une telle influence, quatrièmement, il s’agit de savoir si l’ordonnance dont appel était manifestement erronée, en ce sens que l’exercice de son pouvoir discrétionnaire par la protonotaire, lorsqu’elle a refusé d’ordonner qu’on réponde aux questions, se fondait sur une erreur de principe.

 

Le contexte

[3]               La déclaration initiale a été déposée le 11 septembre 2007. La Cour a reçu la troisième déclaration modifiée le 9 février 2009. La protonotaire Milczynski s’est, dans les faits, occupée de la gestion de la présente instance depuis octobre 2007, bien qu’on ne lui ait assigné cette fonction en bonne et du forme que le 23 mars 2009. La protonotaire Milczynski a joué un rôle actif de gestion de l’instance. Elle a instruit deux requêtes en radiation d’actes de procédure et statué sur celles-ci et, avant le 17 février dernier, elle a présidé trois conférences de gestion de l’instance. Le 17 février 2010, elle a présidé l’audition – d’une durée de près d’une journée – de la requête ayant donné lieu à l’ordonnance dont appel. Il est donc juste de dire que la protonotaire Milczynski est bien davantage au fait de la présente action que ne l’est le présent juge suppléant.

 

Analyse, retenue et norme de contrôle

[4]               Dans la décision Apotex Inc. c. The Wellcome Foundation Limited et. al.[2], le juge Evans de la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

En dépit du caractère apparemment obligatoire de l’article 240 des Règles des Cours fédérales (1998), ordonner de répondre aux questions posées lors de l’interrogatoire préalable comporte l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. Une partie n’a pas droit à l’interrogatoire préalable simplement en démontrant que la réponse peut être pertinente pour prouver des faits importants. La généralité et l’ampleur d’une question, le poids du fardeau qui serait imposé en exigeant une réponse, le niveau de pertinence des renseignements demandés et la disponibilité de toute autre preuve potentielle des faits en cause comptent parmi les facteurs à prendre en considération dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire. […]

 

En tant que protonotaire responsable de la gestion de l’instance de ce litige complexe et prolongé, notamment d’un interrogatoire préalable comprenant des milliers de questions, le protonotaire Lafrenière était le mieux placé pour déterminer si, dans toutes les circonstances, il était approprié d’exiger que l’on réponde à la question en litige. En conséquence, malgré l’absence de motifs (et nous remarquons qu’il a été demandé au protonotaire de statuer sur 225 questions dans la présente requête et les requêtes s’y rapportant), la décision du protonotaire doit faire l’objet d’une grande retenue : […], et elle ne doit être annulée en appel que si elle est fondée sur une erreur de principe ou simplement erronée au vu des faits. Le juge Hugessen a considéré que le caractère large et général de la question était un motif suffisant pour confirmer l’exercice du pouvoir discrétionnaire du protonotaire. [Renvois omis; non souligné dans l’original.]

 


Je suis convaincu qu’on peut dire essentiellement la même chose en l’espèce. Tout particulièrement, la mention par le juge Evans du fait que, selon le juge Hugessen, le caractère large et général de la question alors en cause était un motif suffisant pour confirmer l’exercice du pouvoir discrétionnaire du protonotaire est également applicable dans la présente affaire. On peut en effet décrire les questions ici en cause de l’interrogatoire principal comme ayant, globalement, un caractère large et général.

 

[5]               Dans la décision Astrazeneca Canada Inc. et. al. c. Apotex Inc.[3], le juge Hughes a reformulé ainsi la position adoptée par le juge Evans :

Les protonotaires de la Cour sont accablés, dans une large mesure, de requêtes sollicitant qu’il soit ordonné que des réponses soient données à des questions posées lors d’interrogatoires préalables. Il arrive souvent que des centaines de questions doivent être examinées. Des heures et souvent des jours sont passés à traiter de telles requêtes. Il semble que, dans de nombreux cas, les parties et les avocats ont perdu de vue le véritable objet de la communication préalable, laquelle vise à obtenir ce dont une partie a vraiment besoin pour le procès. Ils ne devraient pas se livrer à la communication préalable sous forme d’« autopsie » ni la considérer comme une fin en soi.

 

Une décision rendue par un protonotaire à la suite de ce processus ardu ne doit être pas modifiée à moins qu’une erreur ait clairement été commise quant au droit ou aux faits applicables, ou que le point soit déterminant quant à l’issue du procès. Dans les cas où un protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire, comme l’appréciation de la pertinence en fonction du caractère onéreux, la décision rendue par suite de l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire ne devrait pas être modifiée. Le processus n’est pas sans fin. Les parties devraient arriver au procès de manière expéditive.

 

Une fois encore, j’estime que la même chose pourrait être dite en l’espèce. L’avocat de la demanderesse requérante n’a pas réussi à me convaincre qu’une erreur manifeste avait été commise quant au droit ou aux faits, ou que les questions auxquelles il demandait d’enjoindre de répondre étaient déterminantes quant à l’issue du procès. Les questions en cause de l’interrogatoire principal comportent, plutôt, toutes les caractéristiques d’un interrogatoire principal fait « à l’aveuglette ».

 

Conclusion

[6]               Pour les brefs motifs qui précèdent, la requête de la demanderesse sera rejetée.

 

Dépens

[7]               J’estime indiqué que les dépens suivent le sort de la cause. L’avocat des défenderesses a demandé que le montant des dépens soit fixé à 1 500 $, et que ceux-ci soient payés sans délai aux défenderesses, quelle que soit l’issue de la cause. Mon ordonnance prévoira que les défenderesses ont droit à leurs dépens, d’un montant global de 1 500 $, payables quelle que soit l’issue de la cause, mais non sans délai.

 

 

« Frederick E. Gibson »

Juge suppléant

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1647-07

 

INTITULÉ :                                       T-MOBILE USA, INC. c.

TELUS CORPORATION, SOCIÉTÉ TÉLÉ-MOBILE,

TELUS COMMUNICATIONS COMPANY

ET TELUS COMMUNICATIONS INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO, ONTARIO

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 26 AVRIL 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE JUGE SUPPLÉANT GIBSON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 27 AVRIL 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kenneth D. Mckay

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Arthur B. Renaud

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sim, Lowman, Ashton & McKay LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

Bennett Jones LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 



[1] DORS/98-106.

[2] 2008 CAF 131, le 9 avril 2008.

[3] 2008 CF 1301, le 20 novembre 2008.

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