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Cour fédérale

Federal Court


 

Date : 20100429

Dossier : IMM-5022-09

Référence : 2010 CF 469

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 29 avril 2010

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

jose luis miramontes-hernandez

silvia elena severa-cruz

 

demandeurs

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La présente demande concerne un mari et sa femme, qui ont quitté le Mexique pour demander l’asile au Canada en vertu des articles 96 et 97 de la LIPR. La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté leur demande au motif qu’ils n’avaient pas cherché à obtenir la protection de l’État au Mexique. La crédibilité des demandeurs n’a pas joué dans la conclusion tirée par la SPR.

 

[2]               Les détails de la demande présentée par les demandeurs et des motifs de son rejet sont exposés comme suit dans la décision de la SPR :

 

[2]        Miramontes et Severa craignent pour leur vie à cause de Pedro Chavez Gomez (ci-après, Chavez), l’ex-petit ami de Severa, officier de police judiciaire, qui, par le passé, a agressé verbalement et physiquement Severa et a, par la suite, agressé physiquement et menacé Miramontes. Severa allègue que Chavez l’a agressée verbalement et physiquement un certain nombre de fois pendant leur relation qui a duré 13 mois. Lorsque leur relation a pris fin, Severa a rencontré Miramontes, et ils se sont engagés dans une relation. Chavez a découvert leur relation et a menacé les deux demandeurs d’asile quelques fois. Les demandeurs d’asile allèguent que Chavez et un autre policier judiciaire les ont agressés physiquement en décembre 2007. Miramontes allègue que Chavez et deux autres policiers judiciaires l’ont enlevé et battu en mai 2008 et lui ont dit de laisser la demandeure d’asile; puis, ils ont menacé de le tuer et ils lui ont dit de quitter son emploi où il travaillait avec Severa. Les demandeurs d’asile ont fui au Canada le 9 septembre 2008 et ils ont demandé l’asile le même jour.

 

[…]

 

[17]      En l’espèce, les demandeurs d’asile ont été questionnés sur les efforts qu’ils ont faits pour obtenir la protection de l’État avant de fuir le Mexique. Severa a déclaré qu’elle n’avait pas signalé à la police l’agression qu’elle avait subie de la part de Chavez, ni pendant leur relation ni après, parce que Chavez l’avait menacée de lui faire du tort si elle le déclarait à la police. Miramontes a fait une déposition après avoir été enlevé et battu, et après avoir reçu une menace de mort de Chavez et de deux autres individus, qu’il a identifiés comme étant des policiers. Il a aussi demandé conseil à la commission nationale des droits de la personne. Miramontes a affirmé qu’un avocat de la commission l’a questionné et qu’il l’avait beaucoup aidé. Miramontes a décidé de ne pas donner suite à sa plainte contre Chavez parce qu’il n’avait pas de témoin qui avait vu Chavez l’agresser et il craignait les menaces de mort de Chavez.

 

[18]      Les demandeurs d’asile allèguent une crainte de persécution de la part de Chavez, qui est membre de la police judiciaire. Outre une demande de renseignements auprès de la commission nationale des droits de la personne, les demandeurs d’asile n’ont pas du tout tenté d’obtenir la protection de l’État. Par conséquent, j’estime que les demandeurs d’asile n’ont pas fait tout leur possible pour obtenir la protection de l’État. Lorsque des représentants de l’État sont à l’origine de la persécution, le plaignant n’a pas besoin d’épuiser tous les recours possibles au pays (Chaves, Carrillo); il ne faut cependant pas aller jusqu’à dire qu’il n’a plus besoin de solliciter la protection de son pays (Singh). Le fait qu’un policier soit corrompu ne constitue pas une situation où l’État lui-même est l’agent de persécution. Les efforts déployés par le demandeur d’asile n’étaient pas suffisants. Le principe général selon lequel les personnes persécutées doivent chercher à obtenir la protection de leur État avant de demander la protection d’un autre État s’applique (Ward).

 

[…]

 

[20]      Les demandeurs d’asile ont été questionnés quant à leur point de vue sur la protection offerte par le Mexique. Comme Severa craignait que Chavez mette ses menaces contre eux à exécution et qu’il était un policier qui serait protégé par ses collègues policiers, elle ne croyait pas qu’elle pourrait bénéficier de la protection de l’État. J’estime que les réponses de la demandeure d’asile concernant l’inefficacité de la protection de l’État n’ont pas de fondement objectif, car bon nombre d’entre elles n’étaient pas étayées par la preuve et contredisent la preuve documentaire.

 

[…]

 

[23]      Vu les circonstances de l’affaire, je conclus que les demandeurs d’asile n’ont pas réussi à réfuter la présomption de la protection de l’État avec des éléments de preuve clairs et convaincants. Par conséquent, je ne suis pas convaincu que la protection de l’État du Mexique ne serait pas raisonnablement accessible aux demandeurs d’asile, si ceux-ci la demandaient.

 

 

[3]               Il est juste de conclure qu’un demandeur d’asile ne répond pas à la définition de « réfugié au sens de la Convention » s’il est objectivement déraisonnable qu’il n’ait pas sollicité la protection de son pays d’origine (Hinzman c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2007) ACF no 584 (CAF), au paragraphe 56). Toutefois, l’avocat des demandeurs fait valoir que la conclusion tirée par la SPR au sujet de la protection de l’État constitue une erreur susceptible de contrôle parce qu’elle n’a pas effectué d’analyse qualitative pour déterminer si le refus des demandeurs de se réclamer de la protection de l’État était objectivement raisonnable. L’avocat des demandeurs soutient que la demande d’asile fondée sur l’article 96 est une demande fondée sur le sexe, compte tenu des rapports que Severa entretenait avec son ex-petit ami violent. J’abonde dans son sens.

 

[4]               L’avocat des demandeurs affirme également que, comme il s’agit d’une demande d’asile fondée sur le sexe, la SPR aurait dû tenir compte des Directives de la présidente sur les revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe (13 novembre 1996) (les Directives), et notamment de la directive importante suivante :

2. Les décideurs doivent examiner la preuve démontrant l’absence de protection de l’État si l’État et ses mandataires dans le pays d’origine de la revendicatrice ne voulaient pas ou ne pouvaient pas assurer une protection appropriée contre la persécution fondée sur le sexe. Si la revendicatrice peut montrer clairement qu’il était objectivement déraisonnable pour elle de demander la protection de l’État, son omission de le faire ne fera pas échouer sa revendication. En outre, que la revendicatrice ait ou non cherché à obtenir la protection de groupes non gouvernementaux ne doit avoir aucune incidence sur l’évaluation de la protection qu’offre l’État.

 

(Recueil de jurisprudence et de doctrine des demandeurs, onglet 1, à la page 8)

 

 

Bien que l’avocat des demandeurs n’ait pas directement invoqué cet argument devant la SPR lors de l’audition de la demande d’asile, je souscris néanmoins à l’argument selon lequel il incombe à la SPR de bien cerner l’essence de la demande d’asile fondée sur le sexe.

 

[5]               Pour ces motifs, j’estime que la SPR était tenue de procéder à une analyse des raisons pour lesquelles les demandeurs n’avaient pas cherché à obtenir la protection de l’État, et ce, en tenant compte des Directives. Ce que les demandeurs craignaient, c’était de faire l’objet de mesures de représailles pour avoir fait une déclaration à la police au sujet d’un crime violent et grave commis par un membre du corps de police avec la complicité d’autres policiers. La SPR était appelée à déterminer formellement si le refus subjectif des demandeurs était objectivement raisonnable dans les circonstances. Cette exigence n’a pas été satisfaite. Je conclus donc que la décision était déraisonnable.

 


 

ORDONNANCE

En conséquence, j’annule la décision en cause et renvoie l’affaire à un tribunal différemment constitué pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                 IMM-5022-09

 

 

INTITULÉ :                                               JOSE LUIS MIRAMONTES-HERNANDEZ,

SILVIA ELENA SEVERA-CRUZ

c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                      Le 28 avril 2010

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                               Le juge Campbell

 

 

DATE DES MOTIFS                      

ET DE L’ORDONNANCE :                    Le 29 avril 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Douglas Lehrer

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Sally Thomas

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

VanderVennen Lehrer

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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