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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20100428

Dossier : IMM-3551-09

Référence : 2010 CF 466

Toronto (Ontario), le 28 avril 2010

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

amarjit singh gill

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               M. Gill, un Indien qui vit en Inde, a demandé en 2005 la résidence permanente au Canada. Sa demande a été rejetée en juin 2009 par la deuxième secrétaire pour l’Immigration du haut‑commissariat du Canada à New Delhi. C’est en tant que membre de la catégorie fédérale des travailleurs qualifiés que sa demande avait été évaluée, plus particulièrement en tant que professeur d’école secondaire. Il lui fallait 67 points, mais il n’en a obtenu que 62. S’il avait eu un « emploi réservé », il aurait obtenu 10 points additionnels. Il se trouve qu’il n’en a obtenu aucun sous cette rubrique. S’il avait prouvé que le frère de son épouse était un résident permanent vivant au Canada, il aurait obtenu cinq points supplémentaires. Il se trouve qu’il n’en a obtenu aucun sous cette rubrique. La Cour est saisie ici du contrôle judiciaire de cette décision.

[2]               Le délai qui s’écoule entre la réception d’une demande de résidence permanente et le traitement de cette demande peut, comme c’est le cas ici, se compter en années. Il peut arriver beaucoup de choses dans l’intervalle.

 

[3]               Le haut‑commissariat à New Delhi a envoyé à M. Gill deux lettres interlocutoires. La première, en janvier 2009, le priait de faire connaître les résultats d’examens médicaux et de dire si son adresse postale avait changé.

 

[4]               À ce moment-là, les preuves qu’il avait produites pour établir qu’il avait un beau-frère au Canada étaient une copie de la carte de résident permanent du beau-frère, une copie du passeport indien du beau-frère, renouvelé à Vancouver et portant une adresse en Colombie‑Britannique, enfin un affidavit de son épouse dans lequel elle donnait aussi l’adresse de son frère en Colombie‑Britannique.

 

[5]               Pour prouver son « emploi réservé », il avait produit une offre d’emploi de la Bambolino Montessori Academy de Toronto, ainsi qu’un avis de Service Canada sur l’emploi réservé.

 

[6]               En mai 2009, la deuxième secrétaire pour l’Immigration lui a écrit pour lui dire qu’elle ne pouvait pas croire qu’il avait été retenu pour le poste, et elle lui a donné l’occasion de dissiper ses doutes. Il lui a répondu par d’autres lettres, venant de lui-même et de l’école.

 

[7]               Cependant, la deuxième secrétaire n’était toujours pas convaincue et, comme je le disais plus haut, elle ne lui a pas accordé de points pour le fait d’avoir un beau-frère qui est un résident permanent vivant au Canada, et pas de points non plus pour l’emploi réservé. S’il avait réussi dans l’une ou l’autre de ces deux rubriques, il aurait obtenu le minimum requis de 67 points. Voici ce qu’écrivait la deuxième secrétaire :

[traduction]

 

Je ne vous ai pas accordé de points pour l’emploi réservé, car vous ne m’avez pas convaincue que vous aviez reçu une véritable offre d’emploi au Canada. Je ne vous ai pas accordé de points pour la capacité d’adaptation, car vous n’avez pas prouvé que le frère de votre épouse est un résident permanent (la copie de la carte que vous avez produite a expiré le 6 octobre 2008) ou un citoyen canadien, ou qu’il réside au Canada.

 

Les questions en litige

[8]               S’agissant de la capacité d’adaptation fondée sur le fait qu’un proche parent est un citoyen canadien ou un résident permanent du Canada, et sur le fait qu’il vit ici, la décision était-elle conforme à l’équité procédurale, la deuxième secrétaire n’ayant pas donné à M. Gill la possibilité de dissiper ses doutes?

 

[9]               S’agissant de l’emploi réservé, la deuxième secrétaire s’est-elle méprise sur l’obligation légale que lui imposait le Règlement? Dans la négative, sa décision était-elle raisonnable?

 

Analyse

[10]           À la date de l’appréciation de la demande de M. Gill, on ne sait pas si son beau-frère vivait ou non au Canada, s’il s’était conformé ou non à l’obligation de résidence prévue par l’article 28 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, s’il avait ou non reçu une carte renouvelée de résident permanent, s’il était ou non devenu citoyen canadien et s’il avait ou non été l’objet d’une enquête.

 

[11]           À mon avis, l’agente des visas a manqué à l’équité procédurale, parce qu’elle a rendu sa décision sans porter ces questions à l’attention de M. Gill et sans lui donner l’occasion d’y répondre. La décision de l’agente des visas n’appelle aucune retenue. Il ne s’agit pas ici d’un cas où le demandeur s’est contenté de dire platement qu’il avait un parent au Canada, sans en apporter la moindre preuve. Il y avait des preuves. Si l’agente des visas en voulait davantage, elle aurait dû les demander.

 

[12]           Que le ministre ait ou non raison de dire qu’il aurait été difficile pour l’agente d’obtenir des renseignements à jour sur le statut du beau-frère en s’adressant aux services officiels, l’agente aurait pu, et aurait dû, faire connaître ses doutes à M. Gill. On en trouve un exemple parfait dans la décision Malik c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1283. Dans cette affaire-là, alors que sa demande de visa était en cours de traitement, le demandeur avait reçu un avis où l’on pouvait lire notamment ce qui suit :

[traduction]

 

Prière de fournir des copies de documents montrant que votre parent (ou le parent de votre conjoint qui vous accompagne) réside au Canada. Il peut s’agir de documents tels que déclaration de revenu, dernière feuille de paie, relevé de carte de crédit, etc. Les affidavits et les déclarations solennelles ne sont pas une preuve satisfaisante de résidence au Canada.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[13]           Aucune lettre du genre n’a été envoyée à M. Gill. Il était tout simplement fautif d’arguer d’un délai survenu dans le traitement de la demande en saisissant le prétexte que la preuve de résidence permanente du beau-frère, preuve qui était valide au moment où elle avait été produite, avait depuis expiré. L’obligation d’équité n’a pas été respectée (Laio c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. n° 1926 (1re inst.) (Q.L.), Hussein c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 159 F.T.R. 203, 45 Imm. L.R. (2d) 13, et Salman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 877, 63 Imm. L.R. (3d) 285).

 

[14]           Compte tenu de la conclusion à laquelle je suis arrivé sur la question de la résidence du parent au Canada, il ne m’est pas nécessaire d’examiner la question de l’emploi réservé, car cette question est théorique.

 

[15]           Cependant, je me permettrai de dire que l’un des aspects de l’emploi réservé, applicable à M. Gill, un non-résident, était qu’un agent approuve une offre d’emploi « sur le fondement d’un avis émis par le ministère du Développement des ressources humaines […] où il est affirmé que l’offre d’emploi est véritable » (Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, sous‑alinéa 82(2)c)(ii)). Le ministre fait valoir que l’avis du ministère n’est qu’une condition préalable à l’appréciation de novo faite par l’agente des visas. Il invoque une décision de madame la juge Snider, Bellido c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 452, où elle s’exprimait ainsi, au paragraphe 21 :

La validation de DRHC nest pas, comme le prétend la demanderesse, une preuve suffisante demploi réservé. Une telle validation ne libère pas lagent des visas de son obligation de déterminer si la demanderesse est en mesure deffectuer le travail décrit dans la validation.

 

 

[16]           Lu en même temps que le paragraphe 82(2) du Règlement, selon lequel l’agent doit évaluer si un travailleur qualifié est en mesure d’exercer les fonctions de l’emploi et s’il est vraisemblable qu’il acceptera de les exercer, ce précédent permet certainement d’affirmer que l’agent des visas doit décider si le demandeur est taillé pour l’emploi. En l’espèce, non seulement l’agente a trouvé que M. Gill n’était pas taillé pour l’emploi, mais encore elle était d’avis que tout bien considéré l’offre d’emploi n’était pas authentique. Il vaut mieux laisser pour plus tard la question de savoir si un agent des visas en Inde a le droit de passer outre à l’avis du ministère, fondé sur une enquête qui a eu lieu au Canada, selon lequel l’offre d’emploi est véritable.

 

[17]           Les deux avocates ont reconnu qu’il n’y avait aucune question de portée générale à certifier et que, si j’inclinais à faire droit à la demande de contrôle judiciaire, je devrais simplement renvoyer l’affaire à un autre agent pour nouvelle décision, m’abstenant de donner des directives de nature à restreindre la nouvelle appréciation de la question de la résidence au Canada du beau-frère de M. Gill.

 

ORDONNANCE

 

POUR LES MOTIFS SUSMENTIONNÉS :

a.                   La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

b.                  L’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvelle décision;

c.                   Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3551-09

 

 

INTITULÉ :                                       AMARJIT SINGH GILL c. 

LE ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 27 AVRIL 2010

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE HARRINGTON

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             LE 28 AVRIL 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Krassina Kostadinov

 

POUR LE DEMANDEUR

Mary Matthews

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman et Associés

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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