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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20100416

Dossier : IMM-4911-09

Référence : 2010 CF 418

Vancouver (Colombie-Britannique), le 16 avril 2010

En présence de Monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

LILY SIAO XU

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse n’avait pas le nombre de points requis pour pouvoir être admise comme membre de la catégorie fédérale des travailleurs qualifiés. Elle a prié l’agente d’user de son pouvoir discrétionnaire et de substituer son appréciation à la grille, ainsi que l’y autorisait le paragraphe 76(3) du Règlement pris en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.R.C. 2001, ch. 27. La demanderesse voudrait que soit annulée la décision de l’agente de ne pas avoir consenti à substituer son appréciation aux critères de sélection.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

I.  Le contexte

[3]               Lily Siao Xu est Philippine. Elle est mariée et a deux enfants. En janvier 2004, elle a demandé un visa de résidente permanente en tant que membre de la catégorie fédérale des travailleurs qualifiés. Dans sa demande de visa, Mme Xu établissait à 67 le nombre de points qu’elle obtiendrait, et elle priait aussi l’agente des visas de substituer son appréciation aux critères de sélection pour le cas où elle conclurait qu’elle n’avait pas le nombre de points requis pour la catégorie fédérale des travailleurs qualifiés.

 

[4]               En janvier 2008, Mme Xu a communiqué à l’agente plusieurs renseignements complémentaires, et l’agente a fait une évaluation de sa demande. Elle a conclu que la demanderesse avait obtenu 65 points, deux points de moins que le minimum requis. La demanderesse ne conteste pas la manière dont l’agente a calculé les points qu’elle a obtenus.

 

[5]               Dans la lettre de décision, l’agente n’aborde pas la partie de la demande de visa où Mme Xu la priait de substituer son appréciation aux critères de sélection. Cependant, dans les notes consignées au STIDI, l’agente en a bien tenu compte. Elle y écrivait ce qui suit :

[traduction] J’AI EXAMINÉ LA POSSIBILITÉ DE SUBSTITUER MON APPRÉCIATION AUX CRITÈRES DE SÉLECTION, MAIS JE SUIS D’AVIS QUE LES POINTS ACCORDÉS REFLÈTENT BIEN L’APTITUDE DE LA CANDIDATE À RÉUSSIR SON ÉTABLISSEMENT AU CANADA. LA CANDIDATE NE REMPLIT PAS LES CONDITIONS FIXÉES PAR LA LIPR. SA DEMANDE DE VISA EST REFUSÉE.

 

 

II.  Points litigieux

a.       La demanderesse soulève deux questions concernant la manière dont l’agente a répondu à sa demande :

1.                  L’agente a-t-elle commis une erreur de droit parce qu’elle n’a pas suffisamment motivé son analyse aux termes du paragraphe 76(3) du Règlement?

2.                  Subsidiairement, l’agente a-t-elle commis une erreur de droit parce que l’analyse qu’elle a faite aux termes du paragraphe 76(3) du Règlement est déficiente, en ce sens qu’elle n’a pas rendu une décision qui est justifiée, transparente et intelligible.

 

1.         L’agente a-t-elle suffisamment motivé sa décision?

[6]               La demanderesse dit que, s’agissant de sa demande de visa, la plate affirmation de l’agente selon laquelle elle avait examiné la possibilité de substituer son appréciation aux critères d’évaluation, mais y avait renoncé, ne satisfait pas à l’obligation qu’elle avait de motiver sa décision. Elle dit que la décision administrative contraire dont il s’agissait dans le jugement Poblado c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1167, ne devrait pas être suivie au motif que cette décision avait été revue selon la norme de la décision manifestement déraisonnable, une norme qui n’existe plus. Elle soutient aussi que la décision contraire dont il s’agissait dans le jugement Budhooram c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 18, doit être distinguée et que, même si la décision de l’agente dans la présente affaire appartient sans doute aux issues possibles acceptables, elle n’est pas suffisamment transparente et elle est donc déraisonnable.

 

[7]               Le défendeur, invoquant le jugement Poblado, au paragraphe 7 et le jugement Budhooram, au paragraphe 32, soutient qu’un agent qui refuse d’exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 76(3) du Règlement n’est pas tenu de motiver sa décision. Il dit que les motifs exposés ici par l’agente répondaient à l’obligation qu’elle pouvait avoir en la matière.

 

[8]               La question de savoir si l’agente a motivé suffisamment sa décision est une question d’équité procédurale, qui doit donc être revue selon la norme de la décision correcte.

 

[9]               La Cour a jugé que « rien dans les règlements, les lignes directrices ou la jurisprudence n’oblige les agents des visas à motiver leur refus d’exercer [le] pouvoir discrétionnaire » que leur confère le paragraphe 76(3) du Règlement : jugement Budhooram, paragraphe 31. Le juge von Finckenstein est arrivé à la même conclusion, au paragraphe 7 du jugement Poblado :

Quant aux motifs écrits, s’ils sont toujours souhaitables, ils ne sont pas obligatoires. L’agent est uniquement tenu d’informer le demandeur qu’il a examiné la demande de substitution de l’appréciation (références omises).

 

On peut faire remonter ce principe au jugement Channa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 124 F.T.R. 290 (1re inst.), où la juge Simpson écrivait ce qui suit :

[traduction] Lorsque la loi n’exige que des motifs soient exposés que lorsque le pouvoir discrétionnaire a été exercé, je ne suis pas disposée à conclure que des motifs doivent aussi être exposés lorsque le pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé. Si c’est là le résultat qui avait été voulu, il aurait été exprimé dans la loi.

 

[10]           La demanderesse fait valoir que le jugement Poblado ne devrait pas être suivi parce que la Cour avait appliqué dans cette affaire la norme de la décision manifestement déraisonnable. Il est exact que la Cour suprême, dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, a fusionné la norme de la décision manifestement déraisonnable et la norme de la décision raisonnable simpliciter en une norme unique, celle de la décision raisonnable, mais ce changement radical dans la manière d’aborder l’analyse relative à la norme de contrôle ne met pas en question les décisions qui ont été revues selon la norme de la décision manifestement déraisonnable. Sans doute devrait-on considérer telles décisions avec circonspection, mais elles ne cessent pas de représenter l’état du droit du seul fait de l’arrêt Dunsmuir. Dans le jugement Poblado, la norme de la décision manifestement déraisonnable n’est nullement intervenue dans le raisonnement du juge von Finckenstein concernant l’obligation de motiver une décision. Ce raisonnement était fondé sur le jugement Channa et sur l’interprétation que ce jugement faisait à ce moment-là des exigences de la Loi.

 

[11]           La demanderesse dit aussi que le jugement Budhooram ne devrait pas être suivi parce qu’il doit être distingué de la présente espèce. Plus précisément, pointant le paragraphe 18 de ce jugement, elle dit que l’agente dans cette affaire-là avait exprimé ses doutes au demandeur, ce que n’a pas fait l’agente dans la présente affaire. Le paragraphe 18 est formulé ainsi :

L’agente a informé le demandeur qu’elle avait certains doutes, notamment quant au soutien financier qu’il continuait de recevoir de sa mère. Les renseignements et explications fournis par le demandeur n’ont pas convaincu l’agente qu’il serait capable de réussir son établissement économique au Canada. Par conséquent, l’agente n’a pas substitué sa propre appréciation aux points accordés, comme le lui permet le paragraphe 76(3) du Règlement.

 

[12]           D’abord, il ne m’apparaît pas évident que le fait que l’agente, dans l’espèce Budhooram, ait conféré avec le demandeur soit important au point que ce précédent doive ici être distingué. Deuxièmement, d’après ma lecture du jugement, et en particulier de son paragraphe 31, la décision de l’agente, comme celle dont il s’agit ici, était reflétée dans les notes consignées au STIDI. Dans l’affaire Budhooram, l’agente avait indiqué qu’elle n’était pas persuadée que les points accordés ne reflétaient pas fidèlement l’aptitude du demandeur à réussir son établissement au Canada. Ce point n’avait pas été évoqué dans l’entretien antérieur de l’agente avec le demandeur, alors même que l’on pourrait dire que tel entretien faisait partie des motifs de l’agente.

 

[13]           En l’espèce, qu’il ait existé ou non une obligation pour l’agente de motiver sa décision, des motifs ont été donnés. Je préfère donc analyser l’utilité des motifs en question en présumant qu’il y avait obligation de les donner.

 

[14]           La demanderesse soutient que, pour savoir si l’agente a satisfait à son obligation de motiver sa décision, la Cour doit se limiter à examiner la lettre envoyée à la demanderesse et doit s’abstenir d’examiner les « motifs » exposés dans les notes consignées au STIDI. Je ne partage pas son avis. La Cour a jugé, dans une foule de dossiers d’immigration, que les renseignements figurant dans les notes consignées au STIDI avant la décision contestée représentent les motifs, de même que tout ce qui a été directement communiqué à l’intéressé. Dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, la Cour suprême du Canada a jugé que les notes font partie des motifs. Elle s’exprimait ainsi, au paragraphe 44 :

J’estime, toutefois, que cette obligation a été remplie en l’espèce par la production des notes de l’agent Lorenz à l’appelante. Les notes ont été remises à Mme Baker lorsque son avocat a demandé des motifs. Pour cette raison, et parce qu’il n’existe pas d’autres documents indiquant les motifs de la décision, les notes de l’agent subalterne devraient être considérées, par déduction, comme les motifs de la décision. L’admission de documents tels que ces notes comme motifs de la décision fait partie de la souplesse nécessaire, ainsi que l’ont souligné Macdonald et Lametti, loc. cit., quand des tribunaux évaluent les exigences de l’obligation d’équité tout en tenant compte de la réalité quotidienne des organismes administratifs et des nombreuses façons d’assurer le respect des valeurs qui fondent les principes de l’équité procédurale. Cela confirme le principe selon lequel les individus ont droit à une procédure équitable et à la transparence de la prise de décision, mais reconnaît aussi qu’en matière administrative, cette transparence peut être atteinte de différentes façons. Je conclus qu’en l’espèce les notes de l’agent Lorenz remplissent l’obligation de donner des motifs en vertu de l’obligation d’équité procédurale, et qu’elles seront considérées comme les motifs de la décision.

 

[15]           Sans doute vaudrait-il mieux inclure ce détail dans la correspondance officielle, mais cela ne signifie pas qu’il y avait absence de motifs du seul fait qu’ils n’étaient pas repris dans la lettre de décision envoyée à la demanderesse.

 

2.         La décision était-elle justifiée, transparente et intelligible?

[16]           Citant le paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir, la demanderesse affirme que la manière dont l’agente exerce son pouvoir discrétionnaire doit être justifiée, transparente et intelligible. Elle se fonde sur le jugement Lackhee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1270, et le jugement Espinosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 609, pour affirmer que, dans ce type de demande de visa, l’agent doit prendre en compte tous les facteurs pertinents avancés par un demandeur, y compris l’existence de fonds d’établissement. Selon la demanderesse, l’agente a laissé de côté cinq facteurs :

 

1.                  la demanderesse n’était qu’à deux points de la note de passage de 67;

2.                  si la demanderesse avait obtenu une note un peu supérieure sur l’une quelconque des aptitudes vérifiées dans l’examen linguistique, elle aurait gagné deux points supplémentaires;

3.                  le frère de la demanderesse réside au Canada, il est un résident permanent, et il pourrait l’aider à s’établir;

4.                  le mari de la demanderesse, en tant que gérant, possède une importante expérience des affaires; et

5.                  la demanderesse avait un actif bien supérieur au minimum requis.

 

Seul le dernier de ces facteurs a été énergiquement affirmé dans les conclusions orales de la demanderesse.

 

[17]           À l’époque de la demande de visa, le législateur avait décidé qu’un total de 67 points était requis pour qu’un étranger soit considéré comme un travailleur qualifié; c’est la norme minimale absolue. Par conséquent, une note inférieure au minimum absolu, sans plus, est la preuve que la demanderesse ne réussirait pas son établissement économique si elle était admise au Canada.

 

[18]           À mon avis, il n’importe pas de savoir si la demanderesse a obtenu une note légèrement inférieure au minimum absolu ou très largement inférieure au minimum absolu – elle n’a pas obtenu le nombre de points requis pour répondre à la définition d’une travailleuse qualifiée. Il est sans aucun doute vrai que tel ou tel agent sera parfois mieux disposé à dire que les points attribués ne constituent pas un indice suffisant de l’aptitude d’une personne à réussir son établissement économique au Canada, et donc mieux disposé à exercer son pouvoir discrétionnaire de substituer son appréciation aux critères de sélection, si le demandeur obtient une note légèrement inférieure au minimum absolu et s’il présente une autre raison montrant que la note ne permet pas de juger de son aptitude à réussir son établissement économique; mais le fait que la demanderesse n’était qu’à deux points de la note de passage ne permet pas d’invalider la conclusion de l’agente pour qui la note obtenue par la demanderesse reflétait son aptitude à réussir son établissement économique au Canada,

 

[19]           Les conclusions de la demanderesse concernant la note qu’elle aurait pu obtenir au test de langue sont sans fondement. Il se trouve que la demanderesse a obtenu la note qui lui a été attribuée. Il n’était pas nécessaire pour l’agente de considérer les points que la demanderesse aurait pu obtenir si sa performance avait été d’un niveau supérieur – elle ne l’a pas été.

 

[20]           L’agente a bien considéré le fait que le frère de la demanderesse résidait au Canada et y avait le statut de résident permanent. Elle a accordé à la demanderesse cinq points additionnels, là où celle-ci s’était accordée zéro point, sous la rubrique de la « capacité d’adaptation ».

 

[21]           L’agente a donné à la demanderesse la possibilité de se voir offrir un emploi réservé. Or, malgré ses compétences et la possibilité d’une aide de la part de son frère, elle n’a pu obtenir une offre d’emploi. Ayant attribué à la demanderesse cinq points additionnels pour la capacité d’adaptation, l’agente n’était pas tenue de prendre en compte à nouveau le frère de la demanderesse au moment d’exercer son pouvoir discrétionnaire selon le paragraphe 76(3).

 

[22]           Sans une explication précise de la demanderesse quant à la manière dont son conjoint l’aiderait, elle, à réussir son établissement économique – et aucune explication du genre n’a été donnée à l’agente – il m’est difficile de voir pourquoi l’agente devait considérer ce facteur au moment de conclure si la demanderesse était susceptible de réussir son établissement économique, malgré son incapacité d’atteindre le nombre minimum de points requis.

 

[23]           Le dernier facteur que, selon la demanderesse, l’agente aurait laissé de côté concernait le montant de ses fonds d’établissement.

 

[24]           Les sommes à la disposition de la demanderesse étaient nettement plus élevées que le minimum absolu requis. La demanderesse dit que l’agente n’en a pas fait état lorsqu’elle a conclu que le nombre de points obtenus reflétait son aptitude à réussir son établissement économique. En fait, comme elle le souligne, il n’est nullement fait état du montant de ses fonds d’établissement dans les notes consignées au STIDI.

 

[25]           Le dossier révèle que, lorsque la demanderesse a présenté sa demande de visa en 2004, elle avait déclaré des fonds d’établissement s’élevant à 153 207 $. Deux ans plus tard, dans sa demande mise à jour, elle déclarait un montant de 135 469,08 $. Hors la diminution, la somme était nettement supérieure au minimum requis par le ministre.

 

[26]           La demanderesse dit qu’il est obligatoire pour un agent des visas de considérer les fonds d’établissement d’un demandeur lorsqu’il examine s’il devrait ou non exercer son pouvoir discrétionnaire selon le paragraphe 76(3). Elle invoque les jugements suivants de la Cour : Hernandez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1398; Choi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 577; Lackhee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1270; Espinosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 609; et Roberts c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 518.

 

[27]           Dans le jugement Hernandez, la juge Heneghan a estimé que le paragraphe 76(3), tel qu’il était alors formulé, requérait la prise en compte des fonds d’établissement lorsque l’agent se demandait s’il convenait pour lui de substituer aux critères de sélection son appréciation de l’aptitude du demandeur de visa à réussir son établissement économique au Canada. Il faut préciser, à mon avis, que l’article 76 était alors formulé comme il suit :

76. (1) Les critères ci-après indiquent que le travailleur qualifié peut réussir son établissement économique au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral):

 

 

 

a) le travailleur qualifié accumule le nombre minimum de points visé au paragraphe (2), au titre des facteurs suivants :

 

 

(i) les études, aux termes de l'article 78,

 

 

 

(ii) la compétence dans les langues officielles du Canada, aux termes de l'article 79,

 

(iii) l'expérience, aux termes de l'article 80,

 

(iv) l'âge, aux termes de l'article 81,

 

 

(v) l'exercice d'un emploi réservé, aux termes de l'article 82,

 

(vi) la capacité d'adaptation, aux termes de l'article 83;

 

b) le travailleur qualifié :

 

(i) soit dispose, pour une période d'un an à compter de son entrée au Canada, de fonds transférables - non grevés de dettes ou d'autres obligations financières - d'un montant égal à la moitié du revenu vital minimum qui lui permettrait de subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille,

 

(ii) soit s'est vu attribuer le nombre de points prévu au paragraphe 82(2) pour un emploi réservé au Canada au sens du paragraphe 82(1).

 

(2) Le ministre établit le nombre minimum de points que doit obtenir le travailleur qualifié en se fondant sur les éléments ci-après et en informe le public :

 

a) le nombre de demandes, au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), déjà en cours de traitement;

b) le nombre de travailleurs qualifiés qui devraient devenir résidents permanents selon le rapport présenté au Parlement conformément à l'article 94 de la Loi;

 

c) les perspectives d'établissement des travailleurs qualifiés au Canada, compte tenu des facteurs économiques et autres facteurs pertinents.

 

(3) Si le nombre de points obtenu par un travailleur qualifié - que celui-ci obtienne ou non le nombre minimum de points visé au paragraphe (2) - ne reflète pas l'aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada, l'agent peut substituer son appréciation aux critères prévus au paragraphe (1).

 

 

(4) Toute décision de l'agent au titre du paragraphe (3) doit être confirmée par un autre agent.

76. (1) For the purpose of determining whether a skilled worker, as a member of the federal skilled worker class, will be able to become economically established in Canada, they must be assessed on the basis of the following criteria:

 

(a) the skilled worker must be awarded not less than the minimum number of required points referred to in subsection (2) on the basis of the following factors, namely,

 

(i) education, in accordance with section 78,

 

 

 

(ii) proficiency in the official languages of Canada, in accordance with section 79,

 

(iii) experience, in accordance with section 80,

 

(iv) age, in accordance with section 81,

 

(v) arranged employment, in accordance with section 82, and

 

(vi) adaptability, in accordance with section 83; and

 

(b) the skilled worker must

 

(i) have in the form of transferable and available funds, unencumbered by debts or other obligations, an amount equal to half the minimum necessary income applicable in respect of the group of persons consisting of the skilled worker and their family members, or

 

 

(ii) be awarded the number of points referred to in subsection 82(2) for arranged employment in Canada within the meaning of subsection 82(1).

 

(2) The Minister shall fix and make available to the public the minimum number of points required of a skilled worker, on the basis of

 

(a) the number of applications by skilled workers as members of the federal skilled worker class currently being processed;

(b) the number of skilled workers projected to become permanent residents according to the report to Parliament referred to in section 94 of the Act; and

 

 

(c) the potential, taking into account economic and other relevant factors, for the establishment of skilled workers in Canada.

 

(3) Whether or not the skilled worker has been awarded the minimum number of required points, an officer may substitute for the criteria set out in subsection (1) their evaluation of the likelihood of the ability of the skilled worker to become economically established in Canada if the number of points awarded is not a sufficient indicator of whether the skilled worker may become economically established in Canada.

 

(4) An evaluation made under subsection (3) requires the concurrence of a second officer.

 

[28]           Le paragraphe 76(1), tel qu’il était alors formulé, disait clairement qu’il y avait deux volets dans la question de savoir si un candidat était à même de réussir son établissement économique au Canada : a) les points attribués pour les six facteurs indiqués, et b) les fonds minimaux d’établissement qu’il détenait, ou l’emploi qui lui avait été réservé. Selon cette version antérieure du texte législatif, lorsque le candidat n’obtenait pas le nombre de points requis, alors le paragraphe 76(3) donnait à l’agent le pouvoir de substituer aux critères prévus au paragraphe (1) son appréciation de l’aptitude du candidat à réussir son établissement économique au Canada. En résumé, l’agent substituait son appréciation à l’ensemble des critères indiqués ci-dessus, c’est-à-dire à la fois dans les alinéas a) et b). Étant donné que l’un de ces facteurs concernait les fonds d’établissement, la juge Heneghan a estimé, et selon moi à juste titre, que l’agent devait tenir compte des fonds d’établissement du candidat pour savoir s’il convenait ou non qu’il exerce son pouvoir discrétionnaire.

 

[29]           Cependant, le texte législatif a été par la suite modifié. Il est actuellement formulé ainsi :

76. (1) Les critères ci-après indiquent que le travailleur qualifié peut réussir son établissement économique au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) :

 

 

 

a) le travailleur qualifié accumule le nombre minimum de points visé au paragraphe (2), au titre des facteurs suivants :

 

 

(i) les études, aux termes de l’article 78,

 

(ii) la compétence dans les langues officielles du Canada, aux termes de l’article 79,

 

(iii) l’expérience, aux termes de l’article 80,

 

(iv) l’âge, aux termes de l’article 81,

 

(v) l’exercice d’un emploi réservé, aux termes de l’article 82,

(vi) la capacité d’adaptation, aux termes de l’article 83;

 

b) le travailleur qualifié :

(i) soit dispose de fonds transférables — non grevés de dettes ou d’autres obligations financières — d’un montant égal à la moitié du revenu vital minimum qui lui permettrait de subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille,

 

(ii) soit s’est vu attribuer le nombre de points prévu au paragraphe 82(2) pour un emploi réservé au Canada au sens du paragraphe 82(1).

76. (1) For the purpose of determining whether a skilled worker, as a member of the federal skilled worker class, will be able to become economically established in Canada, they must be assessed on the basis of the following criteria:

 

(a) the skilled worker must be awarded not less than the minimum number of required points referred to in subsection (2) on the basis of the following factors, namely,

 

(i) education, in accordance with section 78,

 

(ii) proficiency in the official languages of Canada, in accordance with section 79,

 

(iii) experience, in accordance with section 80,

 

(iv) age, in accordance with section 81,

 

(v) arranged employment, in accordance with section 82, and

(vi) adaptability, in accordance with section 83; and

 

(b) the skilled worker must

(i) have in the form of transferable and available funds, unencumbered by debts or other obligations, an amount equal to half the minimum necessary income applicable in respect of the group of persons consisting of the skilled worker and their family members, or

 

(ii) be awarded the number of points referred to in subsection 82(2) for arranged employment in Canada within the meaning of subsection 82(1).

 

[30]           Ce qui ressort du paragraphe 76(3) actuel, c’est que l’agent ne peut substituer son appréciation qu’« aux critères prévus à l’alinéa 1a) », c’est-à-dire les points accordés pour les six facteurs, et il ne peut donc pas substituer son appréciation aux critères prévus à l’alinéa 1b), à savoir les fonds d’établissement et l’emploi réservé.

 

[31]           Le législateur non seulement a décidé de faire des fonds d’établissement ou de l’emploi réservé une exigence minimale, mais a également enlevé ces deux éléments de la liste des critères auxquels un agent peut substituer son appréciation. On serait en droit de penser que, si le législateur en a décidé ainsi, c’est parce qu’il était d’avis que, au-delà d’un minimum, les fonds d’établissement ne reflètent pas l’aptitude d’un candidat à réussir son établissement économique. L’alinéa 76(1)b) du Règlement donne l’impression que le législateur considère au premier chef la manière dont les travailleurs qualifiés répondront à leurs besoins économiques immédiats à leur arrivée au Canada. S’ils ont un emploi réservé, ils disposeront d’un revenu constant; mais, dans le cas contraire, alors ils auront besoin d’un minimum de ressources devant agir comme tampon jusqu’à ce qu’ils trouvent un emploi. Vraisemblablement, si les ressources en question ne sont pas comprises dans le calcul des points, c’est parce qu’un candidat sans emploi finira par les épuiser, et aussi parce qu’elles ne permettent pas de dire si l’étranger trouvera un emploi. En revanche, un emploi réservé est un fort signal que l’étranger est suffisamment compétent, dans son domaine, pour prendre sa place sur le marché du travail au Canada, et c’est pourquoi des points sont attribués pour un emploi réservé.

 

[32]           À mon avis, si la Cour décidait de lire dans la version actuelle du Règlement la règle selon laquelle les fonds d’établissement doivent être pris en compte par l’agent, elle outrepasserait son rôle. Je crois que le paragraphe 76(3) du Règlement ne requiert pas la prise en compte des fonds d’établissement dont dispose la demanderesse; cependant, cela ne signifie pas qu’un agent ne peut pas prendre en compte les fonds d’établissement d’un demandeur.

 

[33]           Dans le jugement Choi, le juge Kelen a estimé que l’agent n’était pas tenu de prendre en compte les fonds d’établissement; il a plutôt considéré que « toute prise en considération effectuée en vertu du paragraphe 76(3) ne doit pas se limiter à l’attribution des points, mais doit plutôt englober tous les facteurs énoncés au paragraphe 76(1) ». Selon moi, les jugements Lackhee et Roberts sont des cas d’espèce qui ne vont pas à l’encontre de ce principe de base, et qui ne permettent pas non plus d’affirmer tout bonnement qu’un agent doit dans tous les cas prendre en compte les fonds d’établissement.

 

[34]           Dans le jugement Lackhee, le juge Pinard a fait droit à la demande de contrôle judiciaire au motif que l’agente n’avait pas pris en compte l’information mise à jour concernant les fonds d’établissement dont disposait le demandeur. Lorsque la demande de visa avait été déposée, le demandeur avait 25 000 $ en fonds d’établissement; cependant, il avait actualisé cette information avant la décision, en indiquant qu’il disposait en réalité de 90 000 $. Les notes de l’agente rendaient simplement compte du montant initial indiqué. L’agente avait produit un nouvel affidavit dans lequel elle écrivait qu’elle était au courant du nouveau montant supérieur, mais le juge Pinard a estimé qu’« il n’était pas suffisant qu’elle ait pris connaissance de ces renseignements; elle était tenue de les mentionner dans ses notes et ses motifs, dans l’intérêt de “la justification de la décision, [de] la transparence et [de] l’intelligibilité” ». Ainsi, l’erreur de l’agente n’était pas de ne pas avoir pris en compte les fonds d’établissement, elle était de ne pas avoir indiqué précisément quel montant des fonds d’établissement elle avait pris en compte.

 

[35]           Invoquant le jugement Roberts, la demanderesse affirme que l’agente doit prendre en compte l’importance relative des fonds d’établissement. Il convient d’abord de noter que, dans l’espèce Roberts, l’agente avait bien pris en compte les fonds d’établissement dont disposait la demanderesse (voir le paragraphe 27), et donc les observations formulées par le juge suppléant Teitelbaum qui sont invoquées par la demanderesse sont des observations incidentes. Par ailleurs, dans la mesure où le juge suppléant Teitelbaum, se fondant sur le jugement Hernandez, affirme qu’un agent doit considérer tous les facteurs indiqués au paragraphe 76(1), il est selon moi dans l’erreur. Il convient de noter qu’il n’avait pas été porté à son attention que la disposition légale avait été modifiée depuis le jugement Hernandez. Comme je l’écrivais plus haut, les jugements Choi et Lackhee n’autorisent pas la solution proposée dans le jugement Roberts.

 

[36]           Ce que disent les jugements Lackhee et Roberts, c’est que, si un demandeur avance un argument susceptible de convaincre l’agent que ses fonds d’établissement ont pour résultat que les points attribués ne reflètent pas son aptitude à réussir son établissement économique, alors l’agent devrait pouvoir en tenir compte.

 

[37]           En l’espèce, la demanderesse n’a pas présenté d’arguments montrant que l’un quelconque des facteurs qu’elle invoque maintenant aurait dû inciter l’agente à substituer son appréciation aux critères de sélection. Tout ce que la demanderesse a fait valoir était que :

[traduction] Si pour quelque raison vous estimez qu’elle n’obtient pas suffisamment de points pour se qualifier selon le système de sélection indiqué dans l’article 76 du Règlement, prière alors de l’évaluer selon le paragraphe 76(3) du Règlement et d’user de votre pouvoir discrétionnaire, avec l’accord d’un deuxième agent, afin de lui délivrer, à elle et à ses personnes à charge, des visas de résident permanent.

 

 

[38]           Devant un argument aussi général, la conclusion de l’agente selon laquelle elle était persuadée que les points attribués reflétaient bien l’aptitude de la demanderesse à réussir son établissement économique au Canada est, selon moi, justifiée, transparente et intelligible. Par conséquent, la demande est rejetée.

 

[39]           Aucune des parties n’a proposé qu’une question soit certifiée. À mon avis, et au vu des faits, il n’y a aucune question à certifier.

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande est rejetée; et

2.                  Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4911-09

 

INTITULÉ :                                       LILY SIAO XU c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 VANCOUVER (C.-B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 6 AVRIL 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 16 AVRIL 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Peter A. Chapman

POUR LA DEMANDERESSE

 

Edward Burnet

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Chen & Leung

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (C.-B.)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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