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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100419

Dossier : IMM-3647-09

Référence : 2010 CF 424

Ottawa (Ontario), le 19 avril 2010

En présence de Monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

RAUL ARANGO MIRANDA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision d’un agent des visas, en date du 27 mars 2009, de refuser sa demande de visa d’immigrant présentée au titre de la catégorie fédérale des travailleurs qualifiés.

 

[2]               Pour les motifs ci-après, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

I.          Le contexte

 

[3]               Le demandeur est un Mexicain âgé de 42 ans. Il a une épouse et une fille qui sont citoyennes mexicaines et qui étaient incluses en tant que personnes à charge dans la demande de visa.

 

[4]               En octobre 2006, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente à l’ambassade du Canada au Mexique, au titre de la catégorie fédérale des travailleurs qualifiés. Le 14 octobre 2008, on lui a remis une liste des documents qu’il devait produire, dans un délai de quatre mois, pour accélérer le traitement de sa demande. Il a déposé une trousse de documents à l’ambassade du Canada le 12 février 2009. Les notes consignées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI) indiquent « formulaires de demande et documents à l’appui reçus le 12 février 2009 ».

 

[5]               Le 27 mars 2009, l’agent a attribué au demandeur 64 points sur les 67 points requis, et il a refusé sa demande. Il a attribué zéro point au demandeur sur un total possible de 10 points pour la capacité d’adaptation. L’agent écrivait ce qui suit :

[traduction] Suite à l’examen de votre demande, je suis d’avis que les points d’appréciation accordés reflètent bien votre aptitude à vous établir au Canada. Par lettre envoyée à vous-même le 14 octobre 2008, vous étiez prié de produire ensemble tous les documents demandés. Vous étiez aussi informé que, si les renseignements demandés n’étaient pas fournis, je ne serais sans doute pas convaincu par votre demande, et votre demande risquait d’être refusée. Vous avez indiqué que votre épouse avait un certificat ou diplôme non universitaire, cependant le diplôme de secrétaire administrative bilingue ne permet pas de dire que le cours suivi nécessitait des études d’au moins un an à temps plein. Les points se rapportant aux autres facteurs ont été accordés en fonction des documents produits.

 

Je suis d’avis que les points accordés reflètent fidèlement votre aptitude à réussir votre établissement économique au Canada.

 

II.                 Le cadre légal

 

[6]               La catégorie fédérale des travailleurs qualifiés est régie par les articles 75 à 85 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement). La méthode principale permettant de dire si un demandeur remplit les conditions fixées pour être membre de cette catégorie est exposée dans l’article 76 du Règlement. Le paragraphe 76(3) dispose que l’agent d’immigration a le pouvoir de substituer son appréciation aux critères appliqués dans l’évaluation lorsque le nombre de points obtenus par le travailleur qualifié ne reflète pas son aptitude à réussir son établissement économique au Canada. L’article 83 autorise l’agent des visas à attribuer à un demandeur, au titre de la capacité d’adaptation, un nombre de points pour les diplômes de sa conjointe, et il indique la manière dont les points doivent être attribués.

 

[7]               Il convient de noter que le pouvoir discrétionnaire conféré par le paragraphe 76(3) est clairement exceptionnel et ne s’applique que lorsque les points attribués ne reflètent pas l’aptitude du candidat à réussir son établissement économique au Canada (voir la décision Esguerra c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 413; [2008] A.C.F. n° 549).

 

III.       Les questions en litige et la norme de contrôle

 

[8]               Le demandeur soulève les points suivants :

a)         L’agent a-t-il commis une erreur parce qu’il a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire et de substituer son appréciation aux critères d’évaluation ainsi que le prévoit le paragraphe 76(3) du Règlement?

 

b)         L’agent a-t-il commis une erreur parce qu’il ne lui a pas donné la possibilité de produire des preuves additionnelles sur le niveau d’études de son épouse?

 

[9]               La question de savoir si l’agent a commis une erreur parce qu’il a refusé de substituer son appréciation aux critères de sélection doit être contrôlée selon la norme de la décision correcte (voir la décision Fernandes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 243; 71 Imm. L.R. (3d) 134).

 

[10]           La norme de contrôle applicable à la décision discrétionnaire d’un agent des visas est la norme de la décision raisonnable (voir la décision Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 302; [2009] A.C.F. n° 676). Les questions qui se rapportent à l’obligation d’équité sont contrôlées d’après la norme de la décision correcte.

 

IV.       Analyse

 

[11]           La première question soulevée par le demandeur est celle de savoir si l’agent a commis une erreur parce qu’il a refusé d’exercer favorablement son pouvoir discrétionnaire et de substituer son appréciation aux critères de sélection. Cependant, on ne sait trop si le demandeur a évoqué avec l’agent la possibilité pour celui-ci de substituer son appréciation aux critères de sélection.

 

[12]           Dans son affidavit daté du 14 août 2009, le demandeur écrit, aux paragraphes 7 à 9, que son avocate avait envoyé une lettre de conclusions, accompagnée de documents à l’appui, à l’ambassade du Canada le 10 février 2009, et que, dans cette lettre de conclusions, elle priait l’agent de substituer son appréciation aux critères de sélection. Comme il est indiqué plus haut, les notes consignées au STIDI révèlent que les formulaires de demande et les documents à l’appui ont été reçus le 12 février 2009, mais il n’est nulle part question d’une lettre. Le dossier de demande de contrôle judiciaire renfermait la lettre de conclusions, aux pages 41 à 43.

 

[13]           Les formulaires de demande et les documents à l’appui sont inclus dans le dossier du tribunal, mais la lettre de conclusions n’y est pas. Dans un autre affidavit daté du 2 février 2010, le demandeur écrit ce qui suit :

[traduction] Je suis informé que mon avocate a reçu une copie du dossier du tribunal le 12 janvier 2010 ou vers cette date. Elle m’a informé que le dossier du tribunal ne renferme pas la lettre de conclusions datée du 10 février 2009 où il est demandé à l’agent d’exercer favorablement son pouvoir discrétionnaire et de substituer son appréciation aux critères de sélection. Je crains que, même si l’ambassade a reçu tous les documents à l’appui de ma demande, la lettre de conclusions susmentionnée n’ait pas été prise en compte par l’agent.

 

[14]           Au cours de l’audience, il est devenu évident que l’avocate du demandeur n’avait effectivement pas envoyé le dossier à l’ambassade. L’avocate avait rédigé la lettre de conclusions et certains autres documents afférents à la demande de visa, puis avait envoyé le tout au demandeur pour qu’il y ajoute d’autres documents. Le demandeur avait alors envoyé le dossier à l’ambassade. La lettre de conclusions ne figurait pas dans l’envoi.

 

[15]           C’est au demandeur qu’il appartient de persuader l’agent, à l’aide de tous les renseignements et documents pertinents, que sa demande de visa remplit toutes les conditions réglementaires (Tran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1377; 59 Imm. L.R. (3d) 217). J’observe aussi que le juge Richard Mosley écrivait, dans la décision Eslamieh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 722; [2008] A.C.F. n° 909, que les agents des visas ont le pouvoir, à leur gré, en vertu du paragraphe 76(3), de substituer leur appréciation aux critères de sélection, mais que, d’après la jurisprudence, ils n’ont aucune obligation de le faire s’ils n’en sont pas priés expressément.

 

[16]           Eu égard à ce qui précède, l’agent n’avait pas devant lui la lettre de conclusions et il n’avait pas été prié d’exercer son pouvoir discrétionnaire. Il n’était donc pas fautif de sa part de ne pas substituer son appréciation aux critères de sélection.

 

[17]           Deuxièmement, le demandeur fait valoir que l’agent a commis une erreur parce qu’il ne lui a pas donné l’occasion de produire des preuves supplémentaires sur le niveau d’études de son épouse. Il dit que son épouse a fait trois années d’études à temps plein et que, si l’agent lui avait donné, à lui, l’occasion de dissiper ses doutes sur la durée des études, alors il aurait été en mesure d’apporter des précisions et de confirmer ce fait.

 

[18]           Je reconnais avec le demandeur que l’agent avait l’obligation d’agir équitablement (voir aussi l’arrêt Muliadi c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] 2 C.F. 205; 66 N.R. 8 (C.A.)). Dans la décision Khan, précitée, le juge suppléant Maurice E. Lagacé évoquait les valeurs à l’origine de l’obligation d’équité procédurale à laquelle est astreint un agent des visas lorsqu’il examine une demande de visa d’immigrant au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés. Le juge suppléant Lagacé écrivait que le candidat devrait avoir la possibilité de présenter entièrement et équitablement sa position et qu’il est fondé à espérer que la décision touchant ses droits sera prise à la suite d’un processus équitable, impartial et ouvert, adapté au contexte (voir le paragraphe 21).

 

[19]           Cependant, l’agent n’avait pas l’obligation d’informer le demandeur de l’insuffisance de son dossier, et il n’existe dans ce contexte aucun droit absolu à une entrevue (Ramos-Frances c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] A.C.F. n° 192; 2007 CF 142). En l’espèce, les doutes de l’agent découlaient directement des exigences indiquées dans la loi, et il n’y avait donc aucune obligation de donner au demandeur l’occasion de dissiper les doutes en question (voir par exemple la décision Hassani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. n° 1597, 2006 CF 1283).

 

[20]           La lettre du 14 octobre 2008 adressée au demandeur par Citoyenneté et Immigration Canada abordait explicitement les éléments qu’il devait établir pour obtenir des points sous la rubrique des études. Le demandeur n’a pas produit de relevés de notes ni d’autres éléments susceptibles d’établir que son épouse avait fait des études à temps plein, ainsi que l’indiquait la lettre du 14 octobre. Puisqu’un demandeur n’a pas un droit absolu à une entrevue, et puisque c’est au demandeur d’un visa de résident permanent qu’il appartient de s’assurer que son dossier est complet, je suis d’avis que l’agent n’a pas manqué à son obligation d’équité du seul fait qu’il n’a pas informé le demandeur de ses doutes concernant le niveau d’études de son épouse. La conclusion de l’agent selon laquelle le diplôme de secrétaire administrative bilingue ne suffit pas à dire que le cours suivi requérait au moins une année d’études à temps plein était raisonnable.

 

[21]           L’agent n’a évoqué aucun autre diplôme dans ses motifs, mais cela ne rend pas nulle sa décision. Les organismes administratifs ne sont pas tenus de faire état de toutes les preuves produites ni d’expliquer la manière dont ils y ont donné suite (Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 157 F.T.R. 35; 1998 CanLII 8667).

 

[22]           Les parties n’ont pas proposé de question à certifier, et aucune ne se pose.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

1.         la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.         il n’est pas adjugé de dépens.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3647-09

 

INTITULÉ :                                       MIRANDA c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 8 AVRIL 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 19 AVRIL 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Katherine Yang

 

 

POUR LE DEMANDEUR

Leila Jawando

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

 

Niren and Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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