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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20100412

Dossier : T-91-10

Référence : 2010 CF 387

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 12 avril 2010

En présence de monsieur le juge Hughes

 

ENTRE :

VINOD CHOPRA FILMS PRIVATE LIMITED

ET RELIANCE MEDIAWORKS (USA) INC.

 

demanderesses

 

 

et

 

 

M. UNTEL, MME UNETELLE ET LES AUTRES PERSONNES,

DONT LE NOM EST INCONNU, QUI FONT LE COMMERCE D’ENREGISTREMENTS VIDÉO CONTREFAITS,

ET LES AUTRES PERSONNES MENTIONNÉES

À L’ANNEXE A DE LA DÉCLARATION

 

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit du contrôle judiciaire d’une ordonnance Anton Piller « à portée étendue » accordée ex parte par la Cour le 26 janvier 2010, qui a été demandé par plusieurs des parties désignées à titre de défendeurs. La présente ordonnance concernera uniquement ces défendeurs, tous les autres n’étant pas touchés.

[2]               Pour les motifs qui suivent, j’annule l’ordonnance Anton Piller à l’égard des défendeurs qui ont demandé le présent contrôle judiciaire, j’accorde à ces derniers les frais raisonnables qu’ils ont engagés, sur la base d’une indemnisation complète, et j’ordonne que l’action intentée contre eux soit rejetée à certaines conditions.

 

LES DÉFENDEURS QUI ONT DEMANDÉ LE PRÉSENT CONTRÔLE JUDICIAIRE

 

[3]               Certains des individus et des personnes morales qui ont été expressément désignés à titre de défendeurs jusqu’à maintenant ont demandé le présent contrôle judiciaire. La présente ordonnance concernera uniquement ces défendeurs, que j’appellerai « les défendeurs touchés ». Il s’agit des défendeurs suivants :

·        1557768 Ontario Inc. s/n Golumbia Video

·        Arangesan Paramsothy

·        1691731 Ontario Inc. s/n Bollywood 4 U

·        Abulsama Jibhai

·        2148409 Ontario Inc. s/n Video Station

·        Kulwant Kaur Singh

·        215151872 Ontario Inc. s/n Singh Video Station

·        Mohan Singh

·        2031221 Ontario Inc. s/n Old Karachi Bazar

·        Royal Paan Inc.

·        Neerad Upadhyay

·        Anmol Records Inc.

·        Rajesh Syal

·        2122308 Ontario Inc. s/n Albion Audio & Video

·        Kulbir Singh Mokha

 

[4]               Je dois mentionner que Tayyabi Huma a comparu devant moi et a déposé à la Cour un affidavit indiquant qu’elle n’avait rien à voir avec l’Old Karachi Bazar et que sa présence dans le magasin lorsque les personnes exécutant l’ordonnance Anton Piller sont arrivées était une pure coïncidence. Elle a agi comme interprète. Après discussions, la Cour, les avocats des demanderesses et Mme Huma ont convenu que celle‑ci ne serait plus importunée par la présente instance. Les demanderesses lui ont causé des désagréments en l’incluant dans l’instance. Mme Huma a droit au remboursement de frais raisonnables. J’estime ces frais à 250 $.

 

LES ORDONNANCES ANTON PILLER

[5]               Une ordonnance Anton Piller est une forme de mandat de perquisition civil qui autorise les représentants d’un demandeur à demander à entrer dans des lieux occupés par les personnes qui sont ou seront désignées à titre de défendeurs, afin de rechercher et de saisir des documents et des objets pertinents aux fins de l’instance, sous réserve de toute autre ordonnance que la Cour pourrait rendre.

 

[6]               L’arrêt de principe sur le sujet a été rendu récemment par la Cour suprême du Canada. Dans Celanese Canada Inc. c. Murray Demolition Corp., 2006 CSC 36, [2006] 2 R.C.S. 189, le juge Binnie, qui a prononcé le jugement unanime de la Cour, a écrit aux paragraphes 1 et 28 à 32 :

 

1     Le juge Binnie — L’ordonnance Anton Piller ressemble étrangement à un mandat de perquisition privé. Aucun préavis n’est donné à la partie qu’elle vise. En fait, les défendeurs n’en prennent normalement connaissance qu’au moment de sa signification et de son exécution, sans avoir eu la possibilité de la contester ou de contester la preuve sur laquelle elle repose. Il se peut même que le défendeur ignore complètement qu’une instance est en cours. Aucune autorité publique ne se voit confier l’exécution de l’ordonnance, laquelle autorise plutôt une partie privée à exiger que la partie adverse la laisse entrer dans ses locaux pour qu’elle puisse y effectuer une perquisition‑surprise destinée à lui permettre de saisir et de conserver des éléments de preuve susceptibles d’étayer ses allégations dans un litige privé. Ce recours extraordinaire n’est justifié que dans le cas où le demandeur dispose d’une preuve prima facie solide et peut démontrer que, selon les faits, il y a tout lieu de croire qu’à défaut de cette ordonnance des éléments de preuve pertinents risquent d’être détruits ou supprimés de quelque autre manière. La partie visée par une ordonnance Anton Piller devrait bénéficier d’une triple protection : une ordonnance soigneusement rédigée décrivant les documents à saisir et énonçant les garanties applicables notamment au traitement de documents privilégiés; un avocat superviseur vigilant et indépendant des parties, nommé par le tribunal; un sens de la mesure de la part des personnes qui exécutent l’ordonnance.

 

[…]

 

28     Au Canada, il est possible d’obtenir des ordonnances Anton Piller depuis près de 30 ans. Contrairement au mandat de perquisition, une telle ordonnance ne permet pas d’entrer par la force, mais la personne qu’elle vise s’expose à des procédures pour outrage si elle refuse de donner accès aux lieux. Pour le citoyen ordinaire qui se voit présenter à sa porte une ordonnance Anton Piller, cela peut représenter une distinction vide de sens.

 

29     D’abord conçues comme un « recours extraordinaire » dans le contexte de litiges en matière de secrets commerciaux et de propriété intellectuelle, ces ordonnances sont désormais assez courantes dans des litiges civils ordinaires […]

 

 

[7]               L’ordonnance Anton Piller tire son origine d’un arrêt rendu par la Cour d’appel d’Angleterre, Anton Piller KG c. Manufacturing Process Ltd., [1976] Ch. 55, où la demanderesse, une société fabriquant des moteurs électriques perfectionnés utilisés dans les ordinateurs, possédait la preuve, grâce à deux anciens employés de la défenderesse, que cette dernière volait ses secrets commerciaux et serait susceptible de détruire les éléments de preuve le démontrant si elle était au courant. La Cour a rendu une ordonnance autorisant la demanderesse à demander à la défenderesse de permettre une inspection de ses locaux afin que ces éléments de preuve soient découverts et mis à l’abri. Si elle refusait, la défenderesse commettrait un outrage au tribunal. La nature extraordinaire de cette ordonnance a été expressément décrite par le maître des rôles lord Denning à la page 61 :

[traduction] Cette question n’est pas régie par les Règles de la Cour suprême et doit relever de la compétence inhérente de la Cour, comme un ou deux vieux précédents le confirment en partie : Hennessy c. Rohmann, Osborne & Co., [1877] W.N. 14, et Morris c. Howell (1888), 22 L.R. Ir. 77, une affaire irlandaise. Ces précédents ne vont toutefois pas très loin. Il nous incombe donc d’étudier la question par principe. Il me semble qu’une ordonnance de ce genre peut être rendue par un juge ex parte, mais qu’elle devrait l’être seulement lorsqu’il est essentiel que le demandeur procède à une inspection pour que justice puisse être rendue entre les parties; lorsque, si le défendeur a été prévenu, il existe un grave danger que des éléments de preuve essentiels soient détruits ou que des papiers soient brûlés, perdus, cachés ou transportés à l’extérieur du ressort, de sorte que la justice est compromise; lorsque l’inspection ne causerait pas un préjudice réel au défendeur ou à ses arguments.

 

Les demandeurs doivent néanmoins agir avec circonspection lorsqu’ils exécutent cette ordonnance. Ils devraient être accompagnés de leur avocat – un officier de justice – lorsqu’ils la signifient. Ils devraient donner aux défendeurs la possibilité de l’examiner et de consulter leur propre avocat. Si les défendeurs souhaitent contester l’ordonnance au motif qu’elle a été obtenue de manière illégitime, ils doivent pouvoir le faire. Si les défendeurs refusent de permettre l’accès aux locaux ou l’inspection de ceux‑ci, les demandeurs ne peuvent pas entrer de force. Ils doivent accepter le refus, puis le signaler au tribunal, si besoin est, dans le cadre d’une demande de renvoi.

 

 

[8]               Ainsi, l’ordonnance Anton Piller était à l’origine un recours extraordinaire qui était utilisé seulement lorsqu’il était [traduction] « essentiel », qu’il existait un [traduction] « grave danger » que la preuve soit détruite de sorte que [traduction] « la justice est compromise » et qu’aucun préjudice réel n’allait être causé au défendeur. L’arrêt Celanese, ci‑dessus, où la Cour suprême a qualifié l’ordonnance de « recours extraordinaire » pouvant être utilisé seulement lorsqu’« il y a tout lieu de croire [que] des éléments de preuve pertinents risquent d’être détruits ou supprimés de quelque autre manière », est la décision la plus récente rendue sur le sujet au Canada.

 

[9]               De nombreuses décisions sur les ordonnances Anton Piller ont été rendues au Canada, mais il convient de considérer que l’arrêt de principe est désormais Celanese, ci‑dessus. Le juge Binnie a décrit les conditions d’obtention d’une ordonnance Anton Piller au paragraphe 35 de cet arrêt :

35     Quatre conditions doivent être remplies pour donner ouverture à une ordonnance Anton Piller. Premièrement, le demandeur doit présenter une preuve prima facie solide. Deuxièmement, le préjudice causé ou risquant d’être causé au demandeur par l’inconduite présumée du défendeur doit être très grave. Troisièmement, il doit y avoir une preuve convaincante que le défendeur a en sa possession des documents ou des objets incriminants, et quatrièmement, il faut démontrer qu’il est réellement possible que le défendeur détruise ces pièces avant que le processus de communication préalable puisse être amorcé […]

 

Je reviendrai sur ces conditions plus loin.

 

QU’EST-CE QU’UNE ORDONNANCE ANTON PILLER « À PORTÉE ÉTENDUE »?

[10]           L’ordonnance faisant l’objet du présent contrôle judiciaire est connue sous le nom d’« ordonnance Anton Piller “à portée étendue” ». Une telle ordonnance a été analysée par le juge Pelletier (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) dans Club Monaco Inc. c. Woody World Discounts (1994), 2 C.P.R. (4th) 4‑36, [1999] A.C.F. no 1645, au paragraphe 6 :

6     Les commentaires qui suivent concernent uniquement les ordonnances Anton Piller « à portée étendue » qui sont rendues contre des défendeurs inconnus appelés Mme et M. Untel. Ils se limitent également aux ventes itinérantes ou aux marchés aux puces et ne concernent pas les problèmes particuliers qui surviennent dans le cas des apparitions de célébrités itinérantes, auxquelles d’autres facteurs pourraient s’appliquer. Ces ordonnances « à portée étendue » pourraient lier tous ceux qui font le commerce de certains types de biens à la consommation. Il incombe donc à la Cour d’être convaincue que l’atteinte aux droits individuels est justifiée par la preuve dont elle est saisie quant à l’ampleur de la contrefaçon des droits de la demanderesse.

 

 

[11]           Une ordonnance « à portée étendue » de ce genre a parfois aussi visé des boutiques permanentes (p. ex. Viacom Ha! Holding Co. c. Doe (2000), 6 C.P.R. (4th) 36, la juge Tremblay‑Lamer, au paragraphe 67).

 

[12]           Le professeur Jeff Berryman, de la Faculté de droit de Windsor (dont il a déjà été le doyen), a beaucoup écrit sur les ordonnances Anton Piller, en particulier dans le contexte canadien. Dans son article intitulé « Recent Developments in Anton Piller Orders », qui a été publié dans la série no 4 (novembre 2001) des documents de travail du Oxford Intellectual Property Research Centre (l’article d’Oxford), il traite de l’évolution des ordonnances « à portée étendue » au Canada, en particulier en Cour fédérale. Les extraits suivants sont tirés de cet article. Le professeur Berryman commence par écrire à la page 2 :

[traduction]

Ordonnances Anton Piller à portée étendue

 

Il est difficile de déterminer avec exactitude à quel moment l’ordonnance Anton Piller à portée étendue a été créée au Canada, bien qu’il s’agisse uniquement d’une création de la Cour fédérale. La Cour fédérale du Canada est un tribunal judiciaire créé par la loi en vertu du pouvoir conféré au gouvernement fédéral par la Constitution d’établir des tribunaux « pour la meilleure administration des lois du Canada ». Selon la répartition des compétences prévue par la Constitution, le gouvernement fédéral a compétence exclusive en matière de création et de réglementation du droit d’auteur et des brevets. Il a aussi le pouvoir, en vertu de sa compétence en matière de trafic et de commerce, de faire des lois concernant les marques de commerce. Si la compétence de la Cour fédérale et les raisons de la maintenir en place en tant que tribunal séparé ont souvent été contestées depuis sa création il y a 126 ans, la plupart des critiques ont reconnu que le désir d’avoir un tribunal spécialisé s’occupant notamment des affaires de propriété intellectuelle constituait une raison valable pour conserver la Cour. C’est en raison de sa spécialisation que la Cour fédérale a développé, au cours des années 1980, une compétence importante concernant les ordonnances Anton Piller dans des affaires concernant principalement des violations du droit d’auteur et des contrefaçons de marque de commerce.

 

 

[13]           Le professeur Berryman écrit vers la fin de l’article, plus précisément à la page 13 :

[traduction]

Évaluation de la position de la Cour fédérale sur les ordonnances Anton Piller à portée étendue

 

Les expressions « nouveau millénaire », « post‑industriel », « mondialisation » et « économie fondée sur la connaissance » sont souvent placées les unes près des autres. Considérées ensemble, elles indiquent un changement de paradigme dans les assises économiques des démocraties occidentales. L’information, la connaissance, les noms de marque et la mémoire associative des consommateurs qui les accompagnent pour générer un achalandage, ainsi que la manipulation de ces facteurs, forment de plus en plus le principal actif des entreprises modernes. Cette nouvelle forme de bien se distingue par une caractéristique majeure : le bien peut être utilisé à de multiples reprises sans que le propriétaire légitime ne soit privé de son utilisation. Ainsi, la principale richesse du bien réside dans sa valeur d’« utilisation », laquelle peut être protégée seulement par des recours visant l’exclusion des autres. Le recours présumé en common law – une action en dommages‑intérêts – a un effet substitutif : la perte du demandeur est mesurée et « échangée » contre des dommages‑intérêts équivalents. Le recours présumé en equity – l’injonction – a un effet d’exclusion. Ainsi, à mesure que l’économie de la connaissance s’impose, nous pouvons seulement nous attendre à une plus grande utilisation des recours ayant un effet d’exclusion. L’ordonnance à portée étendue de la Cour fédérale découle naturellement de cette tendance, tout en laissant présager d’autres changements.

 

Le professeur Berryman souligne, à la page 14, que la Cour fédérale comble en fait les vides de la loi :

 

[traduction] En vertu du pouvoir qui lui est conféré par la loi, la Cour fédérale du Canada a été saisie de la grande majorité des poursuites Anton Piller. L’évolution prudente de la Cour est survenue à une époque où le gouvernement fédéral consacrait beaucoup de temps à apporter des modifications aux lois canadiennes sur la propriété intellectuelle, notamment en ce qui a trait aux recours. Le législateur a donc eu la possibilité d’apaiser les inquiétudes suscitées par l’orientation adoptée par la Cour.

Il est certain qu’on s’attendrait à ce que les conseillers juridiques du gouvernement soient au courant des initiatives législatives entreprises au Royaume-Uni pendant cette période – en fait, on l’espérerait. Par ailleurs, le fait que le législateur n’a pas adopté de disposition particulière conférant un droit de saisie extrajudiciaire, comme le Royaume-Uni l’a fait en matière de droit d’auteur en 1988, peut donner matière à réflexion à un tribunal et l’amener à se demander s’il devrait « combler le vide » dans la loi. En ce sens, la Cour fédérale a été prise dans un dilemme au sujet d’une lacune dans le droit canadien.

 

L’« ordonnance à portée étendue » n’a jamais été complètement défendue ou contestée devant les tribunaux, un problème qui préoccupait le professeur Berryman. Il a écrit à la page 15 :

[traduction] Dans la plupart des ressorts qui se servent de l’ordonnance Anton Piller – mais peut‑être davantage dans le cas de la Cour fédérale du Canada –, les défendeurs « forts » ou disposés à intenter des actions concertées contre l’ordonnance ont été relativement peu nombreux. On ne peut donc pas dire que les conditions dans lesquelles les décisions sont rendues soient idéales. Au Canada, peu de demandeurs et d’avocats les représentant se sont présentés devant la Cour fédérale pour faire valoir leurs arguments. Des progrès importants ont été réalisés dans le cas des demandeurs, mais on peut se demander si ces progrès ont coïncidé avec la présentation d’arguments suffisamment vigoureux de la part des défendeurs.

 

[…]

 

Les ordonnances Anton Piller à portée étendue et le recours ayant un effet d’exclusion qu’elles offrent sont à la fois un processus en constante évolution et un principe dérivé de décisions judiciaires. Le recours répond aux besoins du demandeur; il reste à voir s’il empêche l’élaboration d’un ensemble de principes cohérents régissant la prise de décisions qui serait plus juste. Je ne crois pas qu’on devrait reprocher à la Cour fédérale d’essayer. Les conditions dans lesquelles elle rend ses décisions ne sont pas idéales, mais elle accorde une grande attention à la participation des défendeurs et d’autres représentants de la collectivité extrajudiciaire.

 

 

[14]           La situation n’est pas très différente aujourd’hui de celle décrite par le professeur Berryman en 2001. Il n’y a pas eu jusqu’à maintenant une affaire où un défendeur a invoqué des arguments suffisamment rigoureux. L’ordonnance « à portée étendue » qui a été élaborée répond aux besoins d’un demandeur, mais a‑t‑on établi un juste équilibre entre ces besoins et les préoccupations du défendeur et celles du public en général? Il faut aussi se demander si on a suffisamment tenu compte de l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés :

8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

 

 

LES DEMANDERESSES ET LES DROITS QU’ELLES REVENDIQUENT

[15]           Il n’est pas contesté en l’espèce que la demanderesse Vinod Chopra Films Private Limited est une société indienne qui est titulaire du droit d’auteur au Canada sur un film intitulé « 3 Idiots ». Un certificat de l’enregistrement de ce droit auprès du Bureau du droit d’auteur du Canada, attestant que le droit d’auteur a été enregistré sous le numéro 1073886 le 13 janvier 2010, est versé au dossier. Ce certificat indique que Vinod Chopra Films Pvt. Limited est la titulaire du droit d’auteur. (L’utilisation de l’abréviation « Pvt. » pour « Private » n’est pas importante à cette étape‑ci.). Aux termes du paragraphe 53(2) de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C‑42, le certificat d’enregistrement du droit d’auteur constitue la preuve de l’existence du droit d’auteur sur l’œuvre et du fait que la personne figurant à l’enregistrement en est le titulaire. L’un des avocats des défendeurs, M. Padda, a fait valoir que l’enregistrement du droit d’auteur avait été obtenu avant certaines des violations alléguées. Il faut se rappeler que le droit d’auteur existe même s’il n’est pas enregistré. L’enregistrement constitue la preuve de l’existence du droit d’auteur, mais il ne crée pas le droit. En l’espèce, nous disposons de cette preuve et celle‑ci n’est pas contestée.

 

[16]           L’autre demanderesse, Reliance Mediaworks (USA) Inc., prétend détenir une licence en vertu de ce droit d’auteur, qui lui donne le droit d’exploiter l’œuvre au Canada dans des salles de cinéma ainsi qu’au moyen de CD, de DVD et d’autres supports semblables. L’avocat de certains des défendeurs, M. Schneiderman, m’a invité à conclure que cette demanderesse n’avait pas présenté au juge Zinn, qui a accordé l’ordonnance originale ex parte, une preuve suffisante de ses droits en tant que détentrice d’une licence. J’ai examiné cette preuve, qui est constituée de l’affidavit de Sumit Chadha signé le 18 janvier 2010, en particulier les paragraphes 16 à 22. Je suis convaincu que Reliance Mediaworks (USA) Inc. a qualité pour agir en tant que détentrice d’une licence relativement à l’ordonnance Anton Piller. La question de la nature et de la portée de la licence, si ces deux aspects sont contestés, pourrait devenir plus pertinente au cours d’un procès, le cas échéant.

 

[17]           En ce qui concerne l’ordonnance Anton Piller, je suis convaincu qu’une preuve prima facie solide a été produite et qu’un droit d’auteur existe au Canada sur le film intitulé « 3 Idiots », que la demanderesse Vinod Chopra Films Private Limited est la titulaire de ce droit et que la demanderesse Reliance Mediaworks (USA) Inc. détient une licence au Canada relativement à ce droit. Il n’a pas été contesté en l’espèce que les copies de « 3 Idiots » qui ont été saisies dans le cadre de l’exécution de l’ordonnance sont des copies non autorisées.

 

LE CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE ORDONNANCE ANTON PILLER

[18]           Le présent contrôle judiciaire a trait à une ordonnance Anton Piller accordée ex parte le 26 janvier 2010. C’est la première fois qu’un défendeur a la possibilité de contester cette ordonnance. Il est clair en droit qu’un contrôle de ce genre est une procédure de novo et que d’autres éléments de preuve que ceux dont disposait le juge qui a accordé l’ordonnance originale peuvent être pris en compte (Adobe Systems Inc. c. KLJ Computer Solutions Inc., [1999] 3 C.F. 621 (C.F. 1re inst.); Bell Express Vu c. Rodgers (2007), 57 C.P.C. (6th) 312 (C.S. Ont.), au paragraphe 11).

 

[19]           L’ordonnance originale a été accordée ex parte. Comme le juge Binnie l’a écrit dans Celanese, ci‑dessus, au paragraphe 36, les avocats et les parties qui demandent cette ordonnance ont le lourd fardeau de procéder à une divulgation fidèle et complète :

36. La force et la faiblesse d’une ordonnance Anton Piller tiennent toutes deux au fait qu’elle est une ordonnance ex parte interlocutoire : aucun contre‑interrogatoire ne porte donc sur le contenu des affidavits produits au soutien de la requête. Le juge des requêtes compte nécessairement sur une divulgation fidèle et complète de la part des déposants, et tout autant, sinon plus, sur le professionnalisme des avocats qui participent à l’exécution de l’ordonnance.

 

 

[20]           Une partie a l’obligation, en particulier dans les procédures ex parte, de démontrer le bien‑fondé de ses arguments. Elle ne devrait pas choisir de produire des éléments de preuve suffisants pour convaincre un tribunal de prononcer l’ordonnance, puis de réparer les défauts si l’ordonnance est contestée. Je suis particulièrement préoccupé par deux situations, l’une concernant la preuve des droits d’un demandeur, que celui‑ci connaît avant que l’instance soit introduite et qui doivent être complètement établis devant le tribunal saisi de la demande d’ordonnance ex parte. La deuxième situation est plus insidieuse. Une ordonnance Anton Piller sera accordée seulement lorsqu’il existe un grave danger que des pièces pertinentes soient détruites. Le fait qu’un demandeur puisse simplement alléguer qu’un défendeur pourrait détruire des pièces pertinentes, obtenir une ordonnance, protéger les pièces au moyen d’une perquisition surprise, puis se présenter à nouveau devant la Cour avec les pièces en main ne devrait pas faire en sorte que ces pièces puissent ensuite servir à démontrer qu’elles étaient susceptibles d’être détruites. Ces pièces pourraient constituer la preuve de leur existence, mais non du fait qu’elles étaient susceptibles d’être détruites. La preuve relative à la conduite générale d’un défendeur dont les locaux font l’objet d’une perquisition devrait être utilisée avec une extrême prudence lorsqu’on tente de se servir de cette preuve postérieure à l’ordonnance pour étayer l’affirmation faite avant l’ordonnance que les pièces en cause seraient susceptibles d’être détruites. La preuve doit être suffisante dès le départ pour démontrer le risque de destruction. Il ne doit pas y avoir simplement une allégation qui sera étayée ultérieurement par la conduite d’une partie au cours de l’exécution de l’ordonnance ou par les pièces saisies.

 

[21]           Comme l’ordonnance Anton Piller est un recours extraordinaire, je n’ai aucune hésitation à faire une analogie avec une situation existant dans le contexte du droit pénal. Les auteurs de l’ouvrage The Law of Evidence in Canada, 3e éd (Lexis Nexis), Sopinka et al., ont écrit au paragraphe 6.437:

[traduction]

6.347 Il incombe donc au juge de première instance de donner des directives au jury de manière consciencieuse afin qu’une telle preuve ne soit pas utilisée de manière abusive. Il devrait dire au jury que la conduite après-coup sur laquelle s’appuie le ministère public influe seulement de façon indirecte sur la question de la culpabilité et que le jury devrait être prudent lorsqu’il conclut à la culpabilité parce que la conduite pourrait avoir une autre explication. Il faudrait aussi dire au jury qu’il ne doit pas se fonder sur cette conduite pour conclure à la culpabilité, à moins qu’il n’ait rejeté une explication de la conduite qui a été donnée de bonne foi.

 

 

[22]           En résumé, la conduite d’un défendeur après que l’ordonnance a été accordée peut être utilisée, mais seulement avec une extrême prudence si elle sert à étayer une allégation faite lors de l’audience ex parte selon laquelle le défendeur était susceptible de détruire les pièces pertinentes.

 

[23]           Le contrôle judiciaire d’une ordonnance Anton Piller accordée ex parte doit servir à déterminer si les quatre conditions d’obtention de cette ordonnance établies par la Cour suprême du Canada dans Celanese, ci‑dessus, au paragraphe 35, ont été remplies :

·        le demandeur doit présenter une preuve prima facie solide;

·        le préjudice causé ou risquant d’être causé au demandeur doit être très grave;

·        il doit y avoir une preuve convaincante que le défendeur a en sa possession des documents ou des objets incriminants;

·        il doit être réellement possible que le défendeur détruise ces pièces avant que le processus de communication préalable puisse être amorcé.

 

[24]           Des critères additionnels ont été analysés dans Anton Piller, ci‑dessus, et dans des affaires comme Netbored Inc. c. Avery Holdings Inc., 2005 CF 1405, aux paragraphes 63 à 66, à savoir :

·        la question de savoir si l’inspection nuirait au défendeur ou à ses arguments;

·        la question de savoir si l’intérêt de la justice serait déconsidéré.

 

[25]           Comme le présent contrôle concerne une ordonnance Anton Piller « à portée étendue », il faut aussi tenir compte de critères comme ceux énoncés par le juge Pelletier au paragraphe 7 de Club Monaco, ci‑dessus :

Par conséquent, j’estime que, dans le cas des demandes ultérieures d’ordonnance Anton Piller à portée étendue, la preuve présentée au soutien de la demande devrait tenir compte des facteurs suivants :

 

1) Les affidavits devraient faire état des connaissances personnelles du déposant quant à la nature et à l’ampleur du problème concernant la partie demanderesse. Après tout, ce sont ses biens précieux que celle-ci cherche à protéger. Lorsque ses dirigeants ne sont pas en mesure de témoigner à la lumière de leurs propres connaissances au sujet de la nature et de l’ampleur du problème, il convient de se demander si la réparation est nécessaire. Bien que les avocats œuvrant habituellement dans ce domaine acquièrent sans doute des connaissances spécialisées sur les méthodes des faussaires, la très grande utilisation des renseignements fournis par l’avocat qui est souvent consulté sur ces questions pourrait mettre en cause la crédibilité de celui-ci, ce qui va à l’encontre de l’indépendance que la Cour est en droit d’exiger de la part des avocats qui comparaissent devant elle.

 

2) Certains éléments de la preuve présentés à la Cour sont de nature générale et peuvent difficilement être décrits avec précision, notamment le préjudice causé à l’achalandage de la partie demanderesse par suite de l’existence de marchandises contrefaites de qualité inférieure. Cette preuve peut être présentée sous forme de déclarations générales par lesquelles la partie demanderesse indique les conséquences de la contrefaçon pour la valeur de ses éléments de propriété intellectuelle.

 

3) D’autres éléments de la preuve peuvent et devraient être décrits de façon précise, notamment les cas de contrefaçon dont la partie demanderesse est au courant et qui justifieraient l’octroi d’une ordonnance. En général, il ne suffit pas de déclarer que celle-ci est au courant d’activités de contrefaçon dans une ville ou une région donnée. Étant donné que ces ordonnances sont demandées dans le cadre d’auditions ex parte qui sont souvent tenues à huis clos, il n’y a aucune raison évidente de ne pas donner à la Cour des renseignements au sujet des cas connus de contrefaçon qui justifieraient la délivrance de l’ordonnance recherchée, surtout lorsque l’activité de contrefaçon est poursuivie à une certaine distance de l’endroit où l’ordonnance est demandée.

 

4) En général, un certain nombre de cas de contrefaçon seront nécessaires au soutien d’une ordonnance « à portée étendue », pour la simple raison qu’un cas spécifique ne justifie normalement qu’une ordonnance spécifique. Si la partie demanderesse désire obtenir une ordonnance qui s’appliquerait à un nombre illimité d’incidents ultérieurs, il lui appartient de démontrer que des ordonnances particulières ne conviennent pas. Habituellement, la déclaration pure et simple du déposant selon laquelle cette ordonnance est nécessaire ne suffira pas.

 

5) De la même façon, la preuve d’un certain nombre d’incidents de contrefaçon survenus en Ontario ne justifierait que l’octroi d’une ordonnance applicable en Ontario. Si la partie demanderesse désire obtenir une ordonnance applicable à l’échelle du Canada, elle devrait prouver que la contrefaçon n’est pas un problème local. Il ne s’agit pas là d’un obstacle insurmontable : une ordonnance rendue en fonction de la preuve présentée à la date de l’audience pourrait voir sa portée élargie subséquemment au moyen d’une modification si des éléments de preuve ultérieurs établissant des cas de contrefaçon dans d’autres provinces ou régions étaient disponibles.

 

6) Étant donné que c’est l’allégation de contrefaçon qui justifie l’atteinte extraordinaire aux droits de propriété existants, les motifs invoqués au soutien de cette allégation devraient être énoncés de façon claire. Une simple déclaration selon laquelle le déposant croit que les marchandises sont contrefaites ne suffit pas. Quels sont les examens ou observations qui ont été faits au soutien de la conviction du déposant? En général, la preuve fondée sur les renseignements et les croyances sur cette question ne sera pas particulièrement convaincante. Cette preuve concerne l’essence même de la demande et devrait être examinée de façon attentive.

 

7) Dans les cas où la partie demanderesse veut faire renouveler une ordonnance existante, il lui appartient de démontrer au tribunal l’utilisation qui a été faite de l’ordonnance précédemment rendue. Il n’est pas nécessaire de renouveler une ordonnance qui n’a pas été appliquée, mais l’application en soi ne justifie pas le renouvellement de l’ordonnance. Par mesure de courtoisie pour la Cour, il y a lieu de compiler et de résumer ces renseignements afin de lui permettre de passer rapidement en revue les mesures antérieures prises par la partie demanderesse.

 

8) L’allégation dans un affidavit selon laquelle la partie demanderesse convient d’être liée par un engagement quant au paiement des dommages-intérêts ne constitue pas un engagement proprement dit, pas plus qu’une promesse de conclure une entente ne constitue en soi une entente. Un engagement distinct quant aux dommages-intérêts qui est adressé à la Cour et dûment signé par des signataires autorisés de la société devrait être joint à la demande.

 

 

[26]           Une autre question soulevée relativement au présent contrôle judiciaire concernait l’emploi de l’expression « M. Untel » pour désigner les défendeurs dans l’ordonnance « à portée étendue ». Cet emploi convenait‑il?

 

[27]           Heureusement, il n’est pas nécessaire d’examiner toutes ces questions en l’espèce. Les avocats de toutes les parties – demanderesses et défendeurs – ont fait preuve d’un très grand professionnalisme et ont apporté leur aide afin que les questions en litige soient circonscrites et que leur nombre soit réduit. C’est le cas en particulier de Mme Danzig pour les demanderesses et de M. Toyne pour certains des défendeurs. Les droits revendiqués par les demanderesses sont peu contestés et le fait que les copies de « 3 Idiots » sur CD et sur DVD qui ont été saisies étaient des copies non autorisées n’est pas réellement contesté. La façon dont l’ordonnance, une fois accordée, a été exécutée n’est pas contestée non plus. Les questions sur lesquelles je devrai donc me prononcer en l’espèce sont énoncées dans la section qui suit.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[28]           La Cour est maintenant saisie des questions suivantes, lesquelles seront examinées dans l’ordre qui suit :

1.      Les demanderesses ont‑elles démontré que le préjudice causé ou risquant d’être causé est très grave?

2.      Les demanderesses ont‑elles produit une preuve convaincante démontrant que les défendeurs ont en leur possession des documents ou des objets incriminants?

3.      Les demanderesses ont‑elles démontré qu’il est réellement possible que les défendeurs détruisent ces pièces avant le processus de communication préalable?

4.      Les demanderesses avaient‑elles des motifs valables d’introduire une instance visant un défendeur dont lidentité nétait pas précisée (M. Untel)?

5.      L’intérêt de la justice a-t-il été déconsidéré?

 

1. Les demanderesses ont‑elles démontré que le préjudice causé ou risquant d’être causé est très grave?

[29]           Il y a lieu de noter dès le départ qu’il ne faut pas seulement qu’un préjudice soit causé ou risque d’être causé, il faut aussi qu’il soit très grave.

 

[30]           La preuve présentée à la Cour à ce sujet lors de l’audition de la demande ex parte est contenue dans l’affidavit signé par Sumit Chadha le 18 janvier 2010. M. Chadha est le directeur des activités aux États‑Unis de la demanderesse Reliance Mediaworks (USA) Inc., un poste qu’il occupe depuis trois ans environ. Il est question du préjudice aux paragraphes 32 à 44 de cet affidavit. Au paragraphe 33, M. Chadha déclare, en faisant référence à un reportage diffusé sur le réseau Al Jazeera (aucune copie produite), que les revenus de l’industrie indienne du piratage de films sont plus de quatre fois plus élevés que ceux de l’industrie ordinaire. Au paragraphe 34, il cite un communiqué de presse du conseiller commercial des États‑Unis pour l’Inde, selon lequel l’économie indienne a subi d’immenses pertes d’emplois et de revenus à cause du piratage. Il fait aussi référence à un autre article dans ce paragraphe. Alors qu’il dit joindre à son affidavit, sous la cote F, une copie du communiqué de presse, la pièce F est en fait un autre certificat d’enregistrement du droit d’auteur qui serait erroné (paragraphes 23 à 25). Aucune copie du communiqué ou de l’article n’a été fournie. Aux paragraphes 35 à 38, M. Chadha explique comment on prévoit la sortie d’un film en salles, puis sur vidéocassettes à une date donnée. Au paragraphe 38, il dit que les copies non autorisées [traduction] « nuisent » à ces plans. Aux paragraphes 39 à 41, il traite des ventes illégales de vidéocassettes qui [traduction] « réduisent l’achalandage dans les salles de cinéma », en se référant à un rapport publié en 1999 par un organisme désigné seulement par les lettres MPA concernant le film « La guerre des étoiles ». Au paragraphe 42, il affirme que le marché des vidéocassettes de sa société [traduction] « diminuera ». Au paragraphe 44, il conclut qu’il en résultera des pertes de ventes de billets et de vidéocassettes.

 

[31]           Cette preuve ne fait spécifiquement mention nulle part du Canada, du film « 3 Idiots » ou d’un défendeur ou d’un groupe de défendeurs potentiel particulier. De plus, M. Chadha n’affirme nulle part que le préjudice est « très grave ».

 

[32]           Même si on se tourne vers la preuve postérieure à l’ordonnance, les résultats de l’exécution de l’ordonnance montrent que seulement une poignée de copies vidéo non autorisées du film « 3 Idiots » ont été saisies. Ces copies auraient été vendues entre un ou deux dollars chacune environ. Même si l’évaluation du préjudice avait atteint le maximum permis par la Loi sur le droit d’auteur, il ne s’agirait pas d’un préjudice « très grave ».

 

[33]           Les avocats des demanderesses ont fait valoir qu’on ignore toujours le nombre total de copies vidéo non autorisées et l’ampleur de la destruction du marché. C’est bien possible, mais il incombait aux demanderesses de démontrer que le préjudice causé ou risquant d’être causé était ou serait « très grave ». Or, elles ne l’ont pas fait.

 

2. Les demanderesses ont‑elles produit une preuve convaincante démontrant que les défendeurs ont en leur possession des documents ou des objets incriminants?

[34]           Je suis convaincu que, lorsqu’elle a statué sur la demande ex parte, la Cour disposait, grâce aux affidavits de MM. Trehan, Parish et Archibald, d’une preuve suffisante démontrant qu’un certain nombre de points de vente au détail, désignés alors d’une manière générale par la ville et la rue où ils étaient situés, offraient en vente des copies non autorisées de « 3 Idiots ». La preuve déposée ultérieurement révèle que des copies non autorisées ont été saisies dans le cadre de l’exécution de l’ordonnance.

 

[35]           Aucun document n’a été saisi, à l’exception de quelques cartes professionnelles et reçus de caisse. Aucun document concernant la source des copies non autorisées n’a été découvert. Selon un affidavit déposé ultérieurement, un mystérieux Mansur Samji, qui est introuvable, serait la source de certaines de ces copies. On fait valoir que certaines boutiques pourraient faire des copies dans leurs propres locaux en se servant des ordinateurs qui s’y trouvent, mais aucune preuve tangible le démontrant n’a été produite.

 

3. Les demanderesses ont‑elles démontré qu’il est réellement possible que les défendeurs détruisent ces pièces avant le processus de communication préalable?

[36]           La preuve relative à la probabilité de destruction présentée à la Cour lors de l’audition de la demande ex parte est exposée en grande partie dans l’affidavit de Sumit Chadha dont il a été question précédemment (je reviendrai plus loin à MM. Trehan, Parish et Archibald). Cet affidavit est particulier à cet égard. M. Chadha commence par déclarer, au paragraphe 46, que, grâce à son expérience chez Reliance (trois ans aux États‑Unis), il [traduction] « en est venu à apprendre » que certaines personnes peuvent détruire ou cacher des éléments de preuve. Il dit :

[traduction]

46. Grâce à mon expérience chez Reliance MediaWorks (USA) Inc., j’ai fini par apprendre qu’il arrive souvent que des personnes se livrant à la vente d’enregistrements contrefaits, notamment des marchands ambulants ainsi que des vendeurs dans les marchés aux puces et dans des points de vente fixes, déplacent leurs activités très rapidement, refusent de s’identifier ou détruisent ou cachent des éléments de preuve de leur conduite répréhensible ou des documents qui pourraient mener les demanderesses à la source des enregistrements vidéo contrefaits ou à leurs fournisseurs s’ils sont mis au courant des procédures envisagées.

 

 

[37]           Je n’accorde aucun poids à une telle déclaration générale. Au paragraphe 47, M. Chadha rapporte les propos de M. Trehan, ce qui constitue une preuve par ouï‑dire. M. Trehan a produit son propre affidavit en l’espèce et aurait pu y tenir lui‑même ses propos. Il ne l’a pas fait.

[traduction]

47. Tarun (Sunny) Trehan m’a dit – et je le crois – que de nombreux points de vente fixes se livrent à la vente illicite d’enregistrements contrefaits.

 

 

[38]           Je n’accorde aucun poids à cette déclaration puisque ces propos de M. Trehan ne figurent nulle part dans son témoignage.

 

[39]           Aux paragraphes 48 et 49, M. Chadha rapporte des renseignements fournis par l’avocat des demanderesses, M. Lipkus, ce qui constitue également une preuve par ouï‑dire :

[traduction]

48. M. Lipkus m’a dit – et je le crois – que les pratiques des contrefacteurs, qui changent constamment et qui sont difficiles à cerner, ne dépendent pas de l’endroit où ceux‑ci font leurs affaires. Cette opinion est défendable si l’on considère les pratiques commerciales suivantes, qui sont parfois utilisées par des personnes exerçant une activité commerciale à des points de vente fixes. Lorne M. Lipkus m’a dit – et je le crois – que tous ces exemples sont tirés d’affidavits déposés à la Cour, et je crois que chacun peut indiquer le caractère éphémère et le risque de perte d’éléments de preuve de contrefaçon :

 

a) malgré le règlement municipal qui l’exige, le permis d’exploitation d’entreprise ne se trouve pas dans les locaux commerciaux;

 

b) le permis d’entreprise qui se trouve dans les locaux commerciaux est erroné ou expiré ou est celui des anciens propriétaires;

 

c) le nom figurant sur l’enseigne est différent de celui apparaissant sur les reçus remis aux clients ou sur le permis d’entreprise;

 

d) le nom de l’entreprise ou la description de l’article acheté ne figurent pas sur les reçus de caisse courants;

 

e) aucun numéro de TPS n’apparaît sur les reçus de caisse;

 

etc.

 

49. M. Lipkus m’a dit – et je le crois – que des tentatives sont faites à l’occasion pour obtenir la remise volontaire des marchandises contrefaites, y compris des enregistrements vidéo contrefaits, ainsi que la cessation volontaire des activités de contrefaçon. Il m’a cependant dit aussi – et je le crois – que les contrefacteurs qu’il rencontre refusent souvent de renoncer à leurs droits aux marchandises contrefaites tant qu’ils n’ont pas reçu signification d’une ordonnance Anton Piller – et même ensuite, ils refusent parfois de remettre volontairement leurs marchandises contrefaites et de permettre volontairement qu’une perquisition soit effectuée dans leurs locaux.

 

[40]           Il est très irrégulier que le propre avocat d’un demandeur fournisse un témoignage sur une question litigieuse dans une instance comme celle‑ci, que ce soit directement ou au moyen de renseignements et de la conviction d’un autre témoin. C’est particulièrement le cas lorsque la preuve a trait à une allégation selon laquelle une personne pourrait cacher ou détruire des éléments de preuve si un avis lui était donné. Cette situation est différente de celle dont la juge Snider, de la Cour, était saisie dans Chum Limited c. Stempowicz, 2003 CFPI 800, où M. Lipkus lui‑même a produit son affidavit sur des questions semblables, mais où un cabinet d’avocats et des avocats différents représentaient les parties.

 

[41]           Comme la Cour suprême du Canada l’a dit dans Celanese, ci‑dessus, un demandeur et son avocat doivent faire preuve de la plus grande franchise envers la Cour dans des affaires de ce genre lorsqu’ils cherchent à obtenir une ordonnance ex parte. Le juge Pelletier a affirmé au point 1 du paragraphe 7 de Club Monaco, ci‑dessus :

Les affidavits devraient faire état des connaissances personnelles du déposant quant à la nature et à l’ampleur du problème concernant la partie demanderesse. Après tout, ce sont ses biens précieux que celle-ci cherche à protéger. Lorsque ses dirigeants ne sont pas en mesure de témoigner à la lumière de leurs propres connaissances au sujet de la nature et de l’ampleur du problème, il convient de se demander si la réparation est nécessaire. Bien que les avocats œuvrant habituellement dans ce domaine acquièrent sans doute des connaissances spécialisées sur les méthodes des faussaires, la très grande utilisation des renseignements fournis par l’avocat qui est souvent consulté sur ces questions pourrait mettre en cause la crédibilité de celui-ci, ce qui va à l’encontre de l’indépendance que la Cour est en droit d’exiger de la part des avocats qui comparaissent devant elle.

 

 

[42]           Les avocats ne peuvent éviter la question en mettant leurs opinions dans la bouche d’un autre témoin faisant état de renseignements et de conviction (Citifinancial Services of Canada c. 1472354 Ontario Inc., 2003 Carswell Ont. 507, au paragraphe 4).

 

[43]           Selon la règle 82 de la Cour, un avocat ne peut présenter des arguments à la Cour dans une affaire où son propre affidavit est produit en preuve. La règle a été assouplie, mais uniquement à l’égard des affaires non litigieuses. La règle est toujours claire, comme le juge Pelletier l’a dit dans Belmonte c. Syndicat des débardeurs, 2004 CAF 141, au paragraphe 4 :

4     La règle est claire et se fonde sur un principe constant de la déontologie de la profession : l’avocat ne doit pas devenir lui‑même l’objet du litige. Ce principe est bien connu et doit être respecté pour la protection du client sinon celle de l’avocat lui‑même. La Cour déclare que l’affidavit du procureur est irrecevable aux fins de la requête en prorogation de délai.

 

 

[44]           Je statue que les paragraphes 48 et 49 de l’affidavit de M. Chadha ne sont pas recevables. Même s’ils l’étaient, je ne leur accorderais aucun poids car il n’est expliqué nulle part comment M. Lipkus pouvait être au courant de ces questions ou avoir acquis de l’expertise à leur égard.

 

[45]           Le dernier paragraphe de l’affidavit de M. Chadha, le paragraphe 50, est simplement une conclusion fondée sur les paragraphes précédents. Je ne lui accorde aucun poids.

 

[46]           Par conséquent, les demanderesses n’ont produit aucune preuve convaincante du fait que les défendeurs seraient susceptibles de cacher ou de détruire des documents ou des objets pertinents.

 

[47]           Pour ce qui est des autres éléments de preuve produits relativement à la demande ex parte, il s’agit des affidavits de trois enquêteurs privés – MM. Trehan, Parish et Archibald – qui se sont rendus dans plusieurs boutiques (désignées de manière imprécise seulement) et ont acheté des copies non autorisées du film « 3 Idiots ». Il n’est allégué nulle part que les commerçants étaient susceptibles de cacher ou de détruire de telles copies ou d’autres pièces pertinentes.

 

[48]           En fait, la preuve des demanderesses démontre le contraire. L’affidavit de M. Parish indique que celui‑ci a livré à un certain nombre de parties une lettre leur demandant de cesser leurs activités (pièce A de son affidavit signé le 19 janvier 2010). Selon son affidavit ultérieur, la lettre a été livrée à un grand nombre des défendeurs touchés. Bien qu’elle ne soit pas rédigée avec l’habileté d’un expert du droit d’auteur, cette lettre demande au destinataire de cesser immédiatement de vendre des copies non autorisées du film « 3 Idiots » et de conserver les copies et les pièces pertinentes. En d’autres termes, avis avait déjà été donné à bon nombre des défendeurs touchés ainsi qu’à d’autres parties.

 

[49]           La preuve produite en l’espèce indique que, après l’exécution de l’ordonnance, certains des défendeurs touchés avaient en leur possession des copies non autorisées du film « 3 Idiots » en vue de la vente, alors que d’autres n’en avaient pas. Il n’y a aucune preuve indiquant que, après l’avis, des copies pertinentes de pièces ont été cachées ou détruites.

 

[50]           La preuve des demanderesses à cet égard est terriblement inadéquate, en particulier parce qu’elle met l’accent sur un état d’esprit ou une propension à cacher ou à détruire des pièces et des documents pertinents. Au mieux, elle manque de rigueur, est inadéquate et constitue une tentative bâclée d’obtenir une ordonnance dont le véritable but est – comme l’a dit l’avocat des demanderesses dans sa plaidoirie au cours de l’audience – de [traduction] « cibler » les petits commerçants. Je considère qu’il s’agit d’un abus de procédure. Au pire, il s’agissait d’une tentative d’inciter la Cour à prononcer une ordonnance dépourvue de fondement.

 

4. Les demanderesses avaient‑elles des motifs valables d’introduire une instance visant un défendeur dont lidentité nétait pas précisée (M. Untel)?

[51]           L’ordonnance Anton Piller « à portée étendue » a été accordée dans une action introduite par le dépôt d’une déclaration qui ne désigne aucun défendeur particulier. Les défendeurs sont désignés de la manière suivante dans l’intitulé :

M. UNTEL, MME UNETELLE ET LES AUTRES PERSONNES, DONT LE NOM EST INCONNU, QUI FONT LE COMMERCE D’ENREGISTREMENTS VIDÉO CONTREFAITS, ET LES AUTRES PERSONNES MENTIONNÉES À L’ANNEXE A DE LA DÉCLARATION

 

[52]           L’annexe A de la déclaration est simplement un formulaire en blanc, sur lequel devaient sans doute être inscrits ultérieurement les noms des personnes identifiées et ajoutées en vertu d’une ordonnance de la Cour. Cette façon de faire est conforme à une pratique établie de la Cour pour des actions de ce genre.

 

[53]           La déclaration déposée le 20 janvier 2010 désigne les défendeurs de la manière suivante :

[traduction]

5. Les défendeurs, M. Untel et Mme Unetelle, sont des personnes dont les demanderesses ignorent actuellement le nom et l’identité, qui font le commerce d’enregistrements vidéo contrefaits.

 

 

[54]           À la lumière de la preuve présentée à la Cour, cette allégation est fausse. En fait, les demanderesses connaissaient, le 20 janvier 2010, certains des individus et des personnes morales soupçonnés de faire le commerce de vidéos contrefaits. Les affidavits de MM. Trehan et Parish parlent d’un certain nombre de détaillants dont ils ne [traduction] « dévoilaient pas expressément » l’identité à ce moment‑là. Dans leurs affidavits ultérieurs, ces personnes révèlent qu’elles se sont rendues chez les détaillants en question à la fin de décembre et pendant les premiers jours de janvier. Dans son affidavit, M. Archibald précise les adresses des endroits où il s’est rendu. Les affidavits ultérieurs de ces personnes révèlent que des renseignements additionnels pouvaient facilement être obtenus au besoin en effectuant des recherches dans les registres des personnes morales et d’autres recherches semblables.

 

[55]           Si l’identité de toutes les personnes faisant peut‑être le commerce de vidéos contrefaits n’était pas connue, un grand nombre de personnes étaient et pouvaient être identifiées. Le juge Mason, de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, a traité des instances intentées contre « M. Untel » dans Brochner c. MacDonald (1987), 56 Alta. L.R. (2d) 72, 22 C.P.C. (2d) 4 :

[traduction] M. Untel peut être remplacé, en tant que défendeur, par le docteur Anderson uniquement s’il y a une erreur de nom selon le principe défini en droit. Or, ce n’est pas le cas en l’espèce.

 

La procédure traditionnelle qui consiste à intenter une poursuite contre M. Untel, une personne inconnue ou non identifiée, est acceptée depuis longtemps par les tribunaux de l’Alberta, comme elle l’est par les tribunaux d’autres provinces du Canada, lorsqu’une personne existe et qu’elle aurait fait partie de l’incident ou de l’opération ayant donné lieu à l’action. Le juge Bull, de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique, a fait un bref historique de cette procédure traditionnelle dans Jackson c. Bubela, 29 D.L.R. (3d) 500, à la page 502. Voir aussi Golden Eagle Liberia Limited and Westchester Marine Shipping Co. c. International Organization of Masters, Mates and Pilots, Marine Division, International Longshoremen’s Association A.F.L.‑C.I.O. et al. (1974), 5 W.W.R. 49, et Dukoff et al. c. Toronto General Hospital et al., 54 O.R. (2d) 58, aux pages 61 et suivantes.

 

Un examen de la déclaration ne révèle aucune action intentée contre une personne réelle dont l’identité n’est ou n’était pas, pour une bonne raison, connue du demandeur ou accessible à celui‑ci. Même si la déclaration le désigne à titre de défendeur, M. Untel n’est nommé nulle part dans les allégations exposées dans la déclaration.

 

En fait, la déclaration désigne seulement, à titre de défendeurs, le docteur Malcolm MacDonald et l’hôpital. La négligence et l’absence de diligence raisonnable sont alléguées uniquement à l’encontre de ces deux défendeurs.

 

Au paragraphe 17 de la déclaration, le demandeur semble se réserver le droit d’ajouter des détails additionnels concernant la négligence à l’encontre « desdits défendeurs » dans les termes suivants :

 

17. Le demandeur affirme qu’il n’est pas en mesure, à cette étape‑ci, de donner des détails additionnels concernant la négligence avec laquelle les défendeurs auraient agi car ces détails sont connus seulement desdits défendeurs, et le demandeur se réserve le droit d’ajouter ces détails au besoin.

 

J’estime que cette réserve ne peut pas éventuellement être employée pour inclure le docteur Anderson dans l’instance à titre de véritable M. Untel après l’expiration du délai de prescription.

La règle relative aux erreurs de nom qui est établie depuis longtemps est énoncée dans Davies c. Elsby Brothers Ltd. (1960), 3 All E.R. 672. Selon cette décision, il faut, pour déterminer si une erreur de nom a été commise, se demander si une personne raisonnable lisant le document comprendrait qu’elle est la personne qui y est nommée, mais de manière erronée ou par un pseudonyme. Dans l’affirmative, il s’agit d’une erreur de nom et le tribunal permettra que les actes de procédure soient corrigés en conséquence. Dans le cas contraire, il ne s’agit pas d’une erreur de nom, mais simplement d’une tentative d’introduire une nouvelle partie en l’ajoutant ou en remplaçant celle qui était mentionnée.

 

 

[56]           Le fait qu’un certain nombre de défendeurs étaient connus avant que l’action ne débute et avant que l’ordonnance ex parte ne soit demandée, conjugué au fait que ces personnes avaient déjà été avisées, est une autre raison pour laquelle cette action et l’ordonnance Anton Piller « à portée étendue » qui en a résulté ne sont pas appropriées.

 

5. L’intérêt de la justice a-t-il été déconsidéré?

[57]           Il ressort clairement de ce qui précède que l’ordonnance Anton Piller n’était pas fondée et qu’elle n’était pas appropriée. Comme je l’ai indiqué précédemment, la preuve était, à maints égards, bâclée, inadéquate ou trompeuse. Il semble que le but consistait en fait à obtenir une ordonnance qui permettrait aux demanderesses, par l’entremise de leurs avocats et autres mandataires, de [traduction] « cibler » certaines personnes vendant ce qui est qualifié de vidéos « contrefaits » – seulement des petits commerçants en l’occurrence.

 

RÉSUMÉ ET RECOURS

[58]           En résumé, je considère, après avoir examiné l’ordonnance Anton Piller accordée ex parte, que celle-ci ne peut pas être maintenue et qu’elle doit être annulée. La preuve relative au [traduction] « préjudice grave » n’est pas suffisante et je ne dispose d’aucune preuve appropriée démontrant que les défendeurs seraient susceptibles de cacher ou de détruire des documents ou des objets pertinents. En outre, étant donné qu’un grand nombre de défendeurs potentiels étaient connus avant l’introduction de l’action, il ne convenait pas de désigner les défendeurs par l’expression « M. Untel », et la déclaration délibérément trompeuse figurant au paragraphe 5 de la déclaration n’aurait pas dû être faite.

 

[59]           L’ordonnance Anton Piller doit être annulée à l’égard des défendeurs touchés. En outre, compte tenu du fait que l’expression « M. Untel » n’a pas été employée à juste titre, l’action intentée contre les défendeurs touchés doit être rejetée, ce qui ne signifie pas qu’une nouvelle action dans laquelle l’un ou plusieurs de ces défendeurs seraient nommés ne pourrait pas être introduite. En fait, elle pourrait l’être, mais il ne conviendrait pas d’utiliser les fruits d’une ordonnance Anton Piller irrégulière pour fonder une telle action. D’autres éléments de preuve doivent éventuellement être utilisés à cette fin.

 

[60]           La Loi sur le droit d’auteur, ci‑dessus, est l’une des lois en matière de propriété intellectuelle qui confèrent le plus de droits et de recours au Canada et à l’étranger. Le droit d’auteur existe sans qu’il soit nécessaire de l’enregistrer et il est présumé exister en l’absence de preuve contraire. L’enregistrement est facile et bon marché et constitue une preuve de l’existence du droit d’auteur et de son titulaire. Des procédures peuvent être intentées rapidement sous forme de demande plutôt que sous forme d’action. Une partie doit faire la preuve des dommages‑intérêts qu’elle réclame ou opter pour les dommages‑intérêts préétablis. Une injonction peut s’appliquer aux œuvres qui ne sont pas expressément contestées. Les œuvres dont la contrefaçon est alléguée peuvent être placées en garde provisoire ou définitive. Une ordonnance Anton Piller doit être considérée comme un recours exceptionnel qui doit être utilisé avec prudence et respect. Elle ne devrait pas être considérée comme un recours ordinaire alors que tant d’autres recours et procédures peuvent être utilisés.

 

[61]           Compte tenu de la façon dont l’ordonnance ex parte a été obtenue, notamment du fait que la preuve était insuffisante, bâclée et trompeuse comme il a été démontré précédemment, il convient d’accorder aux défendeurs touchés leurs frais raisonnables, sur la base d’une indemnisation complète.

ORDONNANCE

 

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS AUX PRÉSENTES,

LA COUR ORDONNE :

1.                  que l’ordonnance Anton Piller accordée le 26 janvier 2010 soit annulée à l’encontre des défendeurs désignés suivants (les défendeurs touchés) :

·        1557768 Ontario Inc. s/n Golumbia Video

·        Arangesan Paramsothy

·        1691731 Ontario Inc. s/n Bollywood 4 U

·        Abulsama Jibhai

·        2148409 Ontario Inc. s/n Video Station

·        Kulwant Kaur Singh

·        215151872 Ontario Inc. s/n Singh Video Station

·        Mohan Singh

·        2031221 Ontario Inc. s/n Old Karachi Bazar

·        Royal Paan Inc.

·        Neerad Upadhyay

·        Anmol Records Inc.

·        Rajesh Syal

·        2122308 Ontario Inc. s/n Albion Audio & Video

·        Kulbir Singh Mokha;

 

2.                  que l’action intentée contre les défendeurs touchés soit rejetée, sous réserve du droit des demanderesses d’introduire une autre action fondée sur la preuve d’une prétendue contrefaçon, autre que la preuve d’une prétendue contrefaçon produite relativement à l’ordonnance Anton Piller originale ou au contrôle judiciaire de celle‑ci;

 

3.                  que les défendeurs touchés aient droit à leurs frais raisonnables, sur la base d’une indemnisation complète;

 

4.                  que Tayyabi Huma ne soit pas une défenderesse désignée dans l’action et que toute instance la concernant soit rejetée. Elle se représente elle‑même et ne peut recouvrer les frais d’un avocat, mais elle a droit à ses frais. Si elle choisit de ne pas taxer ces frais, je lui accorde la somme de 250 $.

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-91-10

 

INTITULÉ :                                       VINOD CHOPRA FILMS PRIVATE LIMITED AND RELIANCE MEDIAWORKS (USA) INC. c.

M. UNTEL, MME UNETELLE ET LES AUTRES PERSONNES, DONT LE NOM EST INCONNU, QUI FONT LE COMMERCE D’ENREGISTREMENTS VIDÉO CONTREFAITS, ET LES AUTRES PERSONNES MENTIONNÉES À L’ANNEXE A DE LA DÉCLARATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 7 avril 2010

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE HUGHES

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 12 avril 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Georgina Starkman Danzig

Thomas M. Slahta

                 POUR LES DEMANDERESSES

 

 

Kevin D. Toyne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Simon Schneiderman

 

 

 

Sharanjit Padda

                        POUR LES DÉFENDEURS :

                        1557768 Ontario Inc. s/n Golumbia Video

                        Arangesan Paramsothy

                        1691731 Ontario Inc. s/n Bollywood 4 U

                        Abulsama Jibhai

                        2148409 Ontario Inc. s/n Video Station

                        Kulwant Kaur Singh

                        215151872 Ontario Inc. s/n Singh Video                         Station

                        Mohan Singh

                        2031221 Ontario Inc. s/n Old Karachi                         Bazar

 

                        POUR LES DÉFENDEURS :

                        Royal Paan Inc.

                        Neerad Upadhyay

 

                        POUR LES DÉFENDEURS :

                        Anmol Records Inc.

                        Rajesh Syal

                        2122308 Ontario Inc. s/n Albion Audio &                         Video

                        Kulbir Singh Mokha

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kestenberg Siegal Lipkus LLP

Toronto (Ontario)

 

                 POUR LES DEMANDERESSES

 

 

Brauti Thorning Zibarraas LLP

Toronto (Ontario)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Simon Schneiderman

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Padda Law Office

Brampton (Ontario)

                        POUR LES DÉFENDEURS :

                        1557768 Ontario Inc. s/n Golumbia Video

                        Arangesan Paramsothy

                        1691731 Ontario Inc. s/n Bollywood 4 U

                        Abulsama Jibhai

                        2148409 Ontario Inc. s/n Video Station

                        Kulwant Kaur Singh

                        215151872 Ontario Inc. s/n Singh Video                         Station

                        Mohan Singh

 

                        POUR LES DÉFENDEURS :

                        Royal Paan Inc.

                        Neerad Upadhyay

 

                        POUR LES DÉFENDEURS :

                        Anmol Records Inc.

                        Rajesh Syal

                        2122308 Ontario Inc. s/n Albion Audio &                         Video

                        Kulbir Singh Mokha

 

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