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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20100412

Dossier : IMM-3481-09

Référence : 2010 CF 382

Ottawa (Ontario), le 12 avril 2010

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

MA ESTHER HERNANDEZ GARCIA

 

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.        Aperçu

 

[1]               Mme Ma Esther Hernandez Garcia maintient qu’elle a fui le Mexique et a demandé l’asile au Canada afin d’échapper à son ancien conjoint violent. Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a établi que son récit, comprenant des épisodes de violence physique, sexuelle et psychologique, était véridique. De plus, la Commission a convenu que Mme Hernandez Garcia s’était adressée à la police et que la police avait refusé de faire quoi que ce soit pour l’aider. Malgré tout, la Commission a rejeté sa demande. La Commission a conclu que Mme Hernandez Garcia aurait dû tenter d’obtenir de l’aide d’autres organismes d’aide aux victimes de violence familiale. De plus, la Commission a déterminé que Mme Hernandez Garcia aurait été en sécurité si elle avait quitté Guadalajara pour Mexico; elle avait donc une « possibilité de refuge intérieur » (PRI).

 

[2]               Mme Hernandez Garcia maintenait pour sa part que la Commission avait eu tort de conclure qu’elle aurait dû faire davantage d’efforts pour obtenir une protection au Mexique et qu’elle avait une PRI à Mexico. Elle me demande d’ordonner à un nouveau tribunal de la Commission de réexaminer sa demande. À mon avis, la décision de la Commission concernant la PRI était raisonnable et sa décision devrait être maintenue pour ce motif. Je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[3]               Compte tenu de ma conclusion quant à la PRI, il serait superflu d’aborder la question de la protection de l’État. La seule question est de savoir si la décision de la Commission relativement à la PRI était raisonnable.

 

II.     Analyse

 

a)      Le contexte factuel

 

[4]               En 2005, Mme Hernandez Garcia a fait la connaissance de son conjoint, Aron Morales Cervantes. Ils ont emménagé ensemble en 2006.

 

[5]               M. Morales Cervantes avait souvent un comportement violent après avoir bu. Il avait été particulièrement agressif après un voyage d’affaires au Canada de Mme Hernandez Garcia en 2006. Il l’avait accusée d’infidélité. La situation s’était envenimée par la suite. Mme Hernandez Garcia a eu besoin de soins médicaux après une agression en novembre 2006.

 

[6]               En 2007, Mme Hernandez Garcia a décidé de retourner vivre avec sa famille. M. Morales Cervantes l’a harcelée pour qu’elle retourne avec lui. Il l’a enlevée et violée.

 

[7]               Mme Hernandez Garcia s’est adressée à la police. Toutefois, le policier auquel elle a parlé lui a reproché d’être responsable du problème. D’une manière ou d’une autre, M. Morales Cervantes a découvert qu’elle s’était adressée à la police. Il lui a laissé entendre qu’elle perdait son temps et qu’il avait de bonnes relations avec la police.

 

[8]               Afin de lui échapper, Mme Hernandez Garcia a décidé, en avril 2007, de quitter Zapotlenjo pour aller vivre chez de la famille à Guadalajara. Après seulement quelques semaines, M. Morales Cervantes l’a retrouvée. En septembre 2007, il l’a enlevée puis violée de nouveau. Son oncle, chez qui elle habitait, a insisté pour qu’elle porte plainte à la police. Un agent a pris, « à contrecœur », sa déposition.

 

[9]               Peu après, M. Morales Cervantes lui a dit qu’il savait qu’elle avait communiqué de nouveau avec la police. Elle s’est enfuie chez un autre membre de sa famille, à environ une heure de route, et y est restée jusqu’en décembre 2007. Lorsqu’elle a appris que M. Morales Cervantes avait menacé des membres de sa famille, Mme Hernandez Garcia a décidé de venir au Canada.

 

b)      La décision de la Commission

[10]           La Commission a fait remarquer qu’il existait un large éventail de services à Mexico et a conclu que Mme Hernandez Garcia y aurait eu accès à une meilleure protection.

 

[11]           De plus, la Commission a jugé que Mme Hernandez Garcia pouvait facilement déménager à Mexico et y trouver du travail, et qu’il était donc raisonnable qu’elle tente de s’y réfugier.

 

c)      La conclusion de la Commission quant à la PRI était-elle déraisonnable?

 

[12]           On a demandé explicitement à Mme Hernandez Garcia si elle aurait pu vivre en sécurité à Mexico. Elle a déclaré que non, puisque M. Morales Cervantes aurait pu facilement la retrouver. La Commission a noté que M. Morales Cervantes avait peut-être des contacts au sein de la police de Zapotlenjo, mais pas à Mexico.

 

[13]           Mme Hernandez Garcia soutient que la Commission n’a pas examiné sérieusement la possibilité que M. Morales Cervantes puisse la traquer jusqu’à Mexico. En outre, elle fait valoir que la Commission n’a pas relevé l’inefficacité de nombreux programmes et services destinés à aider les victimes de violence familiale, notamment ceux de Mexico.

 

[14]           La Commission a bien cerné les problèmes de violence familiale à Mexico. Bon nombre de femmes ne connaissent pas les ressources à leur disposition et, par conséquent, les crimes contre les femmes sont peu signalés. La police et les fonctionnaires sont souvent indifférents à ces situations, s’ils ne s’en moquent carrément.

 

[15]           La Commission a fait remarquer que M. Morales Cervantes semblait avoir été mis au courant des allées et venues de Mme Hernandez Garcia par l’entremise de contacts au sein de la police, laissant entendre une possibilité de corruption au sein de la police. Cependant, la Commission a déterminé que dans ce domaine, Mexico déploie d’importants efforts pour remédier à la situation. Il existe divers organismes auprès desquels il est possible de déposer des plaintes concernant la corruption de fonctionnaires.

 

[16]           Toutefois, dans son analyse de la PRI, la Commission a établi qu’il n’y avait pas de raison de croire que M. Morales Cervantes pourrait poursuivre Mme Hernandez Garcia jusqu’à Mexico. La Commission semble ne pas avoir tenu compte du fait qu’il l’avait retrouvée à Guadalajara. De toute évidence, s’il avait pu la retrouver là-bas, il était au moins possible qu’il puisse la retrouver à Mexico.

 

[17]           Il ne s’agit pas, à mon avis, d’une grave erreur de la part de la Commission, puisqu’elle a tenu compte des sources de protection à Mexico pour les personnes victimes de violence familiale. Autrement dit, la Commission a tenu compte des ressources à la disposition de Mme Hernandez Garcia si M. Morales Cervantes la poursuivait effectivement jusque là‑bas.

 

[18]           D’après mon analyse de ses motifs, la Commission a soigneusement pris en compte les programmes spéciaux offerts uniquement dans le district fédéral de Mexico. Mme Hernandez Garcia m’a signalé des éléments de preuve tendant à démontrer que les programmes offerts dans les différents États étaient déficients, mais rien ne remet réellement en doute les conclusions de la Commission en ce qui concerne Mexico. Les programmes offerts semblent mieux établis, plus sérieux et plus utiles que ceux des autres États. De plus, Mme Hernandez Garcia n’a pas contesté la conclusion de la Commission selon laquelle elle aurait pu aller s’installer là-bas et y trouver du travail assez facilement.

 

[19]           Compte tenu des éléments de preuve dont la Commission disposait relativement aux sources de protection à Mexico, je ne suis pas en mesure de statuer que sa conclusion quant à la PRI de Mme Hernandez Garcia était déraisonnable.

III.          Conclusion et décision

 

[20]           La Commission a examiné attentivement la preuve documentaire sur les programmes et services offerts à Mexico aux femmes craignant une situation de violence familiale ou effectivement victime de violence familiale. Je ne peux juger déraisonnable la conclusion de la Commission quant à la possibilité que Mme Hernandez Garcia ait pu y vivre en sécurité, même si M. Morales Cervantes risquait de la retrouver. En conséquence, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale à certifier et aucune question n’est énoncée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3481-09

 

INTITULÉ :                                       GARCIA

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 8 AVRIL 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 12 AVRIL 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

J. Byron M. Thomas

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Monmi Goswami

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

J. Byron M. Thomas

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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