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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20100412

Dossier : IMM-3257-09

Référence : 2010 CF 374

Ottawa (Ontario), le 2 avril 2010

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

CARLOS CHAVEZ GONZALEZ

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

[1]               Monsieur Carlos Chavez Gonzalez prétend qu’il est personnellement exposé à une menace parce qu’un ancien amant est actuellement député au parlement du Mexique. Il demande l’asile au Canada au motif que l’État du Mexique est incapable de le protéger.

 

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile de M. Gonzalez pour le motif que celui-ci n’avait pas suffisamment tenté de se prévaloir de la protection qu’assure l’État du Mexique. La Commission a en outre conclu que M. Gonzalez pouvait trouver au Mexique un endroit sûr où vivre, en d’autres termes qu’il avait une « possibilité de refuge intérieur » (PRI).

 

[3]               Monsieur Gonzalez soutient que les conclusions de la Commission quant à la protection de l’État et à la PRI sont déraisonnables et il m’a demandé d’ordonner qu’un autre tribunal de la Commission réexamine sa demande d’asile. Cependant, je ne vois aucun motif pour infirmer la décision de la Commission et je dois, par conséquent, rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               Des deux questions soulevées par M. Gonzalez dans sa demande de contrôle judiciaire, je n’examinerai que la première, la protection de l’État, parce que je crois que ce seul motif suffit à justifier la décision de la Commission. La question dont il s’agit est celle de savoir s’il était raisonnable pour la Commission de conclure que M. Gonzalez ne s’est pas acquitté de son obligation d’établir qu’il y avait absence de protection de l’État.

II.                 Analyse

a)   Les faits

[5]               Monsieur Gonzalez a indiqué qu’il avait rencontré, en mars 2007, un homme nommé Juan Carlos au cinéma. Ils se sont engagés dans une relation charnelle. Juan Carlos était député au parlement fédéral. Il a promis d’aider M. Gonzalez dans sa défense des homosexuels au Mexique en se faisant le fer de lance de l’adoption de mesures législatives.

[6]               Lorsqu’il a appris que Juan Carlos était marié et avait des enfants, M. Gonzalez a mis fin à la relation. Juan Carlos désirait toutefois ardemment continuer à le voir; M. Gonzalez a refusé.

 

[7]               Au cours des mois suivants, Juan Carlos a fait emmener M. Gonzalez par ses gardes du corps, a menacé de le violer, l’a fait suivre par ses gardes du corps qui ont ensuite lancé par la fenêtre du domicile de sa tante une pierre sur laquelle figuraient les mots : [traduction] « Je t’ai trouvé », a enlevé M. Gonzalez, l’a tenu attaché pendant trois jours et l’a menacé avec un couteau.

 

[8]               Après le premier incident, soit celui au cours duquel les gardes du corps l’avait emmené et Juan Carlos, menacé, M. Gonzalez a porté plainte contre Juan Carlos à la police. Sa tante a également appelé la police après le lancer de la roche par sa fenêtre.

 

[9]               Lors du premier incident, les policiers lui ont dit qu’ils ne pouvaient rien faire parce qu’il n’avait pas été blessé. Ils lui ont dit de revenir si quelque chose d’autre se produisait. Insatisfait de la réponse, M. Gonzalez a demandé à parler à un officier de garde supérieur. Il a obtenu la même réponse. Les policiers ne pouvaient pas faire grand-chose après avoir reçu l’appel de sa tante parce qu’ils ne savaient pas qui avait lancé la roche.

 

b)   L’analyse de la Commission sur la protection de l’État

 

[10]           La Commission a conclu que M. Gonzalez ne s’était pas acquitté de son obligation d’établir qu’il avait fait des efforts raisonnables pour obtenir la protection de l’État. Plus particulièrement, il y avait un certain nombre d’organismes d’État auprès desquels M. Gonzalez aurait pu déposer une plainte, dont le ministère public, le procureur général, l’agence d’investigations fédérales et le secrétariat de l’administration publique. En outre, des organisations d’État existent, qui sont chargées de défendre les droits de la personne, notamment les droits des homosexuels, telles que la Commission nationale des droits de la personne.

 

[11]           En se fondant sur les différentes voies de recours dont pouvait disposer M. Gonzalez, la Commission a conclu qu’il ne s’était pas acquitté de l’obligation de réfuter la présomption selon laquelle il pouvait se prévaloir de la protection de l’État au Mexique. De plus, comme le Mexique est une véritable démocratie, le fardeau dont doit s’acquitter le demandeur d’asile de ce pays est relativement élevé.

c)   La conclusion de la Commission sur la protection de l’État était-elle raisonnable?

 

[12]           Monsieur Gonzalez a relevé plusieurs éléments posant problème dans l’analyse de la Commission.

 

(i)         L’obligation du demandeur d’asile est de faire des tentatives raisonnables et non d’épuiser tous les recours possibles. La Commission exigeait trop de M. Gonzalez.

 

(ii)        Les organismes de l'État mentionnés par la Commission ne sont pas indiqués pour le type de protection dont il avait besoin.

 

(iii)       La Commission n’a pas pris en compte la situation tout à fait singulière de M. Gonzalez : il s’était plaint de la conduite d’un représentant public de haut niveau, une telle situation limitait ses possibilités d’obtenir la protection de l’État.

 

[13]           S’agissant de la première observation, la Commission a clairement indiqué que la question qui se posait était celle de savoir si M. Gonzalez avait raisonnablement tenté de se prévaloir de la protection de l’État. Il est vrai qu’elle a relevé plusieurs voies de recours possibles, mais elle n’a certainement pas imposé à M. Gonzalez l’obligation de les épuiser toutes. J’estime que la Commission n’a commis aucune erreur en précisant en quoi consistait le fardeau du demandeur d’asile.

 

[14]           Quant au second argument, M. Gonzalez prétend que les organismes mentionnés par la Commission auraient pu être indiqués s’il s’était agi de plaintes à l’encontre de la police, mais non à l’encontre d’un représentant de l’État tel que Juan Carlos. La Commission a fait allusion à un large éventail d’organismes d’État et a renvoyé à des éléments de preuve documentaire qui décrivent leurs mandats. M. Gonzalez n’a relevé aucune erreur que la Commission aurait commise en traitant ces éléments de preuve.

 

[15]           S’agissant du troisième point, M. Gonzalez invoque la décision du juge Michael Kelen dans Gallo Farias c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1035, et fait valoir que la même analyse devrait s’appliquer. Dans Farias, la demandeure d’asile prétendait qu’elle avait subi de la violence de la part d’un haut fonctionnaire de l’État avec lequel elle avait entretenu une relation intime à Hidalgo, au Mexique. Le fonctionnaire était marié. Il a commencé à infliger des mauvais traitements à la demandeure d’asile physiquement et verbalement. Celle-ci a tenté d’obtenir la protection de la police, mais les policiers lui ont dit qu’elle ne répondrait pas à cause de l’importance publique de l’agresseur. Son avocat lui a dit qu’il serait impossible de déposer une plainte contre lui. En concluant que la demandeure d’asile ne s’était pas acquittée de son fardeau de réfuter la présomption de protection de l’État, la Commission n’a pas traité précisément de la question de savoir si une personne alléguant des mauvais traitements de la part d’un haut fonctionnaire pouvait obtenir la protection de l’État. Le juge Kelen a statué que l’analyse de la Commission était trop générale et qu’elle était, par conséquent, déraisonnable.

 

[16]           La présente situation est-elle la même que dans Farias? Je ne le crois pas. En l’espèce, ce n’est pas à cause des fonctions de Juan Carlos que la police n’a pas agi et la Commission n’était saisie d’aucune preuve tendant à indiquer qu’il ne serait pas possible pour M. Gonzalez de se réclamer de la protection de l’État. Il est vrai que la police n’a pas répondu comme elle aurait dû le faire. Cependant, je ne peux conclure que la conclusion de la Commission selon laquelle le refus singulier de répondre de la part des policiers ne constituait pas une preuve suffisante d’absence de protection étatique était déraisonnable compte tenu de la preuve qui lui a été présentée.

 

III.       Conclusion et décision

 

[17]           La Commission a appliqué le bon critère relativement à la protection de l’État, elle a analysé la preuve se rapportant à l’appareil étatique dont dispose le Mexique, elle a pris en considération la situation personnelle de M. Gonzalez et conclu qu’il ne s’était pas acquitté de son obligation d’établir que la protection de l’État était insuffisante. Je ne puis conclure que cette décision était déraisonnable et je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Les parties ne m’ont ni l’une ni l’autre demandé de certifier une question de portée générale et aucune n’est formulée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est formulée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3257-09

 

INTITULÉ :                                       GONZALEZ c. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 7 avril 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 ET JUGEMENT :                             LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 12 avril 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jonathan E. Fedder

POUR LE DEMANDEUR

 

Adrienne Rice

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

JONATHAN E. FEDDER

Avocat

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LE DEMANDEUR

MYLES KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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