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Cour fédérale

Federal Court

Date : 20100412

Dossier : IMM-2723-09

Référence : 2010 CF 384

Ottawa (Ontario), le12 avril 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

 

 

ENTRE :

GUSTAVO ADOLFO POGGIO GUERRERO

 

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (Loi) sollicitant le contrôle judiciaire de la décision du 17 avril 2009 (décision) par laquelle la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a refusé au demandeur la qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi.

 

LE CONTEXTE

 

[2]               Le demandeur est un citoyen de la Colombie. Il prétend être recherché par les Forces armées révolutionnaires de la Colombie (FARC) parce que celles-ci croient qu’il était un membre des Forces d’autodéfense unies de la Colombie (AUC) en raison de l’appartenance de son beau-frère à ce groupe.

 

[3]               Sur le conseil de son oncle, le demandeur a quitté la Colombie. Il s’est rendu aux États-Unis muni d’un passeport espagnol, en octobre 2006. Il n’y a pas demandé l’asile parce qu’il était entré dans ce pays muni d’un faux passeport.

 

[4]               Le 6 décembre 2006, le demandeur est entré au Canada illégalement. Il a demandé l’asile le jour suivant.

 

[5]               Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre) est intervenu dans le dossier relatif à la demande d’asile du demandeur. Le ministre alléguait que le demandeur avait commis un crime grave de droit commun aux États-Unis, le demandeur ayant été reconnu coupable au début des années 1990 de possession de cocaïne en vue du trafic. Un tel crime rend son auteur passible de l’emprisonnement à perpétuité lorsqu’il est commis au Canada.

 

[6]               Le demandeur a été condamné à une peine d’emprisonnement allant de huit ans à la perpétuité. Il a été expulsé des États-Unis après avoir purgé un peu plus de six ans de sa peine. À ce moment-là, le demandeur croyait que sa peine n’était plus à perpétuité. Cependant, la représentante du ministre a présenté à la SPR des documents provenant des autorités américaines, selon lesquels le demandeur était toujours passible d’emprisonnement à perpétuité.

 

LA DÉCISION VISÉE PAR LE CONTROLE

 

[7]               La SPR a conclu que l’objectif principal de la section Fb) de l’article premier de la Convention relative au statut de réfugiés était de « faire en sorte que ceux qui commettent des crimes graves de droit commun ne puissent obtenir une protection internationale dans le pays où ils demandent l'asile ». À ce titre, le statut de réfugié au sens de la Convention ne peut être accordé au demandeur visé par cet article.

 

[8]               La norme de preuve applicable à la question de savoir si une personne a commis des crimes ou des actes visés par la section F) de l’article premier est celle des « raisons sérieuses de penser ». La norme exige plus qu’un simple soupçon, mais moins que la prépondérance des probabilités.

 

[9]               En ce qui concerne l’infraction commise par le demandeur, la SPR a conclu ce qui suit :

À la lumière du droit canadien, selon la preuve et les arguments présentés par le Ministre, les infractions pour lesquelles le demandeur a été reconnu coupable aux États-Unis d’Amérique en 1991, si elles avaient été commises au Canada, auraient pu entraîner une peine d’emprisonnement à vie.

 

De plus, la SPR a souligné que la «  jurisprudence canadienne indique que cette référence à la façon dont le Canada considère ce crime établit une présomption qu’il s’agit en l’occurrence d’un crime grave de droit commun ». Néanmoins, la SPR a conclu que la présomption pouvait être réfutée.

[10]           La SPR a examiné les prétentions du demandeur selon lesquelles « ce n’est que plus tard dans sa vie, qu’il est devenu conscient de l’importance et des effets des actes que l’on pose » et qu’il n’était pas « complètement conscient de la gravité » de sa décision de plaider coupable à l’accusation de trafic. L’avocat du demandeur a insisté sur les dix huit années qui s’étaient écoulées depuis ces événements ainsi que sur le fait que rien n’avait été ajouté au casier judiciaire du demandeur depuis.

 

[11]           La représentante du ministre a insisté sur la gravité de la peine imposée en 1991 et elle a fait remarquer que cette peine était venue après une condamnation antérieure en 1987 pour des accusations similaires. De plus, le demandeur avait également violé une ordonnance de ne pas retourner aux États-Unis.

 

[12]           L’avocat du demandeur a expliqué que le retour de celui-ci aux États-Unis était nécessaire pour « fuir la persécution et les dangers qu’il subissait en Colombie ».

 

[13]           La SPR a conclu qu’« [à] la lumière de l’ensemble du témoignage du demandeur ainsi qu’à la lumière des observations présentées tant par la Représentante du Ministre que par l’avocat du demandeur, […] la présomption voulant que les infractions pour lesquelles le demandeur a été reconnu coupable aux États-Unis d’Amérique en 1991 constituent un crime grave de droit commun, n’a pas été renversée ». La SPR n’a pas estimé nécessaire de déterminer si le demandeur avait purgé sa peine d’emprisonnement de huit ans ou plus aux États-Unis.

 

[14]           En résumé, la SPR a conclu que :

le Ministre a satisfait à son fardeau et que […] il y a des raisons sérieuses de penser que le demandeur a commis à l’extérieur du Canada un crime grave de droit commun, soit la possession de cocaïne dans le but d’en faire le trafic, crime qui, s’il avait été commis au Canada, serait punissable d’une peine d’emprisonnement à perpétuité.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[15]           Les questions en litige dans le cadre de la présente demande peuvent se résumer comme suit :

1.                  La SPR a-t-elle suffisamment motivé sa décision?

2.                  La SPR a-t-elle commis une erreur en n’appuyant pas sur une analyse sa décision d’exclure le demandeur en vertu de la section Fb) de l’article premier?

 


LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[16]           Les dispositions suivantes de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, du 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6 s’appliquent à la présente instance :

E. Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.

 

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

 

a) Qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;

 

b) Qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés;

 

c) Qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

 

E. This Convention shall not apply to a person who is recognized by the competent authorities of the country in which he has taken residence as having the rights and obligations which are attached to the possession of the nationality of that country.

 

F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

 

(a) he has committed a crime against peace, a war crime, or a crime against humanity, as defined in the international instruments drawn up to make provision in respect of such crimes;

 

 

(b) he has committed a serious non-political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee;

 

(c) he has been guilty of acts contrary to the purposes and principles of the United Nations.

 

 

[17]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent à la présente instance :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

Personne à protéger

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

 

Exclusion par application de la Convention sur les réfugiés

 

98. La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Person in need of protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

Person in need of protection

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

Exclusion — Refugee Convention

 

 

98. A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

 

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[18]           Dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la Cour suprême du Canada a statué qu’il n’était pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse de la norme de contrôle. Lorsque la norme de contrôle applicable à la question en litige est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut plutôt adopter cette norme de contrôle. Ce n’est que lorsque cette recherche est infructueuse que la cour de révision doit se livrer à l’analyse des quatre facteurs dont il est tenu compte dans l’analyse de la norme de contrôle.

 

[19]           Lorsqu’on traite des questions d’équité procédurale et de justice naturelle, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte. Voir Weekes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 293, 71 Imm. L.R. (3d) 4. La norme qui est donc applicable au contrôle du caractère suffisant des motifs de la SPR est celle de la décision correcte.

 

LES ARGUMENTS

            Le demandeur

                        Les motifs étaient insuffisants

 

[20]           Le demandeur fait valoir que l’analyse de la section Fb) de l’article premier par la SPR était [traduction] « tout à fait insuffisante ». Selon Jayasekara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 404, 305 D.L.R. (4th) 630,  au paragraphe 44 :

[…] les tribunaux s’entendent pour dire que l’interprétation de la clause d’exclusion de la section Fb) de l’article premier de la Convention exige, en ce qui concerne la gravité du crime, que l’on évalue les éléments constitutifs du crime, le mode de poursuite, la peine prévue, les faits et les circonstances atténuantes et aggravantes sous-jacentes à la déclaration de culpabilité [citations omises].

 

 

[21]           Bien que la SPR ait renvoyé à Jayasekara, elle n’a fait que résumer le témoignage du demandeur ainsi que les arguments de l’avocat et a conclu que la présomption n’avait pas été réfutée. Elle a commis une erreur en ne se livrant pas à l’analyse des facteurs énumérés dans Jayasekara. La décision ne montre pas comment la SPR est arrivée à sa conclusion.

 

[22]           Le demandeur soutient que l’obligation de motiver une décision a été énoncée dans VIA Rail Canada Inc. c. Lemonde, [2001] 2 C.F. 25, [2000] A.C.F. no 1685, aux paragraphes 21 et 22:

L'obligation de motiver une décision n'est remplie que lorsque les motifs fournis sont suffisants. Ce qui constitue des motifs suffisants est une question qui doit être tranchée en fonction des circonstances de chaque espèce. Toutefois, en règle générale, des motifs sont suffisants lorsqu'ils remplissent les fonctions pour lesquelles l'obligation de motiver a été imposée. Pour reprendre les termes utilisés par mon collègue le juge d'appel Evans [TRADUCTION] : "[t]oute tentative pour formuler une norme permettant d'établir le caractère suffisant auquel doit satisfaire un tribunal afin de s'acquitter de son obligation de motiver sa décision doit en fin de compte traduire les fins visées par l'obligation de motiver la décision".

 

On ne s'acquitte pas de l'obligation de donner des motifs suffisants en énonçant simplement les observations et les éléments de preuve présentés par les parties, puis en formulant une conclusion. Le décideur doit plutôt exposer ses conclusions de fait et les principaux éléments de preuve sur lesquels reposent ses conclusions. Les motifs doivent traiter des principaux points en litige. Il faut y retrouver le raisonnement suivi par le décideur et l'examen des facteurs pertinents.

 

[23]           En l’espèce, la SPR a fait précisément ce que VIA Rail a précisé de ne pas faire : elle a simplement énoncé les arguments et les preuves qui lui ont été présentés, puis elle a formulé une conclusion. La SPR a négligé d’aborder les questions majeures qu’elle avait à trancher, d’exposer son raisonnement et de faire ressortir son analyse des facteurs pertinents.

 

[24]           Le demandeur fait valoir qu’il n’est pas certain que la SPR a décidé que les circonstances atténuantes du demandeur avaient été [traduction] « “réfutées” par la preuve et les arguments du ministre ». Bien que le défendeur puisse tenter de se livrer à l’analyse qui aurait dû être faite par la SPR, le demandeur soutient que le défendeur ne peut pas défendre les motifs de la SPR en faisant [traduction] « référence aux conclusions et aux analyses auxquelles la SPR elle-même n’est pas arrivée ou auxquelles elle ne s’est pas livrée ».

 

[25]           Subsidiairement, le demandeur prétend que la SPR a commis une erreur en ne se livrant pas à l’analyse que commande la section Fb) de l’article premier et que, en conséquence, sa décision découle d’une erreur susceptible de contrôle.

 

Le défendeur

 

[26]           La SPR a commencé sa décision en admettant la présomption selon laquelle le crime perpétré en 1991 par le demandeur était un « crime grave de droit commun ». Elle a ensuite rappelé que, s’il avait été commis ici, ce crime aurait donné lieu à une peine d’emprisonnement à perpétuité.

 

[27]           Après avoir examiné la preuve au dossier, la SPR a déterminé que le demandeur n’avait pas réfuté la présomption selon laquelle le crime qu’il avait perpétré n’était pas un crime grave de droit commun. Les motifs de la SPR montrent qu’elle a pris en considération les facteurs atténuants invoqués par le demandeur. Cependant, il ressort manifestement de l’examen de la décision que la preuve et les arguments présentés par la représentante du ministre l’ont emporté sur ces facteurs atténuants.

 

[28]           Le défendeur soutient que la décision traite des facteurs énoncés dans Jayasekara. Par exemple, la SPR a pris en compte les éléments suivants :

a.                   La gravité du crime

                                                               i.      Le crime avait consisté en la possession de cinq onces de cocaïne dans le but d’en faire le trafic.

                                                             ii.      Le demandeur avait été condamné à une peine allant de huit ans d’emprisonnement à l’emprisonnement à perpétuité, mais avait été expulsé après environ six ans.

                                                            iii.      Le ministre a démontré que le demandeur était encore passible d’emprisonnement à perpétuité.

b.                  Les circonstances atténuantes

                                                               i.      Le temps qui s’est écoulée depuis le crime.

                                                             ii.      Le demandeur n’était pas conscient de la gravité de sa décision de plaider coupable.

c.                   Les circonstances aggravantes

                                                               i.      Le demandeur avait été condamné une autre fois pour trafic de stupéfiants.

                                                             ii.      Le demandeur avait violé une ordonnance de ne pas retourner aux États-Unis.

 

Ce n’est  qu’après s’être livrée à l’examen approfondi de ces facteurs que la SPR a conclu que le demandeur n’avait pas réfuté la présomption selon laquelle le crime qu’il avait perpétré était un crime grave de droit commun.

 

[29]           De plus, dans Liang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1501, 33 Imm. L.R. (3d) 262, au paragraphe 42, une affaire similaire à l’espèce, la Cour a statué qu’il ne fallait pas « scruter les motifs à la loupe et leur appliquer la norme de la perfection ». Les motifs doivent plutôt être interprétés dans leur ensemble. Le défendeur fait valoir que, lorsqu’on les interprète dans leur ensemble, les motifs énoncés par la SPR sont suffisants et étayent la conclusion.

L’ANALYSE

 

[30]           Je souscris à la thèse du défendeur selon laquelle les motifs ne peuvent pas être parfaits et qu’ils convient de les examiner dans le contexte global de la décision et des faits particuliers de chaque espèce. Voir Via Rail, précité, aux paragraphes 21 e  22.

 

[31]           En l’espèce, la SPR a certainement renvoyé à Jayasekara et énuméré les facteurs qui y sont énoncés, et j’estime que le demandeur a raison de dire que, implicitement du moins, la SPR  a manifestement démontré un processus d’appréciation et que, en définitive, elle a décidé que les facteurs atténuants invoqués par le demandeur ne suffisaient pas à réfuter la présomption d’un crime grave de droit commun. Or la décision ne va pas plus loin.

 

[32]           Nous ne connaissons pas les raisons pour lesquelles la SPR a conclu que certains facteurs étaient plus convaincants que d’autres. Il n’y a pas d’évaluation véritable des divers facteurs ni rien qui explique comment et pourquoi la SPR est arrivée à sa conclusion. La décision n’est encore qu’une énumération de facteurs suivie d’une conclusion imprécise, même s’il est clair, implicitement, que la SPR n’a pas considéré les circonstances atténuantes invoquées par le demandeur comme suffisamment convaincantes pour réfuter la présomption.

 

[33]           Par conséquent, à mon avis, la décision penche du côté de l’inéquité procédurale parce que ni le demandeur ni la Cour ne peuvent dire pourquoi les circonstances atténuantes, si on les évalue en fonction des autres aspects du crime, n’avaient pas suffisamment de poids pour réfuter la présomption. La décision demeure une suite de rappels des observations et des éléments de preuve soumis par les parties, suivie par une conclusion vague. À ce titre, la décision ne peut être confirmée. Voir, par exemple, S.A. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 515, [2006] A.C.F. no 659, aux paragraphes 17 et 18.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

 

1.                  La demande est accueillie. La décision est annulée et renvoyée à un tribunal différemment constitué pour réexamen.

2.                  Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


 

COUR FÉRÉALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2723-09

 

INTITULÉ :                                       GUSTAVO ADOLFO POGGIO GUERRERO       

                                            

                                                                                                                      DEMANDEUR               

                                                            -   et   -

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION                                                                                

                                                           

                                                                                                                      DÉFENDEUR

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 3 mars 2010

                                                           

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 12 avril 2010

 

 

COMPARUTIONS :   

 

Clifford Luyt                                                                             POUR LE DEMANDEUR

                                                                                                                                                      

Ladan Shahrooz                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

                                   

                              

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :    

 

D. Clifford Luyt                                                                        POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario) 

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

                                                                             

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