Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20100409

Dossier : IMM-2407-09

Référence : 2010 CF 363

Ottawa (Ontario), le 9 avril 2010

En présence de monsieur le juge O'Reilly

 

 

ENTRE :

GERARDO MARINHO ENRIQUEZ PALACIOS

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.                    Aperçu

[1]               M. Gerardo Marinho Enriquez Palacios est entré au Canada en provenance du Mexique en 2006. Il a demandé l’asile, alléguant qu’il était menacé par l’un des auteurs d’un meurtre dont il avait été témoin à Acapulco. Un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a entendu puis rejeté sa demande en 2009. La Commission a conclu que M. Enriquez Palacios n’avait pas réussi à prouver qu’il était objectivement déraisonnable qu’il se réclame de la protection de l’État du Mexique.

 

[2]               M. Enriquez Palacios soutient que la Commission a commis une erreur dans son analyse de la question de la protection de l’État. Il me demande de renvoyer l’affaire à la Commission pour qu’un tribunal différemment constitué statue sur elle. Je suis d’avis que la Commission a effectivement commis une erreur et j’accueillerai donc sa demande de contrôle judiciaire.

 

[3]               M. Enriquez Palacios a soulevé plusieurs questions. Compte tenu de ma conclusion au sujet de la protection de l’État, il n’est pas nécessaire que j’examine les autres questions. La question en l’espèce est de savoir si la conclusion de la Commission, selon laquelle M. Enriquez Palacios n’aurait pas réussi à prouver l’absence de protection de l’État, était déraisonnable.

II.         Analyse

 

(a)  La décision de la Commission

 

[4]               M. Enriquez Palacios a témoigné avoir reçu des menaces après s’être adressé à la police au sujet d’un meurtre dont il avait été témoin. Les menaces n’ont pas cessé, même après qu’il eut quitté Acapulco. En 2006, il a été enlevé et battu. Malgré ses déplacements successifs, les menaces ont continué. Il s’est alors enfui au Canada.

 

[5]               M. Enriquez Palacios a affirmé n’avoir pas signalé l’enlèvement et les coups à la police parce qu’il n’avait pas confiance en elle. Au Mexique, plusieurs policiers seraient corrompus.

 

[6]               Sur le fondement de ce témoignage, la Commission a conclu qu’aucune preuve n’étayait l’idée qu’il était objectivement déraisonnable que M. Enriquez Palacios signale à la police les mauvais traitements qu’il avait subis. La Commission a reconnu l’existence de problèmes de corruption au Mexique, mais a toutefois souligné que l’État s’efforce de brider la malhonnêteté au sein des services de police. La Commission a ainsi conclu : « En l’espèce, il n’y a aucun motif qui démontre pourquoi le demandeur d’asile ne pouvait pas s’adresser aux autorités pour s’informer de la protection dont il pouvait bénéficier. »


(b)   La conclusion de la Commission
à l’égard de la protection de l’État était-elle déraisonnable?

 

[7]               Les réfugiés sont des personnes qui craignent avec raison d’être persécutées et ne peuvent ou, de ce fait, ne veulent se réclamer de la protection du pays dont elles ont la nationalité (Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, al. 96a)). Ainsi, une personne qui refuse de s’adresser à la police par crainte des conséquences qui pourraient en découler peut avoir la qualité de réfugié.

 

[8]               À l’audience, M. Enriquez Palacios a expliqué sa crainte de s’adresser à la police. Il a affirmé que celle-ci lui avait fait des menaces lorsqu’il s’était montré récalcitrant à fournir des renseignements au sujet du meurtre. Il avait aussi déposé auprès de la police, par l’entremise de son avocat, une dénonciation des menaces de mort qu’il avait reçues. Peu de temps après, il avait été enlevé et battu. Ses ravisseurs lui ont dit qu’il serait tué s’il s’adressait encore à la police. Il a affirmé : [traduction] « J’étais trop effrayé pour faire quoi que ce soit et je ne voulais vraiment pas communiquer avec la police. »

 

[9]               La Commission a affirmé que le témoignage de M. Enriquez Palacios se résumait à « [u]ne affirmation générale selon laquelle il existe de la corruption dans les services de police au Mexique ». En toute équité, la preuve fournie par M. Enriquez Palacios n’était pas qu’une condamnation de la police en général. Il a livré un témoignage détaillé concernant les menaces proférées directement par la police, les menaces de mort proférées contre lui après qu’il se fut adressé à la police, son enlèvement et les coups qu’il avait reçus après avoir signalé ces menaces de mort à la police et l’ultime menace de mort qui serait mise à exécution s’il communiquait encore avec la police.

 

[10]           La Commission a commis une erreur en concluant qu’aucune preuve n’appuyait l’affirmation de M. Enriquez Palacios qu’il ne pouvait se réclamer de la protection de l’État. Il se peut que la Commission n’ait pas donné foi au témoignage de M. Enriquez Palacios à cet égard. Si tel était le cas, elle a toutefois omis d’en motiver le rejet.

 

[11]           En conséquence, j’en conclus que la décision de la Commission concernant la question de la protection de l’État, sur le fondement de laquelle M. Enriquez Palacios s’est vu refuser l’asile, était déraisonnable. Elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

III. Conclusion et décision

 

[12]           La Commission n’a pas tenu compte des raisons fournies par M. Enriquez Palacios pour expliquer sa crainte de communiquer avec la police. Dès lors, sa conclusion selon laquelle il aurait omis de fournir des preuves à l’appui de son refus de se réclamer de la protection de l’État était déraisonnable. Je devrai ainsi accueillir la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des deux parties n’a proposé que soit certifiée une question de portée générale et aucune ne sera énoncée.


 

 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à la Commission pour qu’un tribunal différemment constitué statue sur elle.

2.                  Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2407-09

 

INTITULÉ :                                       PALACIOS c. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 19 NOVEMBRE 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 9 AVRIL 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andréa de Rocquigny

POUR LE DEMANDEUR

 

W. Brad Hardstaff

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

ANDREA DE ROCQUIGNY

Montréal (Québec)

 

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procudeur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.