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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20100409

Dossier : IMM-2858-09

Référence : 2010 CF 371

Ottawa (Ontario), le 9 avril 2010

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

ENTRE :

JOHN XAVIER NAZERETH

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.               Aperçu

 

 

[1]               Monsieur John Xavier Nazereth est arrivé au Canada en 2006. Il soutient qu’il a fui son pays d’origine, l’Inde, parce qu’il était persécuté par des extrémistes hindous qui s’opposaient à ses activités religieuses en tant que catholique pratiquant.

 

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a entendu la demande d’asile au Canada de M. Nazereth et l’a rejetée. La Commission a admis certaines parties du compte rendu des événements de M. Nazereth, mais elle a estimé que d’autres parties étaient exagérées. Elle a aussi conclu que M. Nazereth pouvait vivre en sécurité en Inde, en particulier dans l’État du Tamil Nadu, où il avait vécu pendant plusieurs mois avant de venir au Canada.

 

[3]               Monsieur Nazereth soutient que la Commission l’a traité de manière inéquitable et qu’elle a conclu de manière déraisonnable qu’il pouvait vivre en sécurité dans l’État du Tamil Nadu. Il me demande d’ordonner la tenue d’une nouvelle audience devant un tribunal différemment constitué de la Commission.

 

[4]               Je ne vois aucune raison d’infirmer la décision de la Commission, et je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

II.            Questions en litige

[5]               Il y a deux questions en litige :

(1)        La Commission a-t-elle traité M. Nazereth de manière inéquitable en ne l’avisant pas qu’elle examinait s’il était possible pour lui de vivre en sécurité dans l’État du Tamil Nadu?

(2)        La conclusion de la Commission selon laquelle M. Nazereth pouvait vivre en sécurité dans l’État du Tamil Nadu était-elle déraisonnable?


 

III.       Analyse

 

a)         Le contexte factuel

 

[6]               Monsieur Nazereth était un catholique pratiquant, et il a participé à des œuvres missionnaires dans sa ville natale, Trivandrum (Kerala), en Inde. Il a participé à la conversion d’au moins un hindou, et c’est ainsi qu’il a attiré l’attention d’extrémistes hindous. En 2005, au cours d’une procession célébrant l’anniversaire de son église, des extrémistes ont lancé des bombes et ont agressé plusieurs participants. Après cette attaque, la famille de M. Nazereth a été menacée et harcelée. Il a décidé de quitter sa ville natale.

 

[7]               Monsieur Nazereth a déménagé à Puthu Kadai, un village situé dans l’État du Tamil Nadu. Il affirme qu’il a tenté d’y ouvrir un compte bancaire, mais que sa démarche a signalé sa présence à la police. En 2006, après que la police fut venue chez lui à Puthu Kadai, il a décidé de venir au Canada.

 

b)         La décision de la Commission

 

[8]               La Commission a relevé plusieurs contradictions dans le compte rendu des événements de M. Nazereth, mais elle a néanmoins conclu qu’il avait bel et bien participé à des activités religieuses chrétiennes et qu’il avait participé à la conversion d’un hindou au catholicisme. La Commission a reconnu que, dans certaines régions de l’Inde, les chrétiens sont maltraités par des extrémistes hindous.

 

[9]               Cependant, la Commission a conclu que M. Nazereth pouvait vivre en sécurité dans l’État du Tamil Nadu : c.-à-d. qu’il avait une « possibilité de refuge intérieur » (PRI). Elle a conclu qu’il n’y avait aucune possibilité sérieuse de persécution, et qu’il n’était pas déraisonnable pour M. Nazereth de trouver refuge dans l’État du Tamil Nadu. La Commission a fait remarquer que M. Nazereth n’avait subi aucune persécution dans l’État du Tamil Nadu; en fait, personne ne le cherchait depuis plus de trois ans. De nombreux chrétiens vivent dans l’État du Tamil Nadu et pratiquent leur foi ouvertement. M. Nazereth y avait vécu en sécurité, et il avait de la parenté dans les environs. La Commission n’a pas cru M. Nazereth lorsqu’il a dit que la police l’avait recherché dans l’État du Tamil Nadu.

 

1.         La Commission a-t-elle traité M. Nazereth de manière inéquitable en ne l’avisant pas qu’elle examinait s’il était possible pour lui de vivre en sécurité dans l’État du Tamil Nadu?

 

[10]           Lors de l’audience, la Commission a soulevé la question de savoir si celui-ci avait une PRI en Inde. Elle a évoqué précisément deux refuges possibles – New Delhi et Mumbai. Pour être équitable envers le demandeur d’asile, la Commission doit l’aviser qu’elle envisage une PRI précise afin que le demandeur d’asile puisse aborder cette question dans son témoignage ou au moyen d’éléments de preuve documentaire : Arunasalam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 885.

 

[11]           Monsieur Nazereth soutient que, puisque la Commission a évoqué précisément New Delhi et Mumbai, il n’a pas été avisé que la Commission envisageait l’État du Tamil Nadu comme PRI potentielle. À mon avis, la prétention de M. Nazereth est exagérément formaliste.

 

[12]           Le demandeur d’asile a le fardeau d’établir une crainte bien fondée de persécution dans son pays d’origine. Dans le cas de M. Nazereth, celui-ci devait démontrer qu’il avait été persécuté dans sa ville natale de Trivandrum (Kerala) et à Puthu Kadi (Tamil Nadu). Relativement à Puthu Kadi, M. Nazereth devait démontrer pourquoi il ne s’y sentait pas en sécurité et pourquoi il devait demander l’asile au Canada. D’après sa propre version des événements, il s’était enfui dans l’État du Tamil Nadu parce qu’il estimait que ce serait un endroit convenable et sûr où vivre. Je ne vois pas comment il peut prétendre avoir subi un préjudice du fait que la Commission ait envisagé une proposition qu’il avait lui-même mise de l’avant. Il n’a pas pu être pris par surprise. Il a présenté des éléments de preuve au sujet de la situation qu’il avait connue dans l’État du Tamil Nadu, et il a été interrogé au sujet de ses expériences dans cet État. Par conséquent, je ne puis voir aucune iniquité dans le fait que la Commission ait envisagé une PRI dans l’État du Tamil Nadu.

 

2.         La conclusion de la Commission selon laquelle M. Nazereth pouvait vivre en sécurité dans l’État du Tamil Nadu était-elle déraisonnable?

 

[13]           Monsieur Nazereth soutient que la conclusion de la Commission au sujet de la PRI est erronée à trois égards. Premièrement, il soutient que la Commission n’a pas identifié la PRI avec suffisamment de précision. L’État du Tamil Nadu est immense, et il compte une population de 62 millions d’habitants. Deuxièmement, M. Nazereth soutient que la Commission a commis une erreur en concluant qu’il n’avait pas de crainte bien fondée de persécution dans l’État du Tamil Nadu. Enfin, il soutient que la Commission n’a pas convenablement analysé le caractère raisonnable de la PRI dans la situation particulière de M. Nazereth.

 

[14]           À mon avis, la conclusion de la Commission selon laquelle M. Nazereth avait une PRI dans l’État du Tamil Nadu était raisonnable.

 

[15]           Premièrement, la Commission a identifié une PRI probable dans l’État du Tamil Nadu avec suffisamment de précision. Il est insuffisant pour la Commission de se borner à formuler de vagues suggestions comme, par exemple, d’affirmer qu’un demandeur d’asile pourrait vivre « ailleurs au Pakistan » (Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 237) ou « ailleurs au Mexique » (Mendoza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 387). Toutefois, en l’espèce, la Commission a identifié une région géopolitique précise et bien définie.

 

[16]           Deuxièmement, la Commission a conclu que M. Nazereth ne serait vraisemblablement pas persécuté dans l’État du Tamil Nadu parce qu’elle n’a pas cru son témoignage sur ce point. La Commission a relevé des contradictions entre son exposé écrit et son témoignage de vive voix. Dans son exposé écrit, M. Nazereth a dit que la police était venue à sa recherche après qu’il eut tenté d’ouvrir un compte bancaire. Dans son témoignage de vive voix, il a dit qu’il n’avait pas présenté sa carte d’identité à la banque parce qu’il ne voulait pas être retracé. En outre, il n’y avait aucun élément de preuve indiquant que M. Nazereth avait été ciblé par des extrémistes hindous dans l’État du Tamil Nadu, bien qu’il continuât d’aller à l’église. Je ne vois rien de déraisonnable dans la conclusion de la Commission.

 

[17]           Troisièmement, pour ce qui concerne le caractère raisonnable de l’État du Tamil Nadu comme PRI, la Commission a souligné que M. Nazereth y avait vécu sans incident pendant plusieurs mois. La Commission a pris en compte l’importante minorité chrétienne et l’absence relative d’extrémistes hindous. M. Nazereth avait de la parenté dans les environs. Là encore, je ne vois rien de déraisonnable dans l’analyse de la Commission.

 

IV.       Conclusion et décision

 

[18]           Monsieur Nazereth n’a pas été traité de manière inéquitable du fait que la Commission a envisagé une PRI potentielle dans l’État du Tamil Nadu. Quoi qu’il en soit cas, M. Nazereth était tenu de démontrer qu’il avait une crainte bien fondée de persécution dans cet État et qu’il avait des motifs valables de demander l’asile au Canada. La façon dont la Commission a traité de cette question ne lui a pas porté préjudice. En outre, la conclusion de la Commission selon laquelle l’État du Tamil Nadu était une PRI viable n’était pas déraisonnable, compte tenu des éléments de preuve dont disposait la Commission. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question de portée générale n’est formulée.


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est formulée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2858-09

 

INTITULÉ :                                       NAZERETH c. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 13 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      le 9 avril 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kumar Sriskanda

POUR LE DEMANDEUR

 

Nadine Silverman

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

KUMAR S. SRISKANDA

Avocat

Scarborough (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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