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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20100409

Dossier : IMM-2734-09

Référence : 2010 CF 366

Ottawa (Ontario), le 9 avril 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’REILLY

 

 

ENTRE :

CURTIS LANCELOT SKERRITT

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.        Aperçu

 

 

[1]               Monsieur Curtis Lancelot Skerritt voulait rouvrir un appel d’une mesure d’expulsion prise contre lui. Il dit qu’il n’a jamais reçu aucun avis l’informant que l’audience relative à son appel était imminente, mais qu’il a reçu un avis l’informant que le désistement de son appel avait été prononcé. À ce stade, il a demandé à la Section d’appel de l’immigration (SAI) de rouvrir son appel, mais la SAI a rejeté sa demande au motif qu’il n’avait démontré aucune violation des règles de justice naturelle.

 

[2]               Monsieur Skerritt soutient que la SAI a commis une erreur dans sa conclusion, et il me demande d’ordonner qu’un autre commissaire réexamine sa demande. Je suis d’accord avec M. Skerritt pour dire que la Commission a commis une erreur, et j’accueillerai la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[3]               La seule question en litige est celle de savoir si la SAI a erré en concluant qu’il n’y avait eu aucune violation des règles de justice naturelle.

 

II.     Analyse

 

a)      Le contexte factuel

 

[4]               Monsieur Skerritt est venu au Canada en 1971, et il a obtenu la résidence permanente ici. En 2004, il a été déclaré coupable de harcèlement criminel, ce qui a mené à la prise d’une mesure d’expulsion contre lui en 2007. M. Skerritt a interjeté appel auprès de la SAI.

 

[5]               En 2008, M. Skerritt a déménagé, et il a avisé la SAI de sa nouvelle adresse résidentielle. Le 15 octobre 2008, la SAI a envoyé à M. Skerritt, à sa nouvelle adresse, un avis l’informant de comparaître à l’audience relative à son appel le 5 novembre 2008. M. Skerritt ne s’est pas présenté. La SAI a alors envoyé à M. Skerritt des avis lui enjoignant de comparaître à une audience sur son défaut de comparaître, fixée au 5 janvier 2009. Là encore, M. Skerritt ne s’est pas présenté.

 

[6]               Le 13 février, la SAI a prononcé le désistement de l’appel de M. Skerritt. Le tribunal a inféré que, puisqu’aucune correspondance envoyée à M. Skerritt n’avait été retournée avec la mention « non livré », M. Skerritt avait dû recevoir les avis. La décision a été envoyée à M. Skerritt. Celui-ci a tout de suite répondu à la SAI. Dans sa lettre, il a affirmé qu’il n’avait reçu aucune correspondance concernant son appel et il a demandé à la SAI de le rouvrir.

 

[7]               Toute la correspondance que la SAI a adressée à M. Skerritt a été envoyée par courrier ordinaire.

 

b)      La décision de la SAI

 

[8]               La SAI a admis la lettre de M. Skerritt à titre de demande de réouverture d’un appel en vertu de l’article 71 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (les dispositions pertinentes sont reproduites à l’annexe A). En vertu de cette disposition, la SAI peut rouvrir un appel « sur preuve de manquement à un principe de justice naturelle ».

 

[9]               La SAI a examiné la question de savoir s’il y avait eu une violation des principes de justice naturelle, en particulier, si la SAI avait omis d’aviser M. Skerritt de son appel. En vertu des Règles de la SAI, celle-ci doit donner avis des date, lieu et heure d’une audience (Règles de la Section d’appel de l’immigration, DORS/2002-230, article 23).

 

[10]           La SAI a également cité le paragraphe 36(2) des Règles, qui énonce que les documents envoyés par courrier ordinaire sont considérés comme ayant été reçus sept jours après leur mise à la poste. La SAI a fait remarquer qu’aucun des avis envoyés à M. Skerritt n’avait été retourné. Elle les a donc considérés comme ayant été reçus. M. Skerritt a évidemment reçu l’avis de désistement, puisque cet avis l’a amené à demander la réouverture de son appel.

 

[11]           Compte tenu de ces faits et des Règles, la SAI a conclu que M. Skerritt n’avait pas réussi à démontrer qu’elle avait violé un principe de justice naturelle, et elle a rejeté sa demande.

 

c)      La SAI a-t-elle commis une erreur?

 

[12]           Je peux infirmer la décision de la SAI si celle-ci a commis une erreur de droit, si ses conclusions de fait étaient déraisonnables, ou si ses motifs étaient insuffisants. En l’espèce, les arguments de M. Skerritt peuvent être qualifiés de différentes façons – que la SAI a mal interprété les Règles, qu’elle a tiré une conclusion de fait déraisonnable lorsqu’elle a conclu que M. Skerritt avait reçu les avis, ou que ses motifs étaient insuffisants parce que ses conclusions ne sont pas claires. J’estime que la démarche la plus simple consiste à analyser la décision de la SAI au regard du critère du caractère suffisant de ses motifs.

 

[13]           Le raisonnement de la Commission était le suivant :

•           les avis sont considérés comme ayant été reçus sept jours après leur mise à la poste par courrier ordinaire;

•           la bonne adresse a été utilisée;

•           aucun des avis n’a été retourné;

•           M. Skerritt a reçu l’avis de désistement;

•           par conséquent, il n’y a eu aucune violation des principes de justice naturelle.

 

[14]           La décision de la SAI comporte une conclusion implicite selon laquelle M. Skerritt n’était pas crédible lorsqu’il affirmait ne pas avoir reçu les avis. En outre, la SAI semble avoir considéré le fait que M. Skerritt avait répondu à l’avis de désistement comme une preuve qu’il avait aussi reçu les avis antérieurs. La SAI ne semble pas avoir envisagé l’autre possibilité logique – le fait que M. Skerritt ait répondu rapidement à l’avis de désistement démontrait son intention de poursuivre son appel et, par conséquent, s’il avait reçu les avis antérieurs, il aurait probablement assisté à l’audience. Quoi qu’il en soit, bien que la Commission n’ait tiré expressément aucune conclusion défavorable au sujet de la crédibilité de M. Skerritt, son raisonnement dépend de cette conclusion.

 

[15]           Je suis très sensible à la situation dans laquelle la SAI se trouvait ici. Elle a reçu une note manuscrite presqu’illisible de M. Skerritt alléguant qu’il n’avait pas reçu d’avis. À sa décharge, la SAI a considéré la note comme une demande de réouverture de l’appel, et elle s’est interrogée sérieusement quant à savoir si elle devrait accéder à cette demande. Cependant, la générosité de la SAI a eu comme désavantage du point de vue de M. Skerritt que celui-ci n’a jamais eu l’occasion de présenter une meilleure preuve (p. ex., un affidavit) ou des observations plus complètes à la SAI avant que celle-ci statue sur la question de savoir si elle devrait rouvrir l’appel.

 

[16]      Puisque les motifs de la SAI ne sont pas suffisamment clairs, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire.

 

III.      Conclusion et décision

 

[17]           À mon avis, les motifs de la Commission sont insuffisants parce qu’ils ne traitent expressément d’un élément important de son raisonnement, à savoir que l’affirmation de M. Skerritt selon laquelle il n’avait pas reçu l’avis l’informant de la tenue de l’audience relative à son appel ne devait pas être crue. En conséquence, j’accueillerai la présente demande de contrôle judiciaire et j’ordonnerai qu’un autre commissaire de la SAI réexamine la demande de M. Skerritt. Les parties ont demandé la possibilité de présenter des observations au sujet d’une question de portée générale aux fins de certification. J’examinerai toute observation déposée dans les dix jours du présent jugement.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour réexamen.

2.                  Aucune question de portée générale n’est formulée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


1.                  Annexe « A »

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés L.C. 2001, ch. 27

 

Réouverture de l’appel

71. L’étranger qui n’a pas quitté le Canada à la suite de la mesure de renvoi peut demander la réouverture de l’appel sur preuve de manquement à un principe de justice naturelle.

 

 

Règles de la section d’appel de l’immigration, DORS/2002-230

 

Avis de convocation

23. La Section avise les parties des date, heure et lieu d’une procédure.

 

Immigration and Refugee Protection Act, S.C. 2001, c. 27

 

Reopening appeal

71. The Immigration Appeal Division, on application by a foreign national who has not left Canada under a removal order, may reopen an appeal if it is satisfied that it failed to observe a principle of natural justice.

 

Immigration Appeal Division Rules, SOR/2002-230

 

Notice to appear

23. The Division must notify the parties of the date, time and location of a proceeding.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2734-09

 

INTITULÉ :                                       SKERRITT c. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 12 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ETJUGEMENT :                               LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      le 9 avril 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Joshua Lang

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Tamrat Gebeyehu

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

BELLISSIMO LAW GROUP

ORMSTON, BELLISSIMO, ROTENBERG

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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