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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100401

Dossier : IMM-4004-09

Référence : 2010 CF 360

Ottawa (Ontario), le 1er avril 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MAINVILLE

 

 

ENTRE :

MERCEDES ROSALES UTRERA

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Mercedes Rosales Utrera (la demanderesse) demande, en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), le contrôle judiciaire de la décision du 20 juillet 2009, dont le numéro de dossier est le TA8-06636, par laquelle le tribunal de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) a rejeté la demande d’asile qu’elle avait présentée en vertu l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi.

[2]               La présente demande est rejetée pour les motifs exposés ci-dessous. En bref, la décision du tribunal était fondée sur des conclusions de fait, dont une évaluation de la crédibilité de la demanderesse. Le tribunal n’a pas cru certains aspects importants du témoignage de la demanderesse concernant son conjoint de fait violent, en grande partie compte tenu du fait que la demanderesse avait donné plusieurs versions différentes de son récit dans le passé. En outre, le tribunal a conclu que la demanderesse avait une possibilité de refuge intérieur au Mexique. Ces conclusions étaient bien exposées, et elles appartenaient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

 

Le contexte

 

[3]               La demanderesse est une citoyenne du Mexique qui s’est engagée en 2005 dans une union de fait avec un professeur d’université en physique. Le couple résidait à Veracruz. Le conjoint de la demanderesse est devenu violent, et son comportement agressif a abouti à la commission d’une agression sur la demanderesse le 2 janvier 2007. La demanderesse a signalé cet incident à la police, mais ne se sentant pas en sécurité au Mexique, elle a décidé de quitter pour venir au Canada le 31 mai 2007 afin de demander l’asile.

 

 

L’analyse

 

[4]               La norme de contrôle applicable aux décisions de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié en ce qui a trait à des questions d’évaluation de la crédibilité des témoins et d’appréciation de la preuve est celle de la décision raisonnable : Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1993) 160 N.R. 315, [1993] A.C.F. no 732 (QL). au paragraphe 4; Sukhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 427, [2008] A.C.F. no 515 (QL), au paragraphe 15; Sierra c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 50, [2010] A.C.F. no 515 49 (QL), au paragraphe 25. J’appliquerai donc cette norme au présent contrôle judiciaire. Par conséquent, mon analyse portera sur « la justification de la décision, […] la transparence et […] l’intelligibilité du processus décisionnel » et « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 (QL), au paragraphe 47).

 

[5]               Le tribunal était préoccupé par le fait que la demanderesse avait présenté différentes versions de son récit. Les autorités de l’immigration lui ont fait passer une entrevue le 1er juin 2007, elle a rempli son formulaire de renseignements personnels avec l’aide d’un conseiller juridique en juin 2007, et elle a modifié son formulaire de renseignements personnels en octobre 2008. Pourtant, à chacune de ces occasions, elle n’a pas indiqué qu’elle avait été enlevée à Mexico en novembre 2006 puis ramenée de force auprès de son conjoint de fait par des hommes qui agissaient pour le compte de ce dernier. La demanderesse n’a évoqué ce dernier événement pour la première fois que le 2 avril 2009, peu de temps avant son audience devant le tribunal.

 

[6]               La demanderesse a expliqué que cette importante omission résultait du traumatisme psychologique dont elle avait souffert après avoir été maltraitée, et elle a produit le rapport d’un psychologue dans lequel il était indiqué qu’elle souffrait d’un trouble de stress post-traumatique. Le tribunal a admis ce diagnostic, mais il n’a rien trouvé dans le rapport psychologique qui puisse expliquer une perte de mémoire, particulièrement à l’égard d’un événement aussi important qu’un enlèvement. Le tribunal a fait remarquer que la demanderesse n’avait semblé éprouver aucune difficulté à se souvenir de l’agression sexuelle qu’elle avait subie dans son enfance, et il n’a donc pas trouvé crédible que la demanderesse ait pu tout simplement oublier avoir été enlevée à l’âge adulte.

 

[7]               Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer comment son conjoint de fait avait pu la trouver à Mexico pour l’enlever, la demanderesse a affirmé devant le tribunal que son conjoint était un trafiquant de drogue, une allégation qui n’apparaissait dans aucune de ses déclarations antérieures et qu’elle a formulée pour la première fois à l’audience.

 

[8]               Dans sa décision, le tribunal a admis que la demanderesse avait vécu une relation de violence avec son conjoint de fait, mais il n’a pas cru que la demanderesse avait été enlevée ni que son conjoint était un trafiquant de drogue. Le tribunal a conclu en outre que peu d’éléments de preuve lui avaient été présentés pour démontrer que son ex-conjoint de fait était encore intéressé à la retrouver. Le tribunal a fait observer que, depuis que la demanderesse avait quitté le Mexique, l’intérêt de son ex-conjoint à son égard s’était estompé; depuis, il s’était borné à appeler de temps à autre chez la mère de la demanderesse. Ces conclusions de fait sont toutes raisonnables dans les circonstances de la présente espèce.

 

[9]               Le tribunal est donc arrivé à la conclusion raisonnable qu’il n’y avait tout au plus qu’une simple possibilité que la demanderesse soit persécutée par son ex-conjoint de fait si elle retournait au Mexique.

 

[10]           Quoi qu’il en soit, le tribunal a aussi conclu que la demanderesse avait une possibilité de refuge intérieur, à savoir à Monterrey, où elle pourrait vivre en sécurité sans que son ex-conjoint de fait ne risque de lui infliger de préjudices graves. La demanderesse n’a pas fait valoir que le tribunal avait appliqué le mauvais critère juridique lorsqu’il avait conclu qu’elle avait une possibilité de refuge intérieur. Elle a plutôt soutenu que cette conclusion était erronée, étant donné le fait que son ex-conjoint de fait était un trafiquant de drogue, et qu’il pouvait donc retrouver la demanderesse n’importe où au Mexique. Puisque le tribunal n’a pas retenu cette prétention, et puisque cette conclusion de fait était elle-même raisonnable, la conclusion générale selon laquelle la demanderesse avait une possibilité de refuge intérieur au Mexique est aussi raisonnable.

 

[11]           À l’audience devant notre Cour, le procureur de la demanderesse a contesté de façon détaillée les conclusions du tribunal au sujet de la disponibilité de la protection de l’État. Ces contestations des conclusions du tribunal au sujet de la disponibilité de la protection de l’État sont toutes fondées sur des faits que le tribunal a rejetés pour des motifs raisonnables. Quoi qu’il en soit, puisque le tribunal a conclu pour des motifs raisonnables qu’il n’y avait tout au plus qu’une simple possibilité que la demanderesse soit persécutée par son ex-conjoint de fait si elle retournait au Mexique, et qu’elle avait aussi une possibilité de refuge intérieur au Mexique, je n’ai pas besoin d’examiner davantage les conclusions relatives à la question de la protection de l’État.

 

[12]           L’issue de la présente affaire dépend essentiellement de questions de faits, en particulier, de la crédibilité de la demanderesse. Or, comme je l’ai déjà indiqué, le tribunal a très bien exposé ses conclusions de fait et celles concernant la crédibilité, et ces conclusions appartenaient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[13]           Ces dernières années, la Cour suprême a clairement affirmé que, lorsqu’elle examine la décision d’un tribunal administratif, une cour supérieure devrait éviter de substituer sa propre appréciation de la preuve à celle du tribunal. Sa conclusion s’applique d’autant plus lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, le tribunal administratif a eu l’occasion d’entendre le témoignage de vive voix et qu’il est donc bien mieux placé pour évaluer la crédibilité des témoins. Le rôle de notre Cour consiste à s’assurer que le tribunal a exécuté son mandat en conformité avec le cadre législatif établi par sa loi constitutive et en tenant dûment compte des règles d’équité et de justice fondamentale. Pour peu que le tribunal ait agi en conformité avec ce cadre législatif et qu’il ait adhéré aux règles de justice fondamentale, une cour de révision ne devrait pas intervenir à moins que la décision soit déraisonnable. Les conclusions du tribunal en l’espèce ne sont pas déraisonnables.

 

[14]           La présente affaire ne soulève aucune question de portée générale qui doive être certifiée en vertu de l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Par conséquent, aucune question semblable ne sera certifiée.

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Robert M. Mainville »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4004-09

 

 

INTITULÉ :                                      MERCEDES ROSALES UTRERA c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 23 mars 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Mainville

 

 

DATE DES MOTIFS :                      le 1er avril 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Philip Varickanickal

 

POUR LA DEMANDERESSE

Kevin Doyle

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GERTLER ETIENNE, LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, C.R.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEREUR

 

 

 

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