Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20100330

Dossier : T-966-08

Référence : 2010 CF 342

Ottawa (Ontario), le 30 mars 2010

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

Entre :

BERNADETTE DUMAIS

demanderesse

et

 

LA PREMIÈRE NATION NO 468 DE FORT MCMURRAY

ET ALBERT CREE

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.    Aperçu

 

[1]               Mme Bernadette Dumais est un membre de la Première nation de Fort McMurray (PNFM) et une ancienne conseillère de bande. Elle s’est présentée au poste de chef lors d’une élection tenue en avril 2008, mais elle a été défaite par un vote serré. Mme Dumais soutient que de graves problèmes sont survenus durant l’élection. Elle soutient notamment que la liste des électeurs n’a pas été affichée conformément au Règlement de la PNFM sur les élections. De plus, elle prétend que des circonstances suspectes entourent l’élection et l’amènent à penser que des partisans des personnes élues à l’époque ont reçu des faveurs en échange de leur vote.

[2]               Pour ces motifs, Mme Dumais conteste les résultats de l’élection. Un comité d’appel a rejeté son appel, concluant qu’il n’y avait pas suffisamment de preuve pour appuyer les allégations de Mme Dumais. Celle-ci soutient maintenant que le comité a erré en n’annulant pas les résultats de l’élection. Toutefois, je ne vois aucun motif d’annuler la décision prise par le comité et, en conséquence, je dois rejeter la demande de contrôle judiciaire.

 

II.     Questions en litige

[3]               Il y a deux questions en litige :

 

1.         Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision du comité?

2.         Le comité a-t-il commis une erreur de droit ou d’appréciation des faits en rejetant l’appel de Mme Dumais?

 

III. Analyse

 

A.  Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision du comité?

 

[4]               La norme de contrôle applicable à la décision d’un comité d’appel a été abordée par la juge Eleanor Dawson dans Giroux c. Première nation de Swan River, 2006 CF 285. Elle a conclu que la norme appropriée est celle de la décision correcte en ce qui a trait à l’interprétation de la loi et que la décision manifestement déraisonnable s’applique à l’appréciation des faits. Par la suite, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9. La Cour a décidé que deux normes de contrôle peuvent s’appliquer : la décision correcte et la décision raisonnable. La décision manifestement déraisonnable n’est plus applicable. De ce fait, la norme qui s’applique au comité sur les questions de droit doit être celle de la décision correcte et, en matière d’appréciation des faits, la décision raisonnable. Je remarque que la Cour d’appel fédérale est parvenue à la même conclusion quant aux décisions d’un conseil de bande dans Première nation n195 de Salt River c. Martselos, 2008 CAF 221, au paragraphe 28.

 

B.     Le comité a-t-il commis une erreur de droit ou d’appréciation des faits en rejetant l’appel de Mme Dumais?

 

(a)        Erreur de droit alléguée

 

[5]               Mme Dumais a fait valoir au comité que la liste des électeurs n’avait pas été affichée conformément au Règlement de la PNFM sur les élections. Celui-ci exige que la première liste soit affichée 21 jours avant l’élection (article 6.1), et la seconde, 12 jours avant l’élection (article 8.1). Mme Dumais soutient que la seconde liste a été affichée seulement le 16 avril 2008 alors qu’elle aurait dû l’être le 14 avril 2008. Mme Dumais a également maintenu que la seconde liste n’avait pas été affichée dans un endroit public, tel que l’exige le Règlement (articles 6.1 et 8.1).

 

[6]               Le comité a conclu que la liste des électeurs a été affichée dans le respect du Règlement. L’élection a eu lieu le 28 avril 2008. La preuve non contredite a révélé que la première liste avait été affichée le 28 mars 2008, bien avant le délai de 21 jours. La seconde liste a été affichée le 16 avril 2008, exactement 12 jours avant l’élection, tel que l’exige le Règlement. La première liste a été affichée au magasin de la bande, dans l’immeuble de l’administration de la bande et au centre de santé, qui sont tous des endroits publics. La seconde liste a été affichée au magasin de la bande et dans l’immeuble de l’administration de la bande, mais ce dernier était fermé. Quoi qu’il en soit, la liste a clairement été affichée dans des endroits publics, conformément au Règlement.

 

[7]               Je ne relève aucune mauvaise interprétation du Règlement par le comité.

(b)        Prétendues erreurs dans l’appréciation des faits

 

[8]               Mme Dumais prétend que le comité a commis deux erreurs de fait. D’abord, le comité a omis de constater qu’on a autorisé des électeurs non éligibles à déposer leur bulletin de vote au cours de l’élection, tandis que des électeurs éligibles se sont vu refuser cette possibilité. Ensuite, le comité n’a pas conclu qu’il y avait des éléments de preuve de manœuvres électorales frauduleuses.

 

[9]               Une grande partie de la preuve sur laquelle ces observations s’appuient se trouve dans l’affidavit de Mme Dumais, qui a été déposé dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire. La PNFM indique que cet élément de preuve n’a pas été soumis au comité. De plus, l’affidavit comporte nombre d’ouï-dire, dont la fiabilité est inconnue. L’affidavit contient également des arguments et des suppositions.

 

[10]           Il est difficile de savoir quels éléments de preuve ont été présentés au comité parce que cette information n’a pas été consignée. Toutefois, Mme Dumais a présenté par écrit des arguments au comité pour lui faire part de ses préoccupations. Ces arguments sont très courts et ne font pas référence aux multiples informations contenues dans son affidavit à l’appui de la présente demande de contrôle judiciaire. Ils résument cependant les questions en litige que Mme Dumais a exposées au comité et les informations sur lesquelles elle s’appuie. Je dois déterminer si les conclusions du comité étaient raisonnables à la lumière de ce qui semble lui avoir été présenté, ce qui ne constitue pas le dossier le plus complet dont je dispose.

 

[11]           En ce qui concerne les irrégularités du vote, Mme Dumais n’a pas fournit d’élément de preuve, pas même dans la présente demande, pour appuyer ses allégations. Elle a exposé devant le comité ses préoccupations au sujet des modifications apportées à la liste des électeurs et de la possibilité pour les électeurs non inscrits de faire des déclarations solennelles le jour de l’élection. Le comité a conclu qu’il était possible de faire des déclarations solennelles au bureau de vote, et qu’un électeur en avait fait une. Il a aussi conclu que la fonctionnaire électorale a refusé le droit de vote à des électeurs potentiels en se fondant sur son interprétation de l’obligation en matière de résidence du Règlement, et a permis à quelques personnes de voter compte tenu des renseignements qu’elles lui ont donnés de vive voix. Je ne vois rien de déraisonnable dans la conclusion que le comité a tirée. La fonctionnaire électorale semble avoir bien accompli ses tâches, telles que décrites au Règlement (article 8.8).

 

[12]           Pour ce qui est de l’allégation de manœuvres frauduleuses, le comité a déclaré que [traduction] « aucune preuve n’a été produite lors de l’audience pour appuyer l’allégation ». Dans ses arguments rédigés à l’intention du comité, Mme Dumais a annoncé son intention de présenter au comité des relevés de paiements irréguliers. Elle semble ne pas l’avoir fait. Le comité a ajouté que, si des éléments de preuve peuvent être produits pour appuyer l’allégation de corruption, ils doivent être présentés aux autorités compétentes et non au comité. Mme Dumais a laissé entendre que ce dernier a abandonné son rôle de surveillant. Je n’interprète pas la décision du comité comme un refus d’exécuter son mandat. Au contraire, puisqu’il n’a reçu aucune preuve, il s’est contenté de dire que, si des éléments de preuve peuvent être soumis pour appuyer les allégations de corruption de Mme Dumais, ils doivent être présentés aux autorités compétentes, probablement la police. Encore une fois, je ne vois rien de déraisonnable au sujet de la conclusion du comité.

 

IV. Conclusion et décision

 

[13]           Le comité d’appel n’a commis aucune erreur lorsqu’il a conclu que les listes électorales de la PNFM ont été publiées de façon appropriée. Il lui était également raisonnable de conclure que les allégations d’irrégularités du vote et de manœuvres frauduleuses formulées par Mme Dumais n’étaient pas étayées par la preuve. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire avec dépens.


 

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE ET STATUE que :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-966-08

 

INTITULÉ :                                       BERNADETTE DUMAIS c.

                                                            LA PREMIÈRE NATION NO 468 DE FORT MCMURRAY ET AL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 17 novembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET

JUGEMENT :                                    Le juge O’Reilly

 

DATE DES MOTIFS 

ET DU JUGEMENT:                        Le 30 mars 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Gilbert Eaglebear

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

G. Ranji Jeerakathil

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Maurice Law

Redwood Meadows (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

MacPherson Leslie & Tyerman LLP

Saskatoon (Saskatchewan)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.