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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100323

Dossier : T-79-07

Référence : 2010 CF 328

Ottawa (Ontario), le 23 mars 2010

En présence de monsieur le juge Phelan

 

ENTRE :

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PERCEPTION DE LA COPIE PRIVÉE

demanderesse

et

 

BLUE MEDIA GROUP INC.,

COMPUTER ULTRA CORPORATION et

COMPUTER ULTRA DISTRIBUTION INC.

défenderesses

 

 

 

Dossier : T-1241-09

 

ET ENTRE :

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PERCEPTION DE LA COPIE PRIVÉE

demanderesse

et

 

BURN N LEARN INC., faisant affaire sous le nom de blankmedia.ca,

THOMAS RICHER, faisant affaire sous le nom de Bits N PCs Computer et blankmedia.ca, et

HEATHER RICHER, faisant affaire sous le nom de Bits N PCs Computer et blankmedia.ca

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Dans les deux dossiers, les défendeurs ont demandé la même réparation à l’encontre de la demanderesse, essentiellement pour les mêmes motifs. L’ordonnance demandée est en fait une sorte d’ordonnance imposant le secret qui interdirait à la demanderesse de communiquer avec les clients des défendeurs, qui peuvent détenir des éléments de preuve liés au présent litige, sans obtenir au préalable l’accord des défendeurs ou une ordonnance de la Cour.

 

[2]               La Société canadienne de perception de la copie privée (la SCPCP) est un organisme créé par une loi afin de cueillir et d’administrer les redevances lors de la vente de supports vierges (par exemple, un CD ou une cassette vierges). Les frais sont prévus dans un tarif. Les défendeurs ont fait l’objet de poursuites pour avoir failli à leur devoir de percevoir et de transférer des redevances pour les supports vierges vendus.

 

[3]               À la suite de la divulgation préalable, les défendeurs, après avoir été quelque peu réticents et avoir invoqué des faux-fuyants, ont finalement produit les noms des clients qui ont possiblement acheté des produits auxquels s’appliquait le tarif.

 

[4]               La demanderesse a écrit à un certain nombre de ces clients pour les informer de l’existence du litige et pour leur souligner qu’ils étaient peut-être en possession d’éléments de preuve concernant l’affaire. La demanderesse a ensuite demandé aux clients de garder ces éléments et de les lui rendre accessibles au besoin.

 

[5]               Les défendeurs se sont opposés à cette forme de communication avec leurs clients; ils prétendaient que cela équivalait à de l’intimidation et que ça minait la relation d’affaires qu’avaient les clients avec les défendeurs respectifs.

 

[6]               Les défendeurs ont concédé que la lettre même n’était pas un geste à condamner, mais y voyaient un motif illégitime de la part de la demanderesse – soit de détruire leur entreprise avant l’instruction.

 

[7]               La demanderesse a expliqué l’envoi de la lettre, de nature inoffensive et nécessaire, par la destruction de certains documents des défendeurs. Les défendeurs ont affirmé que la destruction des documents s’était faite dans le cadre de l’élimination régulière des documents périmés, et non pour un motif inavoué.

 

[8]               L’ordonnance visée est inhabituelle; elle s’apparente à une injonction. Donc, les principes applicables à une mesure injonctive étaient pertinents aux fins des présentes requêtes. Les requêtes ont été, par conséquent, débattues en tenant compte de ce fait. Il est question, ci‑dessous, des aspects du critère à trois volets énoncé dans l’arrêt RJR-Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311.

 

I.          UNE QUESTION SÉRIEUSE À JUGER

[9]               Outre le fait qu’ils affirmaient avoir une défense et satisfaire ainsi à cet élément du critère à trois volets, les défendeurs ont reconnu qu’ils ne pouvaient pas présenter un précédent ou une disposition législative qui justifiait ou appuyait le type de réparation visé en l’espèce.

 

[10]           Il n’est pas surprenant qu’il n’y ait eu aucun précédent, puisque la nature de l’ordonnance visée allait à l’encontre du principe bien établi « qu’un témoin n’appartient à personne », comme lord Denning l’a déclaré dans Harmony Shipping Co. c. Davis, [1979] 3 All E.R. 177, à la page 181 (C.A.).

 

[11]           Rien n’indique que la demanderesse a brisé l’engagement implicite de l’enquête préalable, soit que les faits révélés ne peuvent être utilisés qu’aux fins du litige. En fait, la lettre de la demanderesse vise clairement à recueillir des éléments de preuve pour le procès.

 

[12]           Par conséquent, les défendeurs n’ont pas rempli le premier volet du critère. Ce seul fait était suffisant pour rejeter la requête, mais la Cour formulera des commentaires sur les autres éléments du critère à trois volets.

 

II.         LE PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

[13]           Les défendeurs n’ont pas pu établir de préjudice, encore moins de préjudice irréparable. L’inquiétude d’un défendeur et l’affidavit de l’avocat des défendeurs ne suffisent pas pour satisfaire à ce préalable. Il n’y a aucune preuve d’une chute ou d’une modification des ventes, ni de plaintes exprimées pas des clients, ni même de quelque autre élément qui aurait pu être présenté dans une affaire commerciale où il est allégué qu’un préjudice a été causé, ou qu’il est raisonnablement probable qu’il soit causé (comme dans la présente affaire, où la réparation demandée est semblable à une injonction préventive).

 

III.       LA PRÉPONDÉRANCE DES INCONVÉNIENTS

[14]           Le protonotaire Milczynski a déjà réglé la question qui a trait à l’allusion qu’il s’agit d’une recherche à l'aveuglette de la part de la demanderesse.

 

[15]           L’ordonnance visée altérerait la capacité de la demanderesse à mener ses activités préalables à l’instruction et pendant celle‑ci, et ce, sans l’intervention des défendeurs.

 

[16]           Le fardeau de la preuve repose sur les épaules de la demanderesse. L’instance doit suivre les règles habituelles et se dérouler d’une manière efficace. Les besoins d’une instance régulière et efficace prédominent sur l’intérêt des défendeurs d’isoler leur clients. Les droits de la demanderesse sur ce point prévalent sur les intérêts des défendeurs.

 

[17]           Les requêtes seront rejetées avec dépens.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que les requêtes soient rejetées avec dépens.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-79-07

 

INTITULÉ :                                       LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PERCEPTION DE LA COPIE PRIVÉE

 

                                                            c.

 

                                                            BLUE MEDIA GROUP INC., COMPUTER ULTRA CORPORATION et COMPUTER ULTRA DISTRIBUTION INC.

 

ET

 

DOSSIER :                                        T-1241-09

 

INTITULÉ :                                       LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PERCEPTION DE LA COPIE PRIVÉE

 

                                                            c.

 

                                                            BURN N LEARN INC., faisant affaire sous le nom de blankmedia.ca,

                                                            THOMAS RICHER, faisant affaire sous le nom de Bits N PCs Computer, et blankmedia.ca, et

                                                            HEATHER RICHER, faisant affaire sous le nom de Bits N PCs Computer and blankmedia.ca

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 15 MARS 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS ET

DE L’ORDONNANCE :                   LE 23 MARS 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Randy Sutton

 

POUR LA DEMANDERESSE

Orie Niedzviecki

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ogilvy Renault, s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Ellyn Law LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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