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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100323

Dossier : IMM-4568-09

Référence : 2010 CF 329

Ottawa (Ontario), le 23 mars 2010

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

NELICA LURETTA DURRANT

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION ET

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2002, ch. 27 (la LIPR), visant la décision rendue le 28 juillet 2009 par l’agente d’immigration A. Dello (l’agente), qui a rejeté la demande de résidence permanente présentée depuis le Canada et fondée sur des considérations humanitaires de la demanderesse (la demande CH).

 

[2]               Pour les motifs suivants, j’accueillerai la demande de contrôle judiciaire.

 

LE CONTEXTE

 

[3]               En 1998, la demanderesse a quitté Saint‑Vincent pour s’installer au Canada. Elle voulait ainsi se soustraire aux agressions dont elle était victime de la part de son conjoint de fait. Elle est âgée de 36 ans et aspire à devenir une infirmière autorisée. Elle travaille actuellement comme chef d’équipe dans une société de services de nettoyage et d’entretien.

 

[4]               La demanderesse affirme avoir quitté Saint‑Vincent parce que son ancien conjoint de fait constituait une menace à sa sécurité. Elle prétend qu’il la battait, qu’il la menaçait et qu’il exerçait sur elle des violences psychologiques. La demanderesse affirme avoir demandé l’aide de la police, qui n’a rien fait pour la protéger.

 

[5]               La demanderesse a présenté une demande d’asile au Canada, laquelle a été rejetée. Elle a demandé un examen des risques avant renvoi (l’ERAR), qui s’est conclu défavorablement.

 

[6]               Mme Durrant a présenté la demande CH. Depuis son arrivée au pays, la demanderesse s’est bien intégrée. Sa demande contient des lettres de soutien de ses employeurs, de ses collègues, de ses amis, de son propriétaire et de son pasteur. Il lui arrive régulièrement d’œuvrer comme bénévole au sein de sa congrégation. À l’exception des six premiers mois qu’elle a passés au Canada, la demanderesse a été employée de façon continue.

 

[7]               L’agente qui a traité la demande CH avait également effectué l’ERAR. L’agente a rejeté la demande CH.

 

[8]               L’agente a examiné la preuve dont elle disposait pour rendre sa décision. Dans ses motifs, elle examine cette preuve et fonde ses déductions sur les conclusions suivantes, dont certaines sont contestées par la demanderesse :

[traduction]

·        Quand elle a eu l’occasion de « mettre à jour » sa demande, la demanderesse n’a fourni aucune information relative aux risques auxquels elle serait exposée à Saint-Vincent.

·        La demanderesse n’est pas suffisamment établie au Canada pour que le fait de présenter sa demande de résidence permanente de l’extérieur du pays se traduise pour elle en un préjudice injustifié, inusité ou disproportionné.

·        La preuve ne montre pas que ses liens affectifs au Canada sont plus forts que ceux qu’elle a noués à l’étranger.

·        Il se peut que la demanderesse se heurte à certaines difficultés à son retour à Saint‑Vincent, mais je ne dispose pas d’une preuve me permettant de conclure qu’elle subirait un préjudice.

·        Il est raisonnable de penser que sa mère et ses quatre frères et sœurs l’aideraient si le besoin s’en faisait sentir.

·        La preuve ne donne pas à penser que la demanderesse ne serait pas capable de continuer à aider sa mère financièrement si elle devait être renvoyée à Saint‑Vincent, étant donné qu’elle a acquis au Canada des compétences qui augmentent ses chances d’obtenir un emploi à Saint‑Vincent.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[9]               La demanderesse soulève deux questions :

 

a.       L’agente a-t-elle commis des erreurs de fait susceptibles de contrôle qui s’appuient sur des conclusions non fondées sur la preuve?

 

b.      L’agente a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la preuve du préjudice que la demanderesse pourrait subir?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[10]           Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est la raisonnabilité.

 

[11]           Dans Kastrati c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1141, aux paragraphes 9 et 10, la Cour a déclaré :

 

Dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’y a maintenant que deux normes de contrôle : la décision correcte et la raisonnabilité (paragraphe 34).

 

La décision correcte s’applique aux questions de droit, de justice naturelle ou d’équité procédurale, tandis que la raisonnabilité s’applique aux questions de fait ou aux questions mixtes de fait et de droit.

 

[12]           Je conclus que la présente demande soulève des questions mixtes de fait et de droit et des questions de droit, qui doivent être examinées selon la raisonnabilité.

 

[13]           En outre, je garde à l’esprit l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, dans lequel la Cour suprême du Canada a déclaré, au paragraphe 59 :

 

La raisonnabilité constitue une norme unique qui s’adapte au contexte.  L’arrêt Dunsmuir avait notamment pour objectif de libérer les cours saisies d’une demande de contrôle judiciaire de ce que l’on est venu à considérer comme une complexité et un formalisme excessifs. Lorsque la norme de la raisonnabilité s’applique, elle commande la déférence. Les cours de révision ne peuvent substituer la solution qu’elles jugent elles‑mêmes appropriée à celle qui a été retenue, mais doivent plutôt déterminer si celle‑ci fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, par. 47). Il peut exister plus d’une issue raisonnable. Néanmoins, si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable.

 

ANALYSE

 

[14]           La demanderesse prétend que l’agente qui a examiné la demande CH :

 

a.       a tiré des conclusions fondées sur des erreurs de fait et des conjectures;

 

b.      n’a pas tenu compte de la lettre dans laquelle la demanderesse expliquait plus en détail sa crainte de retourner à Saint-Vincent;

 

c.       n’a pas tenu compte d’informations contenues dans la demande relativement à sa crainte de retourner à Saint-Vincent;

 

L’agente a-t-elle tiré des conclusions fondées sur des erreurs de fait et des conjectures?

 

[15]           L’agente a conclu à tort que la demanderesse avait quatre frères et sœurs à Saint-Vincent. Il ressort clairement de la demande de Mme Durrant qu’elle n’a que deux sœurs à Saint-Vincent. Ses trois frères vivent tous à l’extérieur de l’île.

 

[16]           L’agente émet également l’hypothèse que la mère de la demanderesse ainsi que ses frères et sœurs pourraient l’aider financièrement à Saint‑Vincent. Il s’agit d’une conclusion pour le moins étrange, étant donné que la preuve que la demanderesse a joint à sa demande montre que ses deux sœurs souffrent de troubles mentaux et qu’elles ont besoin de soins constants, lesquels leur sont fournis par leur mère, qui à son tour reçoit de l’aide financière de la demanderesse.

 

[17]           Les personnes se réclamant d’exceptions fondées sur des considérations humanitaires doivent satisfaire à des conditions exigeantes. Des changements d’ordre financier ne justifient pas de telles exceptions. Dans la décision Pashulya c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1275, le juge James Russell a déclaré, au paragraphe 43 :

 

La Cour a à maintes reprises affirmé que la raison d'être du processus CH était non pas d'éliminer les difficultés inhérentes au départ d'une personne qui a séjourné pendant un certain temps au pays, mais de dispenser de cette exigence le demandeur qui subirait des difficultés « inhabituelles, injustes ou excessives » s'il devait quitter le Canada pour présenter sa demande de l'étranger de la façon habituelle. Le fait que le demandeur doive vendre une maison ou une voiture ou quitter un emploi ou sa famille n'entraîne pas nécessairement des difficultés indues ou excessives; il s'agit plutôt d'une conséquence du risque pris par le demandeur en restant au Canada sans avoir un droit d'établissement (Irimie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 10 Imm. LR. (3d) 206, aux paragraphes 12, 17, 26 (C.F. 1re inst.); Mayburov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2000 CanLII 15700 (C.F.), (2000), 183 F.T.R. 280, au paragraphe 7; Lee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 7 (CanLII), 2001 CFPI 7, au paragraphe 14).

 

[18]           Même si les erreurs commises par l’agente posent problème, elles ne justifient pas en soi la révision de sa décision. Compte tenu des conditions très exigeantes s’appliquant aux exceptions fondées sur des considérations humanitaires, je ne suis pas convaincu que l’agente aurait tiré une conclusion favorable à la demanderesse en se fondant sur ces seuls motifs, si ses conclusions de fait avaient par ailleurs été exactes.

 

L’agente a-t-elle tenu compte de la lettre de la demanderesse?

 

[19]           Le dossier comprend une lettre non datée signée par la demanderesse, qui y expose les préjudices qu’elle a subis. Celle-ci soutient avoir joint cette lettre à ses observations mises à jour. L’agente a signé un affidavit dans lequel elle affirmait que cette lettre ne se trouvait pas dans le dossier relatif à la demande CH de la demanderesse, et que par conséquent, elle n’avait pas pu y faire référence en rendant sa décision.

 

[20]           Je ne tirerai aucune conclusion relative à la crédibilité de cette lettre. Mais je ne puis conclure qu’elle figurait au dossier, comme la demanderesse me presse de le faire. Le dossier de la demanderesse a été constitué en plusieurs étapes et présenté par tranches à différents moments. Le défendeur souligne que la demanderesse a présenté une seconde demande CH et que certains documents ne correspondent pas nécessairement à la demande CH présentée à la Cour. D’après moi, il est probable que la lettre n’a pas été correctement jointe à la présente demande et que, par conséquent, elle n’a jamais été présentée à l’agente.

 

L’agente a-t-elle négligé de tenir compte d’informations contenues dans la demande relativement à la crainte que la demanderesse éprouvait à l’idée de retourner à Saint-Vincent?

 

[21]           Il n’est pas inhabituel qu’un même agent d’immigration se charge aussi bien de l’ERAR que de la demande CH d’un immigrant. Comme ce fut le cas en l’espèce, ces deux examens se sont suivis de près. Idéalement, la connaissance du dossier permet à l’agent de rendre de meilleures décisions. Toutefois, la Cour a parfois exprimé des inquiétudes relativement aux répercussions négatives d’une telle pratique.

 

[22]           L’évaluation des facteurs de risque est l’une des pierres d’achoppement des deux analyses, étant donné que la norme applicable à chaque analyse est différente. L’ERAR vise à établir le cas échéant l’existence d’un danger de mort ou d’un risque de traitements cruels et inusités, alors que les circonstances d’ordre humanitaire dont il est question à l’article 25 de la LIPR ont trait à des « difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives », qui peuvent comporter un risque pour la personne à son retour.

 

[23]           Dans la décision Pinter c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 296, au paragraphe 5, monsieur le juge en chef Allan Lutfy a établi qu’un agent ne doit pas « se fermer » aux facteurs de risque dans le contexte d’une demande CH pour la simple raison que ces facteurs ne satisfont pas aux normes de l’ERAR. Le juge en chef a conclu qu’il s’agissait là d’une erreur de droit.

 

[24]           Dans la décision Ramirez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1404, monsieur le juge Yves de Montigny a également examiné la différence de l’examen des facteurs de risque dans le contexte d’un ERAR ainsi que l’importance que ces mêmes facteurs revêtaient dans une analyse de la demande CH, effectuée pour l’application de l’article 25 de la Loi. Aux paragraphes 45 et 46, il s’est ainsi exprimé :

 

Il se peut que la violence, le harcèlement et les mauvaises conditions sanitaires ne constituent pas un risque personnalisé pour l'application de la LIPR, mais ces facteurs peuvent bien être suffisants pour établir des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives. […]

[…] il est essentiel que l'évaluation soit effectuée selon la bonne norme et suivant les critères pertinents pour chaque analyse. Dans le contexte d'une demande CH, le chapitre IP 5 du Manuel de l'immigration publié par Citoyenneté et Immigration Canada donne des directives utiles. La difficulté inhabituelle et injustifiée est décrite comme une difficulté « non prévue à la Loi ou à son Règlement » ou résultant de « circonstances échappant au contrôle de cette personne », alors que la difficulté excessive est définie comme étant une difficulté qui « aurait des répercussions disproportionnées pour le demandeur, compte tenu des circonstances qui lui sont propres ».

 

 

[25]           Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a reçu la première demande CH en avril 2006. Aucune décision n’a été rendue avant 2009. Entre‑temps, CIC a envoyé une lettre à la demanderesse, datée du 16 octobre 2008, lui demandant de mettre à jour sa demande. Cette lettre était ainsi rédigée :

[traduction]

Avant de décider si vous devez être exemptée des exigences prévues par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, nous vous offrons l’occasion de mettre à jour les observations que vous avez présentées dans le cadre de votre demande CH. Aussi, veuillez nous fournir des informations à jour […] Veuillez nous envoyer les informations et documents demandés dans les 30 prochains jours. À défaut de réponse de votre part, la décision relative à votre exemption sera fondée sur les informations contenues dans votre dossier.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[26]           Le 29 juin 2009, CIC a reçu les « observations mises à jour ». À ce stade, l’agente disposait de deux formulaires de demande CH.

 

[27]           Dans la demande qu’elle a présentée en avril 2006, la demanderesse a répondu à la question « Quelles privations excessives devrez-vous supporter si vous devez présenter votre demande à un bureau des visas à l’étranger comme l’exige la loi? » de la manière suivante :

[traduction]

JE PERDRAI TOUS LES AVANTAGES QUE J’AI ACQUIS AU CANADA.

JE CRAINS D’ÊTRE BLESSÉE À MON RETOUR À SAINT‑VINCENT. J’AI D’ABORD DEMANDÉ LE STATUT DE RÉFUGIÉ, MAIS MA DEMANDE A ÉTÉ REJETÉE.

EN DÉPIT DE CETTE DÉCISION DÉFAVORABLE, JE CONTINUE DE PENSER QUE JE NE SERAI PAS EN SÉCURITÉ À SAINT‑VINCENT.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[28]           La demande mise à jour datant de 2009 contient des informations à jour relatives à l’emploi de la demanderesse ainsi que d’autres lettres de soutien. Elle ne contient aucune allégation d’agressions ou de craintes relatives à sa sécurité.

 

[29]           La demanderesse avait joint des lettres manuscrites écrites par elle-même, sa mère et une amie en novembre 2007. Ces lettres relataient certains mauvais traitements dont la demanderesse avait été victime de la part de son conjoint de fait. En plus des allégations de violences physiques qui l’avaient une fois conduite à l’hôpital, la demanderesse avait écrit : [traduction] « J’ai récemment reçu des menaces de [mon ex-conjoint de fait], qui affirmait qu’il m’attendait toujours et que si je devais un jour revenir à Saint‑Vincent et refuser de retourner avec lui, il me tuerait. »

 

[30]           Dans leurs lettres, la mère et l’amie de la demanderesse affirment avoir été témoins de scènes au cours desquelles la demanderesse avait été battue par son ex-conjoint de fait. Ces lettres portaient le tampon du jour où le bureau d’ERAR les avait reçues et on peut présumer qu’elles ont été prises en considération dans la décision de rejeter la demande d’ERAR de la demanderesse, qui a été rendue le 27 juin 2009.

 

[31]           Le lendemain du jour où la décision a été rendue relativement à l’ERAR, l’agente a rendu sa décision relativement à la demande CH. Elle s’est ainsi exprimée :

[traduction]

 

Le 16 octobre 2008, nous avons demandé à la demanderesse de fournir des observations à jour, précisant clairement que les éléments de risque et les éléments ne comportant aucun risque seraient pris en considération dans le cadre de la demande CH. Le 26 juin 2009, la demanderesse a présenté des informations à jour; toutefois, aucun témoignage ou preuve relative à un risque n’a été présenté. J’ai également tenu compte des déclarations contenues dans la demande d’ERAR de la demanderesse ainsi que des lettres écrites par son amie et par sa mère en ce qui a trait à sa crainte de subir des violences physiques, sexuelles et psychologiques à son retour à Saint‑Vincent. Toutefois, comme il a été susmentionné, de telles informations étaient déjà disponibles quand nous lui avons demandé de mettre à jour les informations contenues dans sa demande d’exemption, et je n’en ai par conséquent pas tenu compte dans le cadre de la présente demande. La notion de risque vaut pour l’avenir et quand nous lui avons demandé de mettre ses informations à jour, il était raisonnable de s’attendre à ce que la demanderesse fournisse des informations relatives au risque auquel elle serait exposée à son retour si elle avait l’impression qu’il s’agissait d’un élément crucial.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[32]           L’agente ne s’est pas fondée sur la même preuve pour rendre sa décision relative à l’ERAR le 27 juillet 2009 et sa décision sur la demande CH le 28 juillet 2009. Ainsi, elle a évalué le risque dans un cas, mais pas dans l’autre.

 

[33]           L’agente a pris acte du fait que la demanderesse serait exposée à un risque si elle retournait à Saint‑Vincent, mais elle n’en a pas tenu compte dans son évaluation du préjudice dans le contexte de la demande CH. Au lieu de cela, elle a ostensiblement passé outre aux éléments de preuve relatifs au risque auquel la demanderesse serait exposée, parce que ces éléments étaient disponibles au moment où CIC a demandé à la demanderesse de mettre ses informations à jour. L’agente n’a pas motivé une telle distinction, se contentant de dire qu’elle s’attendait à ce que la demanderesse présente cette information de nouveau si elle était cruciale.

 

[34]           La demanderesse fait valoir qu’elle a mis sa demande à jour quand CIC lui a demandé de le faire, mais qu’elle s’est fondée sur les observations qu’elle avait déjà présentées en ce qui a trait à sa crainte d’agressions comme motif de « privations excessives ». Je conclus qu’il s’agit d’une conclusion raisonnable, ce que confirme la formulation de la lettre du 16 octobre 2008. Dans cette lettre, CIC offre à la demanderesse l’occasion de mettre ses observations à jour et lui demande de présenter une demande mise à jour. La demanderesse a mis à jour toutes les informations qui devaient l’être, comme les informations relatives à son lieu d’emploi. Dans sa lettre, CIC n’a pas précisé que toutes les informations devaient être présentées de nouveau ou que les informations contenues dans la première demande n’étaient plus pertinentes. Il était raisonnable pour la demanderesse de penser que son premier compte rendu des risques auxquels elle serait exposée serait pris en considération.

 

[35]           Je conclus qu’en passant outre aux éléments de preuve présentés par la demanderesse en premier lieu, parce qu’ils n’avaient pas été « mis à jour », l’agente s’est trouvée à « se fermer » à des informations pertinentes. Il s’agit d’une erreur de droit susceptible de contrôle.

 

CONCLUSION

 

[36]           J’accueillerai la demande de contrôle judiciaire. La demande CH sera renvoyée devant un autre agent pour être examinée à nouveau.

 

[37]           Dans le cadre de ce nouvel examen, la demanderesse est autorisée à présenter la lettre qui a été exclue si celle-ci est dûment signée et datée. Elle est également autorisée à présenter toute autre information afin que l’agent d’immigration dispose d’une demande CH complète.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.      La décision de l’agent A. Dello est annulée.

3.      L’affaire est renvoyée à un autre agent pour examen.

4.      La demanderesse est autorisée à présenter les informations relatives aux violences qu’elle a subies et à sa crainte de retourner à Saint‑Vincent, ainsi que toute autre information, afin que le nouvel agent les examine.

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Alya Kaddour-Lord, traductrice

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4568-09

 

INTITULÉ :                                       NELICA LURETTA DURRANT

                                                            c.

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION et MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 10 mars 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Mandamin       

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 23 mars 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

D. Clifford Luyt

 

POUR LA DEMANDERESSE

Hillary Stephenson

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

D. Clifford Luyt

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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