Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20100318

Dossier : T-2087-09

Référence : 2010 CF 315

Québec (Québec), le 18 mars 2010

En présence de monsieur le juge Mainville 

 

ENTRE :

ROBERT GRAVEL

demandeur

 

et

 

 

 

TELUS COMMUNICATIONS INC.

défenderesse

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] La Cour est saisie d’une requête présentée par Telus Communications Inc. (la défenderesse) cherchant une suspension d’instance pendant le déroulement des procédures devant la Cour d’appel fédérale dans le dossier portant le numéro A-69-10. À cet égard, un bref rappel des procédures en cause est utile.

 

  • [2] Dans une sentence arbitrale datée du 6 novembre 2009, l’arbitre Me Léonce-E Roy déclinait compétence pour remédier à une plainte de congédiement prétendument injuste logée par M. Robert Gravel (le demandeur) le 21 décembre 2007 en vertu des dispositions des articles 240 et suivants du Code canadien du travail. L’arbitre déclinait compétence au motif principal que le demandeur avait fait l’objet d’un véritable licenciement par la défenderesse pour lequel le législateur a interdit à l’arbitre d’intervenir aux termes de l’article 242 (3.1) a) du Code canadien du travail.

 

  • [3] Le demandeur a présenté à la Cour fédérale le 14 décembre 2009 une demande de contrôle judiciaire de cette sentence arbitrale, et il a soumis plusieurs affidavits pour soutenir cette demande.

 

  • [4] Le 2 février 2010, la défenderesse déposait un avis de requête afin d’obtenir une ordonnance visant la radiation de certains paragraphes de l’affidavit du demandeur et le rejet dans leur intégralité des affidavits de M. Claude Gravel et de M. Jacques Gagné soumis au soutien de la demande de contrôle judiciaire.

 

  • [5] Madame la juge Tremblay-Lamer accorda en grande partie cette dernière requête dans une ordonnance motivée datée du 12 février 2010 et portant le numéro de référence 2010 CF 151. Le demandeur a interjeté appel de cette ordonnance auprès de la Cour d’appel fédérale par avis daté du 19 février 2010.

 

  • [6] La défenderesse cherche maintenant à faire suspendre l’instance en révision judiciaire pour la durée des procédures d’appel.

 

  • [7] Les principes devant guider la Cour dans l’exercice de sa discrétion afin de disposer de cette requête ont été établis dans plusieurs décisions des Cours fédérales, dont notamment Apotex Inc. c. Hoffman-La Roche Ltd. (1985), 6 C .P.R. (3d) 117, [1985] A.C.F. no 1164 (QL); Laliberté c. Canada, 2004 CF 1524; Polaris Industries Inc. c. Victory Cycle Ltd.,2007 CAF 259; et plus récemment Corporation développement GDC Gatineau c. Canada, 2009 CF 1295.

 

  • [8] Les extraits suivants de la décision Apotex Inc. c. Hoffman-La Roche Ltd., supra, résument bien ces principes :

5  Les procédures ne devraient être suspendues ou rejetées que dans les cas très clairs et la Cour ne devrait exercer son pouvoir discrétionnaire que très rarement. Voir Weight Watcher's International Inc. c. Weight Watchers of Ontario Ltd., [1972] 5 C.P.R. (2d) 122, à la page 130.

 

6  Il incombe à la défenderesse de prouver que la décision de ne pas suspendre l'instance serait abusive ou vexatoire; il ne suffit pas de démontrer que l'appréciation des préjudices tend vers la suspension des procédures. Il faut que la poursuite de l'action entraîne un préjudice irréparable pour le requérant et que la suspension ne cause pas une injustice aux autres parties. Voir Dominion Mail Order Products Corp. c. Weider, [1976] 28 C.P.R. (2d) 27.

 

7  Les procédures ne sont pas automatiquement suspendues du fait qu'un jugement ou une ordonnance a été porté en appel. C'est ce qu'affirmait d'ailleurs le juge Walsh, au nom de la Cour, dans Cercast Inc. c. Shellcast Foundries Inc. (No. 5), 10 C.P.R. (2d) 90, à la page 94 (confirmée par (1973) C.F. 640):

 

  • S'il fallait suspendre l'instance chaque fois qu'appel est interjeté d'une des nombreuses décisions interlocutoires auxquelles donnent lieu des affaires comme celle-ci, appel qui peut parfois, avec l'autorisation de la Cour, être porté devant la Cour suprême, les défendeurs auraient la possibilité de faire traîner l'affaire pendant de nombreuses années avant qu'elle ne soit en état et d'entraver par là même la bonne marche de la justice. D'où un abus des voies de droit.

 

8  Il appartient aussi à la partie qui demande la suspension de démontrer que la poursuite de l'action entraînera un préjudice irréparable. Dans Baxter Travenol Laboratories Ltd. c. Cutter Ltd., [1981] 54 C.P.R. (2d) 218, le juge Cattanach, devant déterminer si les questions soulevées par un jugement porté en appel devraient être suspendues, a affirmé ce qui suit, à la page 219:

 

  • Je reconnais qu'en vertu d'un usage répandu, une suspension n'est accordée que dans des circonstances spéciales et qu'il appartient au requérant de prouver l'existence de ces circonstances.

 

  • Si j'ai bien compris le fondement de la prétention de l'avocat de la défenderesse, les frais qu'entraîne le renvoi et les inconvénients qui en résultent pourraient s'avérer futiles si la Division d'appel infirmait la décision du juge de première instance.

 

  • À mon avis, une telle circonstance ne justifie pas en soi la suspension demandée, et en l'accordant, on irait à l'encontre des décisions qui font autorité. Les tribunaux n'ont pas l'habitude de surseoir aux enquêtes en attendant le résultat d'un appel, à moins qu'on ne puisse démontrer qu'il en résulterait un préjudice irréparable.

 

9  Dans Sperry Corporation c. John Deere Ltd., [1982] 65 C .P.R. (23) 92, une affaire très semblable à l'espèce, le juge Cattanach a repris les principes bien ancrés en matière de sursis. Il a ajouté qu'il incombait au requérant de prouver qu'il existait des circonstances particulières justifiant la suspension de l'instance. En l'absence d'autres facteurs, le fait que l'appel s'avérerait inutile ne constitue pas des circonstances particulières suffisantes. L'appel ne devient pas futile du seul fait que l'action se poursuit car si l'appel est accueilli, les aveux obtenus au cours de l'interrogatoire préalable ne seront peut-être pas admis en preuve lors du procès.

 

 

  • [9] Dans ce cas-ci, le demandeur, qui se représente lui-même et qui est celui qui a interjeté appel de l’ordonnance de madame la juge Tremblay-Lamer , reconnaît que la demande de contrôle judiciaire dans ce dossier ne pourra être entendue avant que l’appel soit décidé. Cependant, le demandeur est d’avis que la suspension d’instance est prématurée puisqu’il souhaite soumettre des requêtes à la Cour fédérale dans la présente instance afin, notamment, d’ajouter et de modifier des documents, déposer de nouveaux affidavits et amender des affidavits existants, ce qui, selon lui, pourrait avoir pour effet de palier au rejet des affidavits qui sont l’objet de l’appel et ainsi lui permettre de retirer son appel. Le demandeur souhaite donc obtenir une opportunité de compléter ses procédures rapidement afin de lui permettre de faire avancer le dossier vers une audition rapide.

 

  • [10] Dans ces circonstances, je suis d’avis que l’intérêt de la justice est de permettre au demandeur une opportunité de soumettre les requêtes qu’il annonce afin de faire progresser le dossier. Cependant, cette décision ne préjudiciera en rien la défenderesse de soumettre à nouveau une requête en suspension de l’instance advenant que les requêtes annoncées par le demandeur n’aient pas l’effet souhaité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête est rejetée, le tout sans frais.

 

 

 

« Robert Mainville »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-2087-09

 

 

INTITULÉ :  Robert GravEl c.

  Telus Communications Inc.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Québec (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 18 mars 2010

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  Le juge Mainville

 

 

DATE DES MOTIFS :  Le 18 mars 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Robert Gravel

Québec (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

(lui-même)

Pierre-Étienne Morand

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

 

POUR LE DEMANDEUR

Heenan Blaikie Aubut

Québec (Québec)

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.