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Federal Court

 

Cour fédérale

 

Date : 20100318

Dossier : IMM-3058-08

Référence : 2010 CF 312

OTTAWA (Ontario), le 18 mars 2010

En présence de Monsieur le juge Louis S. Tannenbaum

 

 

ENTRE :

EDMOND WEHBE

RITA TABET

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 26 mai 2008, qui leur a refusé la qualité de réfugiés au sens de la Convention et la qualité de personnes à protéger.

 

[2]               Les demandeurs voudraient que la décision soit annulée et que l’affaire soit renvoyée à une autre formation de la Commission pour nouvelle décision.

 

[3]               M. Edmond Wehbe et son épouse Mme Rita Tabet (les demandeurs) sont nés à Beyrouth en 1966 et 1962 respectivement et sont citoyens libanais. M. Wehbe demande l’asile en raison de ses opinions politiques et de son soutien et de son appartenance antérieure aux Forces libanaises (FL). Mme Tabet demande l’asile en tant que membre d’un groupe social, à titre d’épouse du demandeur.

 

[4]               M. Wehbe est un chrétien maronite originaire d’une famille de classe moyenne, au Liban. Son grand-père avait travaillé pour l’ambassade de France à Beyrouth et son père avait surtout été banquier. M. Wehbe a reçu une formation juridique et a travaillé comme avocat en droit français et droit libanais.

 

[5]               M. Wehbe a d’abord grandi dans un quartier à majorité chrétienne, Ain El Remmaneh, dans la banlieue sud-est de Beyrouth. Il dit qu’à l’âge de 11 ans, il a été témoin des horreurs du conflit pour la première fois. Après que leur appartement fut bombardé et incendié, sa famille s’est installée dans un autre quartier chrétien de Beyrouth est, Achrafieh-Tabaris. Lorsqu’il avait 14 ans, ce quartier a lui aussi été bombardé.

 

[6]               M. Wehbe affirme que les événements susmentionnés l’ont convaincu de se joindre aux FL à titre d’informateur des pro-Syriens de sa communauté. Il a travaillé comme informateur de 1990 à 1994, à temps partiel. Il dit qu’une année plus tard, après qu’il eut cessé ses activités au sein des FL, il a commencé de recevoir des menaces de mort par téléphone. Il ajoute que, de 1995 jusqu’à 2001, il recevait des appels du service secret syrien et que ceux qui l’appelaient refusaient de s’identifier. Le 17 avril 2001, les menaces proférées contre lui étaient devenues plus sérieuses. Il aurait été détenu et interrogé par des hommes se réclamant du service secret syrien qui l’ont forcé à signer un document où il promettait de s’abstenir d’autres activités politiques et de quitter le Liban dans un délai de trois mois.

 

[7]               M. Wehbe affirme que l’incident susmentionné [traduction] « l’a finalement décidé à fuir le pays avec [sa] femme », et il a quitté le Liban trois mois plus tard, pour arriver aux États-Unis en juillet 2001. Son épouse l’y a rejoint en janvier 2002 après avoir prétendument réglé leurs affaires au Liban, notamment vendu leurs biens et fait d’autres démarches. Ils sont arrivés au Canada et y ont demandé l’asile en juin 2002 après avoir été informés par un conseiller en immigration que le Canada serait un meilleur pays où présenter une demande d'asile vu le climat qui régnait après les événements du 11 septembre 2001.

 

[8]               La Commission a examiné plusieurs points dans sa décision : le fait pour les demandeurs de s’être réclamés à nouveau de la protection du Liban, leur crainte subjective et objective, l’évolution de la situation au Liban, le fait qu’ils n’avaient pas demandé l’asile dans d’autres pays, leur lenteur à déposer une demande d'asile et enfin leur crédibilité.

 

[9]               La Commission a jugé déraisonnables les raisons données par les demandeurs lorsqu’ils avaient expliqué pourquoi ils avaient quitté le Liban plusieurs fois, en y revenant à chaque fois, pour se rendre en Bulgarie, en Russie, en Grèce et en Syrie. M. Wehbe s’est rendu en Grèce en 1997, en Bulgarie deux fois en 1999, en Russie en 1999 et en Syrie au moins deux fois avant 1999, en novembre 1999 après son mariage, et en 2000 lorsqu’il est allé à l’ambassade des États-Unis afin d’obtenir son visa pour ce pays.

 

[10]           Plus précisément, la Commission a estimé que « les nombreux séjours en Syrie jettent un doute sérieux sur l’allégation du demandeur d’asile selon laquelle il recevait des appels de menaces de la part du service secret syrien » et que leur comportement « ne concord[ait] pas avec celui attendu de la part de personnes craignant vraiment pour leur vie et illustr[ait] l’absence de crainte subjective ».

 

[11]           M. Wehbe avait expliqué qu’il se rendait en Syrie par des postes frontière éloignés où les contrôles n’étaient pas très poussés, en se faisant conduire par des chauffeurs de taxi qui présentaient les passeports, mais cette explication a paru peu vraisemblable à la Commission. La Commission ne comprenait pas non plus pourquoi M. Wehbe avait emmené son épouse en Syrie après leur mariage puisque, si les prétendues menaces étaient véridiques, cela l’aurait mise en danger elle aussi.

 

[12]           Les voyages du demandeur en Bulgarie, en Russie et en Grèce ont également intrigué la Commission compte tenu des menaces de mort. À tout le moins, M. Wehbe se serait adressé aux autorités gouvernementales pour se renseigner sur les possibilités d’asile au lieu de compter sur des profanes durant ses voyages en quête d’information, par exemple un agent de voyages, une connaissance qui parlait l’arabe ou un caissier de banque. En outre, il a été difficile pour la Commission d’accepter l’idée selon laquelle M. Wehbe n’était pas au courant de la possibilité d’obtenir une protection internationale, compte tenu de sa formation juridique.

 

[13]           Finalement, cette preuve n’a pas persuadé la Commission que les menaces de mort proférées par des agents de sécurité syriens entre 1995 et 2001 étaient véridiques.

 

[14]           La Commission a alors examiné l’incident du 17 avril 2001, et elle résume ainsi l’exposé circonstancié donné par M. Wehbe à propos de cet incident :

« le demandeur d’asile a quitté son travail et, en rentrant chez lui en voiture, il s’est arrêté au village de Bikfaya pour acheter des provisions. Une fois sur place, le demandeur d’asile a été intercepté, puis forcé de monter à bord d’une voiture par un homme qui lui a fait voir son arme et lui a révélé être du service secret syrien. Selon le FRP, il a été emmené à leur quartier général, à Mont-Liban, mais que, lorsqu’il est arrivé au village, ses yeux étaient bandés. Enfin, il aurait été interrogé pendant environ une heure, puis aurait dû signer un document par lequel il s’engageait à cesser toute activité de nature politique et à quitter le Liban dans les trois mois. »

 

[15]           La Commission est arrivée à la conclusion que l’incident du 17 avril 2001 n’avait jamais eu lieu parce qu’aucune explication raisonnable n’a été donnée de l’incohérence et des contradictions de la preuve produite par M. Wehbe.

 

[16]           La Commission a trouvé aussi des invraisemblances dans le récit général de M. Wehbe. D’abord, elle s’est demandé pourquoi les Syriens ne l’avaient jamais véritablement effrayé, au lieu de continuer de l’appeler durant six ans sans l’intercepter. Deuxièmement, comment les demandeurs pouvaient-ils mener une « vie relativement normale », c’est-à-dire voyager, se marier, fréquenter l’école et aller au travail, tout en exerçant, à temps partiel, des activités de surveillance pour les FL durant toutes ces années, et finalement avec la mort aux trousses. Troisièmement, compte tenu de la preuve documentaire relative aux informateurs des FL, comment se faisait-il que M. Wehbe soit en vie aujourd’hui? Quatrièmement, les Syriens ne voudraient-ils pas connaître le rôle d’informateur joué par le demandeur d’asile, ou encore les opérations et plans des FL, et le laisseraient-ils prendre le large avec l’engagement de sa part de cesser ses activités et de quitter le Liban? Ces questions ont conduit la Commission à conclure que les menaces et l’incident d’avril 2001 n’avaient jamais eu lieu.

 

[17]           La Commission a examiné ensuite les circonstances du départ des demandeurs du Liban et leur éventuelle demande d’asile. Elle n’a pas trouvé à redire à l’explication selon laquelle ils avaient demandé l’asile au Canada en raison du climat qui régnait après les événements du 11 septembre 2001, mais leur lenteur à le faire a été jugée assez peu compatible avec le comportement auquel on s’attendrait de la part de personnes craignant pour leurs vies. La Commission a également considéré le départ tardif de Mme Tabet comme une autre preuve qu’elle ne se sentait pas menacée puisqu’elle est restée au Liban jusqu’en janvier 2002, soit durant six mois après le départ de son mari. Mme Tabet a expliqué qu’elle avait dû rester au Liban pour organiser les choses, mettre les meubles dans un entrepôt et vendre certains articles, mais cela ne semblait pas correspondre à l’attitude d’une réfugiée craintive.

 

[18]           La Commission a conclu que, même si M. Wehbe avait sans doute apporté un soutien aux FL en exerçant à l’occasion pour elles des activités de surveillance, « son rôle et son engagement à leur égard n’ont jamais pris une forme susceptible d’attirer l’attention du service secret syrien ». Il était révélateur pour la Commission que les demandeurs n’aient pas eu connaissance de gens qui seraient venus s’enquérir de M. Wehbe chez lui ou chez des membres de sa famille ou chez des amis, et que personne n’ait été interrogé à son sujet. M. Wehbe a expliqué qu’il ne discutait jamais de cela au téléphone avec sa famille et que, en tout état de cause, ce n’est pas parce que sa famille ne parlait jamais de cela que ce n’était pas arrivé. M. Wehbe a témoigné qu’il était particulièrement soucieux d’épargner à son épouse telle ou telle information qui pouvait être stressante parce que les conséquences émotives du conflit au Liban avaient été pour elle considérables au point de requérir la prise de médicaments. D’ailleurs, il avait été incité à partir non seulement en raison des menaces, mais également sur les admonestations d’autres personnes qui avaient ses intérêts à cœur et qui savaient que sa vie était en danger.

 

[19]           La Commission a rejeté ces explications, n’y voyant que conjectures. M. Wehbe aurait demandé à sa famille si quelqu’un était à sa recherche, surtout compte tenu d’une demande d'asile non encore résolue.

 

[20]           La Commission n’a pas non plus été persuadée que M. Wehbe avait été menacé en raison du fait que les gens considérés comme anti-Syriens sont encore exposés à des exactions au Liban. La preuve citée par la Commission montre que, en dépit d’un retrait syrien en 2005, il reste encore au Liban des agents secrets syriens, et des politiciens anti-syriens de haut niveau y ont été assassinés.

 

[21]           Le témoin de M. Wehbe, M. Elias Bejjani, du Conseil de coordination libano-canadien (CCLC), a témoigné de la présence clandestine de Syriens, et M. Wehbe a produit des articles confirmant l’assassinat de certains membres des FL en 2002, 2004 et 2005. La Commission fait cependant observer qu’il n’est pas établi que ces assassinats étaient imputables à des agents secrets syriens.

 

[22]           Finalement, s’agissant de l’évolution de la situation au Liban, la Commission a estimé que les autorités libanaises s’emploient à poursuivre les responsables des massacres. Elle a relevé que les élections de 2005 avaient été remportées par une majorité de politiciens opposés à l’ingérence syrienne. Et, bien que les chrétiens maronites puissent être la cible d’autres groupes religieux, il s’agit d’actes commis au hasard et non d’actes individualisés. L’instabilité politique existe encore au Liban, mais c’est un climat auquel font face plus ou moins tous les Libanais, en fonction de leurs appartenances. En tout état de cause, la Commission a conclu qu’il s’était écoulé dix-huit ans depuis que M. Wehbe avait cessé ses activités d’informateur, et huit ans depuis qu’il avait vécu au Liban : « il n’y a pas plus qu’une simple possibilité qu’il intéresse quiconque au Liban aujourd’hui ».

 

[23]           Les demandeurs croient qu’ils seront fichés également aujourd’hui, non seulement par le service secret syrien, mais également par le Hezbollah, les groupes armés palestiniens et Al-Qaeda. La Commission a estimé que la preuve produite ne permettait pas de conclure à une persécution passée subie par les deux demandeurs, et qu’il n’était guère probable que les demandeurs soient ciblés par ces groupes dans l’avenir s’ils devaient retourner au Liban.

 

[24]           Selon le demandeur, la Commission n’a pas motivé sa réponse négative à la question la plus importante : était-il vraisemblable que M. Wehbe serait persécuté s’il reprenait ses activités ou s’il était vu comme les ayant reprises? La Commission a plutôt considéré que M. Wehbe avait sans doute apporter son soutien aux FL, mais jamais au point d’appeler l’attention des Syriens, ajoutant qu’il n’était pas établi que les chrétiens maronites sont persécutés aujourd’hui ou qu’une personne comme M. Wehbe serait personnellement ciblée.

 

[25]           Les demandeurs affirment qu’ils se sont acquittés de leur obligation d’établir une crainte fondée de persécution. Même si un cas isolé de persécution ne suffit pas, cela ne veut pas dire qu’un demandeur d’asile n’a pas connu la persécution ou n’avait pas de bonnes raisons de craindre la persécution : Madelat c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. n° 49.

 

[26]           Les demandeurs affirment aussi que la Commission a commis une erreur de droit lorsqu’elle a dit que leur demande d'asile était amoindrie par le fait qu’ils avaient voyagé en dehors du Liban et qu’ils ne s’étaient pas réclamés de la protection des autorités. Dans la décision Prapaharan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 272, la Cour écrivait : « Il semble que les principales revendications du demandeur concernant la persécution soient antérieures à son retour au Sri Lanka en 1998. Les persécutions ultérieures à la date à laquelle elle se réclame de nouveau de la protection des autorités n'empêchent pas une personne de présenter une revendication du statut de réfugié sans devoir réfuter un argument portant sur le fait qu'elle s'est réclamée de la protection de son pays. » L’incident le plus grave, survenu le 17 avril 2001, s’est produit après les voyages en Bulgarie, en Russie, en Grèce et en Syrie.

 

[27]           Selon les demandeurs, la conclusion de la Commission selon laquelle l’incident du 17 avril 2001 n’a pas eu lieu et fait par conséquent douter de la crédibilité de M. Wehbe est déraisonnable.

 

[28]           Le défendeur fait valoir que, s’agissant de la crédibilité des demandeurs et de la vraisemblance de leur récit, la Commission a tiré des conclusions auxquelles elle pouvait parfaitement arriver, compte tenu du dossier. La Commission a aussi exposé et appliqué correctement les notions de « réfugié au sens de la Convention » et de « personne à protéger ».

 

[29]           La norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle applicable aux décisions de la Commission et elle suppose un niveau élevé de retenue. L’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales dispose qu’une décision de la Commission peut être réformée si elle est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait.

 

[30]           Le défendeur affirme aussi que, contrairement aux arguments des demandeurs, il ressort de la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour d'appel fédérale que la Commission peut prendre en compte des visites répétées dans un pays où règne une prétendue persécution pour juger de l’existence d’une crainte authentique et fondée de persécution : Romero c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (13 mai 2005), doc. n° IMM-1904-04 (C.F.), et Bogus c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1993] 71 F.T.R. 260, décision confirmée (26 septembre 1996) doc. n° A-712-93 (C.A.F.).

 

[31]           Le défendeur soutient aussi que l’explication du demandeur selon laquelle il n’avait visité la Syrie qu’avant le prétendu incident du 17 avril 2001 ne rime à rien puisqu’il affirmait aussi que des menaces de mort par téléphone avaient été proférées contre lui de 1995 à 2001. Étant donné les prétendues menaces de mort, la Commission pouvait [traduction] « parfaitement prendre en compte les nombreux voyages des demandeurs au Liban et en Syrie même ».

 

[32]           Le défendeur dit que, en tout état de cause, la question de l’incident d’avril 2001 est théorique puisque la Commission a nié qu’il ait eu lieu, compte tenu que le récit fait durant l’audience de la Commission par M. Wehbe était différent de celui qui figurait dans son FRP. L’omission d’un événement important peut conduire la Commission à tirer des conclusions défavorables. Voir par exemple Lobo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (20 avril 1995), doc. n° IMM-3387-94 (C.F. 1re inst.).

 

[33]           La Commission peut également ne pas croire un demandeur d’asile si le FRP de celui-ci ne s’accorde pas avec le témoignage produit à l’audience. Voir par exemple Barrera c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 18 Imm. L.R. (2d) 81, 99 D.L.R. (4th) 264, [1993] 2 C.F. 3.

 

[34]           Dans l’arrêt Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale écrivait que la Commission est fondée à ne pas croire un demandeur d’asile si sa version des faits contient des contradictions et des incohérences.

 

[35]           S’agissant de la lenteur à agir des demandeurs, le défendeur dit que la Commission peut tenir compte du délai qui s’est écoulé avant le dépôt de la demande d'asile, pour autant que le délai ne soit pas le facteur unique ou déterminant : Radulescu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (16 juin 1993), doc. n° 92-T-7164 (C.F. 1re inst.). Le fait de ne pas avoir demandé l’asile dans un pays qui est un pays signataire de la Convention pourra être interprété comme une conduite qui ne s’accorde pas avec une crainte fondée de persécution : Assadi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (25 mars 1997), doc. n° IMM-2683-96 (C.F. 1re inst.). Le fait de ne pas avoir déposé une demande d'asile atteste également une absence de crainte subjective : Ilie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (22 novembre 1994), doc. n° Imm‑462‑94) (C.F. 1re inst.). La Commission n’est pas non plus tenue d’accepter l’explication donnée par un demandeur d’asile pour justifier sa lenteur à agir : décision Bogus, précitée. S’agissant des faits, le défendeur affirme que l’allégation de M. Wehbe selon laquelle il avait reçu des menaces par téléphone de 1995 à 2001 rendait d’autant plus suspecte sa lenteur à agir, et la Commission pouvait parfaitement exciper de ce fait pour tirer des conclusions défavorables.

 

[36]           Les questions de fait et les questions mixtes de droit et de fait sont revues d’après la norme de la décision raisonnable.

 

[37]           La Cour applique la norme de la décision raisonnable aux conclusions touchant la crédibilité d’un demandeur d’asile : Malveda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 447; Khokhar c. Canada (MCI), 2008 CF 449; Aguirre c. Canada (MCI), 2008 CF 571; Arizaj c. Canada (MCI), 2008 CF 774.

 

[38]           Dans son examen de la décision de la Commission d’après la norme de la décision raisonnable, la Cour s’attachera « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[39]           Cette demande d’asile tient entièrement à la crédibilité des demandeurs. Plus précisément, la Commission s’est intéressée à la cohérence des faits allégués par les demandeurs et a tiré des conclusions fondées sur ce qu’elle a perçu comme des invraisemblances.

 

[40]           La Commission a jugé invraisemblable que le service secret syrien lui ait fait signer un écrit dans lequel il s’engageait à quitter le Liban dans un délai de trois mois et à cesser ses activités politiques, compte tenu notamment qu’il songeait déjà à partir. Subsidiairement, la Commission écrivait que l’incident ne s’accordait pas avec l’idée qu’elle se faisait du service secret syrien, et que le service secret syrien l’aurait éliminé au lieu de lui dire de partir.

 

[41]           La Commission a estimé que la crédibilité des demandeurs était également ébranlée par le fait qu’ils n’avaient pas demandé l’asile ailleurs et par la lenteur de M. Wehbe à demander l’asile après avoir quitté le Liban.

 

[42]           Au vu des faits, la décision de la Commission était raisonnable et la Cour se doit d’y déférer. La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE : la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune des parties n’a proposé qu’une question de portée générale soit certifiée.

 

 

« Louis S. Tannenbaum »

Juge suppléant

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice
PRÉCÉDENTS CONSIDÉRÉS PAR LA COUR

 

a.           Kurniewicz c. M.M.I., (1974) 6 N.R. 225

b.          Wu c. M.E.I., T-50-89, 24 janvier 1989

c.           Jamal Saleh c. M.E.I., 89 T- 667, 22 septembre 1989 (C.F. 1re inst.)

d.          Placido Alves Capelos c. M.E.I., 89-T-657, 30 août 1989 (C.F. 1re inst.)

e.           Molina c. M.E.I. (1975), 12 N.R. 317 (C.A.F.)

f.            MCI c. Chris John Shwaba, 2007 CF 80

g.           Salibian c. Canada (M.E.I.), [1990] 3 C.F. 250 (C.A.)

h.           Madelat c. M.E.I. and Mirzabeglui c. M.E.I.,  A-537-89 et A-538-89

i.             Prapaharan c. Canada (M.C.I.), 2001 CFPI 272

j.            Thuraiveerasingam Kandiah c. M.C.I., 2005 CF 181

k.          Gabeyehu c. M.C.I., IMM-863-95 (C.F. 1re inst.)

l.             Liblizadeh c. Canada (M.C.I.), IMM-5062-97 (C.F. 1re inst.)

m.         Akhigbe c. Canada (M.C.I.), 2002 CFPI 249

n.           Ledezma c. Canada (M.C.I.), 2005 CF 90

o.          De Urbina c. Canada (M.C.I.), 2004 CF 494

p.          Gavryushenko c. Canada (M.C.I.), IMM-5912-99 (C.F. 1re inst.)

q.          Sida c. Canada (M.C.I.), 2006 CF 545

r.            Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9

s.           Eler c. M.C.I., 2008 CF 334

t.            Canada (P.G.) c. Grover, 2008 CAF 97

u.           Martin c. Canada (Ministère du Développement des ressources humaines), 16 décembre 1999, A-229-98 (C.A.F.)

v.           Rodriguez Estrella c. Canada (M.C.I.), 2008 CF 633

w.         Malveda c. Canada (M.C.I.), 2008 CF 447

x.           Anjete c. Canada (M.C.I.), 2008 CF 644

y.           Mendez c. Canada (M.C.I.), 2008 CF 584

z.           Naumets c. Canada (M.C.I.), 2008 CF 522

aa.       Obeid c. Canada (M.C.I.), 2008 CF 503

bb.      Da Mota c. Canada (M.C.I.), 2008 CF 386

cc.       Pompey c. Canada (M.C.I.), 18 septembre 1996, IMM-16-97 (C.F. 1re inst.)

dd.      Kanakulya c. Canada (M.C.I.), 11 octobre 2009, IMM-2990-01 (C.F. 1re inst.)

ee.       Romero c. Canada (M.C.I.), 13 mai 2005, IMM-1904-04 (C.F.)

ff.          Bogus c. Canada (M.E.I.), [1993] 71 F.T.R. 260 (confirmé par la C.A.F. le 26 septembre 1996 dans A-712-93)

gg.       Lobo c. Canada (M.C.I.), 20 avril 1995, IMM-3387-94 (C.F. 1re inst.)

hh.       Uppal c. Canada (S.G.C.), 23 janvier 1995, IMM-552-94 (C.F. 1re inst.)

ii.           Somasundaram c. Canada (M.C.I.), 21 septembre 1994, IMM-6030-93

jj.          Barrera c. Canada (M.E.I.) (1993), 18 Imm. L.R. (2d) 81

kk.      Dhillon c. Canada (M.C.I.), 21 mai 1999, IMM-3371-98 (C.F. 1re inst.)

ll.           Jayasundara c. Canada (M.C.I.), 16 décembre 1998, IMM-5464-97 (C.F. 1re inst.)

mm.   Aguebor c. Canada (M.E.I.), (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)

nn.       Radulescu c. Canada (M.E.I.), 16 juin 1993, 92-A-7164 (C.F. 1re inst.)

oo.      Assadi v.Canada (M.C.I.), 25 mars 1997, IMM-2683-96 (C.F. 1re inst.)

pp.      Ilie v.Canada (M.C.I.), 22 novembre 1994, IMM-461-94 (C.F. 1re inst.)

qq.      Sellathamby c. Canada (M.C.I.), 8 juin 2000, IMM-1854-99 (C.F. 1re inst.)

rr.         Stoica c. Canada (M.C.I.), 12 septembre 2000, IMM-1388-99 (C.F. 1re inst.)

ss.        Pissareva c. Canada (M.C.I.), 4 décembre 2000, IMM-1393-00 (C.F. 1re inst.)

tt.          Letshou-Olemlso c. Canada (M.C.I.), [1990] 3 C.F. 45

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3058-08

 

INTITULÉ :                                       EDMOND WEHBE, RITA TABET c. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 23 JUIN 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SUPPLÉANT TANNENBAUM

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 18 MARS 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Micheal Crane

 

POUR LES DEMANDEURS

David Tyndale

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Micheal Crane

Avocat

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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