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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20100312

Dossier : T-411-01

Référence : 2010 CF 287

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 mars 2010

En présence de Monsieur le juge O'Reilly

 

ENTRE :

APOTEX INC.

demanderesse

et

 

MERCK & CO., INC. et

MERCK FROSST CANADA & CO.

 

défenderesses

 

ET ENTRE :

 

MERCK & CO., INC. et

MERCK FROSST CANADA & CO.

 

demanderesses reconventionnelles

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

représentée par

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défenderesse reconventionnelle

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

I.        Aperçu général

[1]               La défenderesse, Merck Frosst Canada & Co., détient les droits sur un médicament breveté appelé norfloxacine. (Par consentement, l’action introduite contre l’autre défenderesse désignée, Merck & Co., Inc., a été rejetée). Au début des années 90, Apotex Inc. a tenté d’entrer sur le marché avec une version générique de la norfloxacine et, à cette fin, a prié le ministre de la Santé de lui délivrer un avis de conformité. Apotex affirmait qu’elle ne porterait pas atteinte au brevet de la défenderesse car soit elle utiliserait la matière première de la norfloxacine acquise par une société tierce, Novopharm Ltd., à la faveur d’une licence obtenue de Merck, soit elle produirait la norfloxacine selon une méthode qui ne porterait pas atteinte au brevet.

 

[2]               Merck a déposé deux demandes en vue de faire interdire au ministre de délivrer à Apotex un avis de conformité. S’agissant de la première demande, qui concernait l’emploi d’une méthode, exempte de contrefaçon, pour la fabrication de la norfloxacine, le juge Marshall Rothstein a rendu l’ordonnance que Merck sollicitait, et la Cour d'appel fédérale a rejeté l’appel d’Apotex (Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1999] A.C.F. n° 209 (C.A.F.) (QL)).

 

[3]               S’agissant de la deuxième demande, qui concernait l’emploi de matières autorisées, la juge Sandra Simpson a rendu en 1995 l’ordonnance sollicitée par Merck (Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1995), 65 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.)). Apotex a, sans succès, fait appel de cette décision devant la Cour d'appel fédérale (Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1996), 67 C.P.R. (3d) 455 (C.A.F.)). Apotex en a appelé à nouveau devant la Cour suprême du Canada, qui a cassé l’ordonnance d’interdiction le 9 juillet 1998 (Merck Frosst Canada c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 193). Une semaine plus tard, le ministre délivrait à Apotex l’avis de conformité qu’elle demandait.

 

[4]               Apotex voudrait maintenant se faire indemniser par Merck en vertu de l’article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, modifié par DORS/98-166 (les dispositions réglementaires applicables sont reproduites dans les annexes I et II). Apotex fait valoir qu’elle a droit à réparation pour avoir été tenue à l’écart du marché de la norfloxacine durant plusieurs années alors que les parties étaient en litige.

 

[5]               Deux questions se posent :

1.      Quelle version du Règlement est applicable : la version de 1993, ou la version qui est entrée en vigueur en mars 1998?

 

2.      Si Merck n’avait pas sollicité une ordonnance visant à empêcher Apotex d’obtenir un avis de conformité, Apotex aurait-elle été en mesure d’entrer sur le marché et, dans l’affirmative, à quelle date?

 

[6]               En résumé, je suis d’avis que la version de 1998 du Règlement s’applique à la présente action et que Apotex serait entrée sur le marché plus tôt si elle n’en avait pas été empêchée par l’opération du Règlement et de l’ordonnance obtenue par Merck en 1995. Par conséquent, Apotex a le droit, en vertu du Règlement, de se faire indemniser par Merck. Suite à une ordonnance de dissociation, la présente phase du procès s’intéresse uniquement à la question de savoir si la réclamation d’Apotex est fondée en fait et en droit. Les dommages-intérêts seront chiffrés au cours d’une phase ultérieure.

 

II.     Analyse

 

1.  Quelle version du Règlement s’applique : la version de 1993, ou la version qui est entrée en vigueur en mars 1998?

 

a)                Comparaison de la version de 1993 et de la version de 1998 du Règlement

[7]               Le Règlement a été modifié le 12 mars 1998, environ quatre mois avant l’arrêt de la Cour suprême du Canada selon lequel Merck n’avait pas droit à l’ordonnance d’interdiction qu’elle avait obtenu. La règle transitoire insérée dans le Règlement de 1998 (le paragraphe 9(6)) dispose que l’article modifié prévoyant réparation (à savoir l’article 8) s’applique aux demandes qui étaient « pendantes » à la date d’entrée en vigueur du nouveau Règlement.

 

[8]               Il ressort clairement de l’article 8 de la version de 1998 qu’une société qui a réussi à obtenir une ordonnance d’interdiction qui est plus tard annulée dans un appel doit indemniser la société qui a ainsi été empêchée d’entrer sur le marché de « toute perte » subie par elle à compter de la date à laquelle un avis de conformité aurait autrement été accordé à cette dernière société (ou à compter d’une autre date appropriée) et jusqu’à la date de l’annulation de l’ordonnance.

 

[9]               Apotex fait valoir que la demande de Merck était « pendante » à la date d’entrée en vigueur du Règlement de 1998 parce qu’une décision définitive n’avait pas encore été rendue sur son bien-fondé. Il n’y a eu décision définitive qu’en juillet 1998, lorsque la Cour suprême du Canada a annulé l’ordonnance d’interdiction. Par conséquent, de soutenir Apotex, le Règlement de 1998, et notamment sa disposition réparatrice modifiée, s’appliquent à Merck. Merck doit donc indemniser Apotex de sa perte à compter de la date à laquelle Apotex aurait autrement obtenu son avis de conformité, et jusqu’à la date de la décision de la Cour suprême. Apotex dit que la première date est le 10 juin 1993 et que la deuxième, évidemment, est le 9 juillet 1998.

 

[10]           Merck fait valoir que le Règlement de 1998 ne s’applique pas parce que sa demande d’ordonnance d’interdiction n’était plus « pendante » à la date d’entrée en vigueur du nouveau Règlement. Elle dit que c’est en 1995 que la juge Simpson a statué sur sa demande. Apotex a fait appel de l’ordonnance qu’elle a rendue, et il n’a été statué à titre définitif sur le bien-fondé de la demande que lorsque la Cour suprême a rendu sa décision, mais la demande même n’était plus pendante.

 

[11]           C’est là pour les parties une question importante parce que le sens de la disposition réparatrice du Règlement de 1993 est, aux dires de tous, obscur. La version de 1993 de l’article 8 dit que le titulaire du brevet est responsable de tout préjudice subi par une deuxième société en quête d’un avis de conformité lorsque le ministre reporte la délivrance de l’avis de conformité au-delà de la date d’expiration de tous les brevets visés par une ordonnance d’interdiction. Le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR) qui accompagnait le Règlement de 1993 précisait que le gouverneur en conseil entendait rendre responsable un titulaire de brevet, telle Merck, lorsqu’un fabricant concurrent de produits génériques, telle Apotex, avait été tenu injustement à l’écart du marché :

En outre, la mise en marché de certains produits génériques qui, au bout du compte, ne sont pas des contrefaçons d’un brevet original (produit ou utilisation d’un produit) pourrait avoir été retardée indûment si les brevets énumérés dans la demande d’avis de conformité du titulaire d’un brevet se révèlent être nuls ou si le médicament générique n’est pas une contrefaçon. Toutefois, le nombre de ces retards et les coûts qui s’y rattachent devraient être peu élevés parce que le breveté sera conscient qu’il est responsable des dommages causés par ce délai.

 

[12]           Je dois faire observer que, dans la version anglaise initiale du REIR, la négation « not » était omise dans la première phrase, tandis que les mots « ne sont pas » apparaissaient dans la version française. Cependant, il s’agissait, dans la version anglaise, d’un oubli évident compte tenu du contexte et compte tenu également de la version française du REIR, que je reproduis ici à nouveau : « la mise en marché de certains produits génériques qui [...] ne sont pas des contrefaçons d’un brevet original [...] pourrait avoir été retardée indûment [...] ».

 

[13]           Les deux parties ont proposé des interprétations plausibles de ce que pourrait vouloir dire l’article 8. Selon Apotex, les dispositions de 1993 et celles de 1998, tout en étant formulées différemment, sont identiques dans leur effet. Merck soutient que la version de 1993 ne lui fait porter aucune responsabilité tandis que la version de 1998 établit une responsabilité objective. Pour être franc, le sens de la version de 1993 m’échappe. Ainsi que l’écrivait le juge James Hugessen :

L’article 8 est particulièrement obscur. Il paraît rendre la première personne responsable en dommages si le ministre se conformait à la période d’interdiction de 30 mois dans les cas où le paragraphe 7(2) prévoit expressément que l’interdiction aura pris fin. Heureusement, la Cour n’est pas appelée à l’interpréter dans cet appel. (Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 55 C.P.R. (3d) 302 (C.A.F.), page 316.)


 

[14]           Il semble ressortir assez clairement du REIR que l’intention initiale du gouverneur en conseil était d’instituer une responsabilité selon l’esprit de ce qui fut plus tard promulgué dans le Règlement de 1998. Le REIR de 1998 précise que l’objet de la modification était de donner « de plus grandes précisions » sur « les circonstances où des dommages-intérêts pourront être accordés à un fabricant [de produits génériques] afin de le dédommager des pertes subies à cause du report de la mise en marché de son médicament générique ». Il semble donc que l’intention initiale était de rendre responsables les titulaires de brevets envers les fabricants de produits génériques qui se voyaient refuser indûment l’entrée sur le marché, et que la modification de 1998 avait simplement pour objet de rendre cela plus clair. Cependant, en 1993, le gouverneur en conseil n’avait, semble-t-il, pas trouvé les mots propres à exprimer son intention. En 1998, il les a trouvés.

 

[15]           En tout état de cause, je n’ai pas à dire d’une manière définitive ce que le Règlement de 1993 veut dire, parce que, selon moi, c’est la version de 1998 qui est applicable ici. Autrement dit, je suis d’avis que la demande de Merck était effectivement « pendante » en mars 1998 et que, par conséquent, selon la règle transitoire, le Règlement de 1998 s’applique à la présente action.

 

b)      Qu’est-ce qu’une demande « pendante »?

 

[16]           Manifestement, le mot « pendante » tire son sens du contexte dans lequel il est employé. Merck fait valoir qu’il faut s’inspirer des autres mots apparaissant dans le Règlement de 1998. Elle fait observer que la règle transitoire, c’est-à-dire le paragraphe 9(6), parle des demandes qui sont pendantes à la date d’entrée en vigueur du Règlement. La disposition réparatrice même, c’est-à-dire l’article 8, prévoit un recours lorsque la demande « est retirée ou fait l’objet d’un désistement » ou lorsqu’elle « est rejetée par le tribunal qui en est saisi », ou lorsque « l’ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité […] est annulée lors d’un appel ». Selon Merck, quand la règle transitoire parle d’une demande « pendante », il s’agit de la période antérieure au retrait, au désistement ou au rejet de la demande. Il ne s’agit pas de ce qui peut arriver après que la demande a été accordée et après qu’une ordonnance d’interdiction a été rendue, même si l’ordonnance est infirmée en appel. Si la disposition était censée s’appliquer aux ordonnances dont le sort reposait entre les mains de juridictions supérieures, on y aurait employé le mot « ordonnance », et non le mot « demande ».

 

[17]           Merck fait aussi valoir que le fait d’interpréter le Règlement de 1998 de telle sorte qu’il s’applique à la présente affaire reviendrait à lui conférer un effet rétroactif. La Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4, ne confère nulle part au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements rétroactifs. Par conséquent, selon Merck, si je considère que la règle transitoire devrait s’appliquer à la présente affaire, alors je dois conclure que le gouverneur en conseil a outrepassé son pouvoir de réglementation. Au soutien de cet argument, Merck affirme que l’application de la disposition réparatrice du Règlement de 1998 porterait atteinte à ses droits acquis.

 

[18]           Selon moi, la demande d’ordonnance d’interdiction déposée par Merck demeurait pendante à l’entrée en vigueur du Règlement de 1998. C’est donc l’article 8 du Règlement de 1998 qui définit ici les recours possibles. Selon l'interprétation que j’en fais, cette disposition n’a pas d’effet rétroactif et, quand bien même elle aurait un tel effet, son application ne porte pas atteinte aux droits acquis de Merck.

 

[19]           De manière générale, une affaire pendante est une affaire à propos de laquelle d’autres mesures peuvent être prises (In re Clagett’s Estate; Fordham c. Clagett (1882), 20 Ch. D. 637 (C.A.), page 653)). On peut considérer qu’une affaire est pendante tant qu’elle n’a pas été conclue de manière définitive – [traduction] « l’action n’expire pas avec la décision rendue par le juge du procès ». Elle est, au contraire, [traduction] « encore actuelle, encore pendante, jusqu’à ce que toutes les voies de recours aient été épuisées » (Hampton Lumber Mills Ltd. c. Joy Logging Ltd., [1977] 2 W.W.R. 289 (C.S.C.-B.), paragraphes 13, 20).

 

[20]           S’exprimant dans le contexte du Règlement de 1998, le juge Roger Hughes écrivait qu’une procédure est pendante si elle « n’est pas encore terminée » et « n’a fait l’objet d’aucune décision finale » (Apotex Inc. cSyntex Pharmaceuticals et al., 2009 CF 494, au paragraphe 38). En revanche, une décision finale est une décision qui est rendue lorsque « tous les appels ont été tranchés » (paragraphe 39). Selon ce raisonnement, la demande de Merck était encore pendante à l’entrée en vigueur du Règlement de 1998; la Cour suprême du Canada était encore saisie de l’affaire et n’avait pas rendu une décision finale sur le fond de la demande de Merck.

 

[21]           Le juge Hughes faisait observer que, dans l’affaire dont il était saisi, la demande n’était pas pendante à la date d’entrée en vigueur du Règlement de 1998. La Cour avait rendu une ordonnance d’interdiction, et l’appel formé contre cette décision avait été rejeté bien avant que le Règlement de 1998 n’entrât en vigueur le 12 mars 1998. L’affaire n’était pas pendante; elle avait atteint son terme. Par conséquent, c’est le Règlement de 1993 qui s’appliquait, non celui de 1998. Ultérieurement, en 1999, l’ordonnance fut annulée par la juge Barbara Reed, qui, simultanément, rejeta la demande sous-jacente. Le juge Hughes a estimé que le rejet de la demande aurait déclenché l'application de la disposition réparatrice du Règlement de 1998, si ce règlement s’était appliqué.

 

[22]           Je relève que, dans l’affaire dont je suis saisi, la Cour suprême du Canada, en faisant droit au pourvoi d’Apotex, a explicitement rejeté, dans son arrêt du 9 juillet 1998, la demande d’ordonnance d’interdiction déposée par Merck. Tant le rejet de la demande que l’annulation de la décision sur laquelle était fondée l’ordonnance d’interdiction engagent la responsabilité dans la version de 1998 du Règlement. Si la demande de Merck n’avait pas alors été « pendante », la Cour suprême n’aurait eu aucune raison de la rejeter.

 

[23]           Comme je l’ai dit, le mot « pendante » tire son sens du contexte dans lequel il est employé. Merck fait observer à juste titre que, pour ce qui concerne les droits d’appel prévus par l’article 27 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, article 1; L.C. 2002, ch. 8, article 14, une demande cessera d’être pendante après que la Cour fédérale aura statué sur elle. Le jugement de la Cour fédérale sera considéré comme étant un jugement définitif susceptible d’appel. En l’espèce, la Cour fédérale a statué en 1995 sur la demande d’ordonnance d’interdiction déposée par Merck et, aux fins du droit d’appel d’Apotex, le jugement de la Cour était un jugement définitif. En ce sens, on ne saurait dire que la demande était pendante.

 

[24]           Cependant, si l’on considère le contexte global, alors il est impossible d’affirmer que, après l’appel formé par Apotex, un jugement définitif avait été rendu au fond sur la demande de Merck. La demande de Merck était « pendante » au sens où sa base juridique était à tous points de vue une question non encore réglée soumise à la Cour suprême du Canada alors que le Règlement de 1998 était entré en vigueur.

 

[25]           Merck fait valoir que le mot « demande », dans la règle transitoire, c’est-à-dire le paragraphe 9(6), évoque uniquement les circonstances décrites dans l’article 8, c’est-à-dire celles où une demande est retirée, fait l’objet d’un désistement ou est rejetée. Il ne comprend pas une ordonnance qui est annulée en appel. Selon cette interprétation, une demande serait pendante uniquement jusqu’à ce qu’elle soit retirée, qu’elle fasse l’objet d’un désistement ou qu’elle soit rejetée. Selon Merck, il serait impossible d’affirmer qu’une demande qui s’est soldée par une ordonnance d’interdiction est pendante, même si appel est interjeté de l’ordonnance. Si le gouverneur en conseil avait voulu que le Règlement de 1998 s’applique à une ordonnance portée en appel, la règle transitoire l’aurait dit plus clairement, par exemple de la manière suivante : [traduction] « L’article 8 s’applique à toute procédure inachevée se rapportant à la délivrance d’une ordonnance d’interdiction. »

 

[26]           Cet argument ne me convainc pas. D’abord, comme je l’ai dit, le sens du mot « pendante » est assez clair, et je dois présumer que les rédacteurs de la règle transitoire étaient bien au fait de sa portée. Deuxièmement, comme on peut le lire dans le REIR de 1998, l’objet de la disposition réparatrice modifiée était d’expliquer la responsabilité des titulaires de brevets et non, comme l’affirme Merck, d’instituer pour cette responsabilité une base entièrement nouvelle. Il ne serait pas injuste dans ce contexte d’appliquer la disposition modifiée à toutes les affaires qui se trouvaient dans le système à ce moment-là, et il n’y a aucune raison particulière de considérer les affaires où une ordonnance d’interdiction était frappée d’appel différemment des affaires encore aux premiers stades d’une contestation.

 

[27]           Merck invoque un arrêt de la Cour d'appel fédérale Hoffman-LaRoche Ltd., et al. cCanada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), et al. (1999), 235 N.R. 302 (C.A.F.). Dans cette affaire, la Cour d'appel fédérale écrivait que, lorsque le Règlement parle d’une demande qui est « rejetée par le tribunal de façon définitive », il faut comprendre une demande rejetée par la Cour fédérale, non par la Cour d'appel fédérale ou par la Cour suprême du Canada. Ainsi, de dire Merck, une demande ne devrait être considérée comme pendante que lorsque c’est la Cour fédérale qui en est saisie. Je relève cependant que, dans le Règlement, le mot « tribunal » s’entend explicitement de la Cour fédérale. Les mots susmentionnés en cause dans cet arrêt se rapportaient clairement à la décision initiale, celle du juge de première instance. Le Règlement a depuis été modifié et parle maintenant du tribunal « qui est saisi [de la demande] » (paragraphe 7(4) et article 8). Cependant, le mot « tribunal » n’apparaît pas dans la règle transitoire du Règlement de 1998, c’est-à-dire le paragraphe 9(6). Cette disposition parle simplement des « demandes qui sont pendantes » à la date d’entrée en vigueur du Règlement. Elle ne parle pas des « demandes qui sont pendantes devant le tribunal » ni des « demandes qui sont pendantes devant le tribunal qui est saisi de la demande ». Quand le gouverneur en conseil a voulu préciser le stade pertinent de l’instance, il a employé des mots précis.

 

[28]           D’ailleurs, il m’est impossible de dire que le Règlement de 1998 porte atteinte à des droits acquis de Merck. Au mieux, avant l’entrée en vigueur du Règlement de 1998, Merck avait droit à ce que sa responsabilité envers Apotex soit établie en fonction de la version de 1993 de l’article 8, une disposition dont le sens est pour le moins obscur. Il ne s’agit pas là d’un droit acquis. Merck avait le droit de prétendre que la version de 1993 de l’article 8 ne lui imposait pas de responsabilité, mais l’issue d’un tel argument est inconnaissable. Aucun tribunal n’a été appelé à interpréter l’ancien article 8, et donc aucun tribunal n’a jugé que des sociétés se trouvant dans la situation de Merck n’étaient pas responsables envers des fabricants de produits génériques tenus à l’écart du marché par suite de l’application du Règlement. Merck avait le droit, sans plus, de préconiser devant un tribunal bienveillant une interprétation favorable du Règlement. Comme je l’ai dit, Merck affirme être passée du stade où elle n’avait aucune responsabilité au regard du Règlement de 1993, au stade où elle avait une responsabilité objective au regard du Règlement de 1998. Autrement dit, elle a présenté sa demande d’interdiction visant à tenir Apotex à l’écart du marché en sachant que, ce faisant, elle ne serait exposée à aucune conséquence financière fâcheuse, quand bien même elle échouerait à obtenir une ordonnance d’interdiction, ou quand bien même l’ordonnance serait plus tard annulée. Je crois que Merck surévalue sa position. Selon moi, elle est passée du stade où sa responsabilité en 1993 était incertaine au stade où sa responsabilité en 1998 était possible. Elle n’a pas été dépossédée d’un droit acquis, uniquement d’un argument non testé. Elle a maintes fois affirmé que l’article 8 du Règlement de 1993 équivalait à un engagement de verser des dommages-intérêts, tout en soutenant qu’il ne lui imposait pas d’obligations. Je trouve cette position peu convaincante. Il m’est donc impossible de dire que le Règlement de 1998 comporte un effet rétroactif non autorisé dépassant la compétence du gouverneur en conseil.

 

[29]           L’article 8 dit qu’un titulaire de brevet répond des pertes subies par un concurrent qui fabrique des produits génériques et qui a été tenu à l’écart du marché par l’effet de l’application du Règlement. Dans la présente affaire, cette responsabilité est née de ce que la Cour suprême du Canada a rejeté la demande de Merck et a cassé l’ordonnance d’interdiction. Cela ne s’est produit qu’après l’entrée en vigueur du Règlement de 1998. La réclamation d’Apotex au titre de l’article 8 ne pouvait avoir lieu qu’après la décision rendue par la Cour suprême du Canada en juillet 1998 et, tout naturellement, la disposition réparatrice du Règlement de 1998 s’y appliquait. On ne sait pas si le Règlement de 1993 aurait permis à Apotex d’obtenir réparation, mais il n’y a rien d’étrange ou d’injuste à ce que Apotex fasse reposer son action sur la disposition réparatrice alors en vigueur.

 

[30]           On pourrait dire que, dans la présente affaire, le Règlement de 1998 régit des faits qui sont à cheval sur la date de son entrée en vigueur. L’article 8 définit le champ de la responsabilité d’un titulaire de brevet selon deux dates – d’abord, la date à laquelle la deuxième société aurait obtenu son avis de conformité, n’eût été l’application du Règlement, et ensuite, la date à laquelle l’ordonnance d’interdiction obtenue par le titulaire de brevet a été cassée en appel (ou la date à laquelle sa demande d’ordonnance d’interdiction a été retirée ou rejetée). Ici, la première date est antérieure à l’entrée en vigueur du Règlement; la deuxième date lui est postérieure. Le juge Lebel décrivait ainsi cette situation dans l’arrêt Épiciers Unis Métro-Richelieu c. Collin, 2004 CSC 59, au paragraphe 46 (références omises) :

Il n’y a pas de rétroactivité lorsqu’une loi nouvelle s’applique à une situation constituée d’un ensemble de faits survenus avant et après l’entrée en vigueur du nouveau texte de loi ou à des effets juridiques qui chevauchent cette date.  Lorsque des faits sont en cours au moment de son entrée en vigueur, la loi nouvelle s’applique selon le principe de l’application immédiate, c’est-à-dire qu’elle régit le déroulement futur de la situation juridique. Si les effets juridiques sont en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, le principe de la rétrospectivité s’applique. Selon ce principe, la loi nouvelle régit les conséquences futures de faits accomplis avant son entrée en vigueur, sans toutefois modifier les effets qui se sont produits avant cette date.

 

[31]           Même selon cette manière de considérer le Règlement, il m’est impossible de voir une atteinte quelconque à des droits acquis que Merck pourrait détenir. Pour autant que l’on puisse dire que le Règlement est rétrospectif, je ne vois donc aucun fondement dans l’argument de Merck selon lequel le Règlement va à l’encontre de la règle générale voulant qu’une mesure législative subordonnée ne puisse pas avoir d’effet rétrospectif à moins que la loi d’habilitation autorise clairement cet effet.

 

[32]           Pour conclure, je suis d’avis que le Règlement de 1998 s’applique à la présente affaire. Merck est donc responsable envers Apotex « de toute perte subie au cours de la période », à compter de la date à laquelle Apotex aurait autrement obtenu un avis de conformité, et jusqu’à la date à laquelle la demande de Merck a été rejetée. Je passe maintenant au deuxième point.

 

2.  Si Merck n’avait pas sollicité une ordonnance visant à empêcher Apotex d’obtenir un avis de conformité, Apotex aurait-elle été en mesure d’entrer sur le marché et, dans l’affirmative, à quelle date?

 

a)      Le fardeau de la preuve

 

[33]           Essentiellement, je dois décider si Apotex a bien subi une perte pour avoir été tenue à l’écart du marché en raison de la procédure d’interdiction introduite par Merck. Je dois pour cela me demander ce qui serait arrivé si Merck n’avait pas introduit cette procédure.

[34]           Apotex fait valoir qu’elle n’a pas à établir, selon la prépondérance de la preuve, que, n’eût été l’application du Règlement, elle aurait pris sa place sur le marché de la norfloxacine. Il lui suffit au contraire de prouver qu’elle avait d’assez bonnes chances d’y prendre sa place. Les précédents invoqués à ce titre par Apotex portent sur le calcul des dommages-intérêts lorsque les tribunaux doivent prendre en compte des facteurs impondérables susceptibles d’influer sur leur montant (par exemple Athey cLeonati, [1996] 3 R.C.S. 458; Les Laboratoires Servier, et al. c. Apotex Inc., et al., [2008] E.W.H.C. (Ch.) 2347). Mais ici, ce que nous considérons, c’est la responsabilité de Merck en dommages-intérêts, et non le montant de ces dommages-intérêts. À ce stade, selon moi, Apotex doit montrer, selon la prépondérance de la preuve, qu’elle a été empêchée d’accéder au marché de la norfloxacine à cause de la demande d’interdiction déposée par Merck. Ainsi que l’écrivait le juge Norris dans l’arrêt Servier, Apotex doit [traduction] « établir selon la prépondérance de la preuve que ses chances de réaliser un bénéfice étaient réelles et non fantaisistes » (paragraphe 5e)). Ce propos s’accorde avec l’approche adoptée par la juge Johanne Gauthier dans la décision Eli Lilly and Company cApotex Inc., 2009 CF 991, au paragraphe 762. Cela étant, Apotex doit montrer, à tout le moins, qu’elle avait accès à des approvisionnements en norfloxacine. À défaut, son affirmation selon laquelle elle a été tenue à l’écart du marché à cause de la demande d’interdiction déposée par Merck serait fantaisiste, et non réelle.

 

[35]           L’article 8 circonscrit la réparation à l’intérieur d’une période précise, qui débute à la date à laquelle le ministre aurait délivré un avis de conformité au fabricant de produit générique (à moins qu’une autre date ne soit plus indiquée) et qui se termine à la date à laquelle l’ordonnance d’interdiction a été annulée. La période à retenir ici va donc du 10 juin 1993 au 9 juillet 1998. Il n’y a aucune raison en droit de retenir une autre date de début, qui soit plus indiquée, mais cela ne signifie pas que la perte d’Apotex a en fait débuté le 10 juin 1993.

 

[36]           Comme je l’écrivais plus haut, la présente phase du procès vise simplement à déterminer si Apotex a, en fait et en droit, établi le fondement de sa réclamation. J’ai conclu que l’article 8 du Règlement de 1998 donne une base juridique à la réclamation d’Apotex. Je dois maintenant me demander si Apotex a établi la base factuelle de sa réclamation, c’est-à-dire si elle aurait en réalité été en mesure de pénétrer le marché de la norfloxacine avant 1998 et, dans l’affirmative, à quel moment.

 

[37]           En résumé, Merck soutient qu’Apotex ne s’est pas acquittée de son fardeau de la preuve parce qu’elle n’a pas prouvé qu’elle disposait d’un approvisionnement accessible en matière exempte de contrefaçon et qui lui aurait permis de mettre le produit sur le marché.

c)       Facteurs déterminants de l’entrée sur le marché

 

[38]           J’examinerai uniquement si Apotex aurait pu entrer sur le marché avec des matières obtenues de Novopharm au titre de la licence obligatoire concédée à Novopharm par Merck. L’autre voie possible, c’est-à-dire la fabrication de norfloxacine selon un procédé exempt de contrefaçon, a été exclue par les décisions du juge Rothstein et de la Cour d'appel fédérale, dans lesquelles il a été jugé que le procédé envisagé par Apotex portait effectivement atteinte au brevet. Elle était également entravée d’ailleurs, par le fait que le fournisseur d’Apotex, Delmar Chemicals Inc., avait de la difficulté à produire la norfloxacine par un procédé exempt d’impuretés et censément exempt de contrefaçon.

 

[39]           La solution qui s’offrait à Apotex consistait à utiliser des matières obtenues par l’entremise de Novopharm. Novopharm détenait une licence obligatoire concédée par Merck pour la norfloxacine et avait conclu avec Apotex un accord d’approvisionnement mutuel qui permettait à Apotex d’obtenir sur demande des matières fabriquées sous licence. La Cour d'appel fédérale a conclu que cet accord d’approvisionnement équivalait à une sous-licence non autorisée, mais la Cour suprême du Canada a statué autrement dans son arrêt du 9 juillet 1998. L’accord d’approvisionnement offrait donc un moyen par lequel Apotex pouvait, du moins en théorie, entrer sur le marché de la norfloxacine sans porter atteinte aux droits de brevet de Merck.

 

[40]           Selon moi cependant, Apotex n’était pas en position d’entrer sur le marché de la norfloxacine en juin 1993, même si Merck n’avait eu déposé à son endroit aucune demande d’interdiction. Il y a deux raisons principales à cela :

1.                  Apotex n’avait pas de fournisseur bien disposé;

2.                  Apotex n’avait pas dans Novopharm un fournisseur bien disposé, en dépit de leur accord d’approvisionnement mutuel.

 

[41]           En revanche, comme je l’explique plus loin, Apotex aurait probablement été en mesure d’entrer sur le marché en juillet 1996, date à laquelle elle aurait pu demander à Novopharm d’obtenir la matière première auprès d’une source étrangère, ainsi qu’elle l’a fait en 1998, après qu’elle eut obtenu son avis de conformité. Il faut alors se demander si Apotex aurait pu entrer sur le marché avant juillet 1996, malgré les difficultés qu’elle avait à obtenir la collaboration de son fournisseur prévu, Delmar, et de son associé supposé, Novopharm.

 

d)        Difficultés d’approvisionnement

 

[42]           Apotex dit que, en 1993, elle avait un fournisseur qui était prêt et disposé à l’approvisionner en norfloxacine. Apotex était un actionnaire minoritaire de Delmar Chemicals Inc. et elle avait donc droit de demander à Delmar de lui fournir la matière dans la mesure où cela ne pèserait pas trop sur les capacités de Delmar. Cependant, Delmar n’était manifestement pas satisfaite des arrangements que proposait Apotex.

 

[43]           Apotex aurait commandé la norfloxacine directement à Delmar au nom de Novopharm. Delmar a eu des doutes sur la proposition d’Apotex et, en 1995, a obtenu un avis juridique sur cette proposition. Par la suite, Delmar a consenti à approvisionner Apotex en norfloxacine uniquement si elle obtenait une garantie d’Apotex et de Novopharm et si elle recevait une commande directe de Novopharm. Apotex a fourni la garantie, mais pas avant le 27 octobre 1997. Delmar n’a jamais reçu de commande de Novopharm, ni aucune garantie de Novopharm.

 

[44]           Manifestement, Delmar n’aurait pas été disposée, en juin 1993, à commencer d’approvisionner Apotex en norfloxacine à la faveur de l’accord d’approvisionnement mutuel conclu entre Apotex et Novopharm. À tout le moins, même si Apotex avait eu en main son avis de conformité, il lui aurait fallu plusieurs mois pour arriver à un arrangement qui puisse satisfaire Delmar.

 

e)      Difficultés rencontrées avec  Novopharm

 

[45]           Depuis le 15 octobre 1991, Novopharm détenait une licence obligatoire de Merck concernant la norfloxacine. La licence habilitait Novopharm à fabriquer, à utiliser ou à vendre la norfloxacine à compter du 2 juillet 1993 et à l’importer à compter du 2 juillet 1996. Novopharm a conclu un accord d’approvisionnement avec Apotex le 27 novembre 1992. Dans cet accord, chacune des parties s’engageait à approvisionner l’autre en ingrédients pharmaceutiques si l’une d’elles détenait une licence et l’autre non. En l’espèce, puisque Novopharm avait une licence portant sur la norfloxacine, Apotex avait le droit, affirme-t-elle, de demander à Novopharm de l’approvisionner en norfloxacine, à sa demande.

 

[46]           Cependant, il a fallu en fait quelque temps à Apotex pour convaincre Novopharm d’accepter l’arrangement. En avril 1993, Apotex a informé Novopharm qu’elle entendait invoquer leur accord d’approvisionnement mutuel pour obtenir la norfloxacine. Les détails relatifs aux quantités furent laissés en suspens. Novopharm a réagi en priant Apotex de confirmer que la licence de Novopharm restait valide et qu’il n’y avait pas d’autres brevets pouvant susciter des inquiétudes, et de régler un grief non résolu entre Novopharm et Apotex à propos d’un autre médicament (l’enalapril). Apotex a rappelé à Novopharm les termes de leur accord d’approvisionnement mutuel et s’est engagée à mettre à couvert la responsabilité éventuelle de Novopharm lorsque celle-ci remplirait une commande d’Apotex (une clause déjà insérée d’ailleurs dans l’accord d’approvisionnement). Novopharm a répondu en disant que sa licence n’était plus valide et qu’elle ne pouvait donc plus être invoquée par Apotex dans l’accord d’approvisionnement. Novopharm faisait aussi observer que Eli Lilly contestait la légalité de l’accord d’approvisionnement et que Novopharm comptait sur Apotex pour se faire rembourser les frais de justice qu’elle allait supporter dans la défense de l’accord.

 

[47]           La correspondance entre Apotex et Novopharm s’est poursuivie par intermittence durant de nombreux mois, et même des années. Ce n’est que le 16 novembre 1995 qu’Apotex a présenté à Novopharm une demande formelle d’approvisionnement en norfloxacine. Plus précisément, Apotex priait Novopharm de prendre des dispositions pour que soient fabriqués 2 000 kilogrammes de norfloxacine chez Delmar. Novopharm a refusé. Elle disait que l’accord d’approvisionnement avait été résilié et que la proposition d’Apotex de traiter directement avec Delmar rendait invalide la licence de Novopharm. Cette position était confirmée par les avocats de Novopharm.

 

[48]           Les choses en sont plus ou moins restées là jusqu’en 1998, année où la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans laquelle elle concluait que l’accord d’approvisionnement entre Apotex et Novopharm n’était pas une sous-licence invalide, rejetant de ce fait la demande d’ordonnance d’interdiction présentée par Merck. La Cour suprême a rendu sa décision le 9 juillet 1998. Apotex a obtenu son avis de conformité une semaine plus tard. Elle a alors exigé que Novopharm lui fournisse la matière conformément à l’accord d’approvisionnement. Au cours des semaines suivantes, Novopharm a émis des bons de commande portant sur la matière demandée. Le 18 août 1998, Apotex recevait sa première livraison de matière de Novopharm, qui l’avait obtenue auprès de Cipla, un fournisseur étranger. Une quantité additionnelle de matière est arrivée de l'étranger en septembre. Apotex est entrée sur le marché en concluant ses premières ventes en septembre 1998. Elle a reçu d’autres quantités de matière de l'étranger tout au long de l’automne et de l’hiver 1998-1999.

 

[49]           Novopharm n’était pas ce que l’on pourrait appeler un associé bien disposé. Elle approvisionnait effectivement Apotex en matière à la demande de celle-ci, mais sa bonne volonté affichée s’expliquait notamment, sans aucun doute, par des procédures judiciaires engagées entre les parties. Ces procédures se sont soldées par une décision du juge Ferrier, de la Cour de l’Ontario (Division générale), en janvier 1999, dans laquelle il confirmait la validité de l’accord d’approvisionnement (à propos d’un autre médicament, la nizatidine. Voir le dossier de la Cour de l’Ontario, n° 98-CV-157772, 28 janvier 1999).

 

[50]           Eu égard à ces faits, Apotex affirme que, à coup sûr à compter du 2 juillet 1996, date à laquelle elle aurait été autorisée à obtenir la matière auprès de sources étrangères, grâce à la combinaison de la licence de Novopharm et de l’accord d’approvisionnement entre Novopharm et Apotex, et sans porter atteinte aux droits de brevet de Merck, elle était en position d’entrer sur le marché en l’espace de quelques semaines. Des fournisseurs étrangers étaient disponibles durant la période pertinente.

 

[51]           Quant aux fournisseurs nationaux, Apotex affirme que Novopharm aurait obtenu la matière auprès de Delmar, à la demande d’Apotex. Comme je l’écrivais plus haut, Delmar aurait exigé une commande directe de Novopharm et exigé que Novopharm mette à couvert son éventuelle responsabilité pour contrefaçon de brevet. Apotex affirme que ces conditions auraient été observées par Novopharm parce qu’elles figuraient dans l’accord d’approvisionnement conclu entre Apotex et Novopharm. Novopharm, quant à elle, aurait obtenu la garantie d’Apotex. Delmar était en position de fournir la norfloxacine; la matière première était facilement accessible en 1993. La norfloxacine produite par Delmar aurait donc pu être mise sur le marché par Apotex peu après qu’Apotex aurait obtenu son avis de conformité, si le ministre le lui avait délivré en juin 1993.

 

[52]           Merck fait cependant observer que ce n’est que le 16 novembre 1995 qu’Apotex a prié Novopharm de l’approvisionner en norfloxacine. Le Dr Barry Sherman, au nom d’Apotex, a prétendu avoir demandé à Novopharm de prendre des dispositions pour que soient fabriqués 2 000 kilogrammes de norfloxacine chez Delmar. En fait, le projet de lettre qu’il a joint mentionnait que Novopharm souhaitait fabriquer la norfloxacine dans les installations de Delmar. Merck relève que la licence de Novopharm portait sur la fabrication de norfloxacine, non sur son achat auprès d’un autre fabricant. Il importait donc pour les parties de prendre des dispositions qui respectent la licence. La licence comprenait de nombreuses modalités, mais ne prévoyait pas explicitement le droit de faire produire la norfloxacine par un autre fabricant et de la vendre à des tiers. Selon moi cependant, la licence de Novopharm était assez large pour autoriser la fabrication de norfloxacine par un mandataire de Novopharm et sa vente à Apotex pour la fabrication d’un médicament. Comme je l’ai dit, Novopharm a élevé de nombreuses objections aux dispositions que proposait Apotex, mais aucune d’entre elles ne se rapportait à des restrictions inscrites dans sa licence.

 

[53]           Merck fait aussi valoir que l’avis d’allégation d’Apotex ne concordait pas avec sa présentation de drogue nouvelle (PDN). Elle affirme qu’Apotex n’aurait pas réussi à faire approuver sa norfloxacine en 1993, en dépit de la lettre du ministre attestant le contraire. Dans sa PDN initiale de 1990, Apotex désignait la société Chemo Iberica comme le fournisseur de son principe actif. Elle a modifié la PDN en 1992 pour y inscrire plutôt comme fournisseur la société Torcan Chemical Ltd. Comme je l’ai dit, le procédé Torcan était un procédé en quatre étapes, plus compliqué que le procédé breveté en deux étapes. Néanmoins, il a été jugé que le procédé Torcan constituait un équivalent manifeste et une contrefaçon du brevet de Merck (le juge Rothstein, dans la décision Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1998] A.C.F. n° 286 (1re inst.) (QL), décision confirmée par la Cour d'appel fédérale : Apotex Inc. c. Merck Frosst Canada Inc., [1999] A.C.F. n° 206 (C.A.F.) (QL)). Apotex ne pouvait donc pas obtenir un avis de conformité pour la norfloxacine obtenue par le procédé Torcan.

 

[54]           Merck affirme aussi qu’Apotex n’aurait pas pu obtenir un avis de conformité pour la norfloxacine fabriquée par Novopharm dans les installations de Delmar à l’aide du procédé breveté, parce que sa PDN parlait d’un procédé autre. Il aurait fallu modifier la fiche maîtresse du médicament (FMM), de même que la PDN, avant que ne puisse être délivré un avis de conformité. D’une manière ou d’une autre, soutient Merck, Apotex ne pouvait à aucun moment obtenir un avis de conformité avant le 9 juillet 1998. Les arguments de Merck sur ce point ne me convainquent pas. Apotex aurait pu apporter assez facilement des changements à la source d’approvisionnement et au procédé de fabrication, à chaque fois par des moyens informels, en particulier avant 1994. Par la suite, il aurait fallu qu’Apotex signale à Santé Canada un changement à déclaration obligatoire. Il lui aurait été facile de faire de Delmar le nouveau fournisseur puisque Delmar était déjà un fabricant agréé.

[55]           Finalement, selon Merck, la déclaration d’Apotex affirme seulement que Delmar aurait laissé en fait Novopharm fabriquer la norfloxacine dans ses installations et elle n’évoque nulle part la possibilité pour Apotex d’accéder à la matière en provenance de l'étranger. Le paragraphe 23 de la déclaration précise que Delmar était disposée [traduction] « à conclure un arrangement avec Novopharm pour la fabrication de norfloxacine dans ses installations ». Delmar n’aurait manifestement pas laissé les employés de Novopharm entrer dans ses installations pour commencer à y fabriquer un médicament. Cependant, elle aurait autorisé un arrangement par lequel Novopharm pourrait superviser la production dans les installations de Delmar. Selon moi, cet arrangement possible est envisagé par le paragraphe 23.

[56]           Quant aux fournisseurs étrangers, le paragraphe 22 de la déclaration d’Apotex mentionne la licence de Novopharm, qui l’autorisait à fabriquer la norfloxacine à compter du 2 juillet 1993 et à l’importer à compter du 2 juillet 1996. Selon moi, cette allégation autorisait Apotex à produire une preuve sur les fournisseurs étrangers. Cependant, comme je l’expliquais plus haut, Apotex aurait eu accès de toute manière à la matière de provenance nationale auprès de Delmar, grâce à l’accord d’approvisionnement conclu avec Novopharm. Apotex ne dépendait pas d'un approvisionnement étranger.

[57]           Les difficultés qu’aurait probablement rencontrées Apotex pour obtenir la collaboration de Novopharm auraient ralenti les efforts faits par Apotex pour entrer sur le marché, elles ne les auraient pas annihilés. Pour les difficultés d’approvisionnement auprès de Delmar, je suis de même d’avis qu’il aurait fallu à Apotex un maximum d’un an pour conclure un accord avec Novopharm. Un procès aurait fort bien pu être nécessaire.


III.  Conclusion et dispositif


[58]           Selon moi, par conséquent, Apotex s’est acquittée de son obligation de prouver qu’elle serait entrée sur le marché de la norfloxacine avant le 9 juillet 1998 n’eût été l’application du Règlement. Cependant, compte tenu des difficultés d’approvisionnement auprès de Delmar, et des difficultés entraînées par l’accord d’approvisionnement avec Novopharm, je suis d’avis qu’Apotex n’aurait pas été en mesure d’entrer sur le marché jusqu’à l’expiration de douze bons mois après qu’elle aurait obtenu son avis de conformité, c’est-à-dire qu’elle n’y serait parvenue qu’à compter du 10 juin 1994. Apotex a donc droit à réparation pour les pertes qu’elle a subies entre cette date et le 9 juillet 1998. Je ferai droit à l’action engagée par Apotex contre Merck en application de l’article 8 du Règlement, avec dépens. Le montant des dommages-intérêts sera fixé au cours de l’étape suivante du procès.

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  L’action engagée par Apotex Inc. contre Merck Frosst Canada & Co. en vertu de l’article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/98-166, est accueillie, avec dépens.

2.               Le montant des dommages-intérêts sera fixé au cours d’une audience ultérieure.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 


Annexe I

 

 

Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133

 

  8. (1) La première personne est responsable envers la seconde personne de tout préjudice subi par cette dernière lorsque, en application de l’alinéa 7(1)(e), le ministre reporte la délivrance de l’avis de conformité au-delà de la date d’expiration de tous les brevets visés par une ordonnance rendue aux termes du paragraphe 6(1).

 

  (2) Le tribunal peut rendre toute ordonnance de redressement par voie de dommages-intérêts ou de profits que les circonstances exigent à l’égard de tout préjudice subi du fait de l’application du paragraphe (1).

 

7. (1) Le ministre ne peut délivrer un avis de conformité à la seconde personne avant la plus tardive des dates suivantes :

[…]

e) sous réserve des paragraphes (2), (3) et (4), la date qui suit de 24 mois la date de réception de la preuve de présentation de la demande visée au paragraphe 6(1);

(4) L’alinéa (1)e) cesse de s’appliquer à l’égard de la demande visée au paragraphe 6(1) si celle-ci est retirée ou fait l’objet d’un désistement par la première personne ou est rejetée par le tribunal qui en est saisi.

 

 

 

Patented Medicines (Notice of Compliance) Regulations, SOR/93-133

 

  8. (1) The first person is liable to the second person for all damage suffered by the second person where, because of the application of paragraph 7(1)(e), the Minister delays issuing a notice of compliance beyond the expiration of all patents that are the subject of an order pursuant to subsection 6(1).

 

  (2) The court may make such order for relief by way of damages or profits as the circumstances require in respect of any damage referred to in subsection (1).

 

 

 

7. (1) The Minister shall not issue a notice of compliance to a second person before the latest of

[…]

(e) subject to subsections (2), (3) and (4), the expiration of 24 months after the receipt of proof of the making of any application under subsection 6(1), and

(4) Paragraph (1)(e) ceases to apply in respect of an application under subsection 6(1) if the application is withdrawn or discontinued by the first person or is dismissed by the court hearing the application.

 

 

 

 


Annexe II

 

Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/98-166

 

  8. (1) Si la demande présentée aux termes du paragraphe 6(1) est retirée ou fait l’objet d’un désistement par la première personne ou est rejetée par le tribunal qui en est saisi, ou si l’ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité, rendue aux termes de ce paragraphe, est annulée lors d’un appel, la première personne est responsable envers la seconde personne de toute perte subie au cours de la période :

a) débutant à la date, attestée par le ministre, à laquelle un avis de conformité aurait été délivré en l’absence du présent règlement, sauf si le tribunal estime d’après la preuve qu’une autre date est plus appropriée;

b) se terminant à la date du retrait, du désistement ou du rejet de la demande ou de l’annulation de l’ordonnance.

 

  (2) La seconde personne peut, par voie d’action contre la première personne, demander au tribunal de rendre une ordonnance enjoignant à cette dernière de lui verser une indemnité pour la perte visée au paragraphe (1).

 

  (3) Le tribunal peut rendre une ordonnance aux termes du présent article sans tenir compte du fait que la première personne a institué ou non une action pour contrefaçon du brevet visé par la demande.

 

  (4) Le tribunal peut rendre l’ordonnance qu’il juge indiquée pour accorder réparation par recouvrement de dommages-intérêts ou de profits à l’égard de la perte visée au paragraphe (1).

 

  (5) Pour déterminer le montant de l’indemnité à accorder, le tribunal tient compte des facteurs qu’il juge pertinents à cette fin, y compris, le cas échéant, la conduite de la première personne ou de la seconde personne qui a contribué à retarder le règlement de la demande visée au paragraphe (1).

 

9. (6) L’article 8 du même règlement, édicté par l’article 8, s’applique aux demandes qui sont pendantes à la date d’entrée en vigueur du présent règlement.

 

Loi sur les brevets, L.R., 1985, ch. P-4

 

Assimilation à une action en contrefaçon

 

Exception

55.2 (1) Il n’y a pas contrefaçon de brevet lorsque l’utilisation, la fabrication, la construction ou la vente d’une invention brevetée se justifie dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d’information qu’oblige à fournir une loi fédérale, provinciale ou étrangère réglementant la fabrication, la construction, l’utilisation ou la vente d’un produit.

(2) et (3) [Abrogés, 2001, ch. 10, art. 2]

Règlements

(4) Afin d’empêcher la contrefaçon d’un brevet d’invention par l’utilisateur, le fabricant, le constructeur ou le vendeur d’une invention brevetée au sens du paragraphe (1), le gouverneur en conseil peut prendre des règlements, notamment :

a) fixant des conditions complémentaires nécessaires à la délivrance, en vertu de lois fédérales régissant l’exploitation, la fabrication, la construction ou la vente de produits sur lesquels porte un brevet, d’avis, de certificats, de permis ou de tout autre titre à quiconque n’est pas le breveté;

b) concernant la première date, et la manière de la fixer, à laquelle un titre visé à l’alinéa a) peut être délivré à quelqu’un qui n’est pas le breveté et à laquelle elle peut prendre effet;

c) concernant le règlement des litiges entre le breveté, ou l’ancien titulaire du brevet, et le demandeur d’un titre visé à l’alinéa a), quant à la date à laquelle le titre en question peut être délivré ou prendre effet;

d) conférant des droits d’action devant tout tribunal compétent concernant les litiges visés à l’alinéa c), les conclusions qui peuvent être recherchées, la procédure devant ce tribunal et les décisions qui peuvent être rendues;

e) sur toute autre mesure concernant la délivrance d’un titre visé à l’alinéa a) lorsque celle-ci peut avoir pour effet la contrefaçon de brevet.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Loi constitutionnelle de 1867 (R.-U.), 30 & 31 Vict., c. 3

POUVOIRS EXCLUSIFS DES LÉGISLATURES PROVINCIALES

Sujets soumis au contrôle exclusif de la législation provinciale

 

92. Dans chaque province la législature pourra exclusivement faire des lois relatives aux matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir:

 

[…]

13. La propriété et les droits civils dans la province.

 

 

 

 

 

Loi sur les Cours fédérales, L.R., 1985, ch. F-7

 

Appels des jugements de la Cour fédérale

27. (1) Il peut être interjeté appel, devant la Cour d’appel fédérale, des décisions suivantes de la Cour fédérale :

a) jugement définitif;

b) jugement sur une question de droit rendu avant l’instruction;

c) jugement interlocutoire;

d) jugement sur un renvoi d’un office fédéral ou du procureur général du Canada.

 

 

Patented Medicines (Notice of Compliance) Regulations, SOR/98-166

 

  8. (1) If an application made under subsection 6(1) is withdrawn or discontinued by the first person or is dismissed by the court hearing the application or if an order preventing the Minister from issuing a notice of compliance, made pursuant to that subsection, is reversed on appeal, the first person is liable to the second person for any loss suffered during the period

(a) beginning on the date, as certified by the Minister, on which a notice of compliance would have been issued in the absence of these Regulations, unless the court is satisfied on the evidence that another date is more appropriate; and

(b) ending on the date of the withdrawal, the discontinuance, the dismissal or the reversal.

 

  (2) A second person may, by action against a first person, apply to the court for an order requiring the first person to compensate the second person for the loss referred to in subsection (1).

 

  (3) The court may make an order under this section without regard to whether the first person has commenced an action for the infringement of a patent that is the subject matter of the application.

 

  (4) The court may make such order for relief by way of damages or profits as the circumstances require in respect of any loss referred to in subsection (1).

 

 

  (5) In assessing the amount of compensation the court shall take into account all matters that it considers relevant to the assessment of the amount, including any conduct of the first or second person which contributed to delay the disposition of the application under subsection 6(1).

 

9. (6) Section 8 of the Regulations, as enacted by section 8, applies to an application pending on the coming into force of these Regulations.

 

Patent Act, R.S.C. 1985, c. P-4

 

Burden of proof for patented process

 

Exception

55.2 (1) It is not an infringement of a patent for any person to make, construct, use or sell the patented invention solely for uses reasonably related to the development and submission of information required under any law of Canada, a province or a country other than Canada that regulates the manufacture, construction, use or sale of any product.

(2) and (3) [Repealed, 2001, c. 10, s. 2]

 

Regulations

(4) The Governor in Council may make such regulations as the Governor in Council considers necessary for preventing the infringement of a patent by any person who makes, constructs, uses or sells a patented invention in accordance with subsection (1), including, without limiting the generality of the foregoing, regulations

(a) respecting the conditions that must be fulfilled before a notice, certificate, permit or other document concerning any product to which a patent may relate may be issued to a patentee or other person under any Act of Parliament that regulates the manufacture, construction, use or sale of that product, in addition to any conditions provided for by or under that Act;

(b) respecting the earliest date on which a notice, certificate, permit or other document referred to in paragraph (a) that is issued or to be issued to a person other than the patentee may take effect and respecting the manner in which that date is to be determined;

(c) governing the resolution of disputes between a patentee or former patentee and any person who applies for a notice, certificate, permit or other document referred to in paragraph (a) as to the date on which that notice, certificate, permit or other document may be issued or take effect;

(d) conferring rights of action in any court of competent jurisdiction with respect to any disputes referred to in paragraph (c) and respecting the remedies that may be sought in the court, the procedure of the court in the matter and the decisions and orders it may make; and

(e) generally governing the issue of a notice, certificate, permit or other document referred to in paragraph (a) in circumstances where the issue of that notice, certificate, permit or other document might result directly or indirectly in the infringement of a patent.

 

Constitution Act, 1867, (U.K.), 30 & 31 Victoria, c. 3

EXCLUSIVE POWERS OF PROVINCIAL LEGISLATURES

 

Subjects of exclusive Provincial Legislation

 

  92. In each Province the Legislature may exclusively make Laws in relation to Matters coming within the Classes of Subjects next hereinafter enumerated; that is to say,

 

  13. Property and Civil Rights in the Province.

 

 

 

 

 

 

Federal Courts Act, R.S.C. 1985, c. F-7

 

Appeals from Federal Court

27. (1) An appeal lies to the Federal Court of Appeal from any of the following decisions of the Federal Court:

(a) a final judgment;

(b) a judgment on a question of law determined before trial;

(c) an interlocutory judgment; or

(d) a determination on a reference made by a federal board, commission or other tribunal or the Attorney General of Canada.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T- 411-01

                                                           

 

INTITULÉ :                                       APOTEX INC. c. MERCK FROSST CANADA & CO, et al.

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Les 21-22 et les 25-27 mai 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 12 mars 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

H.B. Radomski

Ken Crofoot

Jerry Topolski

POUR LA DEMANDERESSE

 

Patrick Kierans

Brian Daley

Azim Hussain

Andres Garin

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

 

GOODMANS s.a.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

OGILVY RENAULT LLP

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

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