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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100301

Dossier : T-1388-07

Référence : 2010 CF 233

Ottawa (Ontario), le 1er mars 2010

En présence de monsieur le juge Boivin

 

 

ENTRE :

ROBERTSON, HELEN (défunte) et

ROBERTSON, ROY (conjoint survivant)

demandeurs

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

LE MINISTRE DES ANCIENS COMBATTANTS

 

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 28 février 2007 par le comité d’appel du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal), dans laquelle celui‑ci confirmait les conclusions du comité de révision du Tribunal, en date du 21 juillet 2006, refusant une nouvelle rétroactivité au 7 novembre 2001 des prestations d’invalidité de Mme Robertson. Les prestations d’invalidité de Mme Robertson demeurent rétroactives au 20 septembre 2002.

 

Le contexte factuel

[2]               Les demandeurs sont tous deux des anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale, et leur santé s’était détériorée ces dernières années. Mme Robertson, qui a subi une fracture de la colonne vertébrale en janvier 2000, était de santé fragile, et M. Robertson était son principal pourvoyeur de soins jusqu’à ce qu’il soit contraint, en décembre 2002, de subir un quadruple pontage coronarien.

 

[3]               L’article 39 de la Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P-6, expose la manière dont la rétroactivité d’une pension doit être établie. Les prestations actuellement offertes par Anciens combattants Canada (ACC) sont réparties en quatre groupes : prestations d’invalidité; allocation aux anciens combattants; prestations versées en vertu du Règlement sur les soins de santé pour anciens combattants (le RSSAC), DORS/90-594, et prestations versées en vertu de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, L.C. 2005, ch. 21.

 

[4]               Les pensions d’invalidité sont prévues par la Loi sur les pensions et peuvent être versées aux militaires actifs ou aux anciens militaires des Forces canadiennes qui souffrent d’un état pathologique lié au service.

 

[5]               Le 16 octobre 2001, la fille des demandeurs, la Dre Judith Robertson, a écrit au Dr Mike Morris, à l’Hôpital de Campbellford, pour lui dire que ses parents voulaient déménager aussitôt que possible dans un établissement de soins de longue durée en raison de la détérioration de leur état de santé. La lettre, transmise à ACC, fut reçue le 7 novembre 2001. ACC a considéré cette lettre comme une demande de lit d’accès prioritaire (LAP) pour soins de longue durée.

 

[6]               Le 15 janvier 2002, ACC a refusé des soins de longue durée à Mme Robertson, car elle n’avait pas servi outre‑mer et ne recevait pas une pension d’invalidité de guerre, tandis que M. Robertson remplissait les conditions, car il avait servi outre‑mer durant la Deuxième Guerre mondiale. Les demandeurs n’ont pas fait appel de cette décision.

 

[7]               Le 20 septembre 2002, un formulaire de réception a été rempli par David Stewart, agent des pensions au Bureau de district de Peterborough. Ce formulaire amorçait pour Mme Robertson une demande de pension d’invalidité fondée sur une déficience auditive et sur des troubles nerveux qui n’étaient pas encore diagnostiqués à la date de la demande.

 

[8]               Le 16 janvier 2003, ACC a accordé à Mme Robertson une pension d’invalidité pour déficience auditive, en application du paragraphe 21(1) de la Loi sur les pensions. Conformément au paragraphe 39(1) de la Loi sur les pensions, la pension d’invalidité de Mme Robertson avait pris effet le 20 septembre 2002, date à laquelle sa demande de pension d’invalidité avait été présentée à ACC.

 

[9]               Le 18 février 2003, Mme Robertson a présenté, en vertu du paragraphe 21(1) de la Loi sur les pensions, une demande de pension d’invalidité pour une maladie de la vessie appelée suspension utérine de Gilliam et pour un état d’incontinence résultant de l’ablation d’un ovaire alors qu’elle était membre des Forces canadiennes.

[10]           Le 25 juin 2003, ACC a accordé à Mme Robertson une pension d’invalidité pour un trouble de stress post-traumatique et pour l’ablation de l’ovaire droit. Cette pension d’invalidité avait pris effet le 20 septembre 2002, date du premier contact de Mme Robertson avec ACC pour obtenir une pension.

 

[11]           Mme Robertson est décédée le 28 juillet 2003.

 

[12]           Le 15 septembre 2003, ACC a accordé à Mme Robertson une pension d’invalidité pour la suspension utérine de Gilliam. Cette pension d’invalidité avait pris effet le 18 février 2003, date à laquelle elle avait communiqué la première fois avec ACC concernant une pension d’invalidité pour cette affection.

 

[13]           Le 11 octobre 2005, ACC a refusé à M. Robertson le remboursement de l’équipement médical acheté pour Mme Robertson avant le 20 septembre 2002, date de prise d’effet de la pension d’invalidité de Mme Robertson et de son droit à certaines prestations, notamment les soins de longue durée.

 

[14]           Le 21 juillet 2006, à la suite d’une demande de révision de la date de prise d’effet des pensions d’invalidité de Mme Robertson, le comité de révision du Tribunal (le comité de révision) a jugé que le Tribunal avait appliqué correctement la Loi sur les pensions lorsqu’il avait conclu que la pension d’invalidité de Mme Robertson devrait être déclarée rétroactive au 20 septembre 2002 et qu’il avait refusé la rétroactivité des prestations de pension de Mme Robertson au 7 novembre 2001, date à laquelle, disent les demandeurs, une demande de soins de longue durée avait été reçue par ACC.

 

[15]           Les demandeurs ont fait appel de la décision du comité de révision et, le 28 février 2007, un comité d’appel du Tribunal (le comité d’appel) a confirmé les conclusions du comité de révision.

 

[16]           Le 27 juillet 2007, les demandeurs ont déposé un avis de demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision du comité d’appel, datée du 28 février 2007, en affirmant que la date de prise d’effet devrait être le 7 novembre 2001, date à laquelle, disent-ils, une demande de soins de longue durée avait été reçue par ACC.

 

La décision contestée

[17]           Le comité d’appel a jugé qu’il n’incombe pas en droit au ministre ou à son personnel de recommander une compensation, ou de présenter une demande de compensation, au titre de l’article 81 de la Loi sur les pensions. Selon la Loi sur les pensions, la demande doit dans chaque cas être présentée au ministre, et non par le ministre. Il appartient manifestement au demandeur ou à son représentant de présenter la demande, et il ne revient pas au ministre de la présenter au nom de l’ancien combattant.

 

[18]           Le paragraphe 81(3) de la Loi sur les pensions dispose que le ministre doit fournir un service de consultation en ce qui regarde l’application de la Loi sur les pensions à un pensionné et qu’il doit apporter son aide dans la préparation d’une demande. Le comité d’appel écrit que cette obligation fait suite à une demande de l’ancien combattant, ce qui signifie que, une fois qu’est faite la demande d’aide ou de conseils portant sur la législation, le ministre est tenu d’y répondre. Cependant, il n’appartient pas au ministre d’anticiper ou de formuler une éventuelle demande de prestations avant qu’un ancien combattant ne cherche à obtenir des renseignements ou une aide en la matière. Selon le comité d’appel, il n’était pas établi que le déroulement normal du processus de demande n’avait pas été strictement observé dans la présente affaire.

 

Les questions en litige

[19]           Cette demande soulève les points suivants :

1.         L’affidavit de Janet Struss peut-il faire partie du dossier des demandeurs?

2.         Quelle est la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer aux décisions du comité d’appel du Tribunal?

3.         ACC était-il tenu de répondre à la demande d’aide faite par les demandeurs en les renseignant spécifiquement sur les prestations qu’ils pouvaient obtenir?

4.         Le comité d’appel du Tribunal a-t-il commis une erreur en refusant de reconnaître davantage de rétroactivité à la prise d’effet des pensions d’invalidité de Mme Robertson?

 

Les dispositions légales applicables

[20]           Loi sur les pensions, L.R.C., 1985, ch. P-6 :

[…]

 

Règle d’interprétation

2. Les dispositions de la présente loi s’interprètent d’une façon libérale afin de donner effet à l’obligation reconnue du peuple canadien et du gouvernement du Canada d’indemniser les membres des forces qui sont devenus invalides ou sont décédés par suite de leur service militaire, ainsi que les personnes à leur charge.

 

[…]

[…]

 

Construction

2. The provisions of this Act shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to provide compensation to those members of the forces who have been disabled or have died as a result of military service, and to their dependants, may be fulfilled.

 

 

[…]

 

Aucune compensation

3.1 (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, aucune compensation ne peut être versée relativement à une demande présentée par un membre des forces ou à son égard après l’entrée en vigueur de l’article 42 de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, sauf dans les cas suivants :

 

a) la demande est relative à une invalidité pour laquelle une pension a déjà été accordée ou elle est présentée au titre de l’article 36 à l’égard de cette invalidité;

 

b) la demande est relative au décès d’un membre des forces qui est survenu avant l’entrée en vigueur de cet article 42 et qui résulte d’une blessure ou maladie ou de l’aggravation d’une blessure ou maladie pour laquelle une pension a déjà été accordée;

 

 

 

 

c) la demande est relative à une blessure ou maladie qui est soit survenue au cours du service dans les Forces canadiennes accompli avant le 2 avril 1947 ou attribuable, consécutive ou rattachée directement à celui-ci, soit survenue au cours du service accompli pendant la guerre de Corée ou attribuable à celui-ci ou elle est présentée au titre du paragraphe 21(5) à l’égard d’une telle blessure ou maladie;

 

d) la demande est relative à l’aggravation d’une blessure ou maladie et l’aggravation est soit survenue au cours du service dans les Forces canadiennes accompli avant le 2 avril 1947 ou attribuable, consécutive ou rattachée directement à celui-ci, soit survenue au cours du service accompli pendant la guerre de Corée ou attribuable à celui-ci ou elle est présentée au titre du paragraphe 21(5) à l’égard d’une telle aggravation;

 

 

e) le ministre a établi en application de cette loi que la blessure ou maladie ou l’aggravation d’une blessure ou maladie qui fait l’objet de la demande est indissociable, pour l’estimation du degré d’invalidité, de la blessure ou maladie ou de l’aggravation d’une blessure ou maladie pour laquelle une pension a déjà été accordée;

 

 

 

 

f) la demande est présentée par un pensionné au titre de l’article 38.

 

Exception

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas à la demande d’indemnité présentée au titre de la partie III.1 à l’égard d’une période de captivité qui a débuté avant l’entrée en vigueur de l’article 64 de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes.

 

[…]

No award payable

3.1 (1) Despite any other provision of this Act, no award is payable under this Act in respect of any application made by or in respect of a member of the forces after the coming into force of section 42 of the Canadian Forces Members and Veterans Re-establishment and Compensation Act unless

 

 

 

 

(a) the application is in respect of a disability for which a pension has been granted or is an application under section 36 in respect of such a disability;

 

 

(b) the application is in respect of the death of a member of the forces, if the death occurred before the coming into force of section 42 of the Canadian Forces Members and Veterans Re-establishment and Compensation Act or is the result of an injury or a disease, or the aggravation of an injury or a disease, for which a pension has been granted;

 

(c) the application is in respect of an injury or a disease that was attributable to or was incurred during, or arose out of or was directly connected to, service in the Canadian Forces on or before April 1, 1947, or was attributable to or was incurred during service in the Korean War or is an application under subsection 21(5) in respect of such an injury or a disease;

 

 

(d) the application is in respect of an aggravation of an injury or disease, if the aggravation was attributable to or was incurred during, or arose out of or was directly connected to, service in the Canadian Forces on or before April 1, 1947 or was attributable to or was incurred during service in the Korean War or is an application under subsection 21(5) in respect of such an aggravation;

 

 

 

(e) the Minister has determined under the Canadian Forces Members and Veterans Re-establishment and Compensation Act that the injury or disease, or the aggravation of the injury or disease, for which the application is made is inseparable — for the purpose of assessing the extent of disability — from an injury or a disease, or the aggravation of an injury or a disease, for which a pension has been granted; or

 

(f) the application is made under section 38 by a pensioner.

 

 

Exception

(2) Subsection (1) does not apply in respect of an application for compensation made under Part III.1 if the application relates to a period spent as a prisoner of war that began before the coming into force of section 64 of the Canadian Forces Members and Veterans Re-establishment and Compensation Act.

 

[…]

 

Ministre

5. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale ou de leurs règlements, le ministre a tout pouvoir de décision en ce qui touche l’attribution, l’augmentation, la diminution, la suspension ou l’annulation de toute pension ou autre paiement prévu par la présente loi ainsi que le recouvrement de tout versement excédentaire.

 

 

Pouvoir équivalent

(2) Le gouverneur en conseil peut, par décret, conférer au ministre un pouvoir équivalent au sujet des pensions ou autres paiements autorisés au titre de toute autre loi ou par lui-même.

 

 

 

Décisions

(3) Lorsqu’il prend une décision, le ministre :

 

a) tire des circonstances portées à sa connaissance et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible au demandeur ou au pensionné;

 

 

b) accepte tout élément de preuve non contredit que celui-ci lui présente et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

 

 

 

c) tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

 

 

 

 

[…]

Powers of the Minister

5. (1) Subject to this Act and any other Act of Parliament and to the regulations made under this or any other Act of Parliament, the Minister has full power to decide on all matters and questions relating to the award, increase, decrease, suspension or cancellation of any pension or other payment under this Act and to the recovery of any overpayment that may have been made.

 

Additional duties

(2) The Governor in Council may, by order, confer on the Minister duties like those under subsection (1) in respect of pensions or other payments authorized by any other Act of Parliament or by the Governor in Council.

 

Benefit of doubt

(3) In making a decision under this Act, the Minister shall

 

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to the Minister every reasonable inference in favour of the applicant or pensioner;

 

 

(b) accept any uncontradicted evidence presented to the Minister by the applicant or pensioner that the Minister considers to be credible in the circumstances; and

 

(c) resolve in favour of the applicant or pensioner any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or pensioner has established a case.

 

[…]

 

Date à partir de laquelle est payable une pension d’invalidité

39. (1) Le paiement d’une pension accordée pour invalidité prend effet à partir de celle des dates suivantes qui est postérieure à l’autre :

 

a) la date à laquelle une demande à cette fin a été présentée en premier lieu;

 

b) une date précédant de trois ans la date à laquelle la pension a été accordée au pensionné.

 

Compensation supplémentaire

(2) Malgré le paragraphe (1), lorsqu’il est d’avis que, en raison soit de retards dans l’obtention des dossiers militaires ou autres, soit d’autres difficultés administratives indépendantes de la volonté du demandeur, la pension devrait être accordée à partir d’une date antérieure, le ministre ou le Tribunal, dans le cadre d’une demande de révision ou d’un appel prévus par la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), peut accorder au pensionné une compensation supplémentaire dont le montant ne dépasse pas celui de deux années de pension.

 

 

 

 

[…]

Date from which disability pension payable

 

39. (1) A pension awarded for disability shall be made payable from the later of

 

 

 

(a) the day on which application therefore was first made, and

 

(b) a day three years prior to the day on which the pension was awarded to the pensioner.

 

Additional award

(2) Notwithstanding subsection (1), where a pension is awarded for a disability and the Minister or, in the case of a review or an appeal under the Veterans Review and Appeal Board Act, the Veterans Review and Appeal Board is of the opinion that the pension should be awarded from a day earlier than the day prescribed by subsection (1) by reason of delays in securing service or other records or other administrative difficulties beyond the control of the applicant, the Minister or Veterans Review and Appeal Board may make an additional award to the pensioner in an amount not exceeding an amount equal to two years pension.

 

[…]

 

Première étape

81. (1) Toute demande de compensation doit être présentée au ministre.

 

Examen par le ministre

(2) Le ministre examine la demande dès sa réception; il peut décider que le demandeur a droit à la compensation et en déterminer le montant payable aux termes de la présente loi ou il peut refuser d’accorder le paiement d’une compensation; il doit, dans tous les cas, aviser le demandeur de sa décision.

 

 

 

 

 

 

 

Service de consultation

(3) Le ministre fournit, sur demande, un service de consultation pour aider les demandeurs ou les pensionnés en ce qui regarde l’application de la présente loi et la préparation d’une demande.

Application made to Minister

81. (1) Every application must be made to the Minister.

 

 

Consideration of applications

(2) The Minister shall consider an application without delay after its receipt and shall

 

(a) where the Minister is satisfied that the applicant is entitled to an award, determine the amount of the award payable and notify the applicant of the decision; or

 

(b) where the Minister is not satisfied that the applicant is entitled to an award, refuse to approve the award and notify the applicant of the decision.

 

Counselling service

(3) The Minister shall, on request,

 

(a) provide a counselling service to applicants and pensioners with respect to the application of this Act to them; and

 

(b) assist applicants and pensioners in the preparation of applications.

 

Nouvel examen

82. (1) Le ministre peut, de son propre chef, réexaminer sa décision ou une décision de la Commission et soit la confirmer, soit l’annuler ou la modifier, s’il constate que les conclusions sur les faits ou l’interprétation du droit étaient erronées; il peut aussi le faire sur demande si de nouveaux éléments de preuve lui sont présentés.

 

 

 

Exception

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas aux décisions rendues, en vertu de la loi antérieure, par un comité d’évaluation ou un comité d’examen.

 

[…]

Review of decisions

82. (1) Subject to subsection (2), the Minister may, on the Minister’s own motion, review a decision made by the Minister or the Commission and may either confirm the decision or amend or rescind the decision if the Minister determines that there was an error with respect to any finding of fact or the interpretation of any law, or may do so on application if new evidence is presented to the Minister.

 

Exception

(2) Subsection (1) does not apply with respect to a decision made by an Assessment Board or Entitlement Board under the former Act.

 

 

[…]

 

[21]           Règlement sur les compensations, DORS/96-66 :

[…]

 

3. Le demandeur de compensation doit fournir au ministre :

 

a) tout document nécessaire à l’appui de sa demande;

 

 

b) des renseignements sur sa situation de famille;

 

c) tout autre renseignement pertinent;

 

d) un affidavit ou une déclaration solennelle attestant la véracité des renseignements fournis.

 

[…]

[…]

 

3. An applicant for an award shall provide the Minister with

 

 

(a) any documentation necessary to substantiate the applicant’s claim;

 

(b) information on the applicant’s domestic status;

 

(c) any other relevant information; and

 

(d) an affidavit or statutory declaration attesting to the truth of the information provided.

 

 

[…]

[22]           Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18 :

[…]

 

Principe général

3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s’interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l’égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

 

 

[…]

[…]

 

Construction

3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.

 

[…]

 

Règles régissant la preuve

39. Le Tribunal applique, à l’égard du demandeur ou de l’appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

 

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

 

 

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

 

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

 

 

 

 

[…]

Rules of evidence

39. In all proceedings under this Act, the Board shall

 

 

 

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

 

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

 

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

 

[…]

 

[23]           Règlement sur les soins de santé pour anciens combattants (RSSAC), DORS/90-594 :

[…]

 

22. (1) L’ancien combattant pensionné, le pensionné civil et le pensionné du service spécial sont admissibles, à l’égard d’un état indemnisé lié à la guerre, au paiement de ce qu’il leur en coûte pour recevoir les soins prolongés suivants :

 

a) ceux fournis dans un établissement communautaire au Canada, s’ils n’occupent pas de lit réservé;

 

b) ceux fournis dans un établissement de santé à l’étranger et équivalents à ceux qu’ils auraient reçus dans un établissement visé à l’alinéa a), pourvu que leur coût n’excède pas le coût habituel des soins prolongés dans le territoire en cause.

 

 

[…]

[…]

 

22. (1) Veteran pensioners, civilian pensioners and special duty service pensioners are eligible to receive, in respect of a war-related pensioned condition, the cost to them of chronic care

 

 

(a) received in Canada in a community facility, other than in a contract bed; and

 

 

(b) received in a health care facility outside Canada that is of a standard equivalent to the care that would have been provided under paragraph (a), provided that the cost of such care does not exceed the usual cost of chronic care in the jurisdiction in which the care is received.

 

[…]

 

1.         L’affidavit de Janet Struss peut-il faire partie du dossier des demandeurs?

Les arguments des demandeurs

[24]           Les demandeurs font valoir que la preuve contenue dans l’affidavit de Janet Struss a été tout au long des procédures soustraite à une communication intégrale de la part des défendeurs et que cette preuve est pertinente, parce qu’elle intéresse la question principale de la rétroactivité et qu’elle indique la date du premier contact fait par les demandeurs pour solliciter l’aide d’ACC, une date qui détermine la naissance du droit de Mme Robertson à des prestations.

 

[25]           Les décisions du comité de révision et du comité d’appel s’appuient sur une lettre de la fille des demandeurs adressée au Dr Morris le 16 octobre 2001, lettre qui, selon les deux comités, ne suffisait pas à déclencher l’obligation d’ACC d’aider les demandeurs et de les conseiller. Cependant, les demandeurs font valoir que la télécopie reçue par ACC le 9 novembre 2001 constitue une demande détaillée appuyant la lettre de leur fille, demande qui aurait dû être suivie d’une réponse approfondie plutôt que d’une simple lettre de refus.

 

[26]           Selon les demandeurs, en dépit de sa communication tardive, et que le comité d’appel l’ait vue ou non, cette preuve doit être portée à l’attention de la Cour pour qu’elle statue sur sa recevabilité.

 

Les arguments des défendeurs

[27]           Les défendeurs font observer que, selon l’article 306 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, le demandeur doit déposer son affidavit d’appui dans les 30 jours qui suivent la délivrance de l’avis de demande et que, selon l’article 312, des affidavits complémentaires ne peuvent être déposés qu’avec l’autorisation de la Cour. Par ailleurs, en vertu du paragraphe 84(2) des Règles, la partie qui a contre-interrogé l’auteur d’un affidavit ne peut par la suite déposer un affidavit dans le cadre de la demande, si ce n’est avec le consentement des autres parties ou l’autorisation de la Cour.

 

Analyse

[28]           Saisie d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour doit décider si le décideur, en l’occurrence le comité d’appel, a commis une erreur susceptible de contrôle. Il ne s’agit pas d’un appel, et la Cour ne peut pas substituer ses propres conclusions à celles du comité d’appel (Figurado c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 347, 138 A.C.W.S. (3d) 146).

 

[29]           Il est bien établi en droit que, dans une procédure de contrôle judiciaire, la Cour ne peut considérer que la preuve qui a été soumise à l’office fédéral dont la décision est l’objet du contrôle (Via Rail Canada Inc. c. Canada (Commission des droits de la personne), [1998] 1 C.F. 376, 135 F.T.R. 214; Lemieche c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1993), 72 F.T.R. 49, 46 A.C.W.S. (3d) 321). Cependant, ce principe souffre une exception dans les cas où il est allégué que l’office fédéral a violé un principe d’équité procédurale (Ordre des architectes de l’Ontario c. Association of Architectural Technologists of Ontario), 2002 CAF 218, [2003] 1 C.F. 331. En résumé, dans une procédure de contrôle judiciaire, la Cour ne peut pas considérer de nouveaux éléments de preuve pour savoir si la décision de l’office fédéral doit ou non être maintenue, mais elle peut considérer de tels éléments pour savoir si l’office a contrevenu aux principes de l’équité procédurale lorsqu’il est arrivé à cette décision.

 

[30]           En l’espèce, les trois documents annexés à l’affidavit de Janet Struss signé le 2 octobre 2009 (un formulaire de présentation inter-PCS envoyé à ACC par télécopie datée du 9 novembre 2001; une demande datée du 4 janvier 2002 pour qu’ACC procède à une vérification des documents; le dossier d’hospitalisation se rapportant à une opération chirurgicale subie par Mme Robertson le 21 avril 1945) ne figurent pas dans le dossier certifié du tribunal. Cette information n’avait donc pas été soumise au décideur et elle ne devrait pas être considérée par la Cour dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[31]           La Cour conclut également que les demandeurs n’ont subi aucun préjudice injustifié et que le comité d’appel n’a pas contrevenu aux principes de l’équité procédurale en n’incluant pas ces documents dans le dossier du tribunal, car ils ne modifient pas l’issue de l’instance. La Cour est d’avis que le comité d’appel n’a commis aucun manquement pour ce qui concerne la communication de la preuve dans la présente affaire. Les demandeurs ont tenté d’ajouter à leur dossier en produisant un affidavit complémentaire sans l’autorisation de la Cour. En vertu de l’article 312 des Règles des Cours fédérales, une requête doit être déposée pour la production d’un affidavit complémentaire et d’une preuve additionnelle. La Cour arrive donc à la conclusion que l’affidavit de Janet Struss ne peut pas faire partie intégrante du dossier des demandeurs.

 

2.         Quelle est la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer aux décisions du comité d’appel du Tribunal?

 

[32]           Les parties s’accordent pour dire que la norme de contrôle qui est applicable aux décisions discrétionnaires du comité d’appel est la décision raisonnable (Atkins c. Canada (Procureur général), 2009 CF 939, [2009] A.C.F. n° 1159 (QL), paragraphe 19; Bullock c. Canada (Procureur général), 2008 CF 1117, 336 F.T.R. 73, paragraphe 13).

 

[33]           Cependant, la rétroactivité est une question d’interprétation législative qui ne relève pas du domaine de spécialisation propre au Tribunal et qui est donc soumise à la norme de la décision correcte (Atkins, paragraphe 20; Canada (Procureur général) c. MacDonald, 2003 CAF 31, 238 F.T.R. 172; Dugré c. Canada (Procureur général), 2008 CF 682, 170 A.C.W.S. (3d) 643; Lenzen c. Canada (Procureur général), 2008 CF 520, 327 F.T.R. 12).

 

3.         ACC était-il tenu de répondre à la demande d’aide faite par les demandeurs en les renseignant spécifiquement sur les prestations qu’ils pouvaient obtenir?

 

Arguments des demandeurs

[34]           Les demandeurs font remarquer que les prestations personnelles de M. Robertson ne font pas partie de la présente demande, parce qu’il a servi outre‑mer durant la Deuxième Guerre mondiale, ce qui le rendait automatiquement admissible au programme Lit d’accès prioritaire (LAP) d’Anciens combattants Canada. Mme Robertson s’était elle aussi portée volontaire pour servir outre‑mer, mais elle n’a servi qu’au Canada. Elle a été malade et a subi des blessures durant ses années de service, puis a subi une importante opération chirurgicale en 1945, ce qui la rend admissible à diverses prestations d’invalidité qui lui ont été accordées par ACC en 2003 après le dépôt de demandes en bonne et due forme.

 

[35]           Selon les demandeurs, l’admissibilité de Mme Robertson à des prestations d’invalidité ressort clairement des renseignements figurant dans son dossier à ACC, en raison de l’opération chirurgicale qu’elle a subie durant son service. Les demandeurs affirment que, lorsqu’ACC a été informé des besoins de Mme Robertson en 2001, ACC avait l’obligation de l’aider et de la conseiller en déposant la demande officielle requise en vue de ses prestations d’invalidité, ce qu’ACC a négligé de faire.

 

[36]           Le 15 janvier 2002, ACC a refusé de déclarer Mme Robertson admissible à un LAP, parce qu’elle n’avait pas servi outre‑mer et/ou ne recevait pas une pension d’invalidité de guerre. Les demandeurs font observer que la décision d’ACC ne mentionne pas que Mme Robertson semble admissible à des prestations d’invalidité, et ils disent qu’elle n’avait pas bien compris qu’elle devait présenter une demande de pension d’invalidité. Ils ajoutent qu’il ne leur est conseillé nulle part de communiquer avec un représentant pour remplir une demande, qu’il n’est pas précisé que la date de dépôt de la demande est cruciale et détermine le versement de prestations immédiates, enfin, qu’il n’est pas indiqué que l’ex-militaire doit réagir à la décision d’ACC ou faire appel de la décision afin de préserver ses droits.

 

[37]           Les demandeurs font valoir qu’ils remplissent les conditions du paragraphe 81(3) de la Loi sur les pensions et que, en faisant peu de cas des obligations que lui imposait la Loi sur les pensions, ACC leur a causé, et surtout à Mme Robertson, un préjudice irréparable qui s’est manifesté sous la forme d’un stress et de malaises physiques et psychologiques.

 

Les arguments des défendeurs

[38]           Le paragraphe 81(3) de la Loi sur les pensions indique clairement que ce n’est que lorsque demande lui en est faite qu’ACC est tenu de fournir des services de consultation à un demandeur ou d’aider un demandeur à préparer sa demande de pension. Les défendeurs disent qu’ACC n’a pas à prendre sur lui de conseiller toute personne susceptible d’être admissible à une pension. Cependant, lorsqu’un client potentiel demande à ACC de l’aider ou de le conseiller à propos d’une demande de pension, ACC est alors tenu d’apporter cette aide et/ou de fournir des conseils.

 

[39]           Les défendeurs disent qu’ACC met tout en œuvre pour que l’information relative à ses prestations, ses programmes et ses services soit communiquée aux clients potentiels, à leurs survivants, à leurs familles et à leurs pourvoyeurs de soins. L’information relative aux programmes et prestations d’ACC est accessible dans les médias, dans les bureaux de district, dans des brochures ainsi qu’à Service Canada, entre autres sources, et toute personne est à même de se renseigner auprès d’ACC.

 

[40]           Le 15 janvier 2002, ACC a informé Mme Robertson qu’elle ne pouvait recevoir des prestations de soins de longue durée que si elle bénéficiait d’une pension d’invalidité. Si Mme Robertson croyait qu’elle était admissible à une pension d’invalidité, il lui suffisait d’en informer ACC pour que débute le processus de demande, mais elle a choisi d’attendre jusqu’en septembre 2002 pour communiquer avec ACC et s’enquérir d’une éventuelle pension d’invalidité. Les défendeurs disent qu’ACC ne saurait être tenu pour responsable de l’omission de Mme Robertson de communiquer avec ACC à propos d’une pension d’invalidité.

 

Analyse

[41]           ACC a l’obligation de prendre des dispositions pour s’occuper des ex-militaires en fonction de leurs besoins et de leur situation, mais la Cour signale que les anciens combattants ne se verront pas tous, et dans tous les cas, accorder les prestations qu’ils réclament. La Cour faisait observer, dans la décision Succession Krasnick c. Anciens combattants Canada, 2007 CF 1322, 321 F.T.R. 141, au paragraphe 25, qu’« [i]l n’y a rien dans la [Loi sur les pensions] ou dans le [Règlement sur les compensations] ni dans d’autres lois ou règlements qui oblige [ACC] à informer tout le monde ou certaines personnes de l’existence de certaines prestations, ou à être clairvoyant et à établir, à partir de signes, de signaux ou d’inférences, que certaines personnes peuvent avoir besoin de prestations et, si c’est le cas, de quelles prestations elles peuvent bénéficier et à quel moment ». La Cour croit donc qu’ACC n’était pas tenu, selon le paragraphe 81(3) de la Loi sur les pensions, d’informer les demandeurs que Mme Robertson était peut-être admissible à une pension d’invalidité.

 

[42]           ACC fournissait des informations générales au public et semble disposé à renseigner, sur demande, les personnes qui se présentent comme clients. Ainsi, dans la présente affaire, lorsque les demandeurs ont présenté à ACC le 20 septembre 2002 une demande spécifique de prestations d’invalidité au titre de la déficience auditive de Mme Robertson, ACC a promptement donné suite à cette demande et a accordé des prestations d’invalidité environ trois mois plus tard, le 16 janvier 2003.

 

[43]           Ainsi que le font observer les défendeurs, Mme Robertson a attendu jusqu’en septembre 2002 avant de demander une pension d’invalidité. ACC ne pouvait pas déduire de la lettre du 16 octobre 2001 envoyée par la fille des demandeurs au Dr Morris que Mme Robertson aurait pu être admissible à une pension d’invalidité. Une demande en règle devait être déposée par les demandeurs avec l’aide d’un agent des pensions, ce qui fut fait le 20 septembre 2002. Sur ce point, la Cour croit qu’ACC ne s’est pas soustrait à une obligation que lui imposait la Loi sur les pensions ou le Règlement sur les compensations.

 

4.         Le comité d’appel du Tribunal a-t-il commis une erreur en refusant de reconnaître davantage de rétroactivité à la prise d’effet des pensions d’invalidité de Mme Robertson?

 

Les arguments des demandeurs

[44]           Les demandeurs font valoir qu’ACC donne une interprétation restrictive des faits et de la définition relative à la notion de « premier contact ». ACC calcule les prestations d’invalidité de Mme Robertson à partir de la date à laquelle les demandeurs ont déposé en septembre 2002 une demande en règle, mais les demandeurs soutiennent qu’ACC a reçu une demande écrite et avait été mis au fait des besoins des demandeurs dès le 7 novembre 2001, lorsqu’il avait reçu une copie de la lettre de leur fille adressée le 16 octobre 2001 au Dr Morris.

 

[45]           Les demandeurs font valoir qu’un examen attentif des documents de Mme Robertson aurait révélé qu’une demande de LAP et de soins de longue durée équivalait à une demande de pension d’invalidité. D’après eux, le comité de révision et le comité d’appel ont commis une erreur dans leur manière d’appliquer la Loi sur les pensions et la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

 

Les arguments des défendeurs

[46]           Les défendeurs font observer que les lois et règlements qui habilitent ACC à appliquer les programmes et à verser des prestations ne permettent pas de considérer comme interchangeables une demande de soins de longue durée et une demande de pension d’invalidité. Les pensions d’invalidité sont régies par la Loi sur les pensions et par ses règlements d’application, tandis que les prestations de soins de longue durée sont versées en vertu du RSSAC. Les défendeurs soutiennent aussi que les demandeurs n’ont pas suffisamment étayé leur demande de prestations.

 

Analyse

[47]           La Cour fait observer que le pouvoir du comité d’appel de modifier la date de prise d’effet d’une pension est très circonscrit. Selon le paragraphe 39(1) de la Loi sur les pensions, il y a deux manières d’établir l’effet rétroactif d’une pension : la pension est payable à partir de celle des dates suivantes qui est postérieure (et non antérieure) à l’autre : la date de présentation de la demande, ou la date précédant de trois ans la date d’octroi de la pension (Atkins, paragraphe 32). L’effet pratique anticipé de la disposition est qu’une pension accordée doit l’être dans les trois années suivant la présentation de la demande (Atkins, paragraphe 32; Leclerc, paragraphe 18).

 

[48]           Après examen de la preuve, la Cour n’est pas persuadée que le comité d’appel s’est fourvoyé dans l’application de l’article 39 de la Loi sur les pensions. L’objet du paragraphe 39(1) est de fixer une limite à l’effet rétroactif de l’octroi d’une pension (Leclerc c. Canada (Procureur général), (1998) 150 F.T.R. 1, 80 A.C.W.S. (3d) 1254, paragraphe 19). Ainsi que l’écrivait la Cour au paragraphe 20 de la décision Leclerc : « Le fait que la cause du retard ne soit pas imputable au requérant n’écarte pas l’article 39(1), lequel s’applique à toute pension sans égard aux circonstances dans lesquelles elle est octroyée. » (Voir aussi la décision Cadotte c. Canada (Anciens combattants), 2003 CF 1195, [2003] A.C.F. n° 513 (QL), paragraphes 20 et 21.)

 

[49]           Par ailleurs, interprétant cette disposition légale, E.A. Driedger, dans l’ouvrage intitulé The Composition of Legislation (1976), écrivait ce qui suit, à la page 107 :

[traduction]

[…] si la loi est claire et sans équivoque, elle s’appliquera selon ses termes, quand bien même serait-il porté atteinte à des droits acquis.

 

[…]

 

[…] Il existe une présomption selon laquelle une loi n’a pas d’application rétroactive, qui aurait pour effet de porter atteinte à des droits, sauf si la rétroactivité est clairement exprimée ou si elle se déduit implicitement […]

 

[50]           À mon avis, le comité d’appel a correctement interprété la mesure de la rétroactivité de la demande de pension d’invalidité présentée par Mme Robertson. Le comité de révision et le comité d’appel n’auraient pas pu décemment considérer la lettre adressée par la fille des demandeurs au Dr Morris le 16 octobre 2001 comme une demande de prestations d’invalidité. La lettre ne remplit pas les conditions fixées par la Politique interne d’ACC, par l’article 81 de la Loi sur les pensions et par l’article 3 du Règlement sur les compensations. Ainsi, la lettre n’était pas envoyée ou adressée au ministre; l’information qu’elle renferme ne parle pas d’une nouvelle preuve médicale; la lettre constitue simplement une demande adressée à un tiers (le Dr Morris) pour qu’il rédige les deux rapports médicaux requis.

 

[51]           Pour ces motifs, la Cour conclut que la lettre n’est pas une demande spécifique d’aide en vue du dépôt d’une demande de prestations d’invalidité et qu’elle ne constitue donc pas une « demande » au sens du paragraphe 81(1) de la Loi sur les pensions.

 

[52]           Par conséquent, il n’y a pas d’erreur qui justifierait l’intervention de la Cour, et la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE : la demande de contrôle judiciaire est rejetée sans frais.

 

 

« Richard Boivin »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1388-07

 

INTITULÉ :                                       ROBERTSON et autre c. SA MAJESTÉ LA REINE et autre

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 23 FÉVRIER 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 1er MARS 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Claude-Alain Burdet

 

POUR LES DEMANDEURS

Talitha A. Nabbali

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Nelson Street Law Offices

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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