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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100226

Dossier : IMM-2190-09

Référence : 2010 CF 225

[traduction certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 26 février 2010

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

RAJITH NIROSHAN WICKRAMASEKERA

DILKA ROSHANI DE LIVERA KARUNARATNE

HERANTHA SHAMAL WICKRAMASEKERA

ANISHKA MANEETH WICKRAMASEKERA

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision défavorable rendue le 2 mars 2009 (la décision) par un agent d’immigration quant à une demande de visa d’immigrant au Canada présentée par le demandeur dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).

 

[2]               Pour les motifs exposés ci-dessous, la présente demande sera rejetée.

 

I.          Le contexte

 

[3]               Le demandeur principal est un citoyen du Sri Lanka âgé de 38 ans. Il est l’époux de Dilka Roshani De Livera Karunaratne, la codemanderesse dans la présente demande de contrôle judiciaire. En avril 2007, le demandeur et sa famille ont demandé des visas d’immigrant au Canada dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) (TQF). Cette catégorie fonctionne selon un système de points et les points sont alloués en fonction, notamment, de l’âge, des études, de la compétence en langues et de l’expérience de travail. Normalement, un demandeur doit obtenir un minimum de 67 points pour obtenir un visa. Le demandeur en l’espèce a obtenu 60 points.

 

[4]               Le demandeur a demandé une « substitution de l’appréciation » quant à sa demande, et ce, en vertu du paragraphe 76(3) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement). Le demandeur a fait état de son niveau d’études élevé, de sa connaissance du monde et de sa bonne situation financière pour justifier une substitution de l’appréciation. L’agent d’immigration a refusé d’accorder ladite substitution et a rejeté la demande du demandeur dans son ensemble.

 

[5]               Dans une lettre adressée au demandeur, l’agent d’immigration a ainsi formulé ses motifs pour avoir refusé la substitution de l’appréciation :

[traduction]

 

J’ai aussi tenu compte de votre demande de substitution de l’appréciation en votre faveur. Après un examen minutieux du dossier, je suis convaincu que le nombre de points accordé reflète fidèlement votre capacité à vous établir au Canada. Par conséquent, aucune substitution de l’appréciation n’est justifiée en l’espèce.

[6]               Les notes de l’agent d’immigration, qui peuvent être considérées comme partie intégrante des motifs (voir Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; [1999] A.C.S. n° 39), sont ainsi libellées :

 

[traduction]

 

Après examen complet du dossier, je suis convaincu que les points accordés en l’espèce reflètent fidèlement la capacité de l’intéressé à s’établir au Canada. Je suis convaincu qu’une substitution de l’appréciation n’est pas justifiée en l’espèce.

 

II.         Le cadre législatif

 

[7]               La catégorie des TQF est régie par les articles 75 à 85 du Règlement. La principale façon pour déterminer si un demandeur se qualifie dans cette catégorie est décrite à l’alinéa 76(1)a) du Règlement. Le paragraphe 76(3) accorde à l’agent d’immigration le pouvoir discrétionnaire de substituer son appréciation aux critères prévus si le nombre de points accordé ne reflète pas l’aptitude du travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada. La disposition pertinente est ainsi formulée :

Critères de sélection

 

76. (1) Les critères ci-après indiquent que le travailleur qualifié peut réussir son établissement économique au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) :

 

 

 

a) le travailleur qualifié accumule le nombre minimum de points visé au

 

paragraphe (2), au titre des facteurs suivants :

 

 

 

(i) les études, aux termes de l’article 78,

 

 

(ii) la compétence dans les langues officielles du Canada, aux termes de l’article 79,

 

(iii) l’expérience, aux termes de l’article 80,

 

 

(iv) l’âge, aux termes de l’article 81,

 

(v) l’exercice d’un emploi réservé, aux termes de l’article 82,

 

 

(vi) la capacité d’adaptation, aux termes de l’article 83;

 

b) le travailleur qualifié :

 

(i) soit dispose de fonds transférables — non grevés de dettes ou d’autres obligations financières — d’un montant égal à la moitié du revenu vital minimum qui lui permettrait de subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille,

 

 

(ii) soit s’est vu attribuer le nombre de points prévu au paragraphe 82(2) pour un emploi réservé au Canada au sens du paragraphe 82(1).

 

 

Nombre de points

 

(2) Le ministre établit le nombre minimum de points que doit obtenir le travailleur qualifié en se fondant sur les éléments ci-après et en informe le public :

 

a) le nombre de demandes, au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), déjà en cours de traitement;

 

b) le nombre de travailleurs qualifiés qui devraient devenir résidents permanents selon le rapport présenté au Parlement conformément à l’article 94 de la Loi;

 

c) les perspectives d’établissement des travailleurs qualifiés au Canada, compte tenu des facteurs économiques et autres facteurs pertinents.

 

Substitution de l’appréciation de l’agent à la grille

 

(3) Si le nombre de points obtenu par un travailleur qualifié — que celui-ci obtienne ou non le nombre minimum de points visé au paragraphe (2) — ne reflète pas l’aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut substituer son appréciation aux critères prévus à l’alinéa (1)a).

Selection criteria

 

76. (1) For the purpose of determining whether a skilled worker, as a member of the federal skilled worker class, will be able to become economically established in Canada, they must be assessed on the basis of the following criteria:

 

(a) the skilled worker must be awarded not less than the minimum number of

 

required points referred to in subsection (2) on the basis of the following factors, namely,

 

(i) education, in accordance with section 78,

 

(ii) proficiency in the official languages of Canada, in accordance with section 79,

 

(iii) experience, in accordance with section 80,

 

(iv) age, in accordance with section 81,

 

(v) arranged employment, in accordance with section 82, and

 

(vi) adaptability, in accordance with section 83; and

 

(b) the skilled worker must

 

(i) have in the form of transferable and available funds, unencumbered by debts or other obligations, an amount equal to half the minimum necessary income applicable in respect of the group of persons consisting of the skilled worker and their family members, or

 

(ii) be awarded the number of points referred to in subsection 82(2) for arranged employment in Canada within the meaning of subsection 82(1).

 

Number of points

 

(2) The Minister shall fix and make available to the public the minimum number of points required of a skilled worker, on the basis of

 

 

(a) the number of applications by skilled workers as members of the federal skilled worker class currently being processed;

 

(b) the number of skilled workers projected to become permanent residents according to the report to Parliament referred to in section 94 of the Act; and

 

 

(c) the potential, taking into account economic and other relevant factors, for the establishment of skilled workers in Canada.

 

 

Circumstances for officer’s substituted evaluation

 

(3) Whether or not the skilled worker has been awarded the minimum number of required points referred to in subsection (2), an officer may substitute for the criteria set out in paragraph (1)(a) their evaluation of the likelihood of the ability of the skilled worker to become economically established in Canada if the number of points awarded is not a sufficient indicator of whether the skilled worker may become economically established in Canada.

 

 

[8]               Le pouvoir discrétionnaire conféré par le paragraphe 76(3) du Règlement ne s’applique qu’exceptionnellement lorsque le nombre de points accordé ne reflète pas l’aptitude du travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada (voir Esguerra c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 413; [2008] A.C.F. n° 549).

 

III.       La norme de contrôle

 

[9]               La norme de contrôle applicable à la décision discrétionnaire d’un agent des visas relativement à la substitution de l’appréciation est celle de la décision raisonnable (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339; Poblano c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1167; [2005] A.C.F. n° 1424). Les questions qui ont trait à la l’obligation d’équité sont évaluées en fonction de la norme de la décision correcte.

 

IV.       La question en litige

 

[10]           Le demandeur soulève la question suivante : l’agent d’immigration a-t-il commis une erreur en omettant de motiver sa décision défavorable relative à la demande de substitution de l’appréciation présentée par le demandeur?

 

[11]           Le demandeur affirme que l’agent d’immigration a manqué à son obligation d’équité envers le demandeur en ne lui fournissant aucun motif cohérent et compréhensible justifiant son rejet de la demande de substitution de l’appréciation.

 

[12]           Le défendeur affirme que les motifs formulés par l’agent quant à la substitution de l’appréciation étaient suffisants.

 

[13]           La présentation de motifs remplit deux fonctions principales. Premièrement, elle permet de vérifier si le décideur a examiné les facteurs qui doivent être pris en compte dans le cadre du processus décisionnel. Deuxièmement, elle permet aux parties d’exercer leur droit à un contrôle judiciaire et à la Cour de procéder à un examen valable de la décision (voir Ragupathy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 151; [2007] 1 A.C.F. 490).

 

[14]           Le fait que les motifs soient brefs n’est pas une erreur en soi. Dans Almasy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 701; [2001] A.C.J. n° 1041, le juge Frederick Gibson s’est penché sur la question de la formulation de motifs très brefs dans les affaires ayant trait à des demandes d’asile. Il a conclu que cela ne constitue pas une faute en soi. Il est d’avis qu’il faut encourager les exposés de motifs brefs lorsque les motifs reflètent une bonne compréhension de la preuve et une analyse adéquate de la preuve au regard de la jurisprudence, des dispositions législatives et des dispositions réglementaires applicables (voir le paragraphe 9).

 

[15]           Dans Poblano, précitée, le juge Konrad von Finckenstein s’est penché sur le cas d’une agente d’immigration qui refusait d’exercer son pouvoir discrétionnaire lui permettant de substituer l’appréciation de la demande du demandeur. Dans la même affaire, le demandeur soutient que l’agente n’a fourni aucun motif pour justifier sa décision énoncée dans la lettre de refus. Le juge von Finckenstein a conclu que rien ne justifie que la Cour annule cette décision. Voici ce qu’il dit aux paragraphes 6 et 7 :

6          L’affidavit de l’agente (au sujet duquel elle n’a pas été contre-interrogée) et les notes du STIDI indiquent clairement que l’agente a tenu compte de la lettre.

 

7          Quant aux motifs écrits, s’ils sont toujours souhaitables, ils ne sont pas obligatoires. Voir la décision Behnam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. n° 798, au paragraphe 6 : l’agent est uniquement tenu d’informer le demandeur qu’il a examiné la demande de substitution de l’appréciation. C’est ce qui a été fait en l’espèce.

 

[16]           En l’espèce, les motifs indiquent que l’agent a examiné la demande de substitution de l’appréciation soumise par le demandeur. L’agent a ensuite énoncé le motif de rejet de la demande : il n’était pas convaincu que la substitution de l’appréciation était justifiée car le nombre de points alloués reflétait fidèlement la capacité du demander à s’établir au Canada. Bien que brefs, les motifs remplissent les deux fonctions qui sont décrites dans Ragupathy, précité. La Cour n’a aucune raison d’intervenir.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

1.                              La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                              Aucune ordonnance n’est rendue à l’égard des dépens.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.

Réviseur

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2190-09

 

INTITULÉ :                                       WICKRAMASEKERA et al c. LE MINISTÈRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 4 FÉVRIER 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 26 FÉVRIER 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Korman

 

POUR LES DEMANDEURS

Tamrat Gebeyehu

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Korman

Otis & Korman

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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