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Cour fédérale

 

Federal Court


Date :  20100219

Dossier :  T-797-09

Référence :  2010 CF 158

Ottawa (Ontario), le 19 février 2010

En présence de monsieur le juge Beaudry 

 

ENTRE :

MARCELINE NEMOURS

demanderesse

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Marceline Nemours (la demanderesse) demande le contrôle judiciaire d’une décision datée du 15 avril 2009 rendue en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, c. 22, article 2 (la Loi) par Michèle A. Pineau (l’arbitre). Elle conclut que la demanderesse n’est pas une « fonctionnaire » au sens de la Loi. L’arbitre décline alors compétence.


Faits

[2]               La demanderesse travaille au ministère des Anciens Combattants à titre d’infirmière à l’Hôpital Saint-Anne (l’hôpital) depuis le 25 mai 1992. Elle est premièrement embauchée pour un terme de trois mois à temps complet. Elle travaille ensuite à temps partiel pour une période déterminée, soit du 7 septembre au 15 novembre 1992. Elle continue à travailler à l’hôpital de façon continue jusqu’à son licenciement le 17 novembre 2005. Son emploi au sein de l’hôpital se résume à une série de termes successifs, soit en vertu de nominations à des postes à temps partiel pour une période déterminée ou « sur appel ». Pendant tout ce temps, sauf la première embauche pour la période déterminée, elle est inscrite avec une agence et travaille à l’hôpital par l’entremise de l’agence.

 

[3]               La demanderesse est licenciée le 17 novembre 2005. Au moment de son licenciement, elle est une employée dite « sur appel » et sa lettre d’offre (qu’elle n’a pas signée) stipule que sa période d’emploi est du 1er novembre 2005 au 30 janvier 2006.

 

[4]               Le 23 décembre 2005, la demanderesse dépose un grief contestant son licenciement. Tout au long de la procédure de règlement du grief, l’administration de l’hôpital soutient que la demanderesse n’est pas une fonctionnaire au sens de la Loi, donc le grief est inadmissible. Le grief fait l’objet d’un renvoi devant l’arbitre. Sa décision est maintenant contestée par la présente demande de contrôle judiciaire.


Décision contestée

[5]               L’arbitre résume les faits, la preuve et les arguments des parties. Pour les fins de la présente décision, il n’est pas nécessaire de les énumérer puisqu’ils ne sont pas contestés. La première question que se pose l’arbitre est de savoir si la demanderesse est une fonctionnaire au sens de la Loi. Cette question déterminera si elle doit continuer à entendre le grief.

 

[6]               Elle indique qu’il n’est pas possible de conclure à l’existence du statut de fonctionnaire à partir d’une situation de faits, car ce statut relève de la Loi (voir Canada (procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1991] 1 R.C.S. 614 [Econosult]). Elle note que le libellé de la définition de fonctionnaire au paragraphe 2(1) de la Loi est très précis. Selon elle, il s’agit de déterminer si le statut de la demanderesse doit être décidé en fonction de sa dernière période d’emploi ou doit-on considérer toutes ses périodes d’emploi depuis 1992.      

 

[7]               L’arbitre note que la demanderesse a travaillé soit à temps partiel, soit sur appel et que ses périodes d’emploi se sont succédé. La demanderesse n’a jamais réclamé le statut de fonctionnaire avant.

 

[8]               Elle détermine que lors de son licenciement, la demanderesse ne répond pas à la définition de fonctionnaire dans la Loi, c’est-à-dire qu’elle n’est pas ordinairement astreinte à travailler plus du tiers du temps normalement exigé des personnes exécutant des tâches semblables. Le fait qu’elle ait travaillé plus que cela à certaines périodes de l’année qui ont précédé son licenciement est sans pertinence parce que ses heures n’ont pas été travaillées pendant la période d’embauche précédant immédiatement son licenciement. L’arbitre est d’avis qu’elle doit tenir compte du statut de la demanderesse au moment précis où elle a été licenciée parce que c’est cette période qui est importante.

 

[9]               Le statut d’emploi de la demanderesse est celui d’une employée sur appel qui n’est pas ordinairement astreinte à travailler plus du tiers du temps normalement exigé des personnes exécutant des tâches semblables. Le paragraphe 206(1) de Loi l’exclut, car elle n’est pas une fonctionnaire au moment du licenciement.    

 

[10]           L’arbitre se demande si elle peut modifier la portée de la définition du paragraphe 206(1) en appliquant les pouvoirs de redressement fondés sur le principe de l’équité. Après avoir comparé ses pouvoirs de redressement à ceux qui sont accordés aux arbitres en vertu du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, c. L-2, elle conclut qu’ils ne sont pas pareils. À son avis, même si elle a le pouvoir de trancher un grief « par l’ordonnance [qu’elle] juge indiquée », cette disposition est limitée par la précision qu’une ordonnance doit être conforme à la Loi. Compte tenu de la présomption d’harmonie et de cohérence, elle opine que le pouvoir accordé en vertu de Loi est plus circonscrit et qu’elle n’a pas la compétence pour élargir la portée de la définition prévue au paragraphe 206(1).    

 

[11]           Quant à la jurisprudence, elle explique que la décision Econosult demeure d’actualité. Elle fait remarquer que les fonctionnaires de l’administration publique centrale forment une catégorie spéciale d’employés dont les postes sont établis par le Conseil du Trésor et le droit de les nommer à la fonction publique appartient exclusivement à la Commission de la fonction publique. La création d’une catégorie spéciale d’employés pour tenir compte de la situation de la demanderesse est donc incompatible avec l’objet de la Loi. Elle s’appuie aussi sur Canada (Procureur général) c. Marinos, [2000] 4 C.F. 98 (C.A.F.) (Marinos) qui traite du principe qu’un arbitre de grief doit appliquer les normes juridiques en s’appuyant sur les lois applicables à l’emploi.   

 

[12]           L’arbitre distingue les faits ici à ceux dans Pointe-Claire (Ville) c. Québec (Tribunal du travail), [1997] 1 R.C.S. 1015. Enfin, elle trouve que les conclusions dans BC Health Services (Health Services and Support - Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, 2007 CSC 27, [2007] 2 R.C.S. 391) ne sont pas pertinentes, car il n’y a aucune preuve que le licenciement de la demanderesse porte atteinte à la liberté d’association ou aux droits à l’égalité.

 

Questions en litige

[13]           Les questions en litige sont comme suit :

a.       Quelle est la norme de contrôle applicable en l’espèce?

b.      Est-ce que la décision de l’arbitre selon laquelle la demanderesse n’est pas une fonctionnaire au sens de l’alinéa 2(1)c) et du paragraphe 206(1) de la Loi est raisonnable?

 

Législation pertinente

[14]           Les extraits pertinents sont en annexe.

 

Quelle est la norme de contrôle applicable en l’espèce?

[15]           Les parties ne s’entendent pas sur la norme de contrôle à être appliquée. La demanderesse prétend que la norme de la décision correcte doit recevoir application tandis que le défendeur allègue la décision raisonnable.

 

[16]             Selon Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190,   

 la Cour peut se fier à la jurisprudence si elle est satisfaite qu’elle établît clairement la norme applicable. Le défendeur fait remarquer que Marinos cité par la demanderesse a été décidé en vertu de l’ancienne loi (Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, c. P-35, abrogée) qui n’était pas assortie d’une clause privative. Il sera donc nécessaire de faire une analyse pour déterminer quelle est la norme applicable.  

 

[17]           La Cour suprême dans Dunsmuir nous enseigne ceci au paragraphe 55 :

Les éléments suivants permettent de conclure qu’il y a lieu de déférer à la décision et d’appliquer la norme de la raisonnabilité :

 

·     Une clause privative : elle traduit la volonté du législateur que la décision fasse l’objet de déférence.

 

·     Un régime administratif distinct et particulier dans le cadre duquel le décideur possède une expertise spéciale (p. ex., les relations de travail).

 

·     La nature de la question de droit.  Celle qui revêt « une importance capitale pour le système juridique [et qui est] étrangère au domaine d’expertise » du décideur administratif appelle toujours la norme de la décision correcte (Toronto (Ville) c. S.C.F.P., par. 62).  Par contre, la question de droit qui n’a pas cette importance peut justifier l’application de la norme de la raisonnabilité lorsque sont réunis les deux éléments précédents.

 

[18]           Dans la cause sous étude, la décision de l’arbitre est sujette à une clause privative ce qui  démontre que le législateur a prévu une déférence importante.

 

[19]           La Commission est spécialisée dans les domaines de sa juridiction. Cependant, Marinos  nous rappelle que l’arbitre ne peut pas prétendre posséder une expertise quand il s’agit d’interprétation de la Loi si la question consiste à définir les paramètres de sa propre compétence.

 

[20]           Quant à la nature de la question, même si l'arbitre la traite comme une question de compétence, je ne crois pas qu'elle est de la même nature que la compétence définie par la Cour suprême dans Dunsmuir au paragraphe 59. Je souscris à l’argument du défendeur qu’il s’agit plutôt d’une question mixte, car la preuve doit être analysée pour savoir si la demanderesse rencontre les dispositions de la Loi quant au mot «  fonctionnaire » (Eswick c. Canada (Procureur général), 2007 CF 894, 319 F.T.R. 290 aux paragraphes 79 à 80).

 

[21]           Je ne crois pas non plus qu’elle revêt une importance capitale pour le système juridique et elle n’est donc pas complètement étrangère à l’expertise du tribunal. Les questions mixtes de faits et de droit sont sujettes à la norme de la raisonnabilité (Dunsmuir au paragraphe 53).

 

[22]           J’appliquerai donc la norme de la raisonnabilité.


Est-ce que la décision de l’arbitre selon laquelle la demanderesse n’est pas une fonctionnaire au sens de l’alinéa 2(1)c) et du paragraphe 206(1) de la Loi est raisonnable?

Prétentions de la demanderesse

[23]           La demanderesse fait remarquer que l’analyse visant à déterminer si une personne est « ordinairement astreinte à travailler plus du tiers du temps normalement exigé des personnes exécutant des tâches semblables » ne peut se limiter aux deux premières semaines du contrat d’emploi le plus récent lorsqu’il n’y a eu aucune interruption de service depuis 13 ans.

 

[24]            Elle s’oppose à l’approche utilisée par l’arbitre et suggère que si on se limite au libellé et à la forme du contrat d’emploi, cela permettrait à l’employeur d’imposer des contrats d’emploi qui ne correspondent pas aux heures assignées privant ainsi les employés de leurs recours. À son avis, l’hôpital ne peut se soustraire à la Loi par l’entremise d’un contrat et la forme du contrat n’est pas du tout déterminante. Elle ajoute qu’on ne peut s’en remettre à la caractérisation de son statut d’emploi fournie par l’hôpital parce que la notion de « sur appel » n’existe pas dans les lois régissant l’emploi dans la fonction publique.

 

[25]           Elle prétend que si l'arbitre avait fait l'analyse de la preuve au dossier elle ne pouvait conclure autrement que la demanderesse est une fonctionnaire au sens de la Loi. Elle souligne que les documents au dossier démontrent clairement que la demanderesse a travaillé plus de 90 jours – ceci étant le tiers du temps normalement exigé des personnes exécutant des tâches semblables dans la période continue et cumulative précédent son congédiement.   

 

[26]           La demanderesse s’appuie sur le tableau préparé par l’arbitre qui résume les contrats d’emploi depuis 1992 (Décision de l’arbitre au paragraphe 9). Elle présente aussi ses propres tableaux faisant état de ses heures à temps partiel et sur appel durant les années financières depuis 1999 (dossier de la demanderesse page 474 aux paragraphes 15 et 16). Elle propose que ces tableaux démontrent que pendant les quatre dernières années de son emploi, elle a travaillé plus de 90 jours par année. Elle souligne que les faits démontrent que pendant toute sa période d’emploi, elle a travaillé à l’hôpital toutes les semaines, faisant le même travail que les infirmières à statut indéterminé et que les mêmes protocoles et directives qui s’appliquaient aux autres employés s’appliquaient à elle.     

 

[27]           La demanderesse soutient aussi le fait que le statut d'employé « sur appel » n’existe pas dans le contexte du régime législatif milite en faveur d’un examen approfondi des circonstances entourant ses conditions d’emploi. Elle argue que même lorsqu'elle était « sur appel » elle travaillait ordinairement plus du tiers des heures régulières.

 

[28]           La demanderesse mentionne que les seuls trois types de nominations sont : à durée indéterminée, à période déterminée et occasionnelle (période de moins de 90 jours ouvrables par année civile dans un même ministère). Elle affirme ne pas être une employée à titre occasionnel, ni à durée déterminée de moins de trois mois puisque certains de ses contrats au fils des années prévoyaient un terme sur appel qui dépassait les 90 jours.      

 

[29]           Puisque le terme « sur appel » n’est aucunement défini, la demanderesse soumet que ses périodes de nominations sur appel constituent plutôt des périodes de nominations pour une durée déterminée. Elle invoque la Politique sur l’emploi pour une période déterminée (Conseil du Trésor, Politique sur l’emploi pour une période déterminée, en ligne : http://www.tbs-sct.gc.ca/pol/doc-fra.aspx?id=12584&section=text (1 avril 2003) (la Politique)) qui exige que lorsqu'une personne travaille dans le même ministère ou organisme en tant qu'employé nommé pour une période déterminée pendant une période cumulative de trois années sans interruption de service de plus de soixante jours civils consécutifs, le ministère ou organisme doit nommer l'employé pour une période indéterminée au niveau égal à celui de son poste d'attache.

 

[30]           Elle soumet que le calcul de la période d’emploi qui doit faire partie de l’analyse à savoir si elle est fonctionnaire au sens de la Loi doit tenir compte de la totalité de sa période d’emploi, dans la mesure où celle-ci constitue une période cumulative de service au sens de la Politique. Une analyse d'une période d'au moins trois ans précédant son licenciement aurait dû être faite par l'arbitre.

 

[31]           Faisant référence à la Loi sur les relations de travail au Parlement, L.R.C 1985, c. 33 (2suppl.), la demanderesse fait remarquer que dans cette Loi pour définir le statut d'un employé il faut analyser sa période d'emploi pendant une période d'un an. Pourquoi se demande-t-elle, l'arbitre n'a analysé que son dernier contrat d’emploi.

 

[32]           Finalement, la demanderesse soutient que l’expression « qui n’est pas ordinairement astreinte à travailler plus du tiers du temps normalement exigé des personnes exécutant des tâches semblables » est claire, sans équivoque et doit être interprétée dans son sens ordinaire. À son avis, l’analyse implique nécessairement une comparaison entre ses heures normalement travaillées et celles des autres infirmières de l’unité de négociation. Elle propose qu’une telle interprétation est conforme au principe qu’on doit donner une interprétation libérale et généreuse aux lois sociales. Une telle interprétation s’insère également dans les objectifs du préambule de la Loi qui précise que « le gouvernement du Canada s’engage à résoudre de façon juste, crédible et efficace les problèmes liés aux conditions d’emploi ». Elle fait aussi appel à l’arrêt BC Health Services où la Cour suprême du Canada a reconnu une protection constitutionnelle du droit à la négociation collective. Elle suggère que l’interprétation adoptée par l’arbitre porte atteinte à son droit et est contraire au principe d’interprétation voulant que les lois soient présumées être conformes à la Charte

 

[33]           En conclusion, la demanderesse soutient que la décision de l’arbitre ne résiste pas à la norme de révision, soit correcte ou raisonnable, puisqu’elle repose sur la fausse conclusion factuelle voulant que la demanderesse soit une employée « sur appel ». De plus, elle prétend que l’interprétation de l’arbitre va à l’encontre de principes bien établis.

 

Prétentions du défendeur

[34]           En réponse, le défendeur soutient que l’arbitre a raisonnablement conclu que la demanderesse n’est pas ordinairement astreinte à travailler plus du tiers du temps normalement exigé des personnes exécutant des tâches semblables et, par conséquent, n’est pas une fonctionnaire au sens de la Loi. Il propose que la décision repose sur une interprétation qui est cohérente en vertu du texte et des règles d’interprétation.

 

[35]           Il souligne que les règles d’interprétation veulent que la Loi soit réputée être rédigée selon les règles de la langue en usage dans la population (P.-A. Côté, Interprétation des lois, 3e éd., Montréal, Les Éditions Thémis, 1999 à la page 330). Il cite les définitions des mots « ordinaire » et « ordinairement » à l’appui de son argument que le texte indique que l’intention du législateur était d’exclure de la définition du mot « fonctionnaire » les employés qui parfois, ou à de rares occasions, sont astreints à travailler plus du tiers du temps normalement exigé des personnes exécutant des tâches semblables. Il met aussi de l’emphase sur le choix du législateur de précéder le mot « astreint », avec le mot « ordinairement » et rappelle le principe d’interprétation que le législateur ne parle pas pour rien dire.    

 

[36]           Le défendeur souligne que lorsque la demanderesse a été licenciée, son offre d’emploi, qui avait pris effet le 1er novembre 2005, prévoyait qu’elle ne serait pas habituellement tenue de travailler plus du tiers des heures normales de travail, elle ne pouvait donc pas être considérée comme une employée au sens de cette Loi. Lors de son dernier jour de travail, soit le 14 novembre 2005, elle n’avait travaillé que 3 jours (22,5 heures).   

 

[37]           Le défendeur maintient que les périodes d'emploi antérieures au contrat du 1er  novembre 2005 ne sont pas pertinentes pour établir si oui ou non la demanderesse pouvait être considérée fonctionnaire.

[38]           Quant à la Politique, le défendeur suggère que ce document n'a pas été déposé devant l'arbitre. Même si l'arbitre avait eu à le considérer, elle n'était pas liée par cette politique (Spencer v. Canada (Attorney General), 2008 FC 1395, [2008] F.C.J. No. 1840 (QL); Spencer v. Canada (Attorney General), 2010 FC 33, [2010] F.C.J. No. 29 (QL) [Spencer]).

 

[39]           Finalement, le défendeur soutient que la conclusion de l’arbitre est non seulement raisonnable mais correcte.

 

Analyse

[40]           La question devant la Cour est celle de savoir s’il était raisonnable pour l’arbitre de conclure que la demanderesse ne répond pas à la définition de fonctionnaire en vertu de l’alinéa 2(1)c) et du paragraphe 206(1) de la Loi. Je suis d'avis que la décision de la Cour suprême dans Econosult, précitée, est applicable ici.

 

[41]           Comme l’a écrit le juge Sopkina, « il n’y a tout bonnement pas de place pour une espèce de fonctionnaire de fait qui ne serait ni chair ni poisson » (Econosult, précité, au paragraphe 25). L’arbitre cerne bien la question lorsqu’elle s'interroge si elle doit prendre compte de la dernière période d'emploi de la demanderesse ou de toute la période depuis 1992 pour déterminer si elle rencontre la définition de fonctionnaire.  

 

[42]           La Loi exclue de la définition de fonctionnaire, toute personne employée dans la fonction publique « qui n’est pas ordinairement astreinte à travailler plus du tiers du temps normalement exigé des personnes exécutant des tâches semblables » (alinéa 2(1)c)). L’arbitre a conclu que le fait que la demanderesse ait travaillé plus que cela pendant certaines périodes dans les années qui ont précédé son licenciement est sans pertinence parce que ses heures n’ont pas été travaillées pendant la période d’embauche précédant immédiatement son licenciement. L’arbitre est d’avis qu’elle doit tenir compte du statut de la demanderesse au moment précis où elle a été licenciée parce que c’est la période au moment du licenciement qui est pertinente au litige.

 

[43]           Chaque contrat octroyé et signé ou non par la demanderesse avant la période du 1er novembre 2005 ont put lui octroyer différents statuts et conséquemment certains droits. Cependant, dans le cas sous étude, je suis d'avis que l'arbitre a eu raison de considérer que le contrat qui était en vigueur au moment du licenciement afin de déterminer son statut. Rien dans la loi n'obligeait l'arbitre d'analyser une période de trois ans ou un an avant le licenciement pour savoir si la demanderesse rencontrait la définition de fonctionnaire. Le contrat d'emploi est clair et l'arbitre s'est bien dirigée en droit.

 

[44]           Quant à la politique, ce document n'a pas été déposé et n'a pas pu être analysé par l'arbitre. Et même s'il l’avait été, je suis d'accord avec les décisions récentes dans Spencer, précité, qu'elle n'a pas force de loi.

 

[45]           La demanderesse fait remarquer avec raison que le statut « sur appel » n’existe pas dans la législation. Mais ce n'est pas la première fois que le défendeur qualifie certains de ses employés de la sorte (voir Marinos, précité). Ce qui est important ici pour définir le statut de la demanderesse est bien le contrat en cause (page 422 dossier demanderesse) où il est clairement stipulé « ...Étant donné que vous ne serez pas tenu(e) de travailler habituellement plus du tiers des heures normales de travail, vous n'êtes pas régi(e) par la Loi sur l'Emploi dans la Fonction publique du Canada. De ce fait, vous ne pouvez être considéré(e), au sens de la présente Loi, comme un(e) employé (e)… »

 

[46]            L’arbitre a rendu une décision raisonnable et je dirais même correcte en excluant la demanderesse de la définition de fonctionnaire ce qui est prévu à l’alinéa 2(1)c) et au paragraphe 206(1) de Loi.

 

[47]           Les parties sont d'accord à ce que j'accorde une somme globale à titre de frais.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. La demanderesse devra débourser des frais sous forme d’une somme globale au montant de 3,000 $. Cette somme comprend les déboursés et la TPS.

 

 

« Michel Beaudry »

Juge

 


Annexe

 

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, c. 22, article 2.

 

2. (1) The following definitions apply in this Act.

 

“employee”

« fonctionnaire »

 

“employee”, except in Part 2, means a person employed in the public service, other than

 

 

(a) a person appointed by the Governor in Council under an Act of Parliament to a statutory position described in that Act;

 

(b) a person locally engaged outside Canada;

 

(c) a person not ordinarily required to work more than one third of the normal period for persons doing similar work;

 

 

(d) a person who is a member or special constable of the Royal Canadian Mounted Police or who is employed by that force under terms and conditions substantially the same as those of one of its members;

 

(e) a person employed in the Canadian Security Intelligence Service who does not perform duties of a clerical or secretarial nature;

 

(f) a person employed on a casual basis;

 

(g) a person employed on a term basis, unless the term of employment is for a period of three months or more or the person has been so employed for a period of three months or more;

 

(h) a person employed by the Board;

 

(i) a person who occupies a managerial or confidential position; or

 

(j) a person who is employed under a program designated by the employer as a student employment program.

 

 

206. (1) The following definitions apply in this Part.

 

“employee”

« fonctionnaire »

 

“employee” has the meaning that would be assigned by the definition “employee” in subsection 2(1) if that definition were read without reference to paragraphs (e) and (i) and without reference to the words “except in Part 2”.

 

 

209. (1) An employee may refer to adjudication an individual grievance that has been presented up to and including the final level in the grievance process and that has not been dealt with to the employee’s satisfaction if the grievance is related to

 

(a) the interpretation or application in respect of the employee of a provision of a collective agreement or an arbitral award;

 

(b) a disciplinary action resulting in termination, demotion, suspension or financial penalty;

 

 

(c) in the case of an employee in the core public administration,

 

(i) demotion or termination under paragraph 12(1)(d) of the Financial Administration Act for unsatisfactory performance or under paragraph 12(1)(e) of that Act for any other reason that does not relate to a breach of discipline or misconduct, or

 

 

(ii) deployment under the Public Service Employment Act without the employee’s consent where consent is required; or

 

(d) in the case of an employee of a separate agency designated under subsection (3), demotion or termination for any reason that does not relate to a breach of discipline or misconduct.

 

 

228. (1) If a grievance is referred to adjudication, the adjudicator must give both parties to the grievance an opportunity to be heard.

 

(2) After considering the grievance, the adjudicator must render a decision and make the order that he or she considers appropriate in the circumstances. The adjudicator must then

 

(a) send a copy of the order and, if there are written reasons for the decision, a copy of the reasons, to each party, to the representative of each party and to the bargaining agent, if any, for the bargaining unit to which the employee whose grievance it is belongs; and

 

(b) deposit a copy of the order and, if there are written reasons for the decision, a copy of the reasons, with the Executive Director of the Board.

 

(3) In the case of a board of adjudication, a decision of a majority of the members on a grievance is deemed to be a decision of the board in respect of the grievance, and the decision must be signed by the chairperson of the board.

 

(4) If a majority of members of the board of adjudication cannot agree on the making of a decision, the decision of the chairperson of the board is deemed to be the decision of the board.

 

2. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

 

 

 

« fonctionnaire » Sauf à la partie 2, personne employée dans la fonction publique, à l’exclusion de toute personne :

 

a) nommée par le gouverneur en conseil, en vertu d’une loi fédérale, à un poste prévu par cette loi;

 

b) recrutée sur place à l’étranger;

 

c) qui n’est pas ordinairement astreinte à travailler plus du tiers du temps normalement exigé des personnes exécutant des tâches semblables;

 

d) qui est membre ou gendarme auxiliaire de la Gendarmerie royale du Canada, ou y est employée sensiblement aux mêmes conditions que ses membres;

 

 

e) employée par le Service canadien du renseignement de sécurité et n’exerçant pas des fonctions de commis ou de secrétaire;

 

f) employée à titre occasionnel;

 

g) employée pour une durée déterminée de moins de trois mois ou ayant travaillé à ce titre pendant moins de trois mois;

 

 

h) employée par la Commission;

 

i) occupant un poste de direction ou de confiance;

 

j) employée dans le cadre d’un programme désigné par l’employeur comme un programme d’embauche des étudiants.

 

 

206. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

 

« fonctionnaire »

“employee”

 

« fonctionnaire » S’entend au sens de la définition de ce terme au paragraphe 2(1), compte non tenu des exceptions prévues aux alinéas e) et i) de celle-ci et des mots « sauf à la partie 2 ».

 

 

 

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

 

 

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

 

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

 

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

 

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

 

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

 

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

 

 

228. (1) L’arbitre de grief donne à chaque partie au grief l’occasion de se faire entendre.

 

 

 

(2) Après étude du grief, il tranche celui-ci par l’ordonnance qu’il juge indiquée. Il transmet copie de l’ordonnance et, le cas échéant, des motifs de sa décision :

 

a) à chaque partie et à son représentant ainsi que, s’il y a lieu, à l’agent négociateur de l’unité de négociation à laquelle appartient le fonctionnaire qui a présenté le grief;

 

 

 

b) au directeur général de la Commission.

 

 

 

 

(3) La décision de la majorité des membres d’un conseil d’arbitrage de grief au sujet d’un grief constitue la décision du conseil. Elle est signée par le président du conseil.

 

 

 

(4) Lorsqu’il n’y a pas de majorité, la décision du président du conseil constitue la décision du conseil.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                          T-797-09

 

INTITULÉ :                                         MARCELINE NEMOURS

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                  OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 LE 15 FÉVRIER 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                               LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                        LE 19 FÉVRIER 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Lise Leduc

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Stephan J. Bertrand

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sack Goldblatt Mitchell, Avocat(e)s

Ottawa (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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