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Cour fédérale

 

 

 

 

 

 

 

 

Federal Court


Date : 20100222

Dossier : T-1645-09

Référence : 2010 CF 172

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 février 2010

En présence de monsieur le juge O'Keefe

 

 

ENTRE :

PLASTI-FAB LTÉE

demanderesse

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Il agit d'une demande présentée pour l'application de l'article 52 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4 (la Loi), demandant à la Cour d'ordonner au commissaire aux brevets (le commissaire) d'ajouter Gregory J. Doren comme inventeur à deux brevets délivrés au Canada. Le commissaire n'a pas compétence pour corriger un brevet délivré et nommer un inventeur supplémentaire en l'absence d'une ordonnance de la Cour.

 

[2]               Le procureur général du Canada est l'avocat du commissaire et est l’unique défendeur requis. Le commissaire a informé Plasti‑Fab Ltée (la demanderesse) et la Cour qu'il n'adoptait aucune position dans la présente demande.

 

Les faits — Analyse

 

[3]               Les brevets en cause sont le brevet canadien no 2,298,435 (le brevet 435) et le brevet canadien no 2,402,580 (le brevet 580) (collectivement, les brevets canadiens). Les deux brevets concernent généralement des systèmes de coffrage isolant pour béton. Les deux brevets revendiquent une priorité relativement au brevet états-unien no 5,896,714 (le brevet états-unien 714). Les trois brevets sont actuellement la propriété de la demanderesse, Plasti-Fab Ltée. Le brevet états-unien 714 mentionne les trois mêmes inventeurs que ceux mentionnés dans les brevets canadiens, soit Patrick M. Cymbala, Andrew W. Cymbala et Allan M. R. MacRae, mais il mentionne également un autre inventeur, soit Gregory J. Doren.

 

[4]               La preuve présentée par la demanderesse comprend des affidavits souscrits par Patrick M. Cymbala et Gregory J. Doren. Ces affidavits incluent les brevets mêmes, ainsi que des affidavits antérieurs de ces personnes qui contribuent à expliquer la raison pour laquelle M. Doren n'a pas été mentionné comme inventeur à l'égard des brevets canadiens.

 

[5]               M. Cymbala, M. Doren et les deux autres inventeurs ont tout d'abord présenté leur demande de brevet aux États-Unis. Après avoir obtenu le brevet états-unien 714 en 1999, ils ont présenté une demande de brevet au Canada pour le même objet. Dans le cadre du processus canadien de demande, ils ont tous deux produit des affidavits en 2000 appuyant l’omission de M. Doren de la liste des inventeurs.

 

[6]               La demanderesse soutient que l'erreur qui a entraîné l'omission du nom de M. Doren comme inventeur s'est produite au cours d'un différend concernant le statut de M. MacRae, qui a été résolu par la suite avec l'ajout de M. MacRae comme inventeur.

 

[7]               En conséquence toutefois, M. Doren a été exclu de la liste des inventeurs pour les deux brevets canadiens. Les deux souscripteurs d'affidavit soutiennent qu'ils ne connaissaient pas le critère juridique applicable concernant la paternité d'une invention lorsqu'ils ont présenté leurs affidavits en 2000. Après avoir reçu un avis juridique de leur avocat actuel, Me Steven Tanner, sur le critère juridique applicable et avoir examiné les écritures de journal et leurs souvenirs de la discussion sur les concepts qui ont été formulés dans le brevet états-unien 714, ils soutiennent maintenant que les contributions de M. Doren signifient qu'il devrait être mentionné comme inventeur.

 

[8]               Quoi qu'il en soit, les deux souscripteurs d'affidavit font valoir que l'omission de M. Doren comme inventeur était une erreur et qu'elle n'a pas été faite en vue de causer un délai.

 

[9]               La demanderesse n'a connaissance d'aucun litige en cours relativement à l'un des brevets canadiens et n'a connaissance d'aucune autre partie que le commissaire qui est directement touchée par l'ordonnance sollicitée ou qui doit être désignée en vertu d'une loi fédérale.

 

[10]           Les dispositions applicables de la Loi sont les suivantes :

 

8. Un document en dépôt au Bureau des brevets n’est pas invalide en raison d’erreurs d’écriture; elles peuvent être corrigées sous l’autorité du commissaire.

 

. . .

 

31(4) Lorsque la demande est déposée par un ou plusieurs demandeurs et qu’il apparaît par la suite qu’un autre ou plusieurs autres demandeurs auraient dû se joindre à la demande, cet autre ou ces autres demandeurs peuvent se joindre à la demande, à la condition de démontrer au commissaire qu’ils doivent y être joints, et que leur omission s’est produite par inadvertance ou par erreur, et non pas dans le dessein de causer un délai.

 

. . .

 

52. La Cour fédérale est compétente, sur la demande du commissaire ou de toute personne intéressée, pour ordonner que toute inscription dans les registres du Bureau des brevets concernant le titre à un brevet soit modifiée ou radiée.

 

8. Clerical errors in any instrument of record in the Patent Office do not invalidate the instrument, but they may be corrected under the authority of the Commissioner.

 

. . .

 

31(4) Where an application is filed by one or more applicants and it subsequently appears that one or more further applicants should have been joined, the further applicant or applicants may be joined on satisfying the Commissioner that he or they should be so joined, and that the omission of the further applicant or applicants had been by inadvertence or mistake and was not for the purpose of delay.

 

 

. . .

 

52. The Federal Court has jurisdiction, on the application of the Commissioner or of any person interested, to order that any entry in the records of the Patent Office relating to the title to a patent be varied or expunged.

 

 

 

[11]           L'article 8 de la Loi n'accorde pas au commissaire le pouvoir d'ajouter un inventeur à un brevet existant (voir Micromass UK Ltd. c. Canada (Commissaire aux brevets), 2006 CF 117, 46 C.P.R. (4th) 476, [2006] A.C.F. no 148 (QL), au paragraphe 10).

 

[12]           Le paragraphe 31(4) confère au commissaire une autorisation et un pouvoir discrétionnaire limités pour ajouter un inventeur, mais uniquement au cours de la période pendant laquelle le brevet est en instance.

 

[13]           Dans Micromass, précitée, la juge Layden-Stevenson a examiné le pouvoir de la Cour d'ordonner la correction des registres du Bureau des brevets après la délivrance d'un brevet pour accomplir ce que le commissaire aurait accompli avant la délivrance du brevet :

12     Après la délivrance du brevet, le commissaire n'a aucun pouvoir discrétionnaire, en vertu de l'article 8 de la Loi ou d'une autre disposition, de modifier la paternité de l'invention d'un brevet qui a été délivré. Une telle mesure est du ressort exclusif de la Cour fédérale. Plus précisément, l'article 52 de la Loi prévoit que la Cour fédérale est compétente, sur la demande du commissaire ou de toute personne intéressée, pour ordonner que toute inscription dans les registres du Bureau des brevets concernant le titre à un brevet soit modifiée ou radiée.

 

13     Le mot « titre » à l'article 52 de la Loi a un sens plus large que l'acquisition par cession et il englobe des questions qui concernent le titre originaire. La compétence de la Cour s'étend à la correction d'erreurs par inadvertance dans les noms des inventeurs d'un brevet délivré, y compris les erreurs d'écriture dans la transcription des noms des inventeurs : BF Goodrich c. Commissioner of Patents (1960), 32 C.P.R. 122 (SEC.I) (C. de l'É.).

 

14     Une demande faite en vertu de l'article 52 de la Loi peut être introduite par le cessionnaire d'un brevet, avec préavis au commissaire, sous forme d'une demande introductive d'instance ou d'un avis de requête, au cours d'une action en contrefaçon qui se rapporte au brevet en cause. Le cessionnaire doit en informer tous ceux qui revendiquent un intérêt dans le brevet et, si une action en contrefaçon sur le brevet en question est pendante, toutes les personnes susceptibles d'avoir une défense sur laquelle l'ordonnance sollicitée pourrait avoir une incidence : Clopay Corporation and Canadian General Tower Ltd. c. Metalix Ltd. (1960), 34 C.P.R. 232 (C. de l'É.), conf. par (1961), 39 C.P.R. 23 (C.S.C.).

 

15     L'article 52 confère des pouvoirs très étendus à la Cour. Dans Clopay, le juge Cameron a donné la description suivante de l'article 54 (aujourd'hui l'article 52) de la Loi 

 

[traduction] [...] Je crois, par conséquent, que l'article 54 a été édicté dans le but de permettre à la Cour de rectifier les registres du Bureau des brevets ayant trait au titre de façon à ce que les droits des parties ayant droit à la délivrance du brevet ou celui d’être inscrites en qualité de cessionnaires du brevet, puissent être régulièrement inscrits [...] (page 235)

                                  

[...]

 

Je suis toutefois d’avis que les dispositions de l'article 54 de la Loi sur les brevets ont en elles-mêmes une portée assez large pour s'appliquer à la présente espèce, où le breveté a été dissous avant l'octroi du brevet, et que la Cour est habilitée à ordonner que les registres soient corrigés afin d'obtenir le résultat qu'aurait accompli le commissaire si les deux cessions qui sont actuellement inscrites avaient été enregistrées avant l'octroi (page 236).

 

 

[14]           Par conséquent, la Cour peut, à la place du commissaire, appliquer le critère énoncé au paragraphe 31(4) pour déterminer si une personne devrait être ajoutée.

 

[15]           La preuve démontre que M. Doren a rencontré M. Cymbala avant le dépôt de la demande de priorité et a discuté des concepts qui ont été incorporés dans les réalisations divulguées. Il est donc incontesté que M. Doren a fourni les idées originales nécessaires pour satisfaire au critère juridique de paternité de l'invention établi dans Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., [2002] 4 R.C.S. 153, [2002] A.C.S. no 78 (QL), aux paragraphes 96, 97 et 99.

 

[16]           Je suis également convaincu que la motivation sous-jacente aux affidavits souscrits par M. Cymbala et M. Doren en 2000 n'était pas de causer un délai.

 

[17]           En conséquence, je suis convaincu, compte tenu de la preuve dont je suis saisi, que la demanderesse a droit à la mesure demandée et je prononcerai une ordonnance à cette fin.

 

[18]           Aucune ordonnance ne sera rendue à l'égard des dépens.

 


 

JUGEMENT

 

[19]           LA COUR ORDONNE :

1.         Par application de l'article 52 de la Loi sur les brevets, le commissaire aux brevets modifie toutes les inscriptions dans les registres du Bureau des brevets concernant la paternité de l'invention du brevet canadien n2,298,435, en ajoutant Gregory J. Doren comme inventeur.

2.         Par application de l'article 52 de la Loi sur les brevets, le commissaire aux brevets modifie toutes les inscriptions dans les registres du Bureau des brevets concernant la paternité de l'invention du brevet canadien n2,402,580, en ajoutant Gregory J. Doren comme inventeur.

3.         Aucune ordonnance n'est rendue à l'égard des dépens.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 

 

 


cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1645-09

 

Intitulé :                                       PLASTI-FAB LTÉE

 

                                                            - et -

 

                                                            Le procureur général du Canada

 

LIeu DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               le 2 février 2010

 

Motifs du jugement :            le juge O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 22 février 2010

 

 

 

Comparutions :

 

Steven Tanner

 

Pour la demanderesse

Jacqueline Dais-Visca

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McCarthy Tetrault SRL

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

 

 

 

 

 

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