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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

Date : 20100218

Dossier : T-581-09

Référence : 2010 CF 177

Ottawa (Ontario), le 18 février 2010

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

ARONCE FERDILUS

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Monsieur Ferdilus est originaire d’Haïti.  Il est venu au Canada en tant que résident permanent en 2002. En août 2006, il a présenté une demande de citoyenneté canadienne. La juge de la citoyenneté a écrit que si les dispositions de l’alinéa 5(1) (c) de la Loi sur la citoyenneté avaient été différentes, elle n’aurait eu aucune hésitation à accorder la citoyenneté à M. Ferdilus. Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.

 

[2]               L’alinéa 5(1) (c) de la Loi se lit comme suit :

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

[…]

 

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

 

 

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

 

 

 

 

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

 

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

 

[…]

 

 

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

 

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

 

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

 

 

[3]               Si M. Ferdilus avait été absent seulement 365 jours, il n’y a aucun doute qu’il aurait répondu aux exigences de la loi. Cependant, il a été absent 771 jours.

 

[4]               La juge de la citoyenneté a ajouté ce qui suit :

La jurisprudence de la Cour fédérale exige que, pour établir la résidence, l’individu montre, dans l’intention et dans les faits, qu’il a centralisé son mode de vie au Canada. Si la résidence est établie, les absences du Canada n’affectent pas celle-ci, tant et aussi longtemps qu’il est démontré que l’individu a quitté le Canada pour une fin temporaire uniquement et qu’il ya a toujours conservé une forme de résidence réelle et tangible.

 

 

[5]               À la lumière des faits du dossier, elle n’était pas convaincue que M. Ferdilus avait centralisé son mode de vie au Canada. En conséquence, elle a rejeté sa demande, sans préjudice pour son droit de faire une nouvelle demande basée sur les quatre années précédant la date de celle-ci.

 

[6]               M. Ferdilus, qui était initialement représenté par un avocat, mais qui s’est représenté lui-même à l’audience, a clairement compris que je ne dois faire preuve d’aucune retenue envers la juge de la citoyenneté si elle a fait une erreur de droit, mais que je ne peux accorder l’appel à l’encontre de sa conclusion qu’il n’avait pas centralisé son mode de vie au Canada que si cette conclusion était déraisonnable.

 

[7]               Une fois arrivé au Canada, M. Ferdilus a passé plus de deux ans ici, à l’exception de courtes vacances. Il a obtenu un diplôme de l’Université de Sherbrooke. Il a ensuite obtenu un poste avec une organisation non-gouvernementale canadienne œuvrant au Mali. Son contrat a été renouvelé à deux reprises, mais toujours sur une base temporaire. Il n’avait aucune intention de s’établir au Mali, et quand ce dernier prenait des vacances, il revenait toujours au Canada.

 

[8]               La juge a conclu que les vacances de M. Ferdilus ressemblaient davantage à des visites qu’à des retours à la maison.

 

[9]               M. Ferdilus a aussi déposé des preuves concernant des prêts scolaires, un récépissé d’entrepôt pour les meubles qu’il a entreposés pendant son absence, et un relevé bancaire. Cependant il n’a pas produit de déclarations d’impôts, une lacune que la juge de la citoyenneté a remarquée.

 

[10]           Lors de l’audience, M. Ferdilus a expliqué qu’on lui avait conseillé de ne pas soumettre de déclarations d’impôts durant son absence, qu’il pourrait s’en charger à son retour. Il a précisé que s’il avait su que les documents soumis étaient insuffisants, il aurait pu en déposer d’autres. Que tel soit ou non le cas, ses commentaires n’ont aucune incidence sur le présent appel.

 

[11]           Malheureusement, trois lignes de jurisprudence se sont développées dans cette Cour concernant la définition de jours de résidence pour l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté.

 

[12]           Selon une, Pourghasemi (Re),  [1993] A.C.F. no. 232, 62 F.T.R. 122, le juge Muldoon a clairement tiré la ligne : si vous êtes au pays, vous répondez au critère ; si vous n’y êtes pas, vous n’y répondez pas.

 

[13]           Selon une autre, Papadougiorgakis (Re), [1978] 2 C.F. 208 (P.I.), une décision du juge en chef adjoint Thurlow s’appuyant sur une notion du droit fiscal, le juge de la citoyenneté doit se demander « où se trouve le centre de son mode de vie ». Dans ce cas, une personne peut quitter le Canada temporairement, même si pour des périodes relativement prolongées.

 

[14]           La juge Reed a développé ce thème dans Koo (Re), [1993] 1 C.F. 286 (P.I.) et a déclaré que le critère peut être formulé de deux façons. Le Canada est-il le lieu où le requérant  « vit régulièrement, normalement ou habituellement » ou  « le Canada est-il le pays où le requérant a centralisé son mode d'existence » ? Elle a ensuite énoncé six questions  « que l'on peut poser pour rendre une telle décision ».

 

[15]           Les deux derniers arrêts précités indiquent qu’il est possible d’être présent au Canada en esprit, à défaut de l’être physiquement. Le choix d’approche est sans importance car, dans les deux cas, la première étape consiste à déterminer si le Canada est le centre du mode de vie du demandeur.

 

[16]           La juge de la citoyenneté a conclu que M. Ferdilus n’avait pas établi que le Canada est le centre de son mode de vie. L’affaire s’arrête donc là. M. Ferdilus a fait référence aux droits et obligations d’un résident permanent (art. 28 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés). En vertu de l’article 28, un résident permanent doit être résident au Canada au moins 730 jours pendant une période quinquennale, mais le sous-paragraphe 28(2)a)(iii) dispose que les jours passés en dehors du Canada en travaillant pour une entreprise canadienne comptent comme résidence au Canada.

 

[17]           Cependant, cette disposition ne fait pas partie de la Loi sur la citoyenneté, qui exige la centralisation du mode de vie au Canada.

 

[18]           Lorsqu’il s’agit d’examiner des conclusions de fait, la Cour doit faire preuve de retenue et ne peut tout simplement substituer son opinion à celle du juge de citoyenneté (Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748 au para. 80). La Cour ne peut infirmer une décision que si cette dernière n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 au para. 47). Puisque la conclusion de la juge de la citoyenneté n’est pas déraisonnable, je dois rejeter l’appel, et ce même si j’aurai pu possiblement arriver à une autre conclusion que celle-ci.

 

[19]           Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, il n’y aura aucune ordonnance pour les dépens.

 


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée

2.                  Le tout sans dépens.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-581-09

 

INTITULÉ :                                       Ferdilus c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 16 février 2010

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS ET DE

L’ORDONNANCE :                         le 18 février 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Aronce Ferdilus

 

LE DEMANDEUR POUR SON PROPRE COMPTE

 

Evan Liosis

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Aronce Ferdilus

Montréal (Québec)

 

LE DEMANDEUR POUR SON PROPRE COMPTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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