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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100217

Dossier : IMM-3857-09

Référence : 2010 CF 162

Toronto (Ontario), le 17 février 2010

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

NI, ANLING

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision par laquelle un agent des visas a rejeté la demande d’immigration au Canada présentée par le demandeur à titre de membre de la catégorie des candidats des provinces. L’agent a conclu que le demandeur avait fait de fausses déclarations sur lui-même et qu’il était donc interdit de territoire.

 

[2]               Malgré l’habile argumentation de l’avocat du demandeur, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

CONTEXTE

[3]               Anling Ni est un citoyen de la Chine. Le 30 mai 2008, il a présenté une demande d’immigration au Canada à titre de membre de la catégorie des candidats des provinces. 

 

[4]               Le 23 janvier 2009, M. Ni a reçu une lettre de l’agent l’informant que sa demande avait fait l’objet d’un examen, mais qu’il existait des motifs raisonnables de croire qu’il n’avait pas répondu véridiquement aux demandes. Plus précisément, l’agent avait des doutes quant à l’authenticité du certificat fiscal fourni par M. Ni. 

 

[5]               L’agent a avisé M. Ni qu’il avait communiqué avec le bureau d’impôt local qui était censé avoir délivré le certificat fiscal. Le bureau l’a informé que le timbre et l’en‑tête apparaissant sur le certificat n’étaient pas authentiques. Voici ce qu’indiquent les notes de l’agent à cet égard :

[traduction] J’ai communiqué avec le bureau de l’impôt au 021‑65079263. Mme Wu a répondu au téléphone. Elle a demandé de leur envoyer une télécopie au même numéro de téléphone. J’ai appelé Mme Wu à nouveau après leur avoir envoyé une télécopie. Mme Wu a confirmé que le certificat fiscal n’a pas été délivré par eux. Elle a ajouté que le timbre utilisé par leur bureau n’est pas comme ça et que leur en-tête de lettre pour le certificat n’est pas comme ça non plus. Il doit donc s’agir d’un certificat contrefait. [Non souligné dans l’original.]

 

[6]               L’agent a fait parvenir une lettre à M. Ni le 23 janvier 2009, l’informant de ce qui suit : [traduction] « J’ai des motifs de croire que vous avez présenté un certificat fiscal personnel frauduleux comme preuve de vos revenus de 2004 à 2008 ». Le demandeur s’est vu offrir la possibilité de répondre à la lettre et de présenter des observations dans un délai de 30 jours.

 

[7]               L’entreprise qui agissait en qualité de consultant en immigration auprès du demandeur y a répondu par un envoi en date du 23 février 2009, qui comprenait les documents suivants :

a.                   Un certificat d’enquête délivré par le bureau national de l’impôt du district de Hongkou situé dans la ville de Shanghai;

b.                  Un certificat fiscal délivré par le bureau national de l’impôt du district de Hongkou situé dans la ville de Shanghai; et

c.                   Une déclaration faite par M. Ni.

 

[8]               Le certificat d’enquête indiquait que le bureau d’impôt local n’avait pas compétence pour délivrer le certificat fiscal en question destiné aux pays étrangers, mais que le certificat fiscal original [traduction] « a réellement été délivré par notre bureau de l’impôt n11 ». Le certificat fiscal était en fait un nouveau certificat répétant l’information fournie sur le certificat fiscal original jugé suspect. Dans sa déclaration, M. Ni déclare s’être vu remettre un certificat fiscal régulier parce qu’il n’a pas informé le bureau que le certificat était destiné à être utilisé à l’étranger. Il déclare avoir appris plus tard que les certificats fiscaux pour l’étranger doivent être délivrés par un bureau de l’impôt de niveau supérieur. M. Ni déclare également avoir appris, en parlant avec du personnel du bureau d’impôt local, que son certificat fiscal original était jugé comme n’étant pas authentique parce que le timbre avait perdu de sa clarté en raison de l’envoi par télécopie. M. Ni ajoute que l’en-tête du certificat original a été apposé à sa demande, sur les conseils de son consultant en immigration.

 

[9]               Le 17 mai 2009, l’agent a écrit à M. Ni pour l’informer qu’il n’était pas satisfait de sa réponse et que sa demande était rejetée. L’agent a conclu que le demandeur était interdit de territoire en vertu de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.R.C. (2001), ch. 27, parce qu’il a présenté un certificat fiscal frauduleux comme preuve de ses revenus légalement accumulés. L’alinéa 40(1)a) prévoit ce qui suit :

40. (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

 

 

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

40. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

 

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

 

 

 

[10]           Dans sa lettre, l’agent a énoncé, relativement au certificat fiscal, la même préoccupation qui avait déjà été énoncée précédemment et il a ajouté ce qui suit : [traduction] « Vous avez eu l’occasion de répondre à ces préoccupations, mais votre réponse n’a pas dissipé mes doutes. »

 

[11]           Les raisons pour lesquelles l’agent a rejeté les explications fournies par le demandeur ne sont pas exposées dans la lettre du 17 mai 2009; ces raisons sont données dans les notes de l’agent. Ce dernier a jugé qu’il n’était pas crédible que le bureau d’impôt local déclare que le certificat n’avait pas été délivré par eux seulement au motif que le timbre semblait déformé. L’agent a également jugé qu’il n’était pas crédible que le bureau d’impôt local appose un en-tête sur le certificat à la demande du demandeur. Il a aussi déclaré qu’il n’était pas clairement établi pourquoi le demandeur a demandé au bureau d’impôt local d’émettre le certificat au lieu de s’adresser directement au bureau du niveau supérieur, comme il l’a fait par la suite. L’agent a conclu, au sujet du demandeur, que la [traduction] « réponse est non crédible et semble intéressée ».

 

QUESTION

[12]           Le demandeur a présenté une question à la Cour : l’agent des visas a-t-il commis une erreur en concluant que le demandeur était interdit de territoire en vertu de l’alinéa 40(1)a) de la Loi parce que ce dernier a présenté un certificat fiscal personnel frauduleux comme preuve de ses revenus légalement accumulés de 2004 à 2008?

 

ANALYSE

[13]           Les deux parties s’entendent sur le fait que la norme de contrôle judiciaire applicable est celle de la décision raisonnable.

 

[14]           Le demandeur prétend qu’il a répondu entièrement et pleinement aux préoccupations de l’agent et que la conclusion de ce dernier relativement à la crédibilité était arbitraire en ce sens qu’elle n’a pas tenu compte ou a inadéquatement tenu compte du certificat d’enquête fourni par le bureau national de l’impôt ainsi que du nouveau certificat fiscal qui a été délivré. Le demandeur soutient également que l’agent a commis une erreur en affirmant que le certificat fiscal était fourni à titre de preuve du revenu du demandeur. Dans son mémoire, le demandeur prétend aussi que l’agent a commis une erreur en soulignant que les timbres apposés sur le certificat d’enquête et le nouveau certificat étaient les mêmes que sur le certificat original, alors qu’en fait ils étaient différents. Cela n’a pas été repris dans l’argumentation orale. Le demandeur a eu raison de faire cette remarque; cependant, cela n’a pas joué un rôle essentiel dans la décision de l’agent et ne constitue pas une erreur susceptible de révision.

 

[15]           Le demandeur fait valoir qu’une norme d’équité élevée est requise pour conclure à l’existence de fausses déclarations : Menon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1273.  Il prétend que l’agent n’a pas été suffisamment équitable à son endroit.

 

[16]           Le demandeur prétend également que son cas est analogue à celui de Guo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 626, où la Cour a fait droit à la demande de contrôle judiciaire.

 

[17]           Je n’accepte pas la prétention selon laquelle l’agent a commis une erreur en affirmant que le certificat fiscal était fourni à titre de preuve du revenu du demandeur. La situation d’emploi du demandeur et le fait qu’il avait payé des impôts étaient pertinents quant à la légitimité de son revenu, laquelle était à son tour pertinente en ce qui concerne son admissibilité au titre de la catégorie des candidats des provinces. Dans ses notes, l’agent a écrit ce qui suit : [traduction] « Cette fausse déclaration a été faite afin que le demandeur puisse démontrer que ses revenus de 2004 à 2008 ont été accumulés de façon légale et qu’il pouvait ainsi sembler avoir satisfait aux exigences aux fins de l’obtention d’un visa de résident permanent à titre de candidat des provinces ». J’en conviens. Le certificat n’a pas été fourni pour justifier le montant des revenus gagnés au cours de ces années, mais plutôt pour appuyer sa position selon laquelle les revenus ont été gagnés de manière légitime, une exigence des autorités canadiennes, et il a donc été fourni comme preuve du revenu du demandeur.

 

[18]           Je souscris à l’avis du demandeur selon lequel une norme d’équité élevée est requise pour conclure à l’existence de fausses déclarations. C’est la raison pour laquelle l’agent a envoyé au demandeur une lettre d’équité procédurale dans laquelle il a formellement soulevé ses préoccupations et permis au demandeur de présenter une réponse. C’est la norme d’équité requise en les circonstances et l’agent s’est acquitté de son fardeau. Selon la norme d’équité, l’agent n’est pas obligé d’accepter aveuglément la réponse à la lettre d’équité sans se questionner. Il doit évaluer la réponse pour voir si elle répond à ses préoccupations et dissipe ses doutes. Comme nous l’avons vu, cette décision peut être contrôlée selon la norme de la décision raisonnable.

 

[19]           L’agent a estimé que le demandeur avait présenté à l’appui de sa demande un certificat fiscal qui n’était pas authentique, et l’explication fournie par le demandeur ne l’a pas satisfait. Plus précisément, il affirme que ses préoccupations initiales demeurent pour les raisons suivantes :

1.      Il n’a pas trouvé crédible que le bureau d’impôt local l’informe qu’ils n’ont pas délivré le certificat original [traduction] « seulement parce que le timbre paraissait déformé », comme l’a affirmé le demandeur;

2.      Il n’a pas trouvé crédible que le bureau d’impôt local appose un en-tête sur le certificat seulement parce que le demandeur le lui a demandé;

3.      On n’a pas clairement expliqué pourquoi le demandeur devait s’était rendu initialement au bureau d’impôt local pour obtenir le certificat au lieu de s’adresser à un agent de niveau supérieur comme il l’a fait lorsqu’il a reçu la lettre d’équité.

 

[20]           Je conclus que les deux premières conclusions rendues relativement au manque de crédibilité et de vraisemblance sont raisonnables compte tenu des documents dont disposait l’agent. Les documents n’ont pas permis de dissiper les doutes quant à la vraisemblance que le bureau d’impôt rejette le certificat fiscal original en raison de la façon dont le timbre du bureau apparaissait sur la télécopie transmise par l’agent, pas plus qu’ils n’ont permis d’établir la vraisemblance que le bureau d’impôt local ait pu apposer à la demande du demandeur un faux en-tête sur le certificat fiscal original.

 

[21]           Il ne fait nul doute que ces conclusions ont pesé dans la balance dans l’évaluation du troisième point susmentionné qu’a fait valoir l’agent. Le demandeur a expliqué qu’il ne savait pas qu’il devait s’adresser à une autorité plus élevée pour obtenir un certificat fiscal aux fins de l’immigration à l’étranger. Compte tenu de ses conclusions rendues plus tôt, l’agent a jugé la réponse comme étant [traduction] « non crédible et intéressée ». Au vu du dossier, il pouvait raisonnablement arriver à cette conclusion.

 

[22]           Il y a lieu d’établir une distinction entre la présente affaire et Guo.  Dans Guo, le juge Harrington a conclu ce qui suit : « il n’existe toutefois aucun élément de preuve qui permettait aux agents d’immigration de ne pas la croire. » Il a donc fait droit à la demande de contrôle judiciaire. Dans la présente affaire, il existait un dossier de preuve sur lequel l’agent pouvait se fonder pour ne pas croire le demandeur. La question n’est pas de savoir si la Cour rendrait la même décision si elle disposait des mêmes éléments de preuve, mais plutôt de savoir si la décision de l’agent était raisonnable.

 

[23]           Comme il avait affaire à un demandeur qui a, au mieux, fourni à l’appui à sa demande un certificat fiscal inadéquat, pour ne pas dire frauduleux, l’agent était en droit d’apprécier la documentation supplémentaire. L’agent a justifié de façon transparente et intelligible la raison pour laquelle il avait des doutes au sujet de la réponse du demandeur à sa lettre du 23 janvier 2009. La décision de l’agent relativement au manque de crédibilité appartenait manifestement aux issues possibles pouvant se justifier au regard des faits et du droit. On ne saurait prétendre que la décision rendue par l’agent en ce qui concerne la crédibilité était déraisonnable.

 

[24]           Pour ces motifs, la présente demande est rejetée.

 

[25]           Aucune des parties n’a proposé une question à certifier et, à mon avis, l’affaire n’en soulève aucune.


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE QUE :

1.         la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.         aucune question n’est certifiée.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3857-09

 

INTITULÉ :                                       NI, ANLING c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 février 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 17 février 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Leonard H. Borenstein

POUR LE DEMANDEUR

 

Asha Gafar

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Leonard H. Borenstein

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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