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Date : 20100204

Dossier : T‑198‑09

Référence : 2010 CF 117

Ottawa (Ontario), le 4 février 2010

En présence de monsieur le juge Mainville

 

 

ENTRE :

ANDREW P. VERDICCHIO

demandeur

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par M. Andrew P. Verdicchio (le demandeur) contre l’ordonnance du 31 juillet 2009 par laquelle le protonotaire Morneau a radié la déclaration modifiée du demandeur, sans autorisation de la modifier et sans adjudication de dépens, au motif que l’objet central de la déclaration du demandeur est une question qui découle de l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) qui relève de la compétence exclusive de la Cour canadienne de l’impôt.

 

[2]               Les parties conviennent que les questions soulevées dans la requête ont une influence déterminante sur l’issue de la cause du demandeur et que, par conséquent, je dois instruire le présent appel par voie d’audition de novo conformément aux principes établis dans la décision Canada c. Aqua‑Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F 425 (CAF), [1993 A.C.F. no 103 (QL), et Merck & Co. c. Apotex Inc., 2003 CAF 488, [2004] 2 R.C.F. 459 (CAF), [2003] A.C.F. no 1925 (QL). Je vais donc reprendre l’affaire depuis le début.

 

[3]               L’arrêt de principe en ce qui a trait aux requêtes en radiation d’une déclaration est Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959. Le principe fondamental établi dans cet arrêt (à la page 980) est qu’un tribunal ne peut accueillir une requête en radiation d’une déclaration que s’il est évident et manifeste que le demandeur ne saurait avoir gain de cause.

 

 

Contexte

 

[4]               Le demandeur souffre de troubles médicaux liés à son dos et, selon ses affirmations, ces troubles lui donnent droit à un crédit d’impôt aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu. Il souhaite transférer ce crédit d’impôt à sa mère puisqu’il ne paie pas d’impôts desquels il pourrait retrancher ce crédit. L’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a refusé le transfert du crédit d’impôt. Le demandeur a interjeté appel de la décision de l’ARC devant la Cour canadienne de l’impôt relativement à l’année d’imposition 2004.

 

[5]               Toutefois, le 1er août 2007, la Cour canadienne de l’impôt a rejeté l’appel du demandeur, accueillant la requête de la Couronne selon laquelle la Cour canadienne de l’impôt n’avait pas compétence pour instruire l’affaire puisque le demandeur n’avait aucun impôt à payer aux termes de son avis de cotisation pour l’année 2004.

 

[6]               Le demandeur n’a pas interjeté appel de la décision de la Cour canadienne de l’impôt devant la Cour d’appel fédérale.

 

[7]               Le 5 février 2009, soit un an et demi après la décision de la Cour canadienne de l’impôt, le demandeur a présenté la déclaration se rapportant à l’espèce. La déclaration, qui a été modifiée et reformulée, indique qu’un employé de l’ARC avait falsifié des dossiers et masqué cette falsification de manière à refuser le crédit d’impôt du demandeur découlant de sa déficience. La déclaration met en doute les compétences des employés de l’ARC pour ce qui est d’évaluer les troubles médicaux du demandeur et conteste le processus qui a abouti au rejet de la déficience du demandeur. Selon celui‑ci, en rejetant sa demande de crédit d’impôt, l’ARC et ses employés ont manqué à leur prétendue obligation fiduciaire d’agir équitablement et de bonne foi et en conformité avec la Loi de l’impôt sur le revenu et la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte).

 

[8]               La déclaration renferme également une simple allégation que les paragraphes 118.3(4) et 118.4(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu sont inconstitutionnels dans leur application et dans leur effet. Toutefois, aucun jugement déclaratoire quant à l’inconstitutionnalité de ces articles ne figure dans la liste des réparations demandées. Le paragraphe 118.3(4) autorise le ministre du Revenu national à demander des renseignements au sujet d’une déficience lorsqu’une demande fondée sur cette déficience est soumise en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, tandis que le paragraphe 118.4(1) précise les types de déficiences justifiant une demande en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[9]               Selon le demandeur, en conséquence directe de la falsification de son dossier par un employé de l’ARC, il n’a pu obtenir le crédit d’impôt lié à sa déficience, ni transférer la fraction inutilisée de ce crédit à sa mère.

 

[10]           Par conséquent, le demandeur demande une indemnisation pour le préjudice moral résultant des prétendus actes répréhensibles de l’ARC et de ses employés qui ont rejeté sa demande de crédit d’impôt lié à sa déficience. À titre de réparations, il demande des lettres d’excuses, des dommages‑intérêts moraux ainsi que l’annulation de [traduction] « toutes les réclamations visant les impôts exigibles de la mère du demandeur, qui est la bénéficiaire légale et légitime des crédits d’impôt transférés par le demandeur pour les années 2003, 2004, 2005, 2006 et 2007 » (déclaration in fine).

 

 

Les positions des parties

 

[11]           La défenderesse soutient que la déclaration modifiée ne révèle aucune cause d’action valable. De plus, elle soutient que l’action du demandeur devant la Cour fédérale est essentiellement une question découlant de l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu et que, par conséquent, cette question relève de la compétence exclusive de la Cour canadienne de l’impôt en vertu de l’article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.R.C. 1985, ch. T‑2. Ainsi, il faudrait radier la déclaration modifiée en raison de l’absence de compétence de la Cour fédérale. Voici les dispositions pertinentes du paragraphe 12(1) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt :

12. (1) La Cour a compétence exclusive pour entendre les renvois et les appels portés devant elle sur les questions découlant de l’application […] de la Loi de l’impôt sur le revenu, […] dans la mesure où ces lois prévoient un droit de renvoi ou d’appel devant elle.

12. (1) The Court has exclusive original jurisdiction to hear and determine references and appeals to the Court on matters arising under […] the Income Tax Act, […] when references or appeals to the Court are provided for in those Acts.

 

 

[12]           Le demandeur soutient principalement que la déclaration est un recours devant la Cour fédérale à la suite de la violation de ses droits garantis par la Charte et de manquements à l’obligation fiduciaire de l’ARC et de ses employés. Par conséquent, il fait valoir que la Cour fédérale a compétence pour instruire la présente affaire puisque la compétence exclusive de la Cour canadienne de l’impôt à l’égard des questions se rapportant à la Loi de l’impôt sur le revenu n’est pas en jeu.

 

[13]           Le demandeur soulève également une question de procédure : il soutient que, parce que la défenderesse avait précédemment soumis une requête visant la radiation d’une partie de la déclaration et qu’elle n’avait pas soulevé la question de la compétence dans le cadre de cette requête précédente, elle ne pouvait plus, aux termes des alinéas 208a) et d) des Règles des Cours fédérales (les Règles), soulever cette question dans le cadre d’une nouvelle requête en radiation en vertu de l’alinéa 221(1)a) des Règles.

 

[14]           Enfin, le demandeur affirme que le protonotaire Morneau avait un parti pris contre lui.

 

 

Analyse

 

[15]           Il convient d’examiner d’abord l’allégation du demandeur faisant état d’une crainte raisonnable de partialité. Cette allégation repose dans une large mesure sur le fait que le demandeur conteste les diverses ordonnances prises par le protonotaire Morneau dans la présente affaire. Il ne s’agit pas d’un fondement valide à l’appui d’une allégation de crainte raisonnable de partialité.

 

[16]           En ce qui concerne la question de procédure soulevée par le demandeur, les alinéas 208a) et b) et 221(1)a) des Règles sont rédigés comme suit :

208. Ne constitue pas en soi une reconnaissance de la compétence de la Cour la présentation par une partie :

 

a) d’une requête soulevant une irrégularité relative à l’introduction de l’action;

[…]

 

d) d’une requête contestant la compétence de la Cour.

 

 

 

 

221. (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas

 

a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable;:[…]

208. A party who has been served with a statement of claim and who brings a motion to object to

 

(a) any irregularity in the commencement of the action,

[…]

or

 

(d) the jurisdiction of the Court,

 

does not thereby attorn to the jurisdiction of the Court.

 

221. (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

 

 

(a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be, […]

 

 

[17]           En l’espèce, la défenderesse avait antérieurement demandé au demandeur de lui fournir des précisions; de plus, elle avait demandé la radiation de certaines allégations dans une section de la déclaration initiale consacrée à des arguments juridiques. Cela avait donné lieu à une ordonnance, en date du 16 avril 2009, dans laquelle la protonotaire Tabib signalait le consentement du demandeur à fournir les précisions demandées et rejetait la requête visant la radiation de la section de la déclaration intitulée [traduction] « Motifs juridiques ». Peu après avoir reçu la déclaration modifiée qui contenait les précisions demandées, la défenderesse a présenté la requête visant la radiation intégrale de la déclaration, requête qui a en fin de compte été accueillie par le protonotaire Morneau.

 

[18]           Une requête en radiation en vertu de l’alinéa 221(1)a) des Règles est une démarche appropriée pour contester la compétence de la Cour fédérale sur l’objet d’une déclaration : Nation Siksika c. Nation Siksika (Conseil), 2003 CFPI 708, [2003] A.C.F. no 911 (QL), paragraphes 8 à 12.

 

[19]           Le pouvoir de radier des actes de procédure en vertu du paragraphe 221(1) des Règles est un pouvoir discrétionnaire. Lors de l’exercice de ce pouvoir, il importe de se demander combien de temps s’est écoulé entre la date de la clôture des actes de procédure et la date de présentation de la requête visant la radiation de ces actes de procédure et s’il est possible de corriger un vice dans un acte de procédure au moyen de modifications : Première nation Dene Tsaa c. Canada, 2002 CAF 117, [2002] A.C.F. no 427 (QL), paragraphe 6. De plus, selon la jurisprudence, lorsqu’il s’agit d’une requête en radiation en vertu de l’alinéa 221(1)a) des Règles présentée au motif qu’aucune cause d’action valable n’a été exposée, cette requête peut être soumise à toute étape de la procédure : Première nation Dene Tsaa c. Canada, 2001 CFPI 820, [2001] A.C.F. no 1177 (QL), paragraphe 4; Safilo Canada Inc. c. Contour Optik Inc., 2005 CF 278, [2005] A.C.F. no 384 (QL), paragraphe 21. Il s’avère particulièrement logique de permettre la présentation de la requête à toute étape de la procédure dans les situations où la compétence de la Cour d’instruire l’affaire est en cause. Toutefois, la présentation tardive d’une telle requête pourrait avoir des conséquences sur les dépens.

 

[20]           À la lumière de ce qui précède, je conclus que rien n’empêchait la défenderesse de présenter sa requête.

 

[21]           Pour ce qui est du bien‑fondé de la requête en radiation, et étant donné qu’une question de compétence a été soulevée, il est d’abord utile de déterminer quelle est l’essence de la demande. Je note que le demandeur demande essentiellement réparation du refus de l’ARC de reconnaître sa déficience aux fins de l’obtention d’un crédit d’impôt en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu au moyen d’une action en dommages‑intérêts dans laquelle il invoque la Charte et soulève d’autres questions.

 

[22]           Dans de telles circonstances, l’affaire relève carrément des principes exposés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Roitman c. Canada, 2006 CAF 266, [2006] A.C.F. no 1177 (QL), demande d’autorisation de pourvoi à la C.S.C. rejetée [2006] C.S.C.R. no 353 (QL), (l’arrêt Roitman).

 

[23]           Dans l’affaire Roitman, le demandeur et les autorités fiscales fédérales avaient réglé une réclamation se rapportant à certaines dépenses qui avaient été rejetées aux fins de l’établissement de l’impôt. Le demandeur avait par la suite présenté une déclaration à la Cour fédérale, demandant des dommages‑intérêts contre la Couronne fédérale au motif que la Couronne avait adopté une conduite délibérée visant à l’empêcher de se prévaloir de la loi; il sollicitait des dommages‑intérêts pour l’exercice fautif d’une charge publique, des dommages‑intérêts spéciaux pour les dépenses afférentes à la défense contre les nouvelles cotisations envisagées et pour la poursuite de l’appel au civil en matière d’impôt sur le revenu ainsi que des dommages‑intérêts punitifs, exemplaires et majorés. Après avoir déposé sa défense, la Couronne a présenté une requête en radiation de la déclaration en vertu de l’article 221 des Règles, faisant valoir que l’affaire relevait de la compétence exclusive de la Cour canadienne de l’impôt; et sa requête a été accueillie.

 

[24]           Dans l’arrêt Roitman, la Cour d’appel fédérale a signalé qu’une déclaration doit être examinée dans son contexte de manière à déterminer s’il s’agit d’une tentative déguisée d’avoir recours à la Cour fédérale dans une situation où, normalement, un tel recours ne serait pas permis (paragraphe 16) :

Une déclaration ne doit pas être prise au pied de la lettre. Le juge doit aller au‑delà des termes employés, des faits allégués et de la réparation demandée, et il doit s’assurer que la déclaration ne constitue pas une tentative déguisée visant à obtenir devant la Cour fédérale un résultat qui ne peut par ailleurs pas être obtenu de cette cour. Pour reprendre les remarques que la Cour suprême du Canada a faites récemment dans l’arrêt Vaughan c. Canada, [2005] 1 R.C.S. 146, au paragraphe 11, lesquelles ont été appliquées par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Prentice c. Canada (Gendarmerie royale du Canada), 2005 CAF 395, au paragraphe 24, autorisation de pourvoi refusée par la Cour suprême du Canada, 19 mai 2006, CSC 31295, le demandeur n’est pas autorisé à présenter son action de façon un peu artificielle, quant au délit fondé sur la négligence, afin de contourner l’application d’une loi.

 

 

[25]           Aux paragraphes 20 et 21 de l’arrêt Roitman, la Cour d’appel fédérale délimite clairement les compétences respectives de la Cour fédérale et de la Cour canadienne de l’impôt :

[20]  Il est établi en droit que la Cour fédérale n’a pas compétence pour attribuer des dommages‑intérêts ou pour accorder toute autre réparation sollicitée sur la base d’une nouvelle cotisation d’impôt non valide, à moins que la nouvelle cotisation n’ait été annulée par la Cour de l’impôt. Si elle attribuait de tels dommages‑intérêts ou accordait une telle réparation, elle se trouverait à permettre de contester accessoirement le bien‑fondé de la cotisation. (Voir M.R.N. c. Parsons, 84 DTC 6345 (C.A.F.), page 6346; Khan c. M.R.N., 85 DTC 5140 (C.A.F.); Optical Recordings Corp. c. Canada, [1991] 1 C.F. 309 (C.A.), pages 320 et 321; Bechtold Resources Limited c. M.R.N., 86 DTC 6065 (C.F. 1re inst.), page 6067; P.G. Canada c. Webster (2003), 57 DTC 5701 (C.A.F.); Walker c. Canada, 2005 CAF 393; Sokolowska c. La Reine, 2005 CAF 29; Walsh c. Canada (M.R.N.), 2006 CF 56; Henckendorn c. Canada, 2005 CF 802; Angell c. Canada (M.R.N.), 2005 CF 782.)

 

[21] Il est également établi en droit que la Cour canadienne de l’impôt n’a pas compétence pour annuler une cotisation parce qu’elle constitue un abus de procédure ou un abus de pouvoir (voir Main Rehabilitation Co. Ltd. c. La Reine, 2004 CAF 403, paragraphe 6; Obonsawin c. La Reine, 2004 G.T.C. 131 (C.C.I.); Burrows c. Canada, 2005 CCI 761; Hardtke c. Canada, 2005 CCI 263).

 

[26]           La Cour d’appel fédérale a poursuivi la réflexion amorcée dans l’arrêt Roitman dans le récent arrêt Domtar c. Canada, 2009 CAF 218, [2009] A.C.F. no 819. Dans cette affaire, Domtar demandait à la Cour fédérale de rendre un jugement déclarant que l’article 18 de la Loi de 2006 sur les droits d’exportation de produits de bois d’œuvre, 2006, L.C. 2006, ch. 3, était inconstitutionnel, ainsi qu’une ordonnance enjoignant à la Couronne de lui rembourser la somme d’environ 37 millions de dollars canadiens versée au titre de cette disposition. La Cour d’appel fédérale a conclu (au paragraphe 30) que Domtar demandait essentiellement le remboursement de l’argent versé en vertu de l’article contesté de la Loi. Même si la demande était fondée sur une contestation constitutionnelle, la Cour d’appel fédérale a conclu que cela n’avait aucune incidence sur la compétence de la Cour canadienne de l’impôt sur le litige. La Cour d’appel fédérale a affirmé (aux paragraphes 38 et 39) que la Cour canadienne de l’impôt pouvait se prononcer sur la légalité d’une cotisation contestée pour des motifs d’ordre constitutionnel, que cette contestation constitutionnelle soit fondée sur la Charte ou sur le partage des compétences. Par conséquent, la Cour d’appel fédérale a conclu que la Cour canadienne de l’impôt avait compétence exclusive sur la demande de Domtar.

 

[27]           De plus, dans l’arrêt Canada c. Addison & Leyen Ltd., 2007 CSC 33, [2007] 2 R.C.S. 793, la Cour suprême du Canada déconseille le recours en contrôle judiciaire devant la Cour fédérale pour régler les litiges fiscaux qu’il convient de faire trancher par la Cour canadienne de l’impôt. À mon avis, les remarques de la Cour suprême du Canada au paragraphe 11 de cet arrêt s’appliquent également aux demandes d’indemnisation ou de restitution devant la Cour fédérale :

Dans de telles circonstances, les tribunaux de révision ne doivent ouvrir la voie aux recours en contrôle judiciaire qu’avec beaucoup de circonspection. Il y a lieu de protéger l’intégrité et l’efficacité du système de cotisation et d’appel en matière fiscale. Le Parlement a édifié une structure complexe pour assurer le traitement d’une multitude de revendications se rapportant au fisc, et cette structure s’appuie sur un tribunal spécialisé et indépendant, la Cour canadienne de l’impôt. On ne saurait permettre que le contrôle judiciaire serve à créer une nouvelle forme de procédure connexe destinée à contourner le système d’appel établi par le Parlement en matière fiscale ainsi que la compétence de la Cour de l’impôt. Dans ce contexte, le contrôle judiciaire devrait demeurer un recours de dernier ressort.

 

 

[28]           En l’espèce, le paragraphe 118.3(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit qu’une personne peut demander un crédit d’impôt lié à une déficience dans certaines circonstances précises. Le paragraphe 118.3(2) de la Loi prévoit également que, dans certaines circonstances et à certaines conditions, la fraction inutilisée du crédit d’impôt d’une personne souffrant d’une déficience peut être transférée à une autre personne, y compris la mère de la personne souffrant de la déficience, qui subvient aux besoins de la personne souffrant de la déficience.

 

[29]           Dans la cause du demandeur, la Couronne a soutenu avec succès devant la Cour canadienne de l’impôt que, étant donné que le demandeur n’avait aucun impôt à payer, la Cour canadienne de l’impôt n’avait pas compétence pour juger de la décision de l’ARC de rejeter la demande de crédit d’impôt. Le principe selon lequel la Cour canadienne de l’impôt n’a pas compétence sur les cotisations n’imposant aucun impôt découle d’une longue série de précédents judiciaires, et la Cour d’appel fédérale a clairement réaffirmé ce principe dans les arrêts Interior Savings Credit Union c. Canada, 2007 CAF 151, [2007] A.C.F. no 526 (QL), et Ding c. Canada, 2009 CAF 355, [2009] A.C.F. no 1564 (QL).

 

[30]           En l’espèce, le demandeur demande à la Cour fédérale de se prononcer sur sa demande de crédit d’impôt au moyen d’une déclaration visant l’attribution de dommages‑intérêts. La question fondamentale ici est celle de savoir si l’absence de compétence de la Cour canadienne de l’impôt sur les cotisations portant qu’aucun impôt n’est payable confère à la Cour fédérale la compétence de se prononcer sur de telles cotisations à la place de la Cour canadienne de l’impôt au moyen d’une déclaration ou autrement. Je conclus que non. La démarche adoptée par le demandeur est une tentative de contourner une longue série de précédents judiciaires selon lesquels le contribuable ne peut interjeter appel d’une cotisation portant qu’aucun impôt n’est payable. Bien que dans une optique des politiques on puisse s’interroger sur la pertinence de restreindre les appels dans de telles circonstances, il s’agit d’une question qui relève du législateur et non de la Cour.

 

[31]           Je souscris à l’avis du protonotaire Morneau selon lequel l’objectif essentiel de la déclaration est d’obtenir réparation pour le refus de l’ARC de reconnaître la déficience du demandeur aux fins d’un crédit d’impôt en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. Par conséquent, je suis d’avis que la Cour fédérale n’a pas compétence sur la présente affaire.

 

[32]           Par conséquent, l’appel de la décision du protonotaire Morneau est rejeté et la déclaration est radiée dans son intégralité, sans autorisation de la modifier.

 

[33]           À la lumière des circonstances particulières de l’espèce, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 400 des Règles et je n’adjuge pas de dépens.

 

 


 

 

 

 

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que l’appel soit rejeté et que la déclaration dans la présente affaire soit radiée dans son intégralité, sans autorisation de la modifier. Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

 

 

« Robert M. Mainville »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑198‑09

 

 

INTITULÉ :                                                   ANDREW P. VERDICCHIO c.
SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 11 janvier 2010

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE MAINVILLE

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 4 février 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andrew P. Verdicchio

 

DEMANDEUR QUI SE REPRÉSENTAIT LUI‑MÊME

 

Sébastien Gagné

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Aucun

 

DEMANDEUR QUI SE REPRÉSENTAIT LUI‑MÊME

 

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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