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Date : 20100203

Référence : 2010 CF 114

 

 

Dossier : T-183-09

ENTRE :

TERESA PANACCI

demanderesse

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

et

 

Dossier : T-184-09

 

ENTRE :

TERESA PANACCI

demanderesse

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 


LE JUGE PHELAN

 

I.          APERÇU

[1]               Il s’agit de deux demandes de contrôle judiciaire intéressant la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) visant un même ensemble de faits à l’origine d’allégations de discrimination fondée sur une déficience et de manquement à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Une troisième affaire, dont la Cour n’est pas saisie, est en partie pertinente pour les deux présentes demandes de contrôle judiciaire. Le dossier T‑183‑09 a trait à une plainte formulée par Mme Panacci à l’encontre de Santé Canada, alors que le dossier T‑184‑09 vise sa plainte contre le Conseil du Trésor. Par commodité, il n’y aura, pour ces deux dossiers, qu’un seul exposé des motifs.

 

[2]               Mme Panacci a également formulé une troisième plainte à l’encontre de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC), où elle est employée, pour manquement à son obligation de prendre des mesures d’adaptation relativement à sa déficience. La Commission n’a pas encore enquêté sur cette plainte, qui fait actuellement l’objet d’une procédure de grief. La procédure devant la Commission est donc suspendue conformément à l’alinéa 41(1)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi) en attendant le règlement du grief.

 

[3]               Pour ce qui est de la plainte visant Santé Canada, la Commission a conclu que les éléments de preuve produits ne justifiaient pas la tenue d’une enquête, car elles ne démontrent pas que les pratiques et les politiques de Santé Canada relatives aux évaluations de l’aptitude au travail (les EAT) entraînent une discrimination fondée sur la déficience, que ce soit à l’égard de la demanderesse en particulier ou de manière systémique. L’enquête de la Commission reposait sur sa compétence en vertu de l’article 5 de la Loi.

 

[4]               La plainte visant le Conseil du Trésor a été rejetée au motif que le Conseil du Trésor n’est pas responsable des actes discriminatoires allégués et que les éléments de preuve produits ne permettaient pas de conclure que ses politiques étaient discriminatoires à l’endroit des personnes handicapées.

 

II.         CONTEXTE

A.        Généralités

[5]               Le Conseil du Trésor a instauré une Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes handicapées dans la fonction publique fédérale (la Politique sur les mesures d’adaptation) qui s’applique à tous les secteurs de la fonction publique dont l’employeur est le Conseil du Trésor, y compris les ministères et organismes fédéraux.

 

[6]               Aux termes de cette politique, il appartient au Conseil du Trésor d’informer les entités dont il est l’employeur de l’existence de la Politique sur les mesures d’adaptation et de leur fournir des interprétations et des conseils au sujet de ses exigences. Les administrateurs généraux sont chargés de la mise en œuvre de cette politique et doivent notamment éliminer les « obstacles » de manière générale et répondre, de manière particulière, aux demandes individuelles de prise de mesures d’adaptation.

 

[7]               La Politique sur les mesures d’adaptation précise les mesures devant être prises en réponse aux demandes individuelles d’adaptation, y compris la consultation de l’employé concerné et de conseillers et autres ressources pertinentes dans le domaine médical et de la réadaptation pour déterminer les mesures d’adaptation appropriées dans son cas. La Politique sur les mesures d’adaptation prévoit également que lorsqu’on ne sait pas quelles mesures d’adaptation sont nécessaires, il y a lieu de consulter des spécialistes, dont le médecin de l’employé, mais aussi les centres d’expertise au sein de la Commission de la fonction publique ou d’autres ministères. Rien ne prévoit l’obligation de consulter Santé Canada.

 

[8]               Le Conseil du Trésor a aussi instauré une autre politique connexe, la Norme d’évaluation de santé professionnelle (la Norme), qui énonce la politique applicable en matière d’évaluations de santé. Par délégation du Conseil du Trésor, Santé Canada est, aux termes de cette norme, le « fournisseur de soins de santé au travail » chargé d’effectuer les EAT. Celles‑ci peuvent être effectuées pour diverses raisons, y compris pour décider des conditions dans lesquelles un employé handicapé pourra continuer à travailler.

 

[9]               Les EAT visées par la Norme sont des évaluations non obligatoires qui visent à déterminer si la personne est apte, du point de vue médical, à exercer les fonctions de son poste et à préciser les mesures d’adaptation qui pourraient être apportées. La demanderesse a fait l’objet d’une EAT, et la manière dont celle-ci a été effectuée et les conclusions auxquelles elle a donné lieu constituent un des principaux fondements de la plainte logée à l’encontre de Santé Canada pour cause de discrimination.

 

[10]           À Santé Canada, ce sont les médecins en santé au travail (les MST) qui effectuent, conformément au Guide de l’évaluation de la santé au travail, les EAT auxquelles contribuent le gestionnaire du service impliqué et le médecin de l’employé ou un spécialiste. L’EAT fait l’objet d’un rapport écrit remis à l’employeur et à l’employé et précise l’aptitude de celui‑ci à exécuter son travail et les limites ou restrictions physiques indiquées eu égard aux circonstances. Il appartient à chaque ministère de prendre, conformément à la Politique sur les mesures d’adaptation, les mesures d’adaptation qu’appelle la situation de l’employé.

 

[11]           Santé Canada a en outre mis en place une procédure d’examen de l’avis des MST consigné dans l’EAT. Cet examen est mené par le Comité médical consultatif (le CMC) du programme, composé d’un groupe de médecins comprenant des MST, un spécialiste de l’extérieur et le Comité médical consultatif national du Programme de santé des fonctionnaires fédéraux. Le CMC conseille le MST, mais l’employeur n’est lié ni par l’avis du MST ni par celui du CMC.

 

B.         Les faits

[12]           La demanderesse est une employée de l’ASFC, où elle travaille comme inspectrice des douanes. Dans le cadre des fonctions de son « poste d’attache », elle est chargée d’inspecter les envois postaux pour les besoins des douanes. Depuis 1996, elle souffre d’un certain nombre de troubles médicaux, notamment du syndrome de fatigue chronique. Entre 2000 et 2004, elle a consenti, à la demande de l’ASFC, à quatre EAT. La présente demande de contrôle judiciaire concerne la dernière de ces EAT, qui remonte à 2004.

 

[13]           Entre 2000 et 2004, la demanderesse n’a pas effectué les fonctions de son poste d’attache au service postal, mais s’est vu confier diverses tâches moins fatigantes.

 

[14]           Le 5 avril 2004, la demanderesse a repris les fonctions de son poste d’attache. Son chiropraticien avait remis à l’ASFC un certificat précisant certaines restrictions quant au travail de la demanderesse. L’ASFC a pris des mesures d’adaptation pour la demanderesse, en lui confiant un poste de travail régulier en semaine (plutôt que l’horaire habituel de travail par roulement) et la déchargeant de la responsabilité de s’occuper des colis lourds.

 

[15]           Moins de deux semaines après le retour au travail de la demanderesse, celle-ci a dit qu’elle sentait que son état se détériorait progressivement. Son nouveau médecin, le Dr Malam, a informé le directeur de la demanderesse que celle-ci ne pouvait pas continuer à effectuer les tâches qui lui avaient été confiées et a recommandé sa mutation.

 

[16]           Le directeur de l’ASFC a alors demandé une nouvelle évaluation de l’état de santé de la demanderesse et de ses limites, ainsi qu’un pronostic précisant la date à laquelle elle pourrait reprendre ses fonctions normales, le cas échéant. Le Dr Jeffries, médecin en santé au travail attaché à Santé Canada, a été chargé d’effectuer la dernière EAT.

 

[17]           Entre-temps, le 18 mai 2004, la demanderesse a dû quitter son travail parce qu’elle se sentait malade. Le Dr Malam lui a remis un certificat précisant qu’elle ne serait pas en mesure de reprendre le travail avant le 14 juillet 2004.

 

[18]           Dans le cadre de l’EAT, le DJeffries a retenu les services d’un spécialiste, le DGoldsand, à qui il a demandé de procéder à l’évaluation de l’état de santé de la demanderesse. Le rapport du DGoldsand et les conclusions auxquelles le DJeffries est parvenu au vu de ce rapport semblent avoir déclenché le différend qui oppose actuellement la demanderesse à l’ASFC.

 

[19]           Le DGoldsand a fourni ses [traduction] « impressions et recommandations » qui comprennent notamment les observations suivantes :

 

·                    La demanderesse arrivait à accomplir les tâches des fonctions temporaires qui lui avaient été confiées, mais les symptômes sont revenus dès qu’elle a repris le travail au service postal.

·                    La demanderesse éprouvait certains types de douleur, bien que ceux-ci aient changé.

·                    Les symptômes, dans la mesure où les résultats des tests effectués étaient normaux, étaient compatibles avec un diagnostic de fatigue chronique. Un travail en équipe de jour l’aiderait peut-être à mieux les supporter.

Il a également fait l’observation suivante :

[traduction] Il est intéressant de relever que les symptômes de fatigue chronique semblent être plus prononcés lorsqu’elle travaille au service postal, plutôt que dans d’autres services... Elle affirme se sentir beaucoup mieux hors du bureau postal et éprouverait peut-être une plus grande satisfaction au travail et une moins grande douleur si elle était mutée à un autre service...

 

[20]           Dans son rapport à la direction de l’ASFC, le DJeffries a indiqué que la demanderesse éprouve une certaine douleur, mais que celle-ci ne paraît pas trop prononcée. Il a conclu que l’évaluation ne confirmait pas l’avis du chiropraticien qui recommandait que la demanderesse ait un horaire fixe et a ajouté qu’il n’y avait aucune raison pour que la demanderesse ne puisse pas effectuer des tâches légères à modérées.

 

[21]           Le DJeffries a renvoyé aux observations du DGoldsand précitées et interprété le rapport du DGoldsand comme voulant dire que les troubles de la demanderesse étaient davantage liés à sa motivation et à son degré de satisfaction au travail qu’à son état de santé. Le DJeffries a alors proposé que la demanderesse soit soumise à un régime de travail normal, ce qui mettrait ainsi un terme à sa tendance à médicaliser ses problèmes.

 

[22]           Le directeur de l’ASFC a alors demandé à la demanderesse de reprendre le travail et d’accepter les périodes de travail qu’on lui donnerait. Il a ajouté qu’elle était capable d’effectuer les travaux légers à modérés qu’on lui assignerait au service postal. Il a souligné ce que le DJeffries avait dit au sujet de la motivation et de la satisfaction au travail et a recommandé à la demanderesse de passer des concours pour tenter de se trouver un autre emploi, ou de s’adresser au Programme d’aide aux employés.

 

[23]           Ayant pris connaissance du rapport du DJeffries, le DMalam a manifesté son désaccord profond avec les conclusions qui y étaient consignées. À la demande de la demanderesse, le DJeffries a transmis son dossier au CMC pour examen, comme nous l’avons vu précédemment.

 

[24]           Le 15 octobre 2004, le CMC a indiqué que, d’après lui, la demanderesse devrait être considérée comme inapte aux fonctions de son poste d’attache, mais apte à des tâches exigeant d’elle un effort physique moindre, avec un horaire de travail régulier et non un horaire par roulement. Le CMC a suggéré à l’ASFC de trouver un poste adéquat pour la demanderesse. À cet égard, la demanderesse a obtenu de Santé Canada exactement ce qu’elle voulait.

 

C.        Plaintes et décision

            (1)        Santé Canada

[25]           Dans la plainte qu’elle formule à l’encontre de Santé Canada, la demanderesse met en cause les procédures d’évaluation de Santé Canada (examen sur dossier, rejet non motivé d’autres rapports médicaux, le fait que les évaluations effectuées par Santé Canada l’emportent toujours sur les autres évaluations) qui entraînent une discrimination fondée sur la déficience dans le cas de la demanderesse, mais également de manière systémique.

 

[26]           La Commission, après un long délai, a modifié la plainte afin d’y préciser que la disposition applicable de la Loi était en fait l’article 5, et non les articles 7 et 10 qu’invoquait la demanderesse. Devant la Cour, la demanderesse a insisté sur l’erreur de droit commise par la Commission sur ce point.

5. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour le fournisseur de biens, de services, d’installations ou de moyens d’hébergement destinés au public :

 

a) d’en priver un individu;

 

 

 

 

 

b) de le défavoriser à l’occasion de leur fourniture.

 

5. It is a discriminatory practice in the provision of goods, services, facilities or accommodation customarily available to the general public

 

 

 

 

(a) to deny, or to deny access to, any such good, service, facility or accommodation to any individual, or

 

(b) to differentiate adversely in relation to any individual,

 

on a prohibited ground of discrimination.

 

 

7. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

 

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

 

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

 

7. It is a discriminatory practice, directly or indirectly,

 

 

 

 

(a) to refuse to employ or continue to employ any individual, or

 

(b) in the course of employment, to differentiate adversely in relation to an employee,

 

on a prohibited ground of discrimination.

 

 

10. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, le fait, pour l’employeur, l’association patronale ou l’organisation syndicale :

 

a) de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite;

 

b) de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel.

 

10. It is a discriminatory practice for an employer, employee organization or employer organization

 

 

 

 

 

 

 

 

(a) to establish or pursue a policy or practice, or

 

(b) to enter into an agreement affecting recruitment, referral, hiring, promotion, training, apprenticeship, transfer or any other matter relating to employment or prospective employment,

 

that deprives or tends to deprive an individual or class of individuals of any employment opportunities on a prohibited ground of discrimination.

 

[27]           La demanderesse a déposé une demande de contrôle judiciaire devant la Cour pour que soit tranchée la question de savoir quel était l’article de la Loi applicable en l’espèce, mais cette demande a été retirée lorsque la Commission a accepté de tenir compte des articles 7 et 10 dans son enquête sur la plainte.

 

[28]           Selon le rapport de l’enquêteuse, adopté par la Commission et constituant les motifs de sa décision, les articles 7 et 10 ne s’appliquent qu’à un employeur, un employé ou une organisation syndicale. La Commission a en outre conclu que les évaluations médicales effectuées par Santé Canada constituent un service normalement destiné au public, et que, par conséquent, l’enquête procéderait au titre de l’article 5. La Commission a cependant décidé que l’enquête porterait sur les allégations visant le cas de la demanderesse, mais aussi sur les allégations de discrimination plus générales concernant les pratiques de Santé Canada en matière d’évaluations.

 

[29]           Le rapport d’enquête contient un résumé détaillé des faits et des observations des parties. L’enquêteuse s’est penchée sur six dossiers de la Commission concernant des plaintes dont elle avait été saisie et qui avaient été produits à l’appui de la thèse de l’existence d’une discrimination systémique. L’enquêteuse a relevé que ces six dossiers concernaient tous l’employeur (l’entité exerçant la direction au jour le jour) et non Santé Canada.

 

[30]           En ce qui concerne la plainte de la demanderesse, l’enquêteuse a relevé que la demanderesse avait fait l’objet d’une évaluation individuelle et qu’elle avait eu, avec le DGoldstein, un entretien personnel, et a estimé que l’opinion du DJeffries n’était pas contraire aux renseignements médicaux versés au dossier.

 

[31]           L’enquêteuse a expressément indiqué que les opinions médicales divergentes, en particulier celles des Drs Malan et Jeffries, n’établissaient pas l’existence de discrimination. S’il est vrai que le DJeffries n’était pas du même avis que le DMalan, il avait néanmoins accepté de transmettre le dossier au CMC qui, après examen, a tranché en faveur de la demanderesse.

 

[32]           En ce qui concerne la question de l’existence d’une éventuelle discrimination systémique, dans le cadre notamment de la politique de Santé Canada énoncée dans le guide de la santé au travail, précisons que cette politique prévoit un entretien personnel ainsi que la révision périodique du guide. Les MST ont reçu une formation spécialisée et le guide prévoit la consultation d’autres professionnels de la santé. Enfin, une procédure d’appel est prévue, même si les renseignements fournis pour expliquer la procédure en vigueur à Santé Canada n’insistent pas sur cette question. L’enquêteuse a fait remarquer que les six dossiers susmentionnés soulèvent la même préoccupation, mais [traduction] « les éléments de preuve produits ne permettent pas de conclure à l’existence d’une discrimination systémique ». Selon la demanderesse, le critère imposé pour la question de savoir s’il est justifié que le Tribunal enquête sur la plainte est trop exigeant.

 

[33]           En réponse au rapport de l’enquêteuse, la demanderesse a rappelé les principales circonstances du dossier et le fait que le rapport ne se prononce aucunement au regard des articles 7 et 10. La demanderesse a également fait valoir que ses trois plaintes devraient être examinées en même temps et que l’enquêteuse n’a pas mené une enquête approfondie – argument qu’elle a réitéré devant la Cour.

 

[34]           Rappelons que la Commission a accepté le rapport, s’est limitée à un examen au regard de l’article 5 de la Loi et a rejeté la plainte.

 

(2)        Conseil du Trésor

[35]           Selon l’enquêteuse, la plainte à l’encontre du Conseil du Trésor portait sur la question de savoir si le Conseil du Trésor était en partie responsable du prétendu manquement de l’ASFC à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour répondre aux besoins de la demanderesse, ainsi que des prétendues pratiques discriminatoires de Santé Canada en matière d’évaluations. L’enquêteuse a conclu que, dans la mesure où il est [traduction] « l’employeur ultime » dans la fonction publique fédérale, le Conseil du Trésor partageait la responsabilité avec les deux ministères en cause.

 

[36]           L’enquêteuse avait initialement recommandé à la Commission de ne pas procéder à l’examen de la plainte contre le Conseil du Trésor étant donné que cet organisme ne s’était pas lui‑même rendu coupable d’actes discriminatoires. Le Conseil du Trésor avait en effet délégué aux administrateurs généraux des ministères, ou à leurs délégués, la responsabilité de la mise en œuvre de la Politique sur les mesures d’adaptation.

 

[37]           Après réception de nouvelles observations, la Commission est revenue sur sa décision. Elle a conclu que la meilleure façon de savoir si une quelconque responsabilité pouvait être imputée au Conseil du Trésor était d’enquêter sur les plaintes contre les trois organismes nommés, soit le Conseil du Trésor, Santé Canada et l’ASFC. Encore une fois, la question essentielle était de savoir si les actes discriminatoires en question engageaient la responsabilité du Conseil du Trésor.

 

[38]           Dans ses nouvelles observations, la demanderesse a mis en cause tout le processus relatif à la prise de mesures d’adaptation pour le retour au travail et a notamment soulevé la question de savoir si le Conseil du Trésor veillait efficacement à la mise en place de sa politique sur les mesures d’adaptation par les divers ministères.

 

[39]           Selon le rapport de l’enquêteuse, le Conseil du Trésor n’a eu en l’espèce aucun rôle direct, les prétendus actes discriminatoires ayant été commis par l’ASFC et Santé Canada. La question de la responsabilité ultime du Conseil du Trésor quant à la mise en œuvre d’une politique relative à l’équité en matière d’emploi a été examinée dans le cadre d’une responsabilité déléguée. L’enquêteuse a conclu que les rôles incombant au Conseil du Trésor en matière de surveillance ne permettent pas de penser que le Conseil du Trésor devrait être tenu pour responsable des actes reprochés aux divers ministères employeurs. L’enquêteuse a recommandé à la Commission de rejeter la plainte sans autre forme d’enquête.

 

[40]           En réponse, la demanderesse a répété qu’elle était préoccupée par le fait que les trois plaintes n’avaient pas fait l’objet d’un examen conjoint et que l’enquête n’avait pas été complète. Elle s’est en outre plainte du fait qu’on ne se soit pas penché sur les rôles du Conseil du Trésor en matière de surveillance à l’égard des politiques, pas plus que sur la question de savoir si ces politiques sont appliquées de manière discriminatoire. Enfin, elle a fait valoir qu’il n’y avait pas eu d’analyse sur la question de l’existence d’une discrimination systémique dans le processus relatif à la prise de mesures d’adaptation.

 

[41]           La Commission a accepté les conclusions de l’enquêteuse et rejeté la plainte. Outre la lettre habituelle exposant les principales conclusions du rapport, la Commission a expliqué son changement de position et ses dernières conclusions.

[traduction]
Selon la décision précédente de la Commission dans le présent dossier, la meilleure façon de savoir si une quelconque responsabilité pouvait être imputée au Conseil du Trésor était d’enquêter sur les plaintes formulées à l’encontre des trois organismes. Or, après examen de l’ensemble des éléments de preuve recueillis au cours de l’enquête, la Commission estime que le Conseil du Trésor n’est aucunement responsable des prétendus actes discriminatoires étant donné qu’il n’a joué aucun rôle direct dans la manière dont le ministère où travaillait la plaignante s’est occupé de son cas. Le Conseil du Trésor a délégué la responsabilité de mettre en œuvre ses politiques aux divers ministères qui, sur le plan fonctionnel, sont directement responsables de l’application de ces politiques.

 

Les éléments de preuve recueillis confirment que les politiques en cause du Conseil du Trésor ne sont pas discriminatoires à l’endroit des personnes handicapées.

 

III.       LE DROIT APPLICABLE

A.        Les questions en litige

[42]           Les questions soulevées dans le cadre de la plainte contre Santé Canada sont les suivantes :

a)         La Commission a-t-elle commis une erreur en refusant de se prononcer au regard des articles 7 et 10 de la Loi?

b)         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que la preuve était insuffisante pour saisir le Tribunal de la plainte?

c)         La plainte en question a-t-elle fait l’objet d’une enquête approfondie en bonne et due forme?

 

[43]           En ce qui concerne la plainte visant le Conseil du Trésor, les questions soulevées sont les suivantes :

a)         La Commission a-t-elle interprété de façon erronée l’article 7 de la Loi?

b)         A-t-elle appliqué de façon erronée les dispositions de la Loi en décidant que le Conseil du Trésor n’était aucunement responsable des actes discriminatoires en cause et que ses politiques et pratiques n’étaient pas discriminatoires?

c)         La plainte a-t-elle fait l’objet d’une enquête approfondie en bonne et due forme?

 

B.         La norme de contrôle applicable

[44]           Ainsi que le juge Lemieux l’a expliqué dans la décision Brine c. Canada (Procureur général) (1999), 175 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst.), la Commission a essentiellement pour rôle de procéder à l’examen préalable de la plainte afin de voir s’il y a lieu d’en saisir le Tribunal pour qu’il se prononce sur le fond. Dans sa décision, la Commission ne se prononce pas nécessairement sur les droits et responsabilités des parties, particulièrement lorsqu’elle renvoie l’affaire au Tribunal. Toutefois, le rejet d’une plainte par la Commission a une incidence considérable sur les droits du plaignant.

 

[45]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a réduit le nombre de normes de contrôle possibles. Plusieurs possibilités subsistent, qui varient en fonction de la question soulevée et du contexte. Le choix de la norme dépend de la question en litige (Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404).

 

[46]           En ce qui concerne les questions de droit et de compétence, il convient toujours de préciser la nature de la question de droit qui est soulevée. La question de savoir si la Commission est compétente pour se prononcer sur telle ou telle question de droit relève de la norme de la décision correcte (Canada (Procureur général) c. Watkin, 2008 CAF 170).

 

[47]           En ce qui concerne la plainte contre Santé Canada, les deux parties admettent que la décision de ne pas se prononcer au regard des articles 7 et 10 de la Loi est assujettie à la norme de la décision correcte. Je conviens que la question de savoir si les articles 7 et 10 s’appliquent à un employeur est une question de droit relevant généralement de la norme de la décision correcte; la question n’était pas de savoir si Santé Canada est un employeur, ce qui permettrait peut‑être plus de souplesse envers l’interprétation de la Commission. La véritable question n’était pas non de savoir si la Commission était effectivement compétente à l’égard de l’objet même de la plainte ou de l’entité à l’encontre de laquelle elle est formulée. La question qui se posait était celle de savoir quelle disposition de la Loi conférait en l’espèce à la Commission cette compétence – l’article 5, l’article 7 ou l’article 10. Les conséquences ou le manque de conséquences de la décision rendue sur ce point constituent un élément important de la présente affaire.

 

[48]           La norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale ne pose généralement pas problème : c’est la norme de la décision correcte. La Cour a toujours estimé que la question de savoir si une plainte a fait l’objet d’une enquête approfondie et impartiale est une question d’équité. Voir Coupal c. Canada (Procureur général), 2006 CF 255; Egan c. Canada (Procureur général), 2008 CF 649. La question de l’enquête peut également être envisagée sous l’angle d’une erreur de compétence ou du défaut d’exercice de cette compétence. Quoi qu’il en soit, la norme de contrôle applicable est la même – celle de la décision correcte.

 

[49]           En ce qui concerne la question de savoir si les éléments de preuve produits justifiaient le rejet de la plainte, selon la jurisprudence, une décision prise en vertu du paragraphe 44(3) est généralement une question de fait ou une question mixte de fait et de droit assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable (Sketchley, précité; Bell Canada c. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, [1999] 1 C.F. 113 (C.A.F.)).

 

C.        Analyse

            (1)        Santé Canada

[50]           La question de savoir si les articles 7 et 10 de la Loi s’appliquent en l’espèce doit être examinée dans le contexte de l’affaire. Des efforts considérables ont été faits pour décider quel ministère du gouvernement du Canada doit, aux fins de la Loi, être considéré comme « employeur ». Cette recherche n’est guère utile, car les fonctionnaires (dont la demanderesse) sont au bout du compte tous des employés de Sa Majesté du chef du Canada.

 

[51]           Ce qu’il s’agit de savoir, c’est quel ministère a commis les actes discriminatoires et devrait donc être considéré comme « partie » pour qu’il puisse se voir enjoindre de prendre des mesures correctives efficaces. Il ne faut pas oublier que la Loi vise essentiellement la prise de mesures correctives et que l’enquête doit porter sur ce qui s’est effectivement produit « dans le cadre de l’emploi » du plaignant (voir Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 R.C.S. 84). Personne ne met en doute en l’espèce la compétence de la Commission relativement à la plainte de la demanderesse. La question soulevée était plutôt celle de savoir de laquelle des trois dispositions la Commission tenait sa compétence.

 

[52]           L’article 5 vise les actes discriminatoires en matière de biens, de services, d’installations ou de moyens d’hébergement destinés au public. Les questions de discrimination en matière de pension ou de prestations d’invalidité relèvent de cette disposition. Les fonctionnaires publics ayant un handicap peuvent très bien faire partie du public, mais ce serait élargir abusivement le sens du mot « public » que d’y inclure des personnes telles que la demanderesse, une fonctionnaire qui, en ce qui concerne les besoins qu’elle éprouve dans le cadre de son emploi fait l’objet d’une évaluation de Santé Canada – service qui n’est pas destiné à la population canadienne en général.

 

[53]           L’article 10 pose la question de savoir qui est l’« employé », mais cette disposition peut être interprétée comme englobant des situations allant au-delà du lien « direct » entre employeur et employé (voir par exemple Canadien Pacifique Ltée. c. Canada (Commission des droits de la personne), [1991] 1 C.F. 571 (C.A.F.), [1990] A.C.F. no 1028). Cela est particulièrement vrai lorsque la Cour est tenue d’adopter une interprétation « large et libérale » à l’égard d’une loi réparatrice.

 

[54]           Il n’est par conséquent pas « clair et évident » (selon le critère décrit dans Société canadienne des postes c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne) (Association canadienne des maîtres de poste et adjoints), [1997] A.C.F. no 578 (1re inst.), conf. par [1999] A.C.F. no 705 (C.A.F.)) que les articles 7 et 10 ne pourraient pas s’appliquer à la plainte de la demanderesse. La question aurait dû être laissée à l’appréciation du Tribunal, s’il estimait que les faits de l’affaire justifiaient effectivement l’application de ces deux dispositions.

 

[55]           En l’espèce, les articles 5, 7 et 10 confèrent à la Commission la compétence pour enquêter sur la plainte et en saisir, le cas échéant, le Tribunal. Personne n’a vraiment contesté la compétence de la Commission à l’égard de la présente affaire.

 

[56]           Quoi qu’il en soit, il importe peu de savoir quelle disposition de la Loi a servi à fonder la compétence de la Commission. La Commission s’est à juste titre déclarée compétente et a enquêté sur l’existence d’actes discriminatoires.

 

[57]           Les articles 5 et 7 utilisent les mêmes mots pour cerner le comportement fautif – « défavoriser » et l’article 10, même s’il est formulé de manière légèrement différente, vise le même type de comportement fautif.

 

[58]           La demanderesse n’a pas été en mesure d’expliquer la différence que cela donnerait au niveau des résultats, des mesures correctives ou de la procédure, si la Commission avait enquêté sur la plainte au titre de l’article 7, de l’article 10 ou des deux dispositions. La Loi n’interdit aucunement à la Commission de fonder sa compétence sur plus d’une de ces dispositions. La demanderesse n’a pas démontré que le fait pour la Commission d’avoir enquêté au titre de l’article 5 aurait porté préjudice à ses droits de bénéficier d’une enquête ou d’une éventuelle mesure corrective.

 

[59]           Ce qui importe toutefois davantage, c’est que la Commission a mené une enquête complète, équitable et approfondie. L’enquêteuse s’est penchée sur les divers aspects de la discrimination alléguée sur les plans individuel et systémique, et la demanderesse a fini par obtenir le résultat qu’elle recherchait au moyen de la procédure d’examen prévue par les politiques de Santé Canada.

 

[60]           Quelles que puissent être les failles de l’analyse juridique à laquelle elle s’est livrée, la Commission s’est acquittée de son obligation de mener correctement une enquête et est parvenue à une conclusion raisonnable qui ne dépasse aucunement les limites de sa compétence. L’on peut en quelque sorte dire qu’il n’y a eu ni préjudice, ni faute.

 

[61]           Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire en ce qui concerne Santé Canada.

 

(2)        Le Conseil du Trésor

[62]           Dans la plainte initialement déposée à l’encontre du Conseil du Trésor, on ne voyait pas très bien comment celui-ci pourrait être tenu responsable des actes discriminatoires allégués.

 

[63]           Bien que le fait que le Conseil du Trésor était, directement ou indirectement, l’« employeur » en vertu des dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques et que certaines questions peuvent se poser quant à la capacité légale du Conseil du Trésor de déléguer ses responsabilités aux administrateurs généraux des ministères, les diverses observations présentées au cours de l’enquête ont permis de clarifier que, si le Conseil du Trésor devait être tenu responsable d’actes discriminatoires, ce serait purement au niveau systémique.

 

[64]           Il est apparu que le fondement de la plainte logée à l’encontre du Conseil du Trésor reposait sur l’idée que celui-ci n’aurait pas suffisamment surveillé la mise en œuvre de sa politique en matière d’emploi et de mesures d’adaptation et non sur le fait que ses politiques étaient elles-mêmes discriminatoires. À cet égard, la présente affaire est sensiblement différente de l’affaire Sketchley, précitée.

 

[65]           Une lecture objective du rapport de l’enquêteuse montre que celle-ci s’est effectivement penchée sur la question de la délégation ainsi que sur la question de savoir si les politiques en question étaient elles-mêmes discriminatoires, notamment dans la manière dont elles s’appliquent à des situations particulières.

 

[66]           L’enquêteuse, et par conséquent la Commission, ne s’est pas penchée sur la bonne question. La demanderesse reprochait au Conseil du Trésor de ne pas avoir mis en place des mécanismes d’exécution adéquats et de ne pas avoir, comme il était tenu de le faire, surveillé la mise en œuvre et l’application de ses politiques sur la discrimination en matière d’emploi.

 

[67]           L’enquêteuse ne s’est pas penchée sur les obligations du Conseil du Trésor en matière de contrôle de l’application de ses politiques. Ainsi, en adoptant le rapport de l’enquêteuse, la Commission a rendu une décision déraisonnable, car elle ne s’est pas penchée sur l’objet même de la plainte. Par conséquent, la Commission a à la fois commis une erreur de droit et tiré une conclusion déraisonnable compte tenu des faits en cause.

 

[68]           Ajoutons qu’en ne traitant pas du fond de la plainte, la Commission s’est privée d’une base juste et équitable pour décider si les éléments de preuve versés au dossier justifiaient le renvoi de l’affaire au Tribunal.

 

[69]           L’enquêteuse n’a pas mené son enquête de manière suffisamment approfondie et impartiale. La Cour n’intervient pas à la légère dans les résultats d’une enquête, mais n’hésite pas à le faire « lorsque des omissions déraisonnables se sont produites, par exemple lorsqu’un enquêteur n’a pas examiné une preuve manifestement importante [...] » (Sketchley, précité, par. 44).

 

[70]           L’omission d’enquêter correctement sur les questions centrales de la plainte semble en partie due au fait que l’on a séparé la plainte à l’encontre du Conseil du Trésor de la plainte formulée contre l’ASFC. L’enquêteuse a orienté son enquête sur une discrimination indirecte de la part du Conseil du Trésor relativement au comportement de l’ASFC, dont le caractère discriminatoire n’a pas été démontré. C’est alors que l’enquête s’est embrouillée et a été menée sans tenir compte du contexte et sans que ne soient précisés ni les faits essentiels de l’affaire ni les relations et rôles respectifs de l’ASFC et du Conseil du Trésor.

 

[71]           Une faiblesse essentielle de l’enquête provient du fait qu’elle était détachée de véritables conclusions quant à l’existence de discrimination. Sans les faits, il est difficile, voire impossible, d’enquêter sur la nature d’une délégation de pouvoir en faveur des administrateurs généraux, et plus encore sur la question de savoir si les politiques applicables ont été correctement mises en œuvre par les ministères concernés et si cette mise en œuvre s’est faite sous la surveillance continue du Conseil du Trésor.

 

[72]           En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la Commission est infirmée et il lui est enjoint de procéder à une nouvelle enquête une fois le grief sera réglé. Dans l’hypothèse où le grief est retenu et que la plainte à l’encontre de l’ASFC est portée devant la Commission, la Cour ordonne à celle-ci d’examiner la question de savoir si les plaintes à l’encontre du Conseil du Trésor et de l’ASFC devraient faire l’objet d’une enquête et d’un rapport d’enquête conjoints.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Ottawa (Ontario)

Le 3 février 2010

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-183-09

 

INTITULÉ :                                                   TERESA PANACCI

 

                                                                        et

 

                                                                        PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

DOSSIER :                                                    T-184-09

 

INTITULÉ :                                                   TERESA PANACCI

 

                                                                        et

 

                                                                        PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 11 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 3 février 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Andrew Raven

 

POUR LA DEMANDERESSE

Zoe Oxaal

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck LLp

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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