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Cour fédérale

 

Federal Court



 

Date : 20100127

Dossier : IMM-3722-09

Référence : 2010 CF 92

Ottawa (Ontario), le 27 janvier 2010

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

partie demanderesse

 

 

et

 

 

 

UDAYAKUMARAN BARANIROOBASINGAM

 

partie défenderesse

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

JUGE HARRINGTON

[1]               Bien que le ministre ait qualité pour demander le contrôle judiciaire des décisions rendues par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, il s’en abstient généralement, sauf dans les cas où la Commission n’est pas d’accord avec lui pour considérer que l’intéressé est visé par la section F de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés ou est interdit de territoire. M. Baraniroobasingam n’est plus soupçonné de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Ce Tamoul d’âge moyen, originaire de la région nord du Sri Lanka, s’est vu reconnaître la qualité de réfugié au sens de la Convention. Le ministre fait valoir, dans le cadre de ce contrôle judiciaire, que cette décision doit être infirmée. Je suis d’accord.

 

[2]               On peut à la fois mentir et avoir qualité de réfugié (Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c. Gunasingam, 2008 CF 181, 73 Imm. L.R. (3d) 151), mais il est difficile de cerner la crainte subjective de persécution d’un demandeur d’asile quand on n’ajoute pas foi à son récit. Dans le cas présent, selon la plus récente version des faits, M. Baraniroobasingam a quitté le Sri Lanka en 2001. Il prétend risquer d’être persécuté par les Tigres tamouls (TLET) pour avoir refusé de se joindre à eux, et par le gouvernement sri lankais qui le soupçonnait d’avoir collaboré avec les TLET. L’avocat du ministre est intervenu à l’audience tenue par la Section de la protection des réfugiés (SPR), alléguant l’existence d’une possibilité sérieuse que les alinéas a) et c) de la section F de l’article premier de la Convention s’appliquent au demandeur d’asile, car ce dernier avait peut-être pris part à des crimes de guerre, à des crimes contre l’humanité ou à des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. L’avocat du ministre s’est toutefois retiré du dossier avant la fin de l’audience, étant donné le manque de crédibilité de M. Baraniroobasingam.

 

[3]               La SPR de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada mettait aussi en doute sa crédibilité. Voici les propos tenus par le décideur :

[7]        Dans le cadre de ses efforts pour obtenir l’asile en France ou au Canada, le demandeur d’asile a raconté quatre récits différents : un que les autorités françaises n’ont pas jugé crédible, un au point d’entrée au Canada, un dans son premier exposé circonstancié et un dernier dans lequel il a admis que plus de la moitié des renseignements contenus dans le premier Formulaire de renseignements personnels (FRP) étaient faux.

 

[8]        Lorsqu’il s’est vu poser des questions au sujet de la modification de ses allégations, le demandeur d’asile s’est révélé être un très mauvais témoin. Son témoignage était très souvent confus. Il se contredisait lui‑même en ajoutant des faits qu’il avait omis d’inclure dans son FRP et en changeant à de nombreuses reprises les faits contenus dans son exposé circonstancié. À la question de savoir à quel moment il avait commencé à être la cible des TLET, le demandeur d’asile a répondu successivement en 1995, en 1996 et en 1999. Son témoignage était inintelligible.

 

[9]        Par conséquent, je conclus à l’absence de crédibilité de la plupart de ses allégations. Je ne crois certes pas que le demandeur d’asile a des liens avec les TLET, qui font partie de la liste des organisations terroristes du Canada.

 

[4]               Néanmoins, M. Baraniroobasingam s’est vu reconnaître la qualité de réfugié au sens de la Convention, ayant établi l’existence d’une possibilité sérieuse de persécution en tant que membre d’un groupe social, celui des Tamouls du Nord du Sri Lanka.

 

[5]               La décision a été prise après la défaite des TLET, dans un contexte où les violations des droits de l’homme soulèvent assurément des craintes sérieuses au Sri Lanka. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a fait état de preuves objectives montrant que l’on portait fréquemment et assidûment atteinte aux droits de l’homme chez les Tamouls du Nord et, à son avis, il existe une sérieuse possibilité qu’un demandeur d’asile tamoul du Nord subisse un grave préjudice en cas de renvoi au Sri Lanka.

 

[6]               Quoi qu’il en soit, il doit exister une preuve de crainte subjective et objective. Les circonstances dans lesquelles M. Baraniroobasingam a quitté le Sri Lanka n’ont pas été analysées. La Cour a souvent statué que les conditions aux pays ne suffisent pas pour justifier une décision. Le ministre n’a pas déclaré de moratoire à l’égard du renvoi de Tamouls, de sorte qu’il faut procéder à une analyse individuelle. Outre Gunasingham, précité, on peut se reporter aux arrêts suivants : Alexibich c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 53; Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 471; Jarada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 409; Kaba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 259, 55 Imm. L.R. (3d) 189; Subramanian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 684; Tharmalingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 727.

 

[7]               L’avocat de M. Baraniroobasingam a argué qu’il y avait eu analyse individuelle, car on avait souligné que le défendeur repartirait du Canada, où les activités de financement des TLET foisonnent, et qu’il avait été soupçonné de sympathiser avec les TLET. Qui plus est, le commissaire de la SPR a trouvé crédible l’assassinat récent du frère de M. Baraniroobasingam. Je ne saurais admettre cette dernière assertion. Une simple affirmation ne rend pas une allégation crédible.

 

[8]               Il n’est pas nécessaire de se faire assassiner pour prouver ses dires, mais je ne saurais pour autant admettre que les motifs étaient suffisamment individualisés. On ne peut accorder la qualité de réfugié en se fondant simplement sur les conditions dans le pays concerné. Même les demandeurs d’asile venant de pays à l’égard desquels le ministre a déclaré un moratoire, comme la Somalie, ne reçoivent pas automatiquement la qualité de réfugié au sens de la Convention.


 

[9]               M. Baraniroobasingam aura jusqu’au jeudi 4 février 2010 pour soulever une question grave de portée générale pouvant servir de fondement à un appel. Le ministre aura jusqu’au mardi 9 février 2010 pour répondre.

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

27 janvier 2009

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Alain Hogue, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3722-09

 

INTITULÉ :                                       MSPC c. Udayakumaran Baraniroobasingam

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 21 janvier 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      le 27 janvier 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alexandre Tavadian

Alain Langlois

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Dan M. Bohbot

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Dan M. Bohbot

Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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