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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


 

Date : 20100127

Dossier : IMM-1926-09

Référence : 2010 CF 88

Ottawa (Ontario), le 27 janvier 2010

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

NELLY CONCEPCIO BELANDO DELISA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision (la décision) par laquelle l’agente d’immigration Christine Blackburn (l’agente) a rejeté, le 1er avril 2009, la demande de statut de résident permanent au Canada de la demanderesse au titre d’épouse ou de conjointe de fait, au motif que la demanderesse avait reçu des prestations dans le cadre du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH).

 

I.          Contexte

 

[2]               La demanderesse, âgée de soixante-quatre (64) ans, est citoyenne de l’Uruguay. Elle a un fils de vingt et un (21) ans, qui n’est pas en cause dans la présente demande, avec son conjoint de fait. Ce dernier, qui a cinquante-six (56) ans, se nomme Mario Washington Villano Gimenez et est citoyen canadien.

 

[3]               M. Gimenez touche des prestations du POSPH depuis 2004. Le 12 janvier 2006, le Tribunal de l’assistance sociale de l’Ontario a conclu que M. Gimenez est invalide et qu’il est peu probable que son état s’améliore.

 

[4]               En août 2004, M. Gimenez a présenté une demande de parrainage visant la demanderesse et leur fils, qui souhaitent obtenir la résidence permanente au Canada au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait (catégorie des époux). La demande a d’abord été refusée le 4 août 2005, au motif que M. Gimenez n’était pas admissible au parrainage en vertu de l’alinéa 133(1)k) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR), DORS/2002-227, lequel alinéa interdit le parrainage d’un étranger aux personnes touchant des prestations d’assistance sociale pour une autre raison que l’invalidité. La demanderesse a soumis une demande de contrôle judiciaire que le juge Roger Hughes a accueillie sur consentement. La demande a ensuite été rejetée à nouveau au même motif par l’agente Blackburn le 10 mars 2006. La demanderesse a présenté une seconde demande de contrôle judiciaire, qui a été abandonnée après que le défendeur eut consenti à ce que l’affaire soit renvoyée pour une nouvelle décision.

[5]               Le 18 avril 2006, l’agente Blackburn a confirmé que M. Gimenez répondait aux exigences d’admissibilité visant les répondants.

 

[6]               Le 6 février 2007, la demanderesse a reçu une lettre de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) l’informant que la demande de résidence permanente allait possiblement devoir être rejetée. L’agent d’immigration A. Ngoga l’informait de ce qui suit :

[traduction] Selon les renseignements fournis, votre demande en vue de demeurer au Canada en qualité de résidente permanente devra possiblement être rejetée, car il semble que vous soyez visée par l’article 39 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, c’est-à-dire que vous êtes interdite de territoire au Canada. Plus précisément, votre conjoint et répondant, Mario Washington Villano Gimenez, reçoit des prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH). Ce motif justifierait le refus de votre demande de résidence permanente.

 

[7]               La demanderesse a reçu une lettre identique le 24 octobre 2007. Le 26 novembre 2007, elle a répondu ainsi par l’entremise de son avocat :

[traduction] Il convient de souligner que l’article 39 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ne saurait justifier le refus opposé à la demande de ma cliente. M. Gimenez reçoit des prestations d’invalidité non par choix, mais en raison de problèmes médicaux. Sa conjointe ou ses personnes à charge doivent être empêchées de le rejoindre au Canada uniquement parce qu’il est incapable de travailler pour des raisons de santé. Aucune preuve n’indique que Mme Delisa [et] son fils ne peuvent ou ne veulent subvenir à leurs propres besoins. En fait, ils veulent et peuvent travailler pour assurer leur propre subsistance au Canada.

 

[8]               La demanderesse a par la suite reçu une lettre d’une autre agente d’immigration, Mme Chantal Pillon, le 21 janvier 2008, lettre identique aux deux précédentes, sinon qu’une erreur typographique avait été corrigée. La demanderesse y a répondu le 24 janvier 2008, en évoquant sa réponse précédente datée du 26 novembre 2007.

 

[9]               Le 1er avril 2009, l’agente Blackburn a rejeté la demande de résidence permanente, alléguant que la demanderesse était interdite de territoire pour motifs financiers aux termes de l’article 39 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), L.C. 2001, chap. 27. L’agente Blackburn soulignait que cette décision était étrangère à l’admissibilité du répondant et reposait plutôt sur une évaluation de l’admissibilité de la demanderesse.

 

[10]           L’agente Blackburn ajoutait que la demanderesse n’est pas invalide, mais bénéficie néanmoins des prestations du POSPH comme conjointe d’un prestataire du POSPH. L’agente a conclu que la demanderesse est incapable de subvenir à ses propres besoins, car elle n’a pas cessé de bénéficier des prestations du POSPH que reçoit son conjoint bien qu’elle possède un permis de travail valide. L’agente Blackburn a également conclu que la demanderesse avait eu, depuis le 6 février 2007, plus d’une occasion de cesser de bénéficier des prestations du POSPH, afin de se conformer à l’article 39 de la LIPR. La demande de résidence permanente a donc été refusée.

 

II.         Norme de contrôle

 

[11]           La norme de contrôle applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte, alors que les autres questions sont susceptibles de contrôle selon la norme du caractère raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, le juge Binnie, paragraphe 59). Au paragraphe 59 de Khosa, précité, le caractère raisonnable est décrit ainsi :

Lorsque la norme de la raisonnabilité s’applique, elle commande la déférence. Les cours de révision ne peuvent substituer la solution qu’elles jugent elles‑mêmes appropriée à celle qui a été retenue, mais doivent plutôt déterminer si celle‑ci fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, par. 47). Il peut exister plus d’une issue raisonnable. Néanmoins, si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable.

 

[12]           En l’espèce, la norme de contrôle est la raisonnabilité pour les questions de droit et les questions mixtes de droit et de fait. Toutefois, les questions d’équité procédurale sont susceptibles de révision suivant la norme de la décision correcte : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, 243 N.R. 22.

 

III.       Dispositions législatives

 

[13]           Suivant l’article 11 de la LIPR, l’étranger doit démontrer à l’agent d’immigration qu’il n’est pas interdit de territoire; son répondant doit, quant à lui, démontrer qu’il respecte les exigences de parrainage prévues par la Loi :

Visa et documents

 

 

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visas et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

Cas de la demande parrainée

 

 

 

 

(2) Ils ne peuvent être délivrés à l’étranger dont le répondant ne se conforme pas aux exigences applicables au parrainage.

Application before entering Canada

 

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

If sponsor does not meet requirements

 

(2) The officer may not issue a visa or other document to a foreign national whose sponsor does not meet the sponsorship requirements of this Act.

 

 

[14]           Le paragraphe 63(1) de la LIPR confère au répondant le droit d’interjeter appel à la Section d’appel de l’immigration contre le refus, par un agent d’immigration, de délivrer un visa de résident permanent au titre du regroupement familial :

Droit d’appel : visa

 

 

63. (1) Quiconque a déposé, conformément au règlement, une demande de parrainage au titre du regroupement familial peut interjeter appel du refus de délivrer le visa de résident permanent.

Right to appeal — visa refusal of family class

 

63. (1) A person who has filed in the prescribed manner an application to sponsor a foreign national as a member of the family class may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision not to issue the foreign national a permanent resident visa.

 

 

[15]           Conformément à l’article 39 de la LIPR, l’étranger incapable de subvenir à ses besoins au Canada est interdit de territoire pour motifs financiers :

Motifs financiers

 

39. Emporte interdiction de territoire pour motifs financiers l’incapacité de l’étranger ou son absence de volonté de subvenir, tant actuellement que pour l’avenir, à ses propres besoins et à ceux des personnes à sa charge, ainsi que son défaut de convaincre l’agent que les dispositions nécessaires — autres que le recours à l’aide sociale — ont été prises pour couvrir leurs besoins et les siens.

 

Financial reasons

 

39. A foreign national is inadmissible for financial reasons if they are or will be unable or unwilling to support themself or any other person who is dependent on them, and have not satisfied an officer that adequate arrangements for care and support, other than those that involve social assistance, have been made.

 

[16]           En vertu de l’alinéa 133(1)k) du RIPR, un répondant n’est pas admissible au parrainage s’il reçoit de l’aide sociale pour une autre raison que l’invalidité :

Exigences : répondant

 

133. (1) L’agent n’accorde la demande de parrainage que sur preuve que, de la date du dépôt de la demande jusqu’à celle de la décision, le répondant, à la fois :

 

 

 

 

[…]

 

 

 

k) n’a pas été bénéficiaire d’assistance sociale, sauf pour cause d’invalidité.

Requirements for sponsor

 

133. (1) A sponsorship application shall only be approved by an officer if, on the day on which the application was filed and from that day until the day a decision is made with respect to the application, there is evidence that the sponsor

 

[…]

 

 

 

(k) is not in receipt of social assistance for a reason other than disability.

 

 

IV.       Questions en litige

 

[17]           La demanderesse soulève les questions suivantes :

 

a)         L’agente Blackburn a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que la demanderesse est visée par l’article 39 de la LIPR, car elle recevait de l’aide sociale?

 

b)         La conclusion de l’agente Blackburn voulant que la demanderesse reçoive de l’aide sociale relevait-elle d’une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans égard à la preuve portée à sa connaissance?

 

c)         Les prestations du POSPH constituent-elles de l’aide sociale, de manière à justifier le refus d’une demande de résidence permanente en vertu de l’article 39 de la LIPR?

 

[18]           Dans sa réponse, la demanderesse soulève une autre question, que je formule ainsi :

 

d)         L’agente Blackburn a-t-elle manqué à l’obligation d’équité procédurale?

 

[19]           À mes yeux, la question préliminaire suivante se pose en l’instance :

 

e)         Quel poids accorder à la nouvelle preuve produite, si tant est qu’il faille en accorder?

 

V.        Analyse de la question préliminaire

 

E.         Quel poids accorder à la nouvelle preuve produite, si tant est qu’il faille en accorder?

 

[20]           Le défendeur fait objection à certaines parties de l’affidavit du répondant (M. Gimenez) contenant des renseignements ex post facto. Plus précisément, le défendeur fait valoir que les pièces K », « L », « M » et « N », évoquées aux paragraphes 16 à 19 de l’affidavit de M. Gimenez, n’ont pas été transmises avec la demande de résidence permanente. Le défendeur fait aussi objection aux paragraphes 17, 19 et 20 de l’affidavit de la demanderesse, car ils apportent des éléments de preuve qui n’avaient pas été remis à l’agente d’immigration. En outre, les paragraphes 18 à 20 de l’affidavit de la demanderesse évoquent des événements survenus après la décision de l’agente.

 

[21]           Une règle de droit bien connue veut que le contrôle judiciaire d’une décision rendue par un office fédéral doive se fonder sur la preuve dont disposait le décideur : Charlery (Représentante désignée) c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 993, 108 A.C.W.S. (3d) 354, le juge Francis Muldoon, au paragraphe 16.

 

[22]           J’ai examiné les paragraphes 16 à 19 de l’affidavit de M. Gimenez, ainsi que les pièces déjà évoquées, et je conclus qu’il ne faut leur accorder aucun poids en l’instance parce que l’agente d’immigration n’y a pas eu accès. Il en va de même des paragraphes 17, 19 et 20 de l’affidavit de la demanderesse, pour le même motif. Quant aux paragraphes 18 à 20, aucun poids ne leur sera accordé parce qu’ils décrivent des événements survenus après la décision faisant l’objet du contrôle.

 

A.        L’agente Blackburn a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que la demanderesse est visée par l’article 39 de la LIPR, car elle recevait de l’aide sociale?

 

[23]           La demanderesse allègue que, étant donné l’exception concernant l’invalidité prévue à l’alinéa 113(1)k) du RIPR, les prestations du POSPH versées au bénéficiaire pour cause d’invalidité ne sont pas visées par la définition d’« assistance sociale ».

 

[24]           La demanderesse allègue en outre que ni elle ni le répondant ne sont visés par l’alinéa 133(1)k), car il dépend d’elle quant aux soins personnels. En corollaire, l’article 39 de la LIPR ne s’appliquerait pas à la demanderesse, car, si ce n’était de ses responsabilités de principale soignante à l’endroit de son conjoint, elle aurait été apte à occuper un emploi rémunérateur et disponible pour ce faire, afin de subvenir à ses besoins et à ceux de son fils à charge.

 

[25]           Cette observation est dépourvue de fondement juridique. La demanderesse se fait une fausse idée de l’effet combiné de l’article 39 de la LIPR et de l’alinéa 133(1)k) du RIPR.

 

[26]           L’alinéa 133(1)k) du RIPR énonce les exigences que doit remplir le répondant. Aucune des dispositions de cet article, y compris l’alinéa 133(1)k), ne concerne l’étranger. L’exemption touchant l’invalidité, dans ce même alinéa, permet à des personnes qui vivent de l’assistance sociale en raison d’une invalidité d’être admissibles au parrainage. Cependant, le fait que le répondant soit exempté et puisse vivre de l’assistance sociale n’implique pas que la demanderesse, qui est une étrangère, puisse elle aussi vivre de l’assistance sociale.

 

[27]           La demanderesse fait erreur quand elle soutient que les prestations du POSPH dont vit le répondant ne peuvent être assimilées à de l’assistance sociale. Des prestations que l’on aurait considérées comme de l’assistance sociale en l’absence d’une invalidité ne perdent pas leur nature d’assurance sociale uniquement à cause d’une invalidité.

 

[28]           L’expression « assistance sociale » n’est pas définie dans la loi ou le règlement, mais la Cour d’appel fédérale a statué qu’elle comporte une connotation de « sécurité sociale » : Thangarajan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 4 C.F. 167, 242 N.R.183 (C.A.F.), le juge Rothstein (alors de la Cour d’appel fédérale), au paragraphe 13. Il est manifeste que le terme « assistance sociale » est flexible et qu’il peut inclure notamment « l’aide du gouvernement sous la forme d’un logement subventionné » : Kaisersingh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 2 C.F. 20, 89 F.T.R. 276 (C.F. 1re inst.), la juge Barbara Reed, au paragraphe 17. À mes yeux, il ne fait aucun doute que les prestations du POSPH constituent une forme d’assistance sociale, nonobstant le fait que la demanderesse bénéficie de ces prestations parce qu’elle est une personne à charge du répondant qui les reçoit en raison de son invalidité.

 

[29]           Il se peut que le répondant soit admissible au parrainage en dépit de sa dépendance envers l’assistance sociale pour cause d’invalidité, mais la demanderesse doit néanmoins convaincre l’agente d’immigration qu’elle n’est pas interdite de territoire pour aucun des nombreux motifs prévus à l’article 11 de la LIPR. L’un de ces motifs d’interdiction de territoire, énoncé à l’article 39 de la LIPR, est de nature financière et vise la demanderesse.

 

[30]           Conformément à l’article 39 de la LIPR, si un demandeur ne peut démontrer qu’il veut et peut subvenir à ses propres besoins, il doit prouver que les dispositions nécessaires — autres que le recours à l’aide sociale — ont été prises pour couvrir ses besoins. Je ne vois aucune erreur de droit dans la manière dont l’agente Blackburn a appliqué à la demanderesse le critère d’interdiction de territoire pour motifs financiers.

 

B.         La conclusion de l’agente Blackburn voulant que la demanderesse reçoive de l’aide sociale relevait-elle d’une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans égard à la preuve portée à sa connaissance?

 

[31]           La demanderesse argue que l’agente Blackburn est parvenue à une conclusion de fait inique, en ne tenant pas compte du fait que la demanderesse ne pouvait toucher de revenu d’emploi parce qu’elle doit s’occuper de son conjoint, le répondant, 24 heures sur 24. La demanderesse ajoute que les nouveaux renseignements inclus dans les pièces K, L, M et N de l’affidavit du répondant démontrent les problèmes médicaux de ce dernier, décrits intégralement dans la décision du Tribunal de l’assistance sociale de l’Ontario.

 

[32]           Le défendeur avance que la preuve fournie par la demanderesse ne démontrait pas qu’elle devait consacrer tout son temps aux soins qu’elle prodigue à son conjoint. Je suis d’accord.

 

[33]           Il incombe à la demanderesse d’établir les faits sur lesquels repose sa demande, et toute omission de sa part à cet égard est commise à ses risques et périls : Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, [2004] 2 C.F. 635, le juge Evans, au paragraphe 8. La demanderesse aurait pu soumettre des observations sur la nature et l’importance de son travail de soignante auprès de son conjoint. Son omission de présenter une preuve suffisante à l’agente ne l’autorise pas à soumettre cette même preuve à l’étape du contrôle judiciaire.

 

[34]           L’agente Blackburn s’est vu remettre une preuve limitée concernant le rôle de la demanderesse relativement aux problèmes médicaux de son répondant. Dans la mesure où la demanderesse affirme que les « dispositions nécessaires » ont été prises pour assurer sa propre subsistance aux termes de l’article 39 de la LIPR, il revient à l’agente Blackburn d’évaluer ces dispositions et de décider si elles font de la demanderesse une candidate admissible : Purohit c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 620, 114 A.C.W.S. (3d) 732, le juge Michael Kelen, au paragraphe 14. Il était raisonnable de la part de l’agente Blackburn, au vu du dossier, de parvenir à la décision selon laquelle on pouvait s’attendre à ce que la demanderesse s’en remette à l’assistance sociale, de sorte qu’elle devenait interdite de territoire pour motifs financiers.

 

C.        Les prestations du POSPH constituent-elles de l’aide sociale, de manière à justifier le refus d’une demande de résidence permanente en vertu de l’article 39 de la LIPR?

 

[35]           Les motifs que j’ai formulés en réponse à la première question règlent comme il se doit cet aspect de la demande.

 

D.        L’agente Blackburn a-t-elle manqué à l’obligation d’équité procédurale?

 

[36]           La demanderesse fait valoir que l’agente a manqué à l’obligation d’équité procédurale en ne l’informant pas que, comme elle touchait des prestations du POSPH, elle risquait d’être interdite de territoire au Canada en vertu de l’article 39 de la LIPR, et en ne lui permettant pas de régler ce problème. La demanderesse ajoute que les lettres relatives à l’équité qui lui ont été envoyées mentionnaient seulement le problème lié au fait que le répondant touchait des prestations du POSPH.

 

[37]           Le paragraphe pertinent des lettres relatives à l’équité presque identiques est reproduit ici :

[traduction] Selon les renseignements fournis, votre demande en vue de demeurer au Canada en qualité de résidente permanente devra possiblement être rejetée, car il semble que vous soyez visée par l’article 39 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, c’est-à-dire que vous êtres interdite de territoire au Canada. Plus précisément, votre conjoint et répondant, Mario Washington Villano Gimenez, reçoit des prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH). Le motif qui précède justifierait le refus de votre demande de résidence permanente.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[38]           La demanderesse attire l’attention du tribunal sur la phrase soulignée.

 

[39]           Les lettres sèment la confusion. Étant donné l’historique complexe de ce dossier, la présence de la phrase soulignée a contribué à embrouiller la demanderesse; elle a détourné son attention de la question principale de manière à la faire porter sur la capacité de M. Gimenez à la parrainer malgré le fait qu’il touche des prestations du POSPH.

 

[40]           Dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Abdul, 2009 CF 967, [2009] A.C.F. 1178 (QL), le juge Kelen de la Cour affirme, au paragraphe 26, qu’une lettre relative à l’équité ne comportait pas de demande claire visant l’obtention des renseignements nécessaires pour permettre une évaluation personnalisée d’une interdiction de territoire pour motifs sanitaires. La partie déroutante de la lettre d’équité était reproduite au paragraphe 4 de la décision :

[traduction] Vous pouvez soumettre tout renseignement portant sur la question du fardeau excessif s’il s’applique à votre cas. […]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[41]           Manifestement, la mention spécifique des prestations du POSPH que touche le répondant a semé la confusion dans l’esprit de la demanderesse et de son avocat. Qui plus est, CIC a réutilisé la même formulation que dans les lettres d’équité en répondant aux réponses de la demanderesse, lesquelles réponses auraient dû mettre en lumière l’étendue de la confusion. J’estime que la lettre d’équité n’a pas permis à la demanderesse de fournir l’information demandée. Il y a donc eu manquement à l’équité procédurale de la part de l’agente d’immigration.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

1.                  cette demande de contrôle judiciaire est accueillie;

2.                  l’affaire sera renvoyée pour nouvel examen.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Alain Hogue, trad. a


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1926-09

 

INTITULÉ :                                       DELISA c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :               1er DÉCEMBRE 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                      27 JANVIER 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Yiadom A. Atuobi-Danso

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

Alexis Singer

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Yiadom A. Atuobi-Danso

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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