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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20100128

Dossier : T-1953-08

Référence : 2010 CF 101

Ottawa (Ontario), le 28 janvier 2010

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

LA PREMIÈRE NATION DES WAYWAYSEECAPPO

demanderesse

et

 

STEPHANIE COOKE et MONA G. BROWN

en sa qualité d’arbitre nommée conformément aux dispositions du

CODE CANADIEN DU TRAVAIL, L.R.C. 1985,

ch. L-2, partie III, section XIV

défenderesses

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée conformément à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, visant la décision (la décision) qui a été rendue le 27 novembre 2008 par l’arbitre Mona G. Brown (l’arbitre) en application de l’article 242 du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2 (le Code), et qui rejetait la requête de la demanderesse par laquelle elle voulait contester la compétence de l’arbitre à entendre la plainte que la défenderesse avait déposée pour congédiement injuste.

 

 

LE CONTEXTE

 

[2]               La défenderesse, Stephanie Cooke, avait été envoyée comme commis de détachement au poste de la GRC situé dans la réserve de la Première Nation des Waywayseecappo. Le 5 avril 2005, elle est partie en congé de maternité.

 

[3]               Quand la défenderesse a été engagée, le financement de son poste était prévu par un accord tripartite (le premier accord tripartite) auquel étaient parties le gouvernement du Canada, le gouvernement du Manitoba et la demanderesse. Le 1er avril 2005 ou vers cette date, à l’expiration du premier accord tripartite, les parties ont conclu un second accord (le second accord tripartite). Aux termes de ce second accord, le poste de commis de détachement de la GRC et le financement y afférent ont été supprimés. En conséquence du second accord tripartite, les membres du personnel anciennement employés par la demanderesse sont devenus des fonctionnaires employés par la Commission de la fonction publique.

 

[4]               La défenderesse a été informée qu’elle devait postuler de nouveau l’emploi de commis de détachement. Elle a ainsi postulé l’emploi auprès de la Commission de la fonction publique pendant qu’elle se trouvait en congé de maternité. Sa candidature n’a toutefois pas été retenue. La défenderesse a alors déposé une plainte à l’encontre de la demanderesse. L’arbitre a entendu cette plainte.

 

[5]               La demanderesse demande à la Cour de rendre une ordonnance annulant la décision de l’arbitre, qui a rejeté la requête de la demanderesse relative à sa compétence d’entendre l’affaire.

 

LA DÉCISION CONTESTÉE

 

[6]               L’arbitre a été nommée afin de trancher l’affaire, conformément à l’article 242 du Code, qui se trouve sous la section XIV, partie III.

 

[7]               L’arbitre a d’abord examiné la requête préliminaire contestant sa compétence sur le fondement de l’alinéa 242 (3.1)a) du Code, qui est ainsi rédigé :

(3.1) L’arbitre ne peut procéder à l’instruction de la plainte dans l’un ou l’autre des cas suivants :

 

a) le plaignant a été licencié en raison du manque de travail ou de la suppression d’un poste;

 

 

(3.1) No complaint shall be considered by an adjudicator under subsection (3) in respect of a person where

 

(a) that person has been laid off because of lack of work or because of the discontinuance of a function;

 

[8]               La demanderesse a affirmé que la défenderesse avait été licenciée du fait de la suppression d’un poste, et que par conséquent, l’arbitre n’était pas compétente pour entendre l’affaire.

 

[9]               L’arbitre a conclu que la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle avait une justification économique pour signer le second accord tripartite, qui éliminait le poste de commis de détachement. Elle a également conclu que [traduction] « la Première Nation a insensiblement écarté les répercussions que le nouvel accord aurait sur Mme Cooke ».

 

[10]           En outre, la demanderesse n’avait pas démontré qu’il lui était nécessaire d’éliminer le poste de la défenderesse pour garantir les avantages économiques découlant du second accord tripartite. L’arbitre a plutôt conclu : [traduction] « L’employeur avait le devoir de protéger le poste de Mme Cooke, à moins que l’élimination du poste se justifie par des raisons économiques valables. » Vu que la demanderesse était remboursée des salaire et des avantages payés à la défenderesse, la demanderesse n’avait pas [traduction] « donné de “justification économique” à la suppression du poste ». L’arbitre a établi que cette conclusion était appuyée par le fait que la défenderesse n’avait pas été avisée de son licenciement.

 

[11]           Il incombait à la demanderesse de démontrer qu’elle avait agi de bonne foi et qu’elle avait une justification économique, y compris en ce qui a trait à la suppression du poste. L’arbitre a conclu que la demanderesse n’était pas parvenue à se décharger du fardeau de la preuve à cet égard.

 

[12]           Toutefois, l’arbitre a conclu que, même dans le cas où la demanderesse aurait effectué de bonne foi une suppression de poste aux termes du paragraphe 242(3.1) du Code, elle aurait par ailleurs conservé sa compétence pour entendre l’affaire, et ce, pour les raisons suivantes :

 

a.                   La défenderesse n’a jamais été licenciée ou avisée de la suppression de son poste; or, un tel avis est nécessaire pour que la demanderesse puisse alléguer la suppression d’un poste;

b.                  Le paragraphe 168(1) du Code prévoit que les paragraphes 209.1(1) et (2) l’emportent sur le paragraphe 242(3.1), de sorte que la défenderesse ne pouvait pas être licenciée pendant qu’elle se trouvait en congé de maternité au sens de l’article 206.

L’article 168 du Code prévoit que la partie III l’emporte sur toute autre loi. Ainsi, l’arbitre a jugé que les dispositions du Code relatives au congé de maternité et à la garantie de réintégration contenues aux articles 206 à 209 constituaient des avantages acquis qui l’emportaient sur toutes les autres dispositions, y compris le paragraphe 242(3.1).

 

[13]           La défenderesse satisfaisait à toutes les conditions requises pour bénéficier du congé de maternité prévu à l’article 206 du Code et elle avait fourni le préavis requis. Par conséquent, l’arbitre a conclu qu’elle [traduction] « avait le droit d’être réintégrée dans son emploi ou de se voir offrir un emploi comparable, comme le prévoient les paragraphes 209.1(1) et (2) ». La demanderesse ne s’est pas conformée au paragraphe 209.1(2) du Code. Comme l’arbitre l’a déclaré : [traduction] « L’article 168 me confère expressément le pouvoir de conclure que le paragraphe 242(3.1) doit être interprété comme étant subordonné aux paragraphes 209.1(1) et (2) et que, par conséquent, l’employeur ne peut alléguer la suppression d’un poste parce que même si ce poste avait été supprimé légalement, l’employeur devait fournir à Mme Cooke un emploi comparable. »

 

[14]           L’arbitre a ordonné à la demanderesse de payer à la défenderesse des frais de 1 500 $, l’affaire devant reprendre sur la question du congédiement injuste.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[15]           En l’espèce, la demanderesse a soulevé les questions suivantes :

a.                   Quelle est la norme de contrôle applicable dans le cadre du présent contrôle judiciaire?

b.                  L’arbitre a‑t‑elle rendu sa décision en se fondant sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait?

c.                   La Cour devrait‑elle annuler la décision de l’arbitre, qui a conclu qu’il n’y avait pas eu de suppression de poste au sens de l’alinéa 242(3.1)a), parce qu’elle n’avait pas la compétence requise pour entendre la plainte de congédiement injuste en application du paragraphe 242(3) du Code canadien du travail?

d.                  L’arbitre avait‑elle la compétence voulue pour rendre une décision que la section XIV, partie III, du Code canadien du travail ne prévoit pas?

 

LES DISPOSITIONS LÉGALES

 

[16]           En l’espèce, les dispositions suivantes du Code sont pertinentes :

168. (1) La présente partie, règlements d’application compris, l’emporte sur les règles de droit, usages, contrats ou arrangements incompatibles mais n’a pas pour effet de porter atteinte aux droits ou avantages acquis par un employé sous leur régime et plus favorables

que ceux que lui accorde la présente partie.

[…]

 

 

 

206. L’employée qui travaille pour un employeur sans interruption depuis au moins six mois a droit à un congé de maternité maximal de dix‑sept semaines commençant au plus tôt onze semaines avant la date prévue pour l’accouchement et se terminant au plus tard dix‑sept semaines après la date effective de celui‑ci à la condition de fournir à son employeur le certificat d’un médecin attestant qu’elle est enceinte.

 

 

 

 

 

 

 

206.1 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), a droit à un congé d’au plus trente‑sept semaines l’employé qui travaille pour un employeur sans interruption depuis au moins six mois et qui doit prendre soin de son nouveau-né ou d’un enfant qui lui est confié en vue de

son adoption en conformité avec les lois régissant l’adoption dans la province où il réside.

 

 

 

(2) Le droit au congé ne peut être exercé qu’au cours des cinquante-deux semaines qui suivent :

 

a) s’agissant d’une naissance, soit le jour de celle-ci, soit le jour où l’employé commence effectivement à prendre soin de l’enfant, au

choix de l’employé;

 

b) s’agissant d’une adoption, le jour où l’enfant est effectivement confié à l’employé.

 

(3) La durée maximale de l’ensemble des congés que peuvent prendre deux employés en vertu du présent article à l’occasion de la naissance ou de l’adoption d’un enfant est de trente‑sept semaines.

[…]

 

209.1 (1) Les employés ont le droit de reprendre l’emploi qu’ils ont quitté pour prendre leur congé, l’employeur étant tenu de les y réintégrer à la fin du congé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

242. (3) Sous réserve du paragraphe (3.1), l’arbitre :

 

 

 

 

a) décide si le congédiement était injuste;

 

 

 

 

 

b) transmet une copie de sa décision, motifs à l’appui, à chaque partie ainsi qu’au ministre.

 

242. (3.1) L’arbitre ne peut procéder à l’instruction de la plainte dans l’un ou l’autre des cas suivants :

 

 

a) le plaignant a été licencié en raison du manque de travail ou de la suppression d’un poste;

 

 

168. (1) This Part and all regulations made under this Part apply notwithstanding any other law or any custom, contract or arrangement, but

nothing in this Part shall be construed as affecting any rights or benefits of an employee under any law, custom, contract or arrangement that are more favourable to the employee than his rights or benefits under this Part.

. . .

 

206. Every employee who

 

(a) has completed six consecutive months of continuous employment with an employer, and

 

(b) provides her employer with a certificate of a qualified medical practitioner certifying that she is pregnant is entitled to and shall be granted a leave of absence from employment of up to seventeen weeks, which leave may begin not earlier than eleven weeks prior to the estimated date of her confinement and end not later than seventeen weeks following the actual date of her confinement.

 

206.1 (1) Subject to subsections (2) and (3), every employee who has completed six consecutive months of continuous employment with an employer is entitled to and shall be granted a leave of absence from employment of up to thirty-seven weeks to care for a new-born child of the employee or a child who is in the care of the employee for the purpose of adoption under the laws governing adoption in the province in which the employee resides.

 

(2) The leave of absence may only be taken during the fifty‑two week period beginning

 

(a) in the case of a new-born child of the employee, at the option of the employee, on the day the child is born or comes into the actual care of the employee; and

 

(b) in the case of an adoption, on the day the child comes into the actual care of the employee.

 

(3) The aggregate amount of leave that may be taken by two employees under this section in respect of the same birth or adoption shall not exceed thirty-seven weeks.

. . .

 

 

 

209.1 (1) Every employee who takes or is required to take a leave of absence from employment under this Division is entitled to be reinstated in the position that the employee occupied when the leave of absence from employment commenced, and every employer of such an employee shall, on the expiration of any such leave, reinstate the employee in that position.

. . .

 

242. (3) Subject to subsection (3.1), an adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1) shall

 

(a) consider whether the dismissal of the person who made the complaint was unjust and render a decision thereon; and

 

 

(b) send a copy of the decision with the reasons therefor to each party to the complaint and to the Minister.

 

242. (3.1) No complaint shall be considered by an adjudicator under subsection (3) in respect of a person where

 

(a) that person has been laid off because of lack of work or because of the discontinuance of a function;

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[17]           Les deux parties conviennent que la question de la compétence doit être examinée à la lumière de la décision correcte. Dans la décision Erickson c. Shaw Radio Ltd., 144 F.T.R. 317, [1998] A.C.F. n° 391, la Cour fédérale a établi que la norme de contrôle applicable aux décisions portant sur la question de savoir si le paragraphe 242(3.1) du Code empêchait un arbitre d’examiner une plainte était la décision correcte.

 

[18]           La demanderesse a également soulevé des questions relatives aux conclusions de fait tirées par l’arbitre. D’après l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 51, la raisonnabilité s’applique comme norme aux questions de fait et à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. Aussi, la raisonnabilité s’applique à la question de savoir si la décision de l’arbitre était fondée sur des conclusions de fait erronées.

 

[19]           Lorsque la Cour effectue le contrôle de la décision selon la raisonnabilité, son analyse tiendra « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. » Dunsmuir, au paragraphe 47. Autrement dit, la Cour devrait intervenir seulement si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n'appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

LES ARGUMENTS

            La demanderesse

                        Les conclusions de fait erronées

 

[20]           La demanderesse fait valoir que l’arbitre a commis une erreur en s’en remettant au témoignage de l’inspecteur Kolody, qui n’a été partie à aucune des négociations ayant mené à la conclusion des deux accords tripartites, plutôt qu’à celui du chef Clearsky, qui a participé à ces négociations. L’inspecteur Kolody a admis tout ignorer des négociations. De plus, quand on l’a interrogé, il a été incapable de donner quelque information que ce soit au sujet de la raison pour laquelle, du fait de la conclusion du second accord tripartite, le poste de commis de détachement relevait désormais de la fonction publique.

 

[21]           Le chef Clearsky a toutefois affirmé que des instructions avaient été données [traduction] « en haut lieu » afin qu’en vertu du second accord tripartite, le poste de commis de détachement relève de la Commission de la fonction publique. Le chef Clearsky était d’avis que la reprise du poste par la GRC s’était effectuée en contrepartie des avantages économiques consentis à la demanderesse. En outre, il a déclaré que le second accord tripartite, qui a été signé en avril 2005, lui avait été présenté comme étant [traduction] « à prendre ou à laisser ».

 

[22]           L’arbitre a commis une erreur en s’en remettant au témoignage de l’inspecteur Kolody plutôt qu’à celui du chef Clearsky, étant donné que l’inspecteur ignorait tout des négociations ayant conduit à la conclusion du second accord tripartite :

[traduction]

 

Je conclus que la Première Nation des Waywayseecappo n’a pas prouvé qu’il y avait une justification économique au fait d’accepter de conclure le nouvel accord tripartite, par lequel le poste de commis de détachement a été supprimé. En fait, l’inspecteur Kolody a déclaré que la Première Nation avait eu la possibilité de conserver ce poste. Je conclus que la Première Nation a insensiblement écarté les répercussions que le nouvel accord aurait sur Mme Cooke […] Je conclus qu’il n’y avait que peu, voire qu’il n’y avait pas de preuves du fait que la Première Nation des Waywayseecappo devait éliminer le poste de commis de détachement afin de s’assurer d’obtenir les autres avantages économiques qu’elle tirait du nouvel accord tripartite en tant qu’employeur.

 

[23]           Par conséquent, l’arbitre a commis une erreur en fondant sa décision sur une conclusion de fait erronée et elle n’a pas tenu compte de tous les éléments dont elle disposait.

 

Le préavis de licenciement

 

[24]           L’arbitre a également commis une erreur en concluant que la défenderesse n’avait pas reçu de préavis de licenciement. Dans l’arrêt Kalaman c. Singer Valve Co., [1998] 2 W.W.R. 122, 38 B.C.L.R. (3d) 331 (QL), au paragraphe 38, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a conclu que pour être valide et produire des effets, un préavis de licenciement devait être communiqué de manière claire à l’employé en cause. Ce préavis doit être :

[traduction]

précis et non équivoque, de sorte qu’une personne sensée comprendra clairement que son emploi prendra fin à une date précise. La question de savoir si un prétendu préavis est précis et non équivoque devra faire l’objet d’un examen objectif à la lumière de l’ensemble des circonstances de chaque affaire.

 

[25]           La demanderesse a laissé entendre qu’en l’espèce, le préavis requis avait bien été fourni. Le 24 octobre 2005, un agent de la GRC a avisé la défenderesse que son poste avait été éliminé et qu’il relevait maintenant de la Commission de la fonction publique. L’offre d’emploi publiée par la Commission de la fonction publique a alors été remis à la défenderesse, qui a postulé le 26 octobre 2005. Dans ces circonstances, il est clair que la défenderesse a été avisée de son licenciement. L’arbitre a néanmoins conclu que [traduction] « Mme Cooke n’a jamais été avisée de son licenciement ».

 

La mauvaise foi

 

[26]           En outre, l’arbitre a omis d’examiner la preuve présentée par la défenderesse relativement à la malveillance dont la demanderesse aurait fait preuve. La défenderesse a admis qu’il n’y avait pas [traduction] « la moindre preuve » en ce sens.

 

[27]           Il revient à l’arbitre de décider de l’importance qu’il doit accorder à la preuve. Toutefois, la Cour peut intervenir si l’arbitre a attribué à la preuve une importance déraisonnable, a agi de façon déraisonnable ou a commis une erreur. Voir Société Radio-Canada c. Lemieux, 2001 CFPI 1314,  214 F.T.R. 178.

 

[28]           L’arbitre ne disposait d’aucune preuve donnant à penser que la demanderesse avait utilisé « la suppression d’un poste » dans le but de déguiser le licenciement de la défenderesse. En outre, la preuve dont l’arbitre disposait ne donnait aucunement à entendre que la demanderesse avait agi de mauvaise foi; c’est pourtant ce que l’arbitre a conclu.

 

La suppression d’un poste

 

[29]           La demanderesse prétend que l’arbitre a commis une erreur en concluant qu’il n’y avait pas eu de suppression de poste. D’après la décision Assemblée des Premières Nations c. Prud’Homme, [2002] C.L.A.D. n° 323 (QL), au paragraphe 63, l’expression « suppression d’un poste »

ne signifie pas que les fonctions sont complètement éliminées et qu’aucune autre personne au sein de l’organisme ne les assume. Si les activités qui font partie de l’ensemble ou du groupe d’activités sont réparties entre d’autres personnes ou si les responsabilités sont décentralisées, il y a « suppression d’[un poste] ». Par ailleurs, si un ensemble donné d’activités est simplement confié en totalité à une autre personne, ou si l’activité ou la tâche reçoit simplement un titre nouveau et différent de façon à pouvoir figurer dans une autre description de poste, alors on ne pourrait parler de la « suppression d’[un poste] » […]

 

[30]           La demanderesse a donné à entendre qu’il y avait une preuve non contredite selon laquelle le poste de commis de détachement avait été supprimé par suite de la réorganisation de la demanderesse, qui avait eu lieu pour des raisons économiques.

 

La compétence

 

[31]           Finalement, la demanderesse a fait valoir que l’arbitre avait commis une erreur en concluant qu’elle avait compétence pour entendre la plainte.

 

[32]           La demanderesse soutient que l’arbitre a outrepassé sa compétence en examinant la question de savoir si la demanderesse tombait sous le coup de la disposition relative à la maternité qui se trouve à la section VII du Code. En outre, s’il devait être établi qu’il y a bien eu suppression d’un poste, il serait alors clair que l’arbitre n’avait pas la compétence voulue pour se prononcer au sujet des droits de la défenderesse relatifs à son congé de maternité.

 

La défenderesse

 

[33]           La défenderesse affirme que l’arbitre a décidé avec raison qu’il revenait à la demanderesse  de prouver qu’elle avait supprimé le poste de bonne foi. En outre, à la lumière de la preuve dont elle disposait, l’arbitre a à juste titre conclu que la demanderesse n’avait pas donné de justification économique au fait d’avoir supprimé le poste de la défenderesse.

 

[34]           Bien que le chef Clearsky ait fait part de son opinion selon laquelle le poste de commis de détachement avait fait l’objet d’un marché visant à augmenter les revenus de propriété et de loyer, la défenderesse a répondu que cette affirmation n’était pas étayée par le témoignage de l’inspecteur Kolody, ni corroborée par d’autres preuves.

 

[35]           L’arbitre a conclu avec raison qu’il n’y avait aucune justification économique à la suppression du poste de la défenderesse. Il n’y a pas eu de mise à pied étant donné que la demanderesse devait être intégralement remboursée des salaires et des avantages payés à la défenderesse. En outre, il est clair que cette suppression ne se justifiait pas par un manque de travail, étant donné que toutes les tâches accomplies par le titulaire de ce poste ont été simplement confiées à un nouvel employé, sous couvert d’une nouvelle appellation de poste.

 

[36]           Le chef Clearsky a admis que la relation entre le poste de commis de détachement et les avantages économiques pour la demanderesse n’était pas claire. En outre, aucune preuve ne montre que cette soi-disant relation était autre chose que l’opinion personnelle du chef Clearsky.

 

[37]           La seule preuve de justification économique venait du témoignage non corroboré du chef Clearsky. Comme le juge l’a initialement déclaré dans la décision Première Nation de Wolf Lake c. Young, (1997), 130 F.T.R. 115, déclaration reproduite dans la décision Nation Maliseet À Tobique c. Bear, 178 F.T.R. 121, [1999] A.C.F. n° 1846, au paragraphe 14 : « Le bon sens commande que l’arbitre ne soit pas tenu d’accepter simplement l’affirmation de l’employeur portant que l’employé a été licencié pour les motifs décrits à l’alinéa 242(3.1)a) ». Par conséquent, la défenderesse donne à entendre qu’à la lumière des faits et des témoignages que l’arbitre avait à sa disposition, celle‑ci n’aurait pas pu raisonnablement tirer d’autre conclusion.

 

La suppression d’un poste

 

[38]           L’arbitre a conclu avec raison qu’en l’espèce, il n’y avait pas eu suppression d’un poste. Au lieu de cela, une autre personne a été engagée afin d’effectuer les mêmes tâches que celles que la défenderesse accomplissait. Aucune preuve n’a été présentée en vue de prouver que les tâches dont la défenderesse s’acquittait avaient été décentralisées ou divisées.

 

[39]           En outre, l’intimée n’a pas reçu de préavis de suppression de son poste, ce qui est un préalable à toute conclusion de suppression d’un poste. D’après l’arrêt Kalaman, au paragraphe 38, [traduction] « un préavis doit être précis et non équivoque, de sorte qu’une personne sensée comprendra clairement que son emploi prendra fin à une date précise ».

 

[40]           Le chef Clearsky ne savait pas si un préavis avait été donné à la défenderesse. En outre, la défenderesse affirme qu’elle n’avait pas été avisée du fait que son emploi avait été supprimé, ou tout du moins pas avant le 24 octobre 2005, soit six mois plus tard. De fait, l’arrêt Kalaman exige que le préavis soit fourni avant de supprimer le poste. La défenderesse affirme qu’[traduction] « un préavis postérieur aux faits n’est en rien un préavis. »

 

La mauvaise foi

 

[41]           Il n’appartient pas à la défenderesse de prouver que la demanderesse a agi de mauvaise foi. Il appartient plutôt à la demanderesse de prouver qu’elle a agi de bonne foi et qu’il y avait une justification économique à ses actions. La demanderesse ne s’est pas déchargée du fardeau de la preuve.

 

La compétence

 

[42]           L’article 168 du Code prévoit clairement que la partie III du Code l’emporte sur les autres règles de droit. Les dispositions de la section XIV tombent par conséquent sous le coup de l’article 168. Ainsi, les dispositions relatives au congé de maternité et à la garantie de réintégration des articles 206 à 209 l’emportent sur les autres dispositions. L’alinéa 242(3.1)a) doit donc être interprété comme étant soumis à ces articles, qui ont priorité d’application. L’arbitre a correctement interprété l’alinéa 243(3.1)a), et elle avait la compétence voulue pour se prononcer comme elle l’a fait.

 

ANALYSE

            La justification économique donnée de bonne foi

 

[43]           L’arbitre a décidé qu’elle avait la compétence voulue pour entendre la plainte, étant donné qu’il n’y avait pas eu de « suppression d’un poste » faite de bonne foi, aux termes de l’alinéa 242(3.1)a) du Code. Elle était donc en mesure d’entendre la plainte pour congédiement injuste en application du paragraphe 242(3) du Code.

 

[44]           L’arbitre a correctement souligné qu’il revenait à la demanderesse de présenter des preuves du fait qu’elle avait supprimé le poste en cause de bonne foi, et qu’elle avait une justification économique, conformément au raisonnement effectué par le juge Beaudry dans la décision Thomas c. Bande indienne crie d’Enoch, 2003 CFPI 104, 227 F.T.R. 236, aux paragraphes 35 à 40.

 

[45]           À la lumière des faits, l’arbitre a conclu que la demanderesse n’avait pas prouvé qu’elle avait supprimé le poste de commis de détachement de bonne foi, ni qu’elle avait une justification économique. Cette conclusion se fondait sur le fait que la demanderesse [traduction] « n’a pas prouvé qu’il y avait une justification économique au fait de signer le nouvel accord tripartite, qui éliminait le poste de “commis de détachement” », ce qui a amené l’arbitre à conclure que la demanderesse [traduction] « a insensiblement écarté les répercussions que le nouvel accord aurait sur Mme Cooke » :

[traduction]

Je conclus qu’il n’y avait que peu, voire qu’il n’y avait pas de preuves du fait que la Première Nation des Waywayseecappo devait éliminer le poste de commis de détachement afin de s’assurer d’obtenir les autres avantages économiques qu’elle tirait du nouvel accord tripartite en tant qu’employeur. L’employeur avait le devoir de protéger le poste de Mme Cooke, à moins que l’élimination du poste se justifiât par des raisons économiques valables. La preuve a montré que la Première Nation était intégralement remboursée des salaires et des avantages payés à Mme Cooke, et il est donc difficile, pour ne pas dire impossible, pour la Première Nation de fournir une « justification économique » de la suppression du poste. Le chef Clearsky a admis n’avoir jamais vraiment réfléchi à l’élimination du poste, ajoutant qu’aucun représentant du gouvernement fédéral n’avait jamais dit qu’il devrait y avoir un marché : la fonction publique reprenant le poste de « commis de détachement » en échange d’une augmentation des revenus de logement et de loyer de l’ancien employeur. L’inspecteur Kolody a affirmé que la Première Nation aurait eu le choix entre poursuivre l’entente relative au poste de « commis de détachement » et placer ce poste sous la responsabilité de la fonction publique. Il a affirmé que la GRC préférait généralement que le poste relève de l’employeur, dans la mesure où celui‑ci connaît les candidats locaux et que cette connaissance s’avère souvent utile. Je conclus que l’employeur ne s’est pas déchargé du fardeau qui lui incombait, lequel consistait à donner une raison ou une justification économique au fait d’avoir renoncé à son droit d’engager le « commis de détachement ». Dans l’ensemble, la preuve qui a été présentée donne à penser que l’employeur a carrément oublié la question ou l’a classée sans penser aux répercussions que cela aurait sur Mme Cooke, ou encore à ses obligations légales vis‑à‑vis de celle‑ci aux termes du Code. Ma conclusion se trouve renforcée par le fait que Mme Cooke n’a jamais reçu de préavis de licenciement.

 

[46]           L’arbitre s’est jugée compétente pour entendre l’affaire en se fondant sur le fait que la demanderesse a supprimé le poste de commis de détachement, mais sans se décharger du fardeau qui lui incombait, lequel consistait à prouver qu’elle avait supprimé le poste de bonne foi et qu’il y avait une justification économique.

 

[47]           L’arbitre a conclu que la demanderesse n’avait pas prouvé qu’elle avait supprimé le poste de bonne foi et qu’il y avait une justification économique, au sens où on l’entend dans l’arrêt Flieger c. Nouveau‑Brunswick, [1993] 2 R.C.S. 651, [1993] A.C.S. n° 76, et ce, pour les motifs suivants :

a.       La demanderesse avait le choix de conserver le poste de commis de détachement. Les autres parties au second accord tripartite n’avaient pas demandé à ce que le poste soit transféré à la fonction publique;

b.      Il n’y avait aucune preuve du fait que la demanderesse avait dû éliminer le poste afin de garantir les autres avantages économiques;

c.       La preuve montrait que la demanderesse était remboursée de tous les salaires et avantages payés à la défenderesse; la demanderesse a donc supprimé le poste sans justification économique;

d.      L’inspecteur Kolody a déclaré que la GRC préférait généralement que ce poste soit du ressort de la Première Nation employeuse;

e.       La demanderesse ne s’était pas déchargée du fardeau qui lui incombait, lequel consistait à prouver qu’elle avait renoncé de bonne foi à son droit d’engager le commis de détachement et qu’elle avait une raison ou une justification économique;

f.        Les autres raisons données étaient renforcées par le fait que la défenderesse n’avait jamais reçu de préavis de licenciement.

 

[48]           La demanderesse s’oppose à la conclusion selon laquelle elle n’a pas prouvé avoir agi de bonne foi avec une justification économique en disant, essentiellement, que l’arbitre s’en est remis au témoignage de l’inspecteur Kolody (qui n’avait été partie à aucune des négociations ayant mené à la conclusion des deux accords tripartites), plutôt qu’à celui du chef Clearsky, qui avait participé à ces négociations. À cet égard, la demanderesse affirme que l’arbitre a [traduction] « rendu sa décision en se fondant sur des conclusions de fait erronées ou […] sans tenir compte des éléments dont elle disposait ».

 

[49]           L’examen de la décision que j’ai effectué me donne à penser que l’arbitre a très soigneusement étudié et soupesé les témoignages de l’inspecteur Kolody, du chef Clearsky et de la défenderesse relatifs à la question déterminante de la justification économique donnée de bonne foi. La demanderesse souligne que plusieurs éléments du témoignage du chef Clearsky auraient dû revêtir plus d’importance et laisse entendre qu’on a accordé trop de poids aux propos de l’inspecteur Kolody. Plus particulièrement, la demanderesse souligne le fait que le chef Clearsky a déclaré que selon lui, le transfert du poste de commis de détachement à la fonction publique se traduirait pour la demanderesse par une augmentation de ses revenus de logement et de loyer.

 

[50]           Toutefois, dans sa décision, l’arbitre a examiné les déclarations du chef Clearsky, et ses conclusions s’appuient sur des motifs solides. Rien ne donne à penser que la preuve a été écartée ou mal évaluée, ou encore que les conclusions de l’arbitre étaient déraisonnables compte tenu du tableau d’ensemble de la situation.

 

[51]           La demanderesse affirme qu’en examinant la question de la justification économique donnée de bonne foi, l’arbitre a omis de tenir compte de ces éléments de preuve cruciaux :

                                       i.                              Les déclarations faites par la défenderesse lors du contre‑interrogatoire, quand on lui a demandé s’il était possible que la demanderesse ait fait preuve de malveillance en supprimant le poste et qu’elle a répondu qu’il n’y avait pas [traduction] « la moindre preuve en ce sens »;

                                     ii.                              Aucune preuve n’a montré que la demanderesse s’est dissimulée derrière le motif de la suppression d’un poste pour se débarrasser de la défenderesse.

 

[52]           Il n’y a rien dans la décision qui fasse référence à de la [traduction] « malveillance » ou à de la [traduction] « dissimulation ». L’arbitre a conclu que la demanderesse n’avait présenté aucune preuve de sa bonne foi ou de l’existence d’une justification économique ou autre expliquant le fait qu’elle avait supprimé le poste de la défenderesse, et cette dernière a souscrit à la formulation selon laquelle la demanderesse avait [traduction] « insensiblement écarté les répercussions que le nouvel accord aurait sur Mme Cooke ».

 

[53]           La décision se fonde sur le fait que la demanderesse n’a pas prouvé qu’elle avait supprimé le poste de bonne foi et qu’elle avait une justification économique. Après avoir étudié et évalué la preuve, je ne peux affirmer que cette conclusion était inexacte ou déraisonnable. La déclaration de la défenderesse selon laquelle il ne lui semblait pas qu’il y ait eu [traduction] « malveillance » ne signifie pas pour autant que la demanderesse s’est déchargée du fardeau qui lui incombait, lequel consistait à prouver qu’elle avait agi de bonne foi et qu’elle avait une justification économique. La décision est fondée sur l’incapacité de la demanderesse à se décharger du fardeau de la preuve. À cet égard, je ne vois aucune erreur susceptible de contrôle.

 

Les témoignages contradictoires

 

[54]           La demanderesse affirme que, dans l’affidavit qu’il a déposé afin d’appuyer la présente demande de contrôle judiciaire (il n’y a pas eu de contre-interrogatoire), le chef Clearsky fournit des preuves incontestées du fait que certaines conclusions que l’arbitre a tirées relativement aux déclarations qu’il a faites à l’audience sont inexactes.

 

[55]           En examinant l’affidavit du chef Clearsky, je remarque les choses suivantes :

                                       i.                              Au paragraphe 4a), il affirme que le second accord tripartite [traduction] « était économiquement avantageux pour ma Première Nation ». L’arbitre n’a pas omis ce fait qui, quoi qu’il en soit, n’est pas pertinent. La question est de savoir si la demanderesse a supprimé le poste de la défenderesse de bonne foi et si elle avait une justification économique. La question centrale est de savoir si la demanderesse était tenue de supprimer le poste de la défenderesse afin de garantir les avantages économiques prévus par le second accord tripartite. Rien ne le prouve. En outre, dans son affidavit, le chef Clearsky a déclaré que cet accord était [traduction] « économiquement avantageux », ce qui est trop vague et général pour être utile à la Cour en l’espèce;

                                     ii.                              Au paragraphe 4c), le chef Clearsky affirme avoir mentionné dans son témoignage que [traduction] «  La réorganisation prévue dans l’accord tripartite qui a été négocié le 1er avril 2005 promettait des avantages économiques et financiers certains à ma Première Nation. » Les commentaires que j’ai formulés ci‑dessus au sujet du paragraphe 4a) s’appliquent ici aussi;

                                    iii.                              Au paragraphe 6, le chef Clearsky déclare : [traduction] « Il est faux de dire que je n’ai “jamais vraiment réfléchi” à la suppression du poste. Je me suis plutôt concentré sur le fait que la reprise du poste de “commis de détachement” par la GRC en échange d’une augmentation des revenus de logement et de loyer de la demanderesse était un marché économiquement et financièrement avantageux pour ma Première Nation. » Dans la première partie du paragraphe 6, le chef Clearsky évoque le contenu de son « témoignage », et ces points sont examinés dans la décision. Toutefois, le chef Clearsky ne précise pas avoir verbalisé la partie du paragraphe 6 citée ci‑dessus. Le témoignage du chef Clearsky donné après l’audience selon lequel il a effectivement tenu compte de ces considérations ne prouve pas qu’il a présenté ce témoignage à l’arbitre. Par conséquent, il n’y a rien dans ses propos qui contredise ou atténue avec pertinence les conclusions de l’arbitre;

                                   iv.                              Au paragraphe 7, le chef Clearsky ne dit pas avoir témoigné de l’existence d’une [traduction] « entente tacite » devant l’arbitre, et celle‑ci a examiné les autres points qu’il a soulevés.

 

[56]           Tout compte fait, il n’y a rien dans l’affidavit du chef Clearsky qui compromette les conclusions que l’arbitre a tirées relativement à la question centrale, celle de savoir si la demanderesse s’est déchargée du fardeau de la preuve en montrant qu’elle a supprimé le poste de la défenderesse de bonne foi et qu’elle avait une justification économique. L’absence de preuve de l’existence d’une justification économique ou de la bonne foi de la demanderesse distingue la présente cause de la plupart des affaires semblables, y compris celles que la demanderesse a évoquées à l’audience.

 

[57]           Mes conclusions relatives à cette question centrale sont déterminantes. Les autres raisons que l’arbitre a données pour décider qu’elle était compétente ont été avancées à titre subsidiaire. Toutefois, j’examinerai la question du préavis de licenciement ainsi que celle de la réorganisation, ces deux questions étant liées au principal motif, la suppression d’un poste de bonne foi.

 

Le préavis de licenciement

 

[58]           La demanderesse affirme que le 24 octobre 2005, la défenderesse a été avisée par le sergent Richard que son poste était supprimé et relevait maintenant de la Commission de la fonction publique. On a alors fourni à la défenderesse l’avis de recrutement de la Commission de la fonction publique et la défenderesse a posé sa candidature. C’est à la lumière de ces faits que la demanderesse affirme qu’[traduction] « Un préavis de licenciement clair a été envoyé à la plaignante. » Je ne vois pas en quoi cet élément est pertinent en l’espèce.

 

[59]           Pour commencer, le fait que la défenderesse [traduction] « n’a jamais été licenciée ou avisée de la suppression de son poste » est un motif subsidiaire fondant la décision sur la compétence. Le préavis de licenciement est mentionné en regard du motif de [traduction] « justification économique donnée de bonne foi », mais seulement parce qu’on insiste ici sur l’incapacité de la demanderesse à prouver qu’elle a agi de bonne foi et qu’elle avait une justification économique.

 

[60]           Deuxièmement, quoi que le sergent Richard ait pu dire à la défenderesse le 24 octobre 2005 au sujet du poste qu’elle occupait auprès de la demanderesse, il ne s’agissait pas d’un préavis de licenciement informant la défenderesse qu’elle était licenciée et que son poste était supprimé. Cette communication a eu lieu après les faits, et la preuve montre clairement que la demanderesse n’a pas pris la peine de fournir le type de préavis exigé par la loi. Voir l’arrêt Kalaman, précité, au paragraphe 38, et l’article 230 du Code.

 

[61]           Troisièmement, le fait que la défenderesse ait été en mesure de se porter candidate à l’obtention du nouveau poste ne prouve pas qu’on lui a fourni le préavis de licenciement ou de suppression de poste requis relativement à l’ancien poste. Le simple fait que la défenderesse se soit efforcée d’arranger sa situation ne signifie pas que la demanderesse a fait preuve de bonne foi à son égard, ou qu’elle a agi conformément à la loi en ce qui concerne l’envoi du préavis adéquat.

 

La réorganisation

 

[62]           La demanderesse renvoie à la décision Prud’Homme et affirme qu’elle ne devrait pas être blâmée pour avoir supprimé le poste de commis de détachement [traduction] « du fait de la diligence de l’employeur à réorganiser sa structure pour des raisons économiques, le poste de commis de détachement ayant été éliminé dans le courant du processus de réorganisation ». Cela revient à répéter l’argument selon lequel [traduction] « l’arbitre n’avait aucune preuve à sa disposition voulant que cette décision soit autre chose que “sincère et de bonne foi” ». La décision d’effectuer une réorganisation économique revient à l’employeur, mais cette prérogative ne le dispense pas de prouver qu’il a agi de bonne foi et que la suppression d’un poste se justifiait sur le plan économique. Voir Mathur c. Bank of Nova Scotia (2001), 12 C.C.E.L. (3d) 280, [2001] C.L.A.D. n° 524.

 

[63]           Une fois encore, il s’agit d’une question relative à l’importance accordée à la preuve. La décision est fondée sur l’incapacité de la demanderesse à prouver qu’elle a agi de bonne foi en supprimant le poste, pour des raisons économiques. Comme je l’ai dit plus tôt, je ne vois rien qui puisse donner à penser que l’arbitre a négligé ou mal évalué certains éléments de preuve en parvenant à la conclusion que la demanderesse n’a pas apporté la preuve de sa bonne foi.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande est rejetée et l’affaire est renvoyée devant l’arbitre pour continuation de l’audience.

2.                  Les dépens de la présente demande sont adjugés à la défenderesse.

 

 

    « James Russell »

   Juge

Traduction certifiée conforme

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1953-08

 

INTITULÉ :                                       PREMIÈRE NATION DES WAYWAYSEECAPPO

                                                            c.

                                                            STEPHANIE COOKE et MONA BROWN

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 19 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Russell

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 28 janvier 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

J. R. Norman Boudreau

 

POUR LA DEMANDERESSE

Victor B. Olson

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

J. R. Norman Boudreau

Booth Dennehy LLP

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Victor B. Olson

Merchant Law Group

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

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