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Federal Court

 

Cour fédérale

 


 

Date : 20100121

Dossier : T-1502-08

Référence : 2010 CF 73

Calgary (Alberta), le 21 janvier 2010

En présence de madame la juge Snider

 

 

ENTRE :

MARTY SANDERS

demandeur

 

et

 

SMART & BIGGAR INTELLECTUAL

PROPERTY & TECHNOLOGY LAW

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, M. Marty Sanders, est le propriétaire inscrit de l’enregistrement no LMC574587 portant sur la marque de commerce « UGGLY BOOTS » (la Marque), déposée en liaison avec des « pantoufles, bottes et souliers pour dames et hommes ». La Marque a été déposée le 21 décembre 1999.

 

[2]               En février 2006, Smart & Biggar Intellectual Property and Technology Law (la défenderesse) a engagé la procédure de radiation de l’enregistrement de la Marque, au motif que le demandeur n’avait pas employé la Marque entre 2003 et 2006. Dans une décision datée du 29 juillet 2008, un membre de la Commission des oppositions des marques de commerce (la Commission) a tranché en faveur de la radiation de la Marque, conformément au paragraphe 45(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi). Le fondement de cette décision était que le demandeur n’avait pas « démontré qu’il a employé la Marque au Canada en liaison avec chacune des marchandises spécifiées dans l’enregistrement au cours de la période pertinente [entre le 28 février 2003 et le 28 février 2006], comme l’exige l’article 4 de la Loi ».

 

[3]               Le demandeur interjette appel de la décision de radier la marque, en application du paragraphe 56(1) de la Loi.

 

[4]               La défenderesse n’a pas présenté d’observations concernant le bien-fondé du présent appel, et a mentionné à la Cour qu’elle ne prendrait pas position.

 

Régime législatif

 

[5]               Je débute par un aperçu du régime législatif.

 

[6]               En vertu du paragraphe 4(1) de la Loi, une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

[7]               Le défendeur a amorcé l’examen de la Marque en présentant une demande en application du paragraphe 45(1) de la Loi. Le paragraphe 45(1) prévoit que le registraire peut donner au propriétaire inscrit un avis lui enjoignant de fournir, dans les trois mois suivant sa réception, un affidavit ou une déclaration solennelle. Une fois que l’avis prévu au paragraphe 45(1) est donné, le propriétaire inscrit doit indiquer que la marque de commerce en cause a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis. Si le propriétaire inscrit ne peut le faire, il doit indiquer la date à laquelle la marque de commerce a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. Par conséquent, le demandeur, le propriétaire inscrit de la Marque, devait établir à la satisfaction du registraire qu’il employait la Marque en liaison avec les marchandises au Canada, à un quelconque moment entre le 28 février 2003 et le 28 février 2006.

 

[8]               Le demandeur a interjeté appel de la décision de la Commission en vertu de l’article 56 de la Loi. Selon le paragraphe 56(5), lors de l’appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et la Cour peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.

 


Analyse

 

[9]               Lorsqu’une décision de la Commission fait l’objet d’un appel, le droit indique sans équivoque quelle est la norme de contrôle applicable. Comme l’a affirmé le juge David Near dans la décision Loro Piana S.P.A. c. Conseil canadien des ingénieurs, 2009 CF 1096, [2009] A.C.F. n1344, aux paragraphes 14 et 15 :

En appel, la norme de contrôle à appliquer lorsqu’aucune preuve nouvelle n’est déposée qui aurait influé de façon significative sur les conclusions du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire est la décision raisonnable (voir Mattel Inc. c. 3894207 Canada Inc., [2006] 1 R.C.S. 772, 49 C.P.R. (4th) 321, aux paragraphes 40 et 41, Guido Berlucchi & C.S.r.l. c. Brouillette Kosie Prince, 2007 CF 245, 49 C.P.R. (4th) 321, au paragraphe 23, ainsi que Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190).

 

Quand, dans le cadre de l’appel, on dépose une preuve additionnelle qui aurait influé de manière significative sur les conclusions de fait du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour doit trancher la question de novo en tenant compte de la totalité des éléments de preuve qui lui sont soumis (Shell Canada Limitée c. P.T. Sari Incofood Corporation, 2008 CAF 279, 68 C.P.R. (4th) 390). Pour évaluer l’effet que cette preuve additionnelle aura par rapport à la norme de contrôle, il est nécessaire de déterminer la mesure dans laquelle cette preuve a une importance probante qui s’étend au-delà des éléments dont disposait la Commission (Guido Berlucchi & C.S.r.l., précitée, et Fairweather Ltd. c. Canada (Registraire des marques de commerce), 2006 CF 1248, C.P.R. (4th) 50).

 

[10]           Au cours de l’instance devant la Commission, le demandeur a présenté bien peu d’éléments de preuves à l’appui de son emploi de la Marque. Dans sa décision, la Commission a fait observer que la preuve présentée par le demandeur était « truffée d’ambiguïtés » et d’omissions. Il appert que le demandeur a retenu la leçon, car il a fourni à la Cour des éléments de preuve complets, détaillés et sans équivoque de son emploi de la Marque.

[11]           Le demandeur prétend que la nouvelle preuve qu’il a présentée à la Cour dans le cadre du présent appel est suffisante pour démontrer qu’il employait la marque au Canada au cours de la période d’examen. Je suis d’accord avec sa prétention.

 

[12]           Lors du présent appel – contrairement à l’instance ayant eu lieu devant la Commission – le demandeur a présenté une quantité importante de nouveaux éléments de preuve qui portaient directement et de manière convaincante sur l’emploi de la Marque entre le 28 février 2003 et le 28 février 2006. Les affidavits des clientes Amanda Clare Cragg, Gerardina Klis, Dianne Dietrich, Jessica Klis et Linda Klikac, ne sont pas que de simples allégations que la Marque, UGGLY BOOTS, était employée. En fait, chaque affidavit est accompagné de factures qui démontrent le transfert des marchandises arborant la Marque entre le demandeur et des tiers au Canada. Chaque facture comporte un numéro de TPS dans le bas, et une date dans le haut. Ces dates sont toutes comprises dans la période allant du 28 février 2003 au 28 février 2006.

 

[13]           Je conclus que les éléments de preuve dont je suis saisi sont suffisants pour démontrer l’existence de :

[…] la preuve d’une seule vente, en gros ou au détail, effectuée dans la pratique normale du commerce peut suffire dans la mesure où il s’agit d’une véritable transaction commerciale et qu’elle n’est pas perçue comme ayant été fabriquée ou conçue délibérément pour protéger l’enregistrement de la marque de commerce en litige (Guido, précitée, au paragraphe 17).

 

[14]           De plus, selon le principe de la « pratique normale du commerce », quand il n’y a pas de preuve que la crédibilité de l’auteur d’un affidavit est contestée, la bonne foi est présumée (voir Guido, précitée, au paragraphe 52). En l’espèce, la crédibilité des affidavits présentés à l’appui de l’emploi de la Marque n’est pas contestée. Je conclus donc que le demandeur s’est acquitté de son fardeau de prouver « l’emploi » en vertu de l’article 4 de la Loi. Des biens arborant la Marque, UGGLY BOOTS, ont été distribués ou transférés du demandeur à des tiers au Canada entre le 28 février 2003 et le 28 février 2006, dans la pratique normale du commerce.

 

Conclusion

 

[15]           Pour terminer, je conclus que le demandeur a prouvé l’emploi de la Marque en liaison avec les marchandises enregistrées au cours de la période pertinente. Par conséquent, l’appel sera accueilli. Le demandeur n’a pas demandé les dépens, et aucuns ne seront adjugés.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  l’appel est accueilli et que la décision du 29 juillet 2008 de la Commission des oppositions des marques de commerce concernant l’enregistrement no LMC574,587 est annulée;

 

2.                  l’enregistrement no LMC574587 est maintenu au registre, sans modifications;

 

3.                  aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-1502-08

 

INTITULÉ :                                                   MARTY SANDERS c.

                                                                        SMART & BIGGAR INTELLECTUAL

                                                                        PROPERTY &TECHNOLGY LAW

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 21 janvier 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Neil Kathol                                                       POUR LE DEMANDEUR

 

Aucune comparution                                         POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Brownlee LLP                                                  POUR LE DEMANDEUR

Calgary (Alberta)

 

 

Smart & Biggar                                                POUR LA DÉFENDERESSE

Ottawa (Ontario)

 

                                                                       

 

 

 

 

 

 

 

 

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