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Federal Court

Cour fédérale


Date : 20100119

Dossier : T-382-09

Référence : 2010 CF 56

Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2010

En présence de monsieur le juge Lemieux

 

ENTRE :

NANCY BOUCHARD

 

demanderesse 

et

 

VENTES DE VÉHICULES MITSUBISHI

DU CANADA INC.

et

MITSUBISHI MOTORS NORTH AMERICA INC.

et

MITSUBISHI MOTORS CORPORATION

 

défenderesses

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction et faits

  • [1] Il s’agit d’un appel de Nancy Bouchard, en vertu de l’article 51 des Règles des Cours fédérales (les Règles), de la décision rendue le 27 août 2009 par le protonotaire Morneau (le protonotaire), sur requêtes en radiation de la déclaration de la demanderesse, présentées par deux des défenderesses, selon la règle 221(1)a) des Règles au motif que cette Cour n’aurait pas la juridiction sur elles. La déclaration de Nancy Bouchard est un recours collectif envisagé. Le groupe collectif proposé, dont elle est membre, serait composé de « toute personne physique, personne morale, corporation, société ou association qui a acheté ou loué chez un concessionnaire au Canada, depuis le 1 juin 2006, un véhicule neuf fabriqué, importé ou distribué par les défenderesses. » [Je souligne.]

 

  • [2] Ce recours est fondé sur les articles 36 et 45 de la Loi sur la Concurrence (la Loi), que je reproduis en annexe A. La demanderesse allègue une conspiration entre les sociétés Mitsubishi et leurs concessionnaires américains et canadiens pour restreindre et contrôler l’importation et la libre circulation des États-Unis de leurs produits (véhicules neuves et pièces). Cette conspiration maintien artificiellement le prix des voitures Mitsubishi au Canada à 25% plus élevés qu’ils ne devraient l’être dans un marché de libre-échange. Les manifestations de cette conspiration prennent plusieurs formes, dont certaines restrictions ou entraves à l’importation au Canada de voitures Mitsubishi achetées aux États-Unis par des résidents canadiens et la non reconnaissance au Canada des garanties sur ces achats.

 

  • [3] La nature de la conspiration alléguée par Nancy Bouchard est importante pour le sort de l’appel. Je reproduis en Annexe B certains paragraphes de la déclaration de la demanderesse où les allégués de cette conspiration sont précisés.

 

  • [4] Les deux requêtes en radiation sont présentées, d’une part, par la défenderesse Ventes de Véhicules Mitsubishi du Canada Inc. (Mitsubishi Canada) et, d’autre part, par la défenderesse Mitsubishi Motors North America Inc. (Mitsubishi Amérique ou MMNA). La troisième défenderesse Mitsubishi Motors Corporation (Mitsubishi Japon) n’était pas impliquée dans cette procédure n’ayant pas été signifiée de l’action au moment de l’audition des requêtes.

 

  • [5] Lorsque le protonotaire a étudié la requête en radiation présentée par Mitsubishi Amérique, celle-ci n’avait pas déposé sa défense. La preuve sur laquelle Mitsubishi Amérique appuyait sa demande en radiation est l’affidavit de son conseiller juridique principal, une preuve permise qui fait exception à l’alinéa 221(2) des Règles parce que la question devant la Cour est une de compétence ou de juridiction.

 

  • [6] Dans sa décision du 27 août 2009 (motifs cités Nancy Bouchard c. Ventes de Véhicules Mitsubishi du Canada et al, 2009 CF 852), le protonotaire Morneau a :

 

  • 1) radié l’action e Nancy Bouchard à l’encontre de Mitsubishi Amérique pour absence de juridiction; et,

 

  • 2) rejeté la requête de Mitsubishi Canada étant d’avis que cette Cour était compétente quant à elle.

 

La décision du Protonotaire Morneau

  • [7] Le protonotaire observe « que la présente déclaration d’action de la demanderesse était similaire, sinon semblable, à une procédure équivalente logée en mai 2008 par la demanderesse en Cour supérieure du Québec, laquelle procédure fut radiée en décembre 2008 contre toutes les défenderesses pour absence de juridiction ratione loci aux termes de l’article 3148 du Code civil du Québec (C.c.Q.). »

 

  • [8] Devant le protonotaire, Mitsubishi Canada avait prétendu « que cette Cour en procédant au même exercice d’analyse et d’application de l’article 3148 C.c.Q. que celui tenu par la Cour supérieure du Québec en décembre 2008 doit en arriver à la même conclusion d’absence de juridiction. » Il rejette cet argument au motif que Mitsubishi Canada, une société canadienne, a tort d’aborder la juridiction de la Cour fédérale en fonction de l’applicabilité de l’article 3148 C.c.Q soulignant que Nancy Bouchard, dans sa déclaration, invoque la Loi en alléguant que les défenderesses ont violé les dispositions du paragraphe 45(1) de celle-ci et, par conséquence, tous les membres du groupe sont en droit de réclamer des défenderesses des dommages prévus au paragraphe 36(1) de la Loi.

 

  • [9] Il constate que la Loi, à son paragraphe 36(3), déclare explicitement que notre Cour a compétence sur les actions prévues au paragraphe 36(1) de la Loi et conclut au paragraphe 13 de ses motifs :

 

En conséquence, en ce qui a trait à Mitsubishi Canada, la juridiction ou compétence de cette Cour sur l’action de la demanderesse est donc clairement établie de par ce paragraphe 36(3) et cette conclusion fait que le remède principal de la requête de Mitsubishi Canada pour absence de juridiction est sans fondement. [Je souligne.]

 

  • [10] Il n’y a pas eu appel de Mitsubishi Canada.

 

  • [11] Pour ce qui est de Mitsubishi Amérique, le protonotaire est d’avis que l’analyse ne peut se terminer par la présence du paragraphe 36(3) de la Loi. Il estime selon une jurisprudence récente de cette Cour, notamment, l’arrêt de mon collègue le juge de Montigny dans Desjean c. Intermix Media, Inc., [2006] A.C.F. no 1754 (Desjean), décision maintenue par la Cour d’appel fédérale, 2007 CAF 365. Après avoir expliqué que dans Desjean la Cour avait à évaluer si elle avait juridiction sur la défenderesse américaine Intermix Media, Inc. à l’encontre d’allégations de la part de Desjean qu’Intermix, par ses activités, se serait rendue coupable de pratiques trompeuses, frauduleuses ou illégales contrevenant les articles ainsi aux paragraphes 52(1), 52(1.1) et à l’alinéa 52(2)e) de la Loi, il cite le paragraphe 6 du jugement du juge de Montigny pour illustrer les activités auxquelles on alléguait qu’Intermix se livrait:

 

[6]  Dans sa déclaration introduisant une demande de recours collectif, M. Desjean soutient qu’Intermix offre en apparence des programmes publics tels que des économiseurs d’écran et des jeux que n’importe qui peut télécharger gratuitement. Cependant, sans en informer les consommateurs, Intermix joint à ces gratuiciels un ou plusieurs autres programmes qui présentent de la publicité ou d’autres contenus importuns. Ainsi, lorsqu’il installait sur son ordinateur un économiseur d’écran ou un jeu censément « gratuit », M. Desjean y installait aussi sans le savoir un ou plusieurs programmes espions. Par cette méthode, couramment désignée « bundling » ou « offre groupée », Intermix a propagé ses programmes publicitaires sur l’unité de disque dur de M. Desjean. [Je souligne.]

 

  • [12] Au paragraphe 23 de sa décision, Maître Morneau adopte le constat du juge de Montigny dans Desjean sur les moyens d’appropriation de juridiction par un tribunal à l’égard d’un défendeur étranger :

 

23  Il y a trois façons dont un tribunal peut affirmer sa compétence sur un défendeur étranger. Premièrement, il peut s’approprier la juridiction si le défendeur est physiquement présent dans son ressort. Deuxièmement, le résident étranger peut consentir à soumettre le litige à la compétence du tribunal canadien. Troisièmement, le tribunal peut se déclarer compétent pour entendre l’affaire si les circonstances le justifient. La présente relève de cette troisième possibilité. [Je souligne.]

 

  • [13] Il considère « qu’ici aussi dans le cas de Mitsubishi Amérique, il faut évaluer si les circonstances le justifient. » et reproduit le paragraphe 4 des motifs du juge Pelletier, en appel de la décision en première instance où le juge de Montigny avait décidé que la Cour fédérale n’avait pas juridiction à l’égard d’Intermix :

 

[4]  (…) Après avoir résumé les faits et les arguments des parties, il fait un bref tour d'horizon de la jurisprudence sur la compétence des tribunaux canadiens quant à un défendeur étranger. Se fondant sur les arrêts Morguard Investments Ltd. c. De Savoye, [1990] 3 R.C.S. 1077 (Morguard), Tolofson c. Jensen; Lucas (Tutrice à l'instance de) c. Gagnon, [1994] 3 R.C.S. 1022 (Tolofson) ainsi que Hunt c. T&N plc, [1993] 4 R.C.S 289 (Hunt), il conclut qu'avant d'exercer leur juridiction à l'endroit d'un défendeur étranger qui n'a pas une présence au Canada et qui ne se soumet pas à leur juridiction, les tribunaux canadiens exigent qu'il y ait un lien réel et substantiel entre le défendeur, la cause d'action et le Canada. Le juge passe alors à l'analyse des circonstances donnant lieu au litige, à la lumière des facteurs identifiés dans l'arrêt Muscutt c. Courcelles (2002), 213 D.L.R. (4th) 577 (Cour d'appel de l'Ontario) (Muscutt), pour déterminer s'il y a en effet un lien réel et substantiel entre l'intimée, la cause d'action telle qu'énoncée dans la déclaration de monsieur Desjean et le Canada.

[C’est le protonotaire qui souligne.]

 

  • [14] Tel qu’indiqué, à l’appui de sa requête en radiation, Mitsubishi Amérique produit l’affidavit de John P. McElroy, conseiller juridique principal de cette société, que le protonotaire Morneau juge : « souligne comme suit une foule de facteurs qui se comparent de près aux facteurs retenus par le juge de Montigny dans Desjean. »

 

  • [15] Je cite certains extraits de cet affidavit :

 

9)  MMNA is a corporation having its domicile in the State of California , more specifically in the city of Cypress .

 

10)  MMNA does not currently have, nor did it have, at anytime during the Class Period a place of business in the Province of Quebec or in Canada .

 

11)  MMNA does not hold or possess any assets in the Province of Quebec or in Canada , nor did it hold or possess any during the Class Period.

 

  • 12) MMNA does not currently have, nor did it have at any time during the class period any employees in the Province of Quebec or in Canada .

 

  • 13) MNA manufactures vehicles and car parts which through its wholesale activities may end up in the Canadian markets but MMNA is not involved, in any way in the retailing of vehicles or car parts in any Canadian market.

 

  • 14) MMNA does not sell or distribute motor vehicles or any other product at the retail level in Canada nor in Quebec .

 

  • 15) MMNA holds no bank accounts anywhere in Canada nor does it pay any provincial or federal taxes in the Canada .

 

  • 16) MMNA is not registered with any federal authority as exercising commercial activities anywhere in Canada and is not registered in any provincial jurisdiction in Canada as a corporate entity doing business in said jurisdictions.

 

  • 17) During the Class Period MMNA did not advertise its products in Canada or Quebec , or have any marketing strategy for the Canadian Market. Any advertising or marketing strategy in effect would have been exclusive to the US automobile retail market.

 

  • 18) All of MMNA’s management, pricing, merchandising, and operational decisions are conducted outside of Canada and in no way involve any Canadian retail market. [Je souligne.]

 

  • [16] Monsieur McElroy n’a pas été contre-interrogé sur son affidavit. Le protonotaire Morneau conclut ainsi sur la compétence de cette Cour à l’égard de Mitsubishi Amérique :

 

22  Je considère donc que face aux facteurs ci-dessus et à la décision de la Cour fédérale, telle que confirmée en appel, dans l’arrêt Desjean, on doit en conclure ici qu’aucun de ces facteurs, pris isolément ou dans leur ensemble, de même que les allégations vagues de la déclaration d’action de la demanderesse, ne permettent de conclure à la présence d’un lien réel et substantiel entre Mitsubishi Amérique, la cause d’action telle qu’énoncée dans la déclaration d’action de la demanderesse et le Canada. [Je souligne.]

 

Analyse

(a) La norme de contrôle

  • [17] Suite à un appel à cette Cour d’une décision d’un protonotaire, deux normes de contrôle sont possibles :

 

  • 1) Soit une considération de novo de la décision si la question sous-jacente était

  déterminante pour l’issue de l’affaire, en anglais, « vital to the final issue of the case. »

 

  • 2) Dans toutes autres circonstances l’appelant doit établir que l’ordonnance du protonotaire

était manifestement erronée au sens qu’en exerçant sa discrétion le protonotaire s’est basé sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréhension des faits. Voir la décision du juge Décary dans Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc., [2004] 2 R.C.F. 459 (C.A.F.), au paragraphe 19 que je reproduis.

 

19  Afin d'éviter la confusion que nous voyons parfois découler du choix des termes employés par le juge MacGuigan, je pense qu'il est approprié de reformuler légèrement le critère de la norme de contrôle. Je saisirai l'occasion pour renverser l'ordre des propositions initiales pour la raison pratique que le juge doit logiquement d'abord trancher la question de savoir si les questions sont déterminantes pour l'issue de l'affaire. Ce n'est que quand elles ne le sont pas que le juge a effectivement besoin de se demander si les ordonnances sont clairement erronées. J'énoncerais le critère comme suit: "Le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants: a) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, b) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits."

[Je souligne.]

 

  • [18] En l’espèce, il n’y a aucun doute que la question devant le protonotaire était déterminante. C’était une requête en radiation qui fut accordée. Il a mis fin à l’action de Nancy Bouchard contre Mitsubishi Amérique. Je dois donc revoir la question de novo.

 

(b) Les prétentions des parties

  • [19] Je considère qu’il n’est pas utile d’élaborer les prétentions écrites et orales des parties puisqu’à l’audition, faute de temps, j’ai accordé au procureur de la demanderesse une réplique écrite et au procureur de Mitsubishi Amérique le loisir de faire certains commentaires sur la Loi sur la concurrence avec droit de réponse à la partie adverse.

 

  • [20] Suite aux observations reçues, il m’apparaît qu’il n’y a aucune différence entre les parties que le critère applicable pour trancher la question de la compétence de la Cour sur Mitsubishi Amérique est celui du lien réel et substantiel et que les facteurs pertinents pour l’évaluation de ce critère sont ceux élaborés par le juge Sharpe dans Muscutt. La différence entre les parties est au niveau de l’application de ces facteurs que je traiterais plus tard dans ces motifs.

 

  • [21] Quant à l’étendue de la Loi sur la concurrence en présence d’un complot « intervenu exclusivement entre les personnes morales qui, considérées individuellement sont affiliées à chacune des autres personnes morales en question », je crois qu’il est prématuré d’y répondre faute de preuve sur la nature de l’affiliation entres les défenderesses Mitsubishi et faute de représentations des parties sur l’interprétation à être accordée à l’article 45(8) de la Loi.

 

(c) Les principes jurisprudentiels applicables

  • [22] Lorsque la question devant un tribunal est de savoir dans quelles circonstances celui-ci devrait affirmer sa compétence (ou prendre juridiction) sur une cause qui lui est présentée, le critère reconnu en droit canadien depuis les arrêts de la Cour suprême du Canada dans Moran c. Pyle National (Canada) Ltd., [1975] 1 R.C.S. 393 (Moran) et Morguard Investments Ltd. c. De Savoye, [1990] 3 R.C.S. 1077 (Morguard) est celui de l’existence d’un lien ou rapport réel et substantiel entre le ressort du tribunal et la cause d’action.

 

  • [23] Dans Moran, une action avait été déposée devant un tribunal de cette province par la succession de William Moran, un électricien, qui est décédé suite à un choc électrique reçu en enlevant une ampoule défectueuse fabriquée par Pyle National qui n’exerçait aucun commerce dans cette province : toutes ses opérations de fabrication et d’assemblage avaient lieu en Ontario ou aux États-Unis. Pyle vendait tous ses produits à des distributeurs et ne faisait aucune vente directe aux consommateurs. Pyle ne possédait aucun bien ou actif dans cette province. La Cour suprême a reconnu que les Cours de la Saskatchewan avaient compétence de connaître l’action en l’instance.

 

  • [24] Dans Moran, c’est le juge Dickson qui rédige les motifs de la Cour. Il est d’avis que les critères existants pour déterminer où un délit civil a été commis sont trop arbitraires pour être reconnus par la jurisprudence contemporaine. Il favorise le critère du rapport réel et substantiel pour établir « qu’un délit est survenu dans tout pays qui a été substantiellement touché par les activités du défendeur ou par ses conséquences et dont la loi, vraisemblablement, a été raisonnablement envisagée par les parties. » Il applique ce critère à un défendeur étranger, qui a fabriqué de façon non diligente, dans un ressort étranger, un produit qui est, par la suite, écoulé sur le marché canadien. Il est d’avis que s’il était raisonnablement prévisible que le produit défectueux causerait des dommages et serait utilisé à l’endroit où le demandeur l’a effectivement utilisé alors c’est le forum dans lequel le demandeur subit des dommages a le droit d’exercer ses pouvoirs judiciaires sur ce défendeur étranger. [Je souligne.] Il ajoute ceci :

 

Cette règle reconnaît le grand intérêt qu'un État porte aux blessures subies par ceux qui se trouvent sur son territoire. Elle reconnaît que considérer la négligence comme un délit civil, c'est vouloir assurer une protection contre le préjudice infligé par manque de diligence, et donc que l'élément prédominant est le dommage subi. En mettant ses produits sur le marché directement ou par l'intermédiaire des voies normales de distribution, un fabricant doit être prêt à les défendre partout où ils causent un préjudice, à condition que le forum devant lequel il est convoqué en est un qu'il aurait dû raisonnablement envisager lorsqu'il a mis ainsi ses produits sur le marché. Ceci s'applique particulièrement aux produits dangereusement défectueux placés dans le commerce interprovincial. [Je souligne.]

 

  • [25] Dans Morguard, la question devant la Cour suprême était de savoir si les tribunaux de la Colombie-Britannique devaient reconnaître un jugement rendu par un tribunal en Alberta dans une action personnelle pour un montant d’une créance hypothécaire dépassant la valeur du bien-fond que Monsieur De Savoye avait hypothéqué lorsqu’il était résident en Alberta mais l’avait changé pour la Colombie-Britannique avant que l’action de Morguard soit prise contre lui devant les tribunaux en Alberta. Nonobstant le fait qu’il avait été signifié de l’action, le défendeur n’a pris aucune disposition pour comparaitre en Alberta. La Cour suprême a statué que les tribunaux de la Colombie-Britannique devaient reconnaître le jugement rendu contre le défendeur en Alberta « pourvu que le tribunal en Alberta ait correctement et convenablement exercé sa compétence dans l’action. »

 

  • [26] Le juge Sharpe, de la Cour d’appel de l’Ontario, dans l’arrêt Muscutt v. Courcelles, (2002) 213 D.L.R. 4th 577 (Muscutt) fait une synthèse des principes applicables lorsqu’il s’agissait de savoir : « whether Ontario Courts should assume jurisdiction over out-of-province defendants in claims for damage sustained in Ontario as a result of a tort committedelsewhere. » 

 

  • [27] Les faits devant le juge Sharpe étaient les suivants :

 

  • Passager dans une automobile, Monsieur Muscutt, résident en Ontario, a été gravement blessé suite à un accident en Alberta.

 

  • Il retourne en Ontario, supporte des douleurs et des souffrances, reçoit des soins médicaux et expérience un manque à gagner, tous les résultats du préjudice soutenu à l’extérieur de sa province de résidence.

 

  • Il intente une action devant la Cour suprême de l’Ontario contre les défendeurs résidents en Alberta. Le juge Sharpe dans Muscutt a retenu le critère du lien réel et substantiel pour savoir si le tribunal en Ontario devait assumer juridiction pour entendre cette cause. Il a élaboré huit facteurs utiles pour juger l’existence de ce lien :

 

  1. Lien entre le forum et la revendication du demandeur.

  2. Lien entre le forum et le défendeur.

  3. Injustice envers le défendeur en assumant juridiction.

  4. Injustice envers le défendeur en n’assumant pas juridiction.

  5. L’implication d’autres parties dans l’action.

  6. La volonté du tribunal de reconnaître et d’exécuter un jugement d’un autre pays rendu sur une base juridictionnelle semblable.

  7. La nature de la cause : est-elle de nature interprovinciale ou internationale?

  8. La courtoisie et les critères de compétence, la reconnaissance et l’exécution dans les autres pays de la communauté internationale.

 

  • [28] Dans ses motifs, le juge Sharpe, s’appuyant sur la décision de la Cour suprême du Canada dans Amchem Products Inc. c. Colombie-Britannique (Workers' Compensation Board), [1993] 1 R.C.S. 897 (Amchem), distingue la notion de la prise de juridiction de celle d’un forum non conveniens. Il cite le juge Sopinka dans Amchem à la page 912 : « Souvent, il n'y a aucun tribunal qui est nettement le plus commode ou le plus approprié pour connaître de l'action, mais plusieurs représentent plutôt un choix aussi propice. » Selon le juge, la doctrine du forum non conveniens permet à un tribunal compétent en l’espèce de décliner juridiction si un autre forum est plus approprié prenant en considération les éléments suivants :

 

  1. Le lieu de résidence de la majorité des parties.

 

  1. La situation des éléments de preuve – résidence des témoins importants ainsi que

  l’endroit où se situe la preuve.

 

  1. Dispositions contractuelles quant à la loi applicable au litige.

 

  1. Éviter la possibilité d’une multiplicité de procédures et la possibilité de jugements

  contradictoires.

 

  1. Le droit applicable et son importance en relation aux éléments de faits à être décidés.

 

  1. Facteurs géographiques soutendant un forum naturel.

 

  1. Perte d’un avantage dont jouit une partie dans le for choisi.

 

  • [29] Comme dans Desjean en première instance et en appel, je souscris aux facteurs retenus par le juge Sharpe dans Muscutt pour évaluer l’existence d’un lien réel et substantiel entre le forum et les éléments pertinents de l’action. J’estime que ces facteurs, pour les motifs retenus par le juge Sharpe, reflètent très bien les principes de base en droit international privé tels qu’appréciés par la Cour suprême. J’explique.

 

  • [30] Comme l’ont remarqué le juge La Forest dans Morguard et le juge Le Bel dans la décision Spar Aerospace Ltée c. American Mobile Satellite Corp., [2002] 4 R.C.S. 205 (Spar) :

 

14.  Les règles de droit international privé applicables en l'espèce proviennent en grande partie d'un ensemble de principes interreliés, fondement de l'ordre juridique international privé. […]

 

 

20.  […] « le droit international privé, en général … [poursuivent] un double objectif d’ordre et d’équité. » […] [Je souligne.]

 

  • [31] Dans Morguard, le juge La Forest, citant l’auteur Hessel E. Yntema "The Objectives of Private International Law", remarque : « Comme le démontre tout son article, ce sont les principes d'ordre et d'équité, des principes qui assurent à la fois la justice et la sûreté des opérations qui doivent servir de fondement à un système moderne de droit international privé. »

 

  • [32] Tel qu’indiqué, le juge LaForest dans Morguard avait fondé l’obligation d’un tribunal de reconnaître totalement les jugements rendus par un tribunal d’une autre province pourvu que le tribunal de l’autre province « ait correctement et convenablement exercé sa compétence dans l’action » étant d’avis « que l’ordre et la justice militent tous les deux en faveur de la sécurité des opérations. »

 

  • [33] Plus loin dans son jugement, le juge La Forest ajoute que la reconnaissance d’un jugement basée sur le critère d’avoir correctement et convenablement exercé sa compétence pouvait : « … satisfaire aux exigences de l'ordre et de l'équité de reconnaître un jugement rendu dans un ressort qui avait le plus de liens avec l'objet de l'action ou qui avait, à tout le moins, des liens substantiels avec lui. Mais cela n'est guère conforme aux principes d'ordre et d'équité que de permettre à quelqu'un d'intenter l'action dans un ressort sans tenir compte du lien que ce ressort peut avoir avec le défendeur ou l'objet de l'action. … Donc, l'équité envers le défendeur exige que le jugement soit rendu par un tribunal qui agit avec équité et avec retenue dans l'exercice de sa compétence. » Le juge La Forest reconnaît donc la difficulté qui survient lorsqu’un défendeur réside hors du ressort du tribunal. Il est conscient aussi que : « Si l'on veut que les tribunaux d'une province appliquent les jugements rendus dans une autre province, il doit y avoir certaines limites à l'exercice de la compétence à l'égard des personnes qui n'habitent pas la province. » La solution, selon le juge La Forest, est l’application du critère du lien réel et subtantiel. [Je souligne.]

 

  • [34] Un survol de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, non seulement dans Moran et Morguard, mais dans :

 

1) R. c. Libman, [1985] 2 R.C.S. 178, une cause dans laquelle la question était de savoir

devant quel tribunal le procès d’une personne accusée de fraude à dimensions internationales et de complot en vue de connaître une fraude devait être instruit.

 

2)  Hunt c. T&N plc, [1993] 4 R.C.S 289 où la question était de connaître la compétence

de la Cour supérieure de la Colombie-Britannique dans une cause d’une action intentée devant elle par un résident de cette province qui recherchait des dommages contre des compagnies québécoises qui avaient fabriqué des produits à base de fibres d’amiante.

 

  • 3) Tolofson c. Jensen, [1994] 3 R.C.S. 1022 où la question était de savoir la règle du

choix de la loi applicable concernant les accidents de voiture impliquant des

  résidents de différentes provinces.

 

  • 4) Spar, précité, où la question était de connaître la compétence du tribunal dans le

  contexte d’un préjudice subi dans l’exécution d’un contrat international.

 

  • 5) Beals v. Saldanha, [2003] 3 S.C.R. 416 dans laquelle se posait la question de la

reconnaissance par un tribunal de l’Ontario d’un jugement étrangé en dommages-intérêts contre les résidents ontariens rendu par un tribunal de l’État de Floride.

 

nous permet de constater l’étendu et la flexibilité de la notion de lien réel et substantiel qui a été le critère appliqué dans chacune des causes.

 

  • [35] La souplesse inhérente que la Cour suprême a voulu rattacher au critère du lien réel et substantiel se voit facilement dans les extraits suivants de la jurisprudence :

 

  1. Dans l’arrêt Moran, le juge Dickson a remarqué au paragraphe 12 :

 

« Généralement parlant, pour déterminer où un délit civil a été commis, il n'est pas nécessaire, ni sage, d'avoir recours à un ensemble de règles arbitraires. » [étant d’avis que] « Les théories du lieu de l'acte et du lieu du préjudice sont trop arbitraires et rigides pour être reconnues par la jurisprudence contemporaine. » [Je souligne.]

 

 

2)  Ce passage a incité le juge La Forest dans Morguard d’écrire ceci au paragraphe 47 :

 

[…] En fin de compte, il a rejeté l'application de toute règle rigide ou mécanique pour déterminer le situs d'un délit civil. Il a plutôt adopté "un critère qualitatif et quantitatif plus flexible" en se demandant, comme on l'avait fait dans les arrêts anglais qu'il cite, s'il était [TRADUCTION] "intrinsèquement raisonnable" d'intenter l'action dans un ressort particulier ou s'il y avait, pour reprendre une autre expression, "un lien réel et substantiel" entre le ressort et l'acte dommageable. […] [Je souligne.]

 

3)  Quelques années plus tard, le juge La Forest rédige les motifs de la Cour dans Hunt

il s’est exprimé comme suit sur la flexibilité soustendant le critère du lien réel et substantiel :

 

  58  Selon l'arrêt Morguard, une façon plus conciliante d'aborder la reconnaissance et l'exécution reposait sur l'existence d'un "lien réel et substantiel" avec le tribunal qui s'est déclaré compétent et a rendu jugement. Contrairement à ce qu'ont fait remarquer certains auteurs et certains juges de tribunaux d'instance inférieure, cela ne se voulait pas un critère rigide, mais visait simplement à exprimer l'idée que les revendications de compétence doivent être assujetties à certaines limites. En effet, j'ai fait remarquer (à la p. 1104) que le critère du "lien réel et substantiel" a été établi dans l'arrêt Indyka c. Indyka, [1969] 1 A.C. 33, qui portait sur l'état matrimonial (en pareil cas, la logique commande une reconnaissance généreuse), et que, dans une action personnelle, il peut être nécessaire de chercher un lien entre l'objet de l'action et le ressort où elle est intentée. J'ai ensuite étudié le critère énoncé dans l'arrêt Moran c. Pyle National (Canada) Ltd., précité, à l'égard d'affaires de responsabilité du fabricant, comme un exemple de situation où un tribunal pourrait à bon droit se déclarer compétent. Les limites de ce qui constitue une déclaration raisonnable de compétence n'ont pas été déterminées et j'ajoute qu'aucun critère ne pourra peut-être jamais être appliqué rigidement; aucun tribunal n'a jamais pu prévoir tous ces cas. […] [Je souligne.]

 

4)  Dans Hunt, à la page 326 du recueil des arrêts de la Cour suprême, il écrit :

 

59  […] Peu importe le point de vue adopté, la déclaration de compétence et le pouvoir discrétionnaire de ne pas l'exercer doivent en fin de compte être subordonnés aux exigences d'ordre et d'équité, et non à un calcul mécanique de rapports ou de liens. [...] [Je souligne.]

 

  • 5) L’année suivante le juge La Forest dans Tolofson écrit :

 

40  Pour éviter que l'on aille trop loin, les tribunaux ont cependant établi des règles régissant et restreignant l'exercice de compétence sur les opérations extraterritoriales et transnationales. Au Canada, un tribunal ne peut exercer sa compétence que s'il existe un "lien réel et substantiel" (expression non encore entièrement définie) entre lui et l'objet du litige; voir Moran c. Pyle National (Canada) Ltd., [1975] 1 R.C.S. 393, ainsi que Morguard et Hunt, précités. Ce critère a pour effet d'empêcher un tribunal de s'immiscer indûment dans des affaires dans lesquelles le ressort où il est situé a peu d'intérêt. De plus, grâce au principe du forum non conveniens, un tribunal peut refuser d'exercer sa compétence lorsque, selon la règle de l'arrêt Amchem, précité (voir, en particulier, aux pp. 921, 922 et 923), il existe ailleurs un tribunal plus convenable ou approprié. [Je souligne.]

 

6)  Selon le juge Sharpe dans Muscutt, le langage général utilisé par la Cour suprême pour exprimer le contenu du lien réel et substantiel « était par souci de flexibilité. » Il s’exprime ainsi :

 

36  The language that the Supreme Court has used to describe the real and substantial connection test is deliberately general to allow for flexibility in the application of the test. In Morguard, at pp. 1104-1109, the Court variously described a real and substantial connection as a connection "between the subject-matter of the action and the territory where the action is brought", "between the jurisdiction and the wrongdoing", "between the damages suffered and the jurisdiction", "between the defendant and the forum province", "with the transaction or the parties", and "with the action" [Emphasis added]. In Tolofson, at p. 1049, the Court described a real and substantial connection as "a term not yet fully defined". [Je souligne.]

 

 

7)  L’application du critère du lien réel et substantiel ne se limite pas aux délits civils; il s’applique en matière criminel (l’arrêt Libman) et en matière de contrat ce qui souligne la nécessité de souplesse et d’adaptabilité aux circonstances.

 

(d) La requête en radiation

  • [36] Le protonotaire a radié la déclaration d’action de la demanderesse et a rejeté son action au motif d’absence de juridiction de cette Cour à l’égard seulement de Mitsubishi Amérique suite à une requête de celle-ci déposée en vertu de l’article 221(1)(a) des Règles qui autorise cette Cour, sur requête, d’ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, au motif, qu’il ne révèleaucune cause d’action. L’alinéa 221(2) dispose qu’aucune preuve n’est admissible dans le cadre d’une requête invoquant le motif visé à l’alinéa (1)a).

 

  • [37] Les principes applicables à une radiation sous l’article 221(1)(a) des règles sont très bien établis et peuvent se résumer ainsi :

 

  1. Cette règle autorise cette Cour de radier une action pour défaut de compétence

  (MIL Davie Inc. c. Société d'exploitation et de développement d'Hibernia Ltée, [1998]

  A.C.F. no 614 (MIL Davie), au paragraphe 7).

 

  1. La règle 221(2), qui empêche le dépôt d’une preuve, ne s’applique pas dans le cas d’une

  demande en radiation sous le paragraphe 221(1)(a) au motif d’absence de compétence

  (MIL Davie, au paragraphe 8).

 

  1. En général, lorsqu’une objection se rapportant à la compétence de la Cour est soulevée, la

Cour doit être convaincue que des faits juridictionnels ou des allégations de tels faits [je souligne] appuient une attribution de compétence et l’existence de tels faits juridictionnels pourra être établie à partir des actes de procédures et des affidavits déposés au soutien de la requête ou en réponse à celle-ci (MIL Davie, au paragraphe 8).

 

  1. En présence d’une requête en radiation, la Cour est tenue de présumer que les faits

allégués dans la déclaration sont exacts (Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, à la page 991 (Hunt/Carey). Voir aussi Moran, au paragraphe 13).

 

  1. En l’espèce, Mitsubishi Amérique avait le fardeau de démontrer que sa requête était

« évidente et manifeste » (voir Hunt/Carey, p. 972). En autres mots, Mitsubishi Amérique devait à démontrer à cette Cour qu’il était manifeste et hors de doute que cette Cour n’avait aucune compétence sur elle (voir Hodgson c. Bande indienne d'Ermineskin no 942, [2000] A.C.F. no 2042, C.A.F., aux paragraphes 4 et 5).

 

 

(e) Application des principes à l’espèce

 

  • [38] Dans l’optique d’une révision de novo de la requête en radiation présentée par Mitsubishi Amérique et considérant toute la preuve devant moi, j’estime, pour les raisons qui suivent, que l’appel de Nancy Bouchard doit être accueilli. Le résultat est que la requête pour radiation de Mitsubishi Amérique est rejetée.

 

  • [39] Mitsubishi Amérique avait un lourd fardeau à surmonter. Elle devait démontrer sur la base de toute preuve au dossier qu’il était évident et manifeste que cette Cour, appliquant le critère du lien réel et substantiel, n’avait pas compétence sur elle.

 

  • [40] Quant à la preuve devant moi, je dois présumer, pour les fins de cette requête, que les faits énoncés dans la déclaration de Nancy Bouchard sont vrais. D’autre part, j’accepte comme avéré les faits dans l’affidavit de Monsieur McElroy puisqu’il n’a pas été contre interrogé.

 

  • [41] Une lecture entière de la déclaration de la demanderesse mais surtout des paragraphes au chapitre de celle-ci intitulée : « Conspiration des intimés » démontre clairement et non d’une manière vague ou imprécise, la nature du préjudice allégué, résultat de la conspiration alléguée : un prix d’achat plus élevé payé par le consommateur canadien qu’il ne l’aurait été sans la conspiration des défenderesses. Le remède envisagé au paragraphe 78E de la déclaration est de condamner les défenderesses, conjointement et solidairement, à payer à tout membre du groupe une somme équivalente à une formule calquée sur le prix des voitures Mitsubishi. Je souligne que la conspiration alléguée entre les intimés et leurs conséquences néfastes alléguées ne sont pas limitées au territoire d’une province mais se manifestent à travers tout le pays. Je note aussi qu’aucun dommage n’est recherché contre les concessionnaires des voitures Mitsubishi.

 

  • [42] L’affidavit de Monsieur McElroy, considéré dans son ensemble, a, selon moi, une portée limitée puisque les faits qu’il affirme vise la démonstration de l’absence de Mitsubishi Amérique au Canada (à l’exception du fait que l’affiant au paragraphe 13 de son affidavit déclare que « MMNA manufactures vehicles and car parts which through its wholesale activities may end up in the Canadian markets but MMNA is not involved, in any way in the retailing of vehicles or car parts in any Canadian market ») ce qui indique une certaine présence au Canada au niveau de la distribution. [Je souligne.] À la lecture de son affidavit, je note plus particulièrement, que Monsieur McElroy n’a pas nié l’existence d’une conspiration entre les trois compagnies Mitsubishi pour restreindre la libre circulation de leurs voitures au Canada. Qui plus est, son affidavit n’a pas nié que les défenderesses étaient reliées ou associées et pourquoi.

 

  • [43] Quoi qu’il en soit, la jurisprudence sur le critère du lien réel et substantiel est à l’effet qu’un lien entre le défendeur et le forum est un facteur important mais non un facteur nécessaire. Dans Muscutt au paragraphe 74, le juge Sharpe estime : “ […] In my view, to hold otherwise would be contrary to the Supreme Court of Canada's direction that the real and substantial connection test is flexible. It would also be contrary to the weight of Canadian appellate authority outlined above. […]” Dans l’arrêt Saldanha, le juge Major, pour la majorité des juges adopte le même point de vue aux paragraphes 22 et 23 de ses motifs :

 

22  Les notions d'ordre et d'équité contemporaines exigent qu'un tribunal ait des motifs raisonnables de se déclarer compétent lorsque les parties à un litige relèvent de plusieurs ressorts.

 

23  Selon l'arrêt Morguard, les tribunaux d'une province ou d'un territoire doivent reconnaître et exécuter les jugements d'une autre province ou d'un autre territoire si le tribunal qui a rendu jugement a exercé correctement sa compétence dans l'action, en ce sens qu'il avait un lien réel et substantiel avec l'objet de l'action ou avec le défendeur. L'existence d'un lien substantiel avec l'objet de l'action permet de satisfaire au critère du "lien réel et substantiel", même en l'absence d'un tel lien avec le défendeur à l'action. [Je souligne.]

 

  • [44] Dans Muscutt, le juge Sharpe constate que le défendeur étranger n’avait aucun contact avec le forum en Ontario mais a jugé que le tribunal en Ontario était compétent selon le critère du lien réel et substantiel. Selon lui, ce critère exige que tous les facteurs pertinents soient identifiés pour chaque cas. Les facteurs énumérés dans Muscutt sont utiles mais aucun n’est déterminant et nécessaire; de nouveaux facteurs sont possibles si les principes de l’ordre et de l’équité l’exigent. Tous les facteurs pertinents doivent être balancés ensemble et le poids accordé peut être variable.

 

  • [45] Aussi, je crois que le protonotaire a jugé qu’il était lié par l’arrêt Desjeanlorsqu’il a radié Mitsubishi Amérique de la cause d’action, malgré le fait qu’il existait des différences importantes entre ces deux causes.

 

  • [46] Desjeanne discute aucunement des principes applicables en radiation bien que la requête de Mitsubishi était présentée sous la règle 221(1)a) des Règles. Cependant, dans cette cause, le juge de Montigny reconnaît au paragraphe 22 de ses motifs que la question de la prise de juridiction sur un défendeur étranger soulève toujours des problèmes complexes et épineux.

 

  • [47] Dans Desjean, mon collègue a analysé la doctrine d’un forum non conveniens; il était d’avis que la Californie était un forum plus approprié que le Canada pour entendre la cause et, pour ce motif, aurait exercé son pouvoir discrétionnaire de refuser compétence sur Intermix. L’impact de la doctrine de forum non conveniens sur la prise de compétence d’un défendeur absent n’a pas été plaidé devant le protonotaire. Je remarque que dans Muscutt, au paragraphe 44, le juge Sharpe était d’avis que la discrétion provenant de la notion du forum non conveniens « provides both a significant control on assumed jurisdiction and a rationale for lowering the threshold required for the real and substantial connection test. » [Je souligne.]

 

  • [48] Dans Desjean, il n’y avait aucun allégué, comme c’est le cas ici, d’une conspiration à l’échelle du Canada entre des parties alléguées être reliées ou associées, conspiration dont l’impact était important sur le prix payé pour les véhicules Mitsubishi au pays. La cause d’action dans Desjean se limitait à un allégué de renseignements trompeurs provenant de l’Internet qui pertubaient son ordinateur lorsque Monsieur Desjean a téléchargé les produits d’Intermix. Le juge de Montigny a conclu que, dans les circonstances devant lui, les liens entre le défendeur et le Canada et entre le Canada et l’objet de l’action n’étaient pas suffisants ou substantiels. Au paragraphe 35 de sa décision il s’exprime ainsi :

 

35   En outre, il serait manifestement inéquitable de soumettre Intermix à la compétence de notre Cour, puisque cela voudrait dire, en fait, qu'un exploitant de site Web sis aux États-Unis, ne possédant pas d'actifs commerciaux au Canada et n'ayant pas de présence physique dans notre ressort, pourrait être poursuivi au Canada aussi bien que dans tout autre pays d'où un demandeur déciderait de télécharger ses produits. Il est bien sûr peu pratique pour les demandeurs qui se trouvent dans ce cas d'avoir à poursuivre leurs causes [page165] d'action à l'étranger, mais ce n'est là qu'un facteur parmi d'autres à prendre en considération. Dans l'état du droit tel qu'il paraît être maintenant, cela ne suffit pas à fonder la compétence d'un tribunal canadien. On imposerait ainsi un fardeau trop lourd aux exploitants étrangers de sites Web ou à toutes entreprises commerciales étrangères sans présence réelle au Canada qui font affaire avec des résidents canadiens. [Je souligne.]

 

 

  • [49] Deux décisions de la Cour suprême du Canada, la première dans l’arrêt General Motors of Canada Ltd. c. City National Leasing, [1989] 1 R.C.S. 641 (General Motors) et la deuxième dans R. c. Libman, [1985] 2 R.C.S. 178 (Libman) me porte à conclure qu’en l’espèce le facteur du lien entre le Canada et l’objet de l’action déposée par Nancy Bouchard a une importance particulière.

 

  • [50] Au nom des membres d’un groupe proposé, Nancy Bouchard allègue qu’ils ont subi des dommages causés par la conspiration des défenderesses Mitsubishi, compagnies reliées. C’est l’objet de l’action. Ce remède est autorisé par la Loi sur la concurrence et sa constitutionalité a été maintenue par la Cour Suprême du Canada dans l’arrêt General Motors où il s’agissait d’une disposition semblable dans la loi fédérale relative aux enquêtes sur les coalitions prévoyant que toute personne qui a subi une perte ou un préjudice par suite d’un comportement allant à l’encontre d’une disposition de la Partie IV de cette loi pouvait, devant toute Cour compétente, réclamer et recouvrir des dommages (l’ancienne loi). L’article 31.1 de l’ancienne loi se retrouve aujourd’hui à l’article 36 de la Loi sur la Concurrence. Le juge en chef Dickson rédige les motifs de la Cour. Il est d’avis que l’article 31.1 établit un droit d’action de nature civile à l’égard de certaines infractions de l’ancienne loi.

 

  • [51] Il considère que l’ancienne loi est une loi fédérale valide en vertu de la compétence générale du Parlement canadien en matière d’échange et de commerce. Cette ancienne loi a pour objet d’éliminer les activités qui diminuent la concurrence sur le marché; elle a une portée nationale. La réglementation de la concurrence est d’intérêt national. Il est d’avis que : «  l’article 31.1 […] est suffisamment relié à un système législatif valide pour en justifier la constitutionnalité. La disposition, l’action civile en dommages, a un rapport fonctionnel avec l'objectif général de la loi et avec la structure et le contenu du système. La disposition ne constitue qu'un recours parmi ceux que la Loi a créés et, comme tel, elle sert à renforcer les autres sanctions prévues par la Loi et n'a de sens que par rapport à celles-ci. L'article n'offre un recours de nature privée que pour des violations particulières de la Loi et ne crée pas un droit général d'action de nature privée. Le lien étroit entre l'objet de la Loi et un mécanisme d'exécution auquel un particulier peut choisir de recourir indique fortement que l'art. 31.1 fait partie de la structure de la Loi.” [Je souligne.] Le juge en chef Dickson conclut que l’article 31.1 est une disposition essentielle de caractère valable de la Loi et sert à compléter les dispositions pénales de l’ancienne Loi.

 

  • [52] Dans Libman, la question devant la Cour suprême était de savoir si, en appliquant le critère du lien réel et substantiel, le Canada pouvait poursuivre au Canada un résident accusé de fraude et de complot en vue de commettre une fraude, le résultat de l’exploitation d’une entreprise à Toronto de ventes d’actions frauduleuses sollicitées par téléphone. Cette sollicitation visait des personnes aux États-Unis; les actions en vente étaient celles de deux compagnies minières qui étaient cencées d’exploiter des mines d’or au Costo Rica. L’acheteur américain faisait parvenir le prix d’achat aux bureaux administrés par les associés de Monsieur Libman situés au Panama ou à San José (Costa Rica) où Monsieur Libman se rendait habituellement pour rencontrer ses associés et recevoir sa part du produit de la vente des actions qu’il rapportait ensuite à Toronto.

 

  • [53] Le juge LaForest rédige les motifs de la Cour suprême. Il analyse la jurisprudence afin de circonscrire les circonstances justifiant qu’un État exerce sa compétence en matière pénale pour instruire une accusation contre un ressortissant. Selon le juge LaForest :

 

16  La jurisprudence laisse voir plusieurs possibilités […]. Une solution consiste à présumer que la compétence appartient au pays où l'acte a été préparé ou celui où il a été commencé. Parmi les autres possibilités, il y a l'endroit où les conséquences de l'infraction sont ressenties, l'endroit où elle a commencé, l'endroit où elle a été consommée ou encore celui où a été accompli l'élément essentiel ou la matière de l'infraction. Il est aussi possible de soutenir que tout pays où une partie importante ou non de la suite des événements qui constituent l'infraction s'est produite peut assumer compétence.

[Je souligne.]

 

  • [54] Il juge certaines solutions insuffisantes; il s’exprime ainsi :

 

17  Bien que l'avocat de M. Libman ait soutenu que la compétence exclusive appartient au pays où a été accompli l'élément essentiel de l'infraction ou celui où l'infraction a été consommée, l'étude de la jurisprudence anglaise n'étaye pas vraiment cette thèse. Elle démontre plutôt que les tribunaux ont adopté différentes attitudes à différentes époques et qu'il en résulte généralement, comme plusieurs auteurs l'ont dit, une confusion de la doctrine accentuée par le fait que la discussion est souvent axée sur l'infraction précise reprochée et qu'elle est compliquée davantage par le fait que certaines infractions visent l'acte commis et d'autres les conséquences de cet acte.

 

  • [55] Il s’insurge contre les solutions mécaniques qui n’avaient aucun rapport avec les questions de principe pertinentes. Sa solution est celle du lien réel et important entre l’infraction et le pays. Il écrit ceci au paragraphe 74 de ces motifs :

 

74   Je pourrais résumer ainsi ma façon d'aborder les limites du principe de la territorialité. Selon moi, il suffit, pour soumettre une infraction à la compétence de nos tribunaux, qu'une partie importante des activités qui la constituent se soit déroulée au Canada. Comme l'affirment les auteurs modernes, il suffit qu'il y ait un "lien réel et important" entre l'infraction et notre pays, ce qui est un critère bien connu en droit international public et privé; voir Williams et Castel, ainsi que Hall, précités. Comme le professeur Hall le note (à la p. 277), cela n'exige aucun texte de loi. Après tout ce sont les tribunaux qui ont défini la façon dont le principe de la territorialité s'applique et le critère proposé équivaut simplement à rétablir la formulation antérieure de ce principe. C'est en réalité le critère qui s'accorde le mieux avec tous les arrêts. Les seuls arrêts qui n'y sont pas conformes sont ceux qui, à mon avis, ne doivent plus être suivis, tels les arrêts Harden et Rush. [Je souligne.]

 

 

  • [56] Il est d’avis qu’il y avait suffisamment de liens pour justifier le procès au Canada même si les victimes de la fraude et du complot étaient à l’extérieur du Canada. Dans son analyse de la jurisprudence, le juge LaForest trouve que celle-ci avait toujours reconnu l’intérêt de l’État de punir un coupable si les effets néfastes d’une conspiration se manifestaient sur son territoire.

 

  • [57] D’Ailleurs, c’est la conclusion tirée plus tard par le juge Cumming de la Cour supérieure de la Justice de l’Ontario dans Vitapharm Canada Ltd. c. F. Hoffmann-La Roche Ltd., [2002] O.J. No. 298 (Vitapharm), décision rendue quelques mois avant la décision du juge Sharpe dans Muscutt. La Cour d’appel de l’Ontario a rejeté un appel de la décision du juge Cumming dans Vitapharm (Vitapharm Canada Ltd. c. F. Hoffmann-La Roche Ltd., 163 OAC 189) étant d’accord avec sa décision et les motifs que le juge avait exprimés.

 

  • [58] Dans Vitapharm, les faits et la question devant la Cour de l’Ontario étaient semblables à ceux devant moi : recours collectifs pour dommages subis au Canada en conséquence d’un complot mondial pour établir les prix de certaines vitamines. Les demandeurs fondaient leur action en dommages sur l’article 36 de la Loi sur la concurrence pour violation (admises au pénal dans plusieurs cas) de l’article 45 de cette même loi.

 

  • [59] Plusieurs défendeurs étaient les compagnies suisses qui prétendaient n’avoir aucun lien avec le Canada tout en reconnaissant, dans certains cas, d’avoir mis en marché leurs produits sur le marché canadien via leurs filiales canadiennes.

 

  • [60] D’une part, le juge Cumming rejette la prétention de certains défendeurs qu’un : “[…] agreement made outside of Canada to lessen competition or fix prices in the Canadian market is not conduct contrary to s. 45 of the Competition Act such as to give rise to a claim for damages under s. 36 of that Act.” D’autre part, il estime: Canadian courts assume jurisdiction over foreign parties if there is a "real and substantial connection" between Ontario and the subject matter of the litigation” [and] “Jurisdiction can now be founded solely on strong connections between the subject matter of the action and the forum.” [Je souligne.]

 

  • [61] Le juge Cumming est d’avis que : “The fact that a defendant is not itself present in Ontario is one relevant factor to be considered. [ajoutant] However, the ultimate issue for a Canadian court is whether the subject matter of the action has a real and substantial connection to Ontario and the foreign defendant is connected to that subject matter.” [Je souligne.]

 

  • [62] D’après le juge Cumming :

 

96  The subject matter of each action before the Court is an alleged tort in Ontario through an unlawful conspiracy relating to price-fixing and the allocation of markets. The subject matter of the causes of action can relate to the locus of the damage, as well as to the locus of the alleged wrong which gave rise to the damage. This means the defendants can be said to be proper parties if the alleged price-fixing agreement and their actions to implement it could result in their being tortfeasors with respect to harm and damages caused in Ontario .

 

97   There must be a causal connection between the alleged damage and the defendants to establish a realistic possibility that the defendants may be responsible in law for the damage through their unlawful conduct. If so, there is a real and substantial connection between the subject matter of the action and Ontario . In such instance the Ontario court has jurisdiction with respect to the proceeding and the foreign defendants. It is sufficient in the first instance to set forth allegations in the pleadings that prima facie meet this test. [Je souligne.]

 

  • [63] Il ajoute et conclut au paragraphe 101 de ces motifs :

 

The participants in a conspiracy entered into geographically beyond Canada with the purpose of fixing prices and allocating markets within Canada (amongst other countries) would know, and indeed would intend, that damages (through artificially high prices) would be sustained in Canada, including Ontario, as a result of their agreement. […]  [Je souligne.]

 

  • [64] Le juge Cumming aborde un autre élément qui nous intéresse; il détermine que la balance des inconvénients : «  […] favours trying all of the defendants in each action together. » Il s’explique :

 

78   […] The claims against all defendants in a given action arise out of the same alleged conspiracy. The issues will involve common questions of fact and law. It is logical that the claims against all the alleged conspirators in an alleged single price-fixing scheme be tried together. Each of the alleged co-conspirators is a necessary and proper party.

 

79  […] If this court were to decline jurisdiction, the plaintiffs would be required to proceed with a multiplicity of actions in several different jurisdictions resulting, at the least, in added expense and the possibility of inconsistent results. It is probable, from a practical standpoint, that to require the plaintiffs to bring multiple proceedings in different jurisdictions would result in the plaintiffs being unable to pursue their claims.

 

80   Principles of order, fairness and comity support Ontario having jurisdiction of the actions at hand. Significant inconvenience and unnecessary expense is avoided by the plaintiffs not having to pursue their claims against different alleged co-conspirators in different jurisdictions. Ensuring access to justice for aggrieved persons who seek to bring forward a claim in court is an important consideration supporting the hearing of these actions in Ontario . Furthermore, the moving defendants have not shown any prejudice such as to be able to claim relief from joinder. [Je souligne.]

 

  • [65] Dans Muscutt, au paragraphe 75, le juge Sharpe avait souligné :

 

75  It is apparent from Morguard, Hunt and subsequent case law that it is not possible to reduce the real and substantial connection test to a fixed formula. A considerable measure of judgment is required in assessing whether the real and substantial connection test has been met on the facts of a given case. Flexibility is therefore important. [Je souligne.]

 

 

  • [66] Cependant, il croit utile d’identifier certains facteurs utiles :

 

[…] the factors emerging from the case law that are relevant in assessing whether a court should assume jurisdiction against an out-of-province defendant on the basis of damage sustained in Ontario   as a result of a tort committed elsewhere. […].

[Je souligne.]

 

  • [67] Après avoir considéré toute la preuve au dossier à la lumière de la jurisprudence sur la question, j’estime qu’il y a un lien réel et substantiel entre Mitsubishi Amérique et l’objet de recours de Nancy Bouchard – le recouvrement de dommages subis suite à une conspiration alléguée entre les défenderesses, un recours directement autorisé par la Loi sur la concurrence.

 

  • [68] J’applique les facteurs de Muscutt d’une façon flexible et pour ceci j’accepte pour les fins de ma décision seulement que la preuve démontre que Mitsubishi Amérique n’avait aucune présence physique au Canada, mais comme nous l’avons vu, ce facteur est important mais pas nécessaire et, en l’espèce, l’importance de ce facteur est diminuée par le fait que les voitures ou pièces de cette défenderesse « through its wholesale activities may end up in the Canadian market. » 

 

  • [69] Les facteurs suivants militent en faveur de l’exercice de la compétence de cette Cour sur Mitsubishi Amérique : (1) le lien entre le forum et les membres du groupe envisagé est très important du fait que le Parlement du Canada a lui-même reconnu qu’il était dans l’intérêt public qu’un recours civil soit créé pour compenser les victimes qui ont subis des dommages à la suite d’une conspiration sous la loi; (2) le défendeur Mitsubishi Amérique a des liens importants avec le forum – le Canada puisque les effets préjudiciables de la conspiration alléguée entre les défenderesses Mitsubishi vise le consommateur canadien des véhicules Mitsubishi et que cette conspiration est entre des compagnies Mitsubishi d’apparence reliée et qui est plus les véhicules de Mitsubishi Amérique circulent au Canada, au niveau de la distribution; mais pas au détail; (3) pour les motifs exprimés par le juge Cumming dans Vitapharm, il n’y a aucune preuve au dossier d’injustice à Mitsubishi Amérique si cette Cour prend sa compétence. À l’inverse cependant, le préjudice pour la demanderesse et les membres du groupe proposé si la Cour n’exerce pas sa compétence est un facteur important; ils seront obligés de poursuivre Mitsubishi Amérique aux États-Unis avec les inconvénients et dépenses que cette poursuite comporte; (4) le fait que l’action de Nancy Bouchard se poursuit contre Mitsubishi Canada favorise la prise de compétence afin d’éviter la possibilité de jugements contradictoires et la multiplicité des procédures par une preuve semblable; (5) Mitsubishi Amérique plaide que le sixième facteur, celui de la volonté de reconnaître et d’exécuter un jugement d’un autre pays rendu sur une base juridictionnelle semblable, est en sa faveur. Il cite le juge de Montigny dans Desjean au paragraphe 37. Je ne considère pas ce facteur important ici. Il n’existe aucune preuve devant moi dans quelles circonstances le Procureur général du Canada exercerait son pouvoir discrétionnaire de ne pas reconnaître un jugement étranger en la matière; (6) la nature internationale de la cause de Nancy Bouchard favorise le défendeur Mitsubishi Amérique pour les raisons exprimées par le juge Sharpe aux paragraphes 95 à 100 de ses motifs dans Muscutt; et, (7) en l’absence de preuve sur le dernier facteur, je le considère neutre dans les circonstances.

 

  • [70] La pondération des facteurs et son équilibre favorise nettement la prise de compétence par cette Cour sur Mitsubishi Amérique. La demanderesse et la défenderesse Mitsubishi Amérique, tous deux, ont des liens importants avec le Canada pour les motifs exprimés. Mitsubishi, sur la preuve devant moi, ne fait face à aucune injustice si cette Cour prend compétence mais l’inverse n’est pas vrai pour la demanderesse si la Cour se déclare incompétente. J’estime que les facteurs favorisant Mitsubishi Amérique pour ne pas prendre compétence ne sont pas aussi importantes que ceux favorisant la prise de compétence sur elle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que cet appel est accueilli avec dépens après taxation basée sur les unités les plus élevées de la colonne IV du Tarif. La requête en radiation présentée par Mitsubishi Amérique est rejetée. Celle-ci doit déposer sa défense dans les trente jours de ce jugement.

 

  « François Lemieux »

  ____________________________

  Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE A

 

 

Articles 36 et 45 de la Loi sur la Concurrence

 

 

 

Recouvrement de dommages-intérêts

 

36. (1) Toute personne qui a subi une perte ou des dommages par suite :

 

a) soit d’un comportement allant à l’encontre d’une disposition de la partie VI;

 

b) soit du défaut d’une personne d’obtempérer à une ordonnance rendue par le Tribunal ou un autre tribunal en vertu de la présente loi,

 

peut, devant tout tribunal compétent, réclamer et recouvrer de la personne qui a eu un tel comportement ou n’a pas obtempéré à l’ordonnance une somme égale au montant de la perte ou des dommages qu’elle est reconnue avoir subis, ainsi que toute somme supplémentaire que le tribunal peut fixer et qui n’excède pas le coût total, pour elle, de toute enquête relativement à l’affaire et des procédures engagées en vertu du présent article.

 

Preuves de procédures antérieures

 

(2) Dans toute action intentée contre une personne en vertu du paragraphe (1), les procès-verbaux relatifs aux procédures engagées devant tout tribunal qui a déclaré cette personne coupable d’une infraction visée à la partie VI ou l’a déclarée coupable du défaut d’obtempérer à une ordonnance rendue en vertu de la présente loi par le Tribunal ou par un autre tribunal, ou qui l’a punie pour ce défaut, constituent, sauf preuve contraire, la preuve que la personne contre laquelle l’action est intentée a eu un comportement allant à l’encontre d’une disposition de la partie VI ou n’a pas obtempéré à une ordonnance rendue en vertu de la présente loi par le Tribunal ou par un autre tribunal, selon le cas, et toute preuve fournie lors de ces procédures quant à l’effet de ces actes ou omissions sur la personne qui intente l’action constitue une preuve de cet effet dans l’action.

 

Compétence de la Cour fédérale

 

(3) La Cour fédérale a compétence sur les actions prévues au paragraphe (1).

 

 

Restriction

 

(4) Les actions visées au paragraphe (1) se prescrivent :

 

a) dans le cas de celles qui sont fondées sur un comportement qui va à l’encontre d’une disposition de la partie VI, dans les deux ans qui suivent la dernière des dates suivantes :

 

(i) soit la date du comportement en question,

 

(ii) soit la date où il est statué de façon définitive sur la poursuite;

 

 

b) dans le cas de celles qui sont fondées sur le défaut d’une personne d’obtempérer à une ordonnance du Tribunal ou d’un autre tribunal, dans les deux ans qui suivent la dernière des dates suivantes :

 

(i) soit la date où a eu lieu la contravention à l’ordonnance du Tribunal ou de l’autre tribunal,

 

(ii) soit la date où il est statué de façon définitive sur la poursuite.

 

 

L.R. (1985), ch. C-34, art. 36; L.R. (1985), ch. 1 (4e suppl.), art. 11.

PARTIE V

[Abrogée, L.R. (1985), ch. 19 (2e suppl.), art. 29]

 

Complot

 

45. (1) Commet un acte criminel et encourt un emprisonnement maximal de cinq ans et une amende maximale de dix millions de dollars, ou l’une de ces peines, quiconque complote, se coalise ou conclut un accord ou arrangement avec une autre personne :

 

a) soit pour limiter, indûment, les facilités de transport, de production, de fabrication, de fourniture, d’emmagasinage ou de négoce d’un produit quelconque;

 

b) soit pour empêcher, limiter ou réduire, indûment, la fabrication ou production d’un produit ou pour en élever déraisonnablement le prix;

 

c) soit pour empêcher ou réduire, indûment, la concurrence dans la production, la fabrication, l’achat, le troc, la vente, l’entreposage, la location, le transport ou la fourniture d’un produit, ou dans le prix d’assurances sur les personnes ou les biens;

 

d) soit, de toute autre façon, pour restreindre, indûment, la concurrence ou lui causer un préjudice indu.

 

 

 

 

Idem

 

(2) Il demeure entendu qu’il n’est pas nécessaire, pour établir qu’un complot, une association d’intérêts, un accord ou un arrangement constitue l’une des infractions visées au paragraphe (1), de prouver que le complot, l’association d’intérêts, l’accord ou l’arrangement, s’il était exécuté, éliminerait ou éliminerait vraisemblablement la concurrence, entièrement ou à toutes fins utiles, sur le marché auquel il se rapporte, ni que les participants, ou l’un ou plusieurs d’entre eux, visaient à éliminer la concurrence, entièrement ou à toutes fins utiles, sur ce marché.

 

Preuve de complot

 

(2.1) Lors d’une poursuite intentée en vertu du paragraphe (1), le tribunal peut déduire l’existence du complot, de l’association d’intérêts, de l’accord ou de l’arrangement en se basant sur une preuve circonstancielle, avec ou sans preuve directe de communication entre les présumées parties au complot, à l’association d’intérêts, à l’accord ou à l’arrangement, mais il demeure entendu que le complot, l’association d’intérêts, l’accord ou l’arrangement doit être prouvé hors de tout doute raisonnable.

 

Preuve d’intention

 

(2.2) Il demeure entendu qu’il est nécessaire, afin d’établir qu’un complot, une association d’intérêts, un accord ou un arrangement constitue l’une des infractions visées au paragraphe (1), de prouver que les parties avaient l’intention de participer à ce complot, cette association d’intérêts, cet accord ou cet arrangement et y ont participé mais qu’il n’est pas nécessaire de prouver que les parties avaient l’intention que le complot, l’association d’intérêts, l’accord ou l’arrangement ait l’un des effets visés au paragraphe (1).

 

Défense

 

(3) Sous réserve du paragraphe (4), dans des poursuites intentées en vertu du paragraphe (1), le tribunal ne peut déclarer l’accusé coupable si le complot, l’association d’intérêts, l’accord ou l’arrangement se rattache exclusivement à l’un ou plusieurs des actes suivants :

 

a) l’échange de données statistiques;

 

b) la définition de normes de produits;

 

c) l’échange de renseignements sur le crédit;

 

d) la définition de termes utilisés dans un commerce, une industrie ou une profession;

 

e) la collaboration en matière de recherches et de mise en valeur;

 

f) la restriction de la réclame ou de la promotion, à l’exclusion d’une restriction discriminatoire visant un représentant des médias;

 

g) la taille ou la forme des emballages d’un article;

 

h) l’adoption du système métrique pour les poids et mesures;

 

i) les mesures visant à protéger l’environnement.

 

Exception

 

(4) Le paragraphe (3) ne s’applique pas si le complot, l’association d’intérêts, l’accord ou l’arrangement a réduit ou réduira vraisemblablement et indûment la concurrence à l’égard de l’un des sujets suivants :

 

a) les prix;

 

b) la quantité ou la qualité de la production;

 

c) les marchés ou les clients;

 

d) les voies ou les méthodes de distribution,

 

ou si le complot, l’association d’intérêts, l’accord ou l’arrangement a restreint ou restreindra vraisemblablement les possibilités pour une personne d’entrer dans un commerce, une industrie ou une profession ou d’accroître une entreprise commerciale, industrielle ou professionnelle.

 

Défense

 

(5) Sous réserve du paragraphe (6), dans des poursuites intentées en vertu du paragraphe (1), le tribunal ne peut déclarer l’accusé coupable si le complot, l’association d’intérêts, l’accord ou l’arrangement se rattache exclusivement à l’exportation de produits du Canada.

 

Exception

 

(6) Le paragraphe (5) ne s’applique pas si le complot, l’association d’intérêts, l’accord ou l’arrangement, selon le cas :

 

a) a eu pour résultat ou aura vraisemblablement pour résultat une réduction ou une limitation de la valeur réelle des exportations d’un produit;

 

b) a restreint ou restreindra vraisemblablement les possibilités pour une personne d’entrer dans le commerce d’exportation de produits du Canada ou de développer un tel commerce;

 

c) a empêché ou diminué la concurrence indûment dans la fourniture de services visant à promouvoir l’exportation de produits du Canada, ou aura vraisemblablement un tel effet.

 

d) [Abrogé, L.R. (1985), ch. 19 (2e suppl.), art. 30]

 

Moyens de défense

 

(7) Dans les poursuites intentées en vertu du paragraphe (1), le tribunal ne peut déclarer l’accusé coupable s’il conclut que le complot, l’association d’intérêts, l’accord ou l’arrangement se rattache exclusivement à un service et à des normes de compétence et des critères d’intégrité raisonnablement nécessaires à la protection du public :

 

a) soit dans l’exercice d’un métier ou d’une profession rattachés à ce service;

 

b) soit dans la collecte et la diffusion de l’information se rapportant à ce service.

 

Exception

 

(7.1) Le paragraphe (1) ne s’applique pas à un accord ou à un arrangement visé au paragraphe 49(1) lorsque cet accord ou arrangement a lieu entre des institutions financières fédérales.

 

Exception

 

(8) Le paragraphe (1) ne s’applique pas à un complot, une association d’intérêts, un accord ou un arrangement intervenu exclusivement entre des personnes morales qui, considérées individuellement, sont des affiliées de chacune des autres personnes morales en question.

 

L.R. (1985), ch. C-34, art. 45; L.R. (1985), ch. 19 (2e suppl.), art. 30; 1991, ch. 45, art. 547, ch. 46, art. 590, ch. 47, art. 714.

 

Demande en vertu de l’article 79 ou 92

 

 

45.1 Il ne peut être entamé de procédures en application du paragraphe 45(1) contre une personne qui fait l’objet d’une demande d’ordonnance en vertu de l’article 79 ou 92 lorsque les faits soulevés au soutien de la demande d’ordonnance sont les mêmes ou en substance les mêmes que ceux qui seraient soulevés dans les procédures prévues à ce paragraphe.

 

L.R. (1985), ch. 19 (2e suppl.), art. 31.

 

 

 

 

Recovery of damages

 

36. (1) Any person who has suffered loss or damage as a result of

 

(a) conduct that is contrary to any provision of Part VI, or

 

 

(b) the failure of any person to comply with an order of the Tribunal or another court under this Act,

 

 

may, in any court of competent jurisdiction, sue for and recover from the person who engaged in the conduct or failed to comply with the order an amount equal to the loss or damage proved to have been suffered by him, together with any additional amount that the court may allow not exceeding the full cost to him of any investigation in connection with the matter and of proceedings under this section.

 

 

 

Evidence of prior proceedings

 

(2) In any action under subsection (1) against a person, the record of proceedings in any court in which that person was convicted of an offence under Part VI or convicted of or punished for failure to comply with an order of the Tribunal or another court under this Act is, in the absence of any evidence to the contrary, proof that the person against whom the action is brought engaged in conduct that was contrary to a provision of Part VI or failed to comply with an order of the Tribunal or another court under this Act, as the case may be, and any evidence given in those proceedings as to the effect of those acts or omissions on the person bringing the action is evidence thereof in the action.

 

 

 

 

 

 

Jurisdiction of Federal Court

 

(3) For the purposes of any action under subsection (1), the Federal Court is a court of competent jurisdiction.

 

Limitation

 

(4) No action may be brought under subsection (1),

 

(a) in the case of an action based on conduct that is contrary to any provision of Part VI, after two years from

 

 

 

(i) a day on which the conduct was engaged in, or

 

(ii) the day on which any criminal proceedings relating thereto were finally disposed of, whichever is the later; and

 

(b) in the case of an action based on the failure of any person to comply with an order of the Tribunal or another court, after two years from

 

 

(i) a day on which the order of the Tribunal or court was contravened, or

 

 

(ii) the day on which any criminal proceedings relating thereto were finally disposed of, whichever is the later.

 

R.S., 1985, c. C-34, s. 36; R.S., 1985, c. 1 (4th Supp.), s. 11.

PART V

[Repealed, R.S., 1985, c. 19 (2nd Supp.), s. 29]

 

Conspiracy

 

45. (1) Every one who conspires, combines, agrees or arranges with another person

 

 

 

 

 

(a) to limit unduly the facilities for transporting, producing, manufacturing, supplying, storing or dealing in any product,

 

(b) to prevent, limit or lessen, unduly, the manufacture or production of a product or to enhance unreasonably the price thereof,

 

 

(c) to prevent or lessen, unduly, competition in the production, manufacture, purchase, barter, sale, storage, rental, transportation or supply of a product, or in the price of insurance on persons or property, or

 

 

(d) to otherwise restrain or injure competition unduly,

is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for a term not exceeding five years or to a fine not exceeding ten million dollars or to both.

 

Idem

 

(2) For greater certainty, in establishing that a conspiracy, combination, agreement or arrangement is in contravention of subsection (1), it shall not be necessary to prove that the conspiracy, combination, agreement or arrangement, if carried into effect, would or would be likely to eliminate, completely or virtually, competition in the market to which it relates or that it was the object of any or all of the parties thereto to eliminate, completely or virtually, competition in that market.

 

 

 

Evidence of conspiracy

 

(2.1) In a prosecution under subsection (1), the court may infer the existence of a conspiracy, combination, agreement or arrangement from circumstantial evidence, with or without direct evidence of communication between or among the alleged parties thereto, but, for greater certainty, the conspiracy, combination, agreement or arrangement must be proved beyond a reasonable doubt.

 

 

 

 

Proof of intent

 

(2.2) For greater certainty, in establishing that a conspiracy, combination, agreement or arrangement is in contravention of subsection (1), it is necessary to prove that the parties thereto intended to and did enter into the conspiracy, combination, agreement or arrangement, but it is not necessary to prove that the parties intended that the conspiracy, combination, agreement or arrangement have an effect set out in subsection (1).

 

 

 

Defence

 

(3) Subject to subsection (4), in a prosecution under subsection (1), the court shall not convict the accused if the conspiracy, combination, agreement or arrangement relates only to one or more of the following:

 

 

(a) the exchange of statistics;

 

(b) the defining of product standards;

 

(c) the exchange of credit information;

 

 

(d) the definition of terminology used in a trade, industry or profession;

 

 

(e) cooperation in research and development;

 

(f) the restriction of advertising or promotion, other than a discriminatory restriction directed against a member of the mass media;

 

(g) the sizes or shapes of the containers in which an article is packaged;

 

(h) the adoption of the metric system of weights and measures; or

 

(i) measures to protect the environment.

 

 

Exception

 

(4) Subsection (3) does not apply if the conspiracy, combination, agreement or arrangement has lessened or is likely to lessen competition unduly in respect of one of the following:

 

 

(a) prices,

 

(b) quantity or quality of production,

 

 

(c) markets or customers, or

 

(d) channels or methods of distribution,

or if the conspiracy, combination, agreement or arrangement has restricted or is likely to restrict any person from entering into or expanding a business in a trade, industry or profession.

 

 

 

 

 

 

Defence

 

(5) Subject to subsection (6), in a prosecution under subsection (1) the court shall not convict the accused if the conspiracy, combination, agreement or arrangement relates only to the export of products from Canada .

 

 

Exception

 

(6) Subsection (5) does not apply if the conspiracy, combination, agreement or arrangement

 

(a) has resulted in or is likely to result in a reduction or limitation of the real value of exports of a product;

 

 

(b) has restricted or is likely to restrict any person from entering into or expanding the business of exporting products from Canada ; or

 

 

(c) has prevented or lessened or is likely to prevent or lessen competition unduly in the supply of services facilitating the export of products from Canada .

 

 

(d) [Repealed, R.S., 1985, c. 19 (2nd Supp.), s. 30]

 

Defences

 

(7) In a prosecution under subsection (1), the court shall not convict the accused if it finds that the conspiracy, combination, agreement or arrangement relates only to a service and to standards of competence and integrity that are reasonably necessary for the protection of the public

 

 

 

(a) in the practice of a trade or profession relating to the service; or

 

(b) in the collection and dissemination of information relating to the service.

 

Exception

 

(7.1) Subsection (1) does not apply in respect of an agreement or arrangement between federal financial institutions that is described in subsection 49(1).

 

 

Exception

 

(8) Subsection (1) does not apply in respect of a conspiracy, combination, agreement or arrangement that is entered into only by companies each of which is, in respect of every one of the others, an affiliate.

 

 

R.S., 1985, c. C-34, s. 45; R.S., 1985, c. 19 (2nd Supp.), s. 30; 1991, c. 45, s. 547, c. 46, s. 590, c. 47, s. 714.

 

Where application made under section 79 or 92

 

45.1 No proceedings may be commenced under subsection 45(1) against a person against whom an order is sought under section 79 or 92 on the basis of the same or substantially the same facts as would be alleged in proceedings under that subsection.

 

 

 

R.S., 1985, c. 19 (2nd Supp.), s. 31.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE B

 

 

1.  Après avoir indiqué que Mitsubishi Canada et Mitsubishi Amérique avaient vocation d’importer, de distribuer, de vendre et de louer des véhicules Mitsubishi, ainsi que leurs pièces et accessoires, respectivement au Canada et aux États-Unis et que Mitsubishi Japon se livrait à la fabrication et coordonne sur l’échelle mondiale la distribution, vente et location des véhicules Mitsubishi, ainsi que leurs pièces et accessoires, la demanderesse plaide au paragraphe 7 de sa réclamation :

 

  1. Les défenderesses qui sont d’ailleurs des compagnies

  liées, collaborent ensemble afin d’importer et vendre tous

  les véhicules de marque Mitsubishi ainsi que leurs

  pièces et accessoires au Canada et aux États-Unis. La

  vente au détail des véhicules se fait toutefois par

  l’entremise de concessionnaires qui ne sont pas affiliés

  aux intimées;

 

2. Ensuite elle explique le fonctionnement de l’Accord de libre-échange Nord Américain (l’ALENA) signé le 17 décembre 1992, ayant pour objectif d’éliminer plusieurs droits douaniers, impôts et tarifs sur le commerce, ainsi que de faciliter la libre circulation des biens, ce qui a eu comme résultat que les automobiles fabriquées pour être vendues au Canada et aux États-Unis sont substantiellement identiques et après avoir remarqué que durant les années 1990 l’évolution de la différence de prix sur les produits des intimés entre le Canada et les États-Unis et l’impact du taux d’échange entre les deux pays surtout entre 1999 et 2003 qui permettait les résidents des États-Unis d’épargner des milliers de dollars en achetant des produits Mitsubishi des concessionnaires canadiens; elle estime que c’est cette évolution et face à une perte de profit pourquoi les intimés ont « conspiré entre elles et avec leurs concessionnaires américains et canadiens afin de restreindre la libre circulation de leurs produits par le frontière Canado-américaine par diverses mesures pour isoler les deux marchés l’un de l’autre. »

 

3. Nancy Bouchard explique au paragraphe 19 de sa déclaration que « même en 2008 quand le dollar canadien s’échangeait presqu’à la parité avec le dollar américain, les prix canadiens étaient approximativement 25%  plus chers. Un exemple est tiré des sites web des défenderesses nord-américaines.

 

4. Sous un chapitre de sa déclaration intitulé « Conspiration des intimés », la demanderesse plaide :

 

  1. Suite à une concurrence au Canada, il serait normal que le prix des produits Mitsubishi baisse pour atteindre peu à peu le prix des produits Mitsubishi américains. Toutefois, les défenderesses, par leurs conspirations, comportements et directives avec leurs concessionnaires ont maintenu artificiellement les prix des voitures au Canada approximativement 25% plus élevés en empêchant l’importation des véhicules neufs des États-Unis vers le Canada;

 

  1. Afin d’empêcher les consommateurs canadiens de tirer avantage des opportunités d’achat aux États-Unis, et dans le but d’augmenter leurs prix au dépend desdits consommateurs, les défenderesses ont conspiré ensemble et avec leurs agents affiliés et concessionnaires afin de maintenir et charger aux consommateurs des prix artificiellement plus élevés que ce qu’elles auraient pu demander dans un vrai marché de libre-échange de véhicules Mitsubishi;

 

  1. Le but premier de cette conspiration était d’augmenter leurs profits au Canada et empêcher l’érosion naturelle des prix canadiens par la concurrence;

 

  1. Les défenderesses et leurs concessionnaires ont secrètement commis des pratiques anticoncurrentielles pour faire monter ou maintenir élevé le prix des véhicules Mitsubishi canadiens et ceci en se concertant pour ne pas se faire compétition face à face dans le marché canadien, éliminant ainsi toute possibilité de prix concurrentiels;

 

  1. Afin d’augmenter artificiellement le prix des véhicules vendus au Canada, les défenderesses ont conspiré avec leurs concessionnaires et se sont engagées dans une série d’actions, ententes et directives concertées entre elles, leurs filiales, agents et leurs concessionnaires afin de réduire la concurrence dans le marché canadien pour que moins de véhicules Mitsubishi y entrent;

 

  1. La manière par laquelle les défenderesses et leurs concessionnaires ont accompli une telle conspiration était surtout en contrôlant et limitant la circulation des nouveaux véhicules automobiles Mitsubishi des États-Unis vers le Canada;

 

  1. Depuis le 1 juin 2006, les défenderesses ont réussi à maintenir le prix de leurs produits au Canada artificiellement élevé en pratiquant les tactiques suivantes :

 

  1. Les défenderesses ont demandé à et exigé de leur réseau de concessionnaires au Canada de ne pas honorer la garantie applicable aux véhicules vendus par les concessionnaires américains;

 

  1. Les défenderesses ont annoncé une garantie limitée de façon à décourager tout acheteur canadien d’acheter les produits Mitsubishi aux États-Unis. Même en 2008 le site officiel de l’intimée Mitsubishi Amérique se référait au manuel de garantie et d’entretien qui indiquait  « Vehicules registered and operating outside of the United States are not covered under the terms of this limited warranty. », tel qu’il appert d’une copie de l’extrait dudit manuel produit au soutien des présentes sous la cote P-6;

 

  1. Les défenderesses ont convenu avec et interdit aux concessionnaires canadiens d’acheter des véhicules aux États-Unis, les forçant ainsi d’acheter tous leurs véhicules à un prix canadien qui est plus élevé que le prix offert aux concessionnaires américains;

 

  1. Les défenderesses ont convenu avec et interdit aux concessionnaires américains de vendre des véhicules aux concessionnaires canadiens;

 

  1. Les défenderesses ont refusé de fournir ou ont rendu difficile l’obtention de la lettre de conformité quant aux rappels du fabriquant, lettre exigée par Transport Canada pour permettre l’importation d’un véhicule. Ce document établi que toutes les réparations visées par les lettres de rappel du fabriquant ont été effectuées sur le véhicule en question;

 

  1. Les défenderesses ont rendu les moyens de financement et/ou de location à long terme de leurs produits Mitsubishi américains difficiles pour les résidents canadiens au point qu’un résident canadien ne pouvait financer un véhicule Mitsubishi acheté aux États-Unis par les moyens de financement habituellement disponibles aux canadiens;

 

  1. Les défenderesses ont refusé et/ou négligé de fournir toutes les lettres de rappel de sécurité aux propriétaires de véhicules Mitsubishi importés au Canada;

 

  1. Les détails exacts des ententes et des directives données par les défenderesses aux concessionnaires sont présentement connus par les défenderesses. Toutefois, le résultat des tactiques et ententes est que les consommateurs canadiens qui désiraient obtenir la protection typiquement offerte par le fabriquant Mitsubishi en 2008 devaient payer en moyenne 25% plus;

 

  1. Lesdites ententes entre les défenderesses et les concessionnaires visaient et ont réussit à faire augmenter ou maintenir élevé déraisonnablement le prix des produits Mitsubishi au Canada, le tout au détriment des consommateurs;

 

  1. Afin d’exécuter les éléments de la conspiration visant à faire augmenter ou maintenir artificiellement les prix des produits Mitsubishi au Canada, les défenderesses ont eu recours à une série d’actions, ententes et directives concertées entre elles, leurs affiliés, leurs agents et leurs concessionnaires dans le but de réduire la compétition pour les nouveaux produits Mitsubishi dans le marché canadien;

 

  1. Les ententes et comportements ci-haut décrits ont, entre autres, eu les effets suivants :

 

  1. La concurrence pour la vente des véhicules neufs entre les véhicules Mitsubishi américains et les véhicules Mitsubishi canadiens a été supprimée ou restreinte;

 

  1. Le prix des véhicules Mitsubishi achetés par la demanderesse et les autres membres du groupe proposé a été déraisonnablement et artificiellement élevé;

 

  1. La disponibilité des véhicules neufs Mitsubishi au Canada a été limitée à des quantités moindres que les quantités disponibles normalement dans un marché compétitif où les véhicules Mitsubishi américains entrent au pays;

 

  1. Il est important de souligner que les nouveaux véhicules Mitsubishi vendus au Canada ne sont pas, ou presque pas, modifiés par les concessionnaires. Par conséquent, les consommateurs et acheteurs indirects qui achètent les véhicules des concessionnaires subissent entièrement les préjudices de la restriction verticale de commerce imposée au marché des produits Mitsubishi au Canada;

 

  1. Du point de vu du consommateur, tout le surprix illégal imposé par les défenderesses aux concessionnaires est refilé par ces derniers aux consommateurs sous forme de prix plus élevés;

 

  1. En fait, lors de la négociation entre un consommateur et le concessionnaire, ce dernier utilise le prix facturé par les défenderesses (coûtant pour le concessionnaire) et/ou le prix au détail suggéré par le fabriquant. Ces deux prix qui sont plus élevés au Canada qu’au États-Unis sont fixés par les défenderesses. [Je souligne.]

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-382-09

 

INTITULÉ :    NANCY BOUCHARD c. VENTES DE VÉHICULES MITSUBISHI DU CANADA INC. et al

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 9 novembre 2009

 

SOUMISSIONS ULTÉRIEURES :  1) de la demanderesse le 16 novembre 2009

  2) de la défenderesse le 16 novembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :  Le juge Lemieux

 

DATE DES MOTIFS :  Le 19 janvier 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

James R. Nazem

 

 

POUR LA DEMANDERERESSE

Éric Vallières

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Nazem, Lévy-Soussan, Lauzon, Ratelle

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERERESSE

McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

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