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Date : 20100120

Dossier : T-118-08

Référence : 2010 CF 46

Ottawa (Ontario), le 20 janvier 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

 

ENTRE :

BIOVAIL CORPORATION

et DEPOMED, INC.

demanderesses

et

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

et APOTEX INC.

défendeurs

 

MOTIFS PUBLICS MODIFIÉS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande visant à obtenir, en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑1333 (le Règlement AC), une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer à Apotex un avis de conformité pour une version générique de la metformine ER en comprimés à libération prolongée de 500 mg, avant l’expiration du brevet canadien 2,290,624 (le brevet 624) de Biovail, le 5 juin 2018. Selon Apotex, le brevet 624 que Biovail détient pour la metformine à libération prolongée, vendue sous son nom commercial GLUMETZA, est invalide pour cause d’antériorité, d’évidence et de double brevet, de sorte que la vente de la version générique du médicament devrait être immédiatement autorisée sur le marché canadien. De plus, Apotex allègue que la formulation de sa metformine à libération prolongée est conforme à l’art antérieur de sorte qu’elle ne contrefait pas le brevet 624, et que le moyen de défense fondé sur l’arrêt Gillette s’applique.

 

Question préliminaire relativement au brevet canadien n° 2,416,671 (le brevet 671)

[2]               Lors de l’audience, les parties ont informé la Cour que le brevet 671 faisait partie à l’origine de l’avis d’allégation et par conséquent, de l’avis de demande en cause en l’espèce. Les demanderesses ont fait savoir que le brevet 671 n’est plus visé par la présente demande et que la Cour n’a pas à se pencher sur le brevet 671 dans son jugement. Après l’audience, les parties ont avisé la Cour que la présente demande devrait être rejetée « eu égard au brevet canadien 2,412,671 ».

 

CONTEXTE

Le brevet 624

[3]               Le brevet 624 concerne un système de libération prolongée qui libère des médicaments hautement solubles de manière contrôlée, pendant un laps de temps prolongé, afin d’améliorer leur efficacité et d’optimiser leur utilisation.

 

[4]               La demanderesse Depomed Inc. est titulaire du brevet 624. Au Canada, la demanderesse Biovail Corporation commercialise, sous licence, le médicament chlorhydrate de metformine, conformément au brevet 624 sous le nom commercial GLUMETZA.

 

[5]               La demande relative au brevet 624 a été déposée le 5 juin 1998, et a revendiqué la priorité fondée sur la demande de brevet américaine 8,870,09, laquelle a été déposée le 6 juin 1997. Le brevet 624 a été délivré le 5 décembre 2006 et expire le 5 juin 2018.

 

[6]               Le brevet 624 décrit un système de libération de médicaments qui consiste en une forme pharmaceutique gonflable, à rétention gastrique, qui libère des médicaments, comme la metformine, de manière contrôlée dans l’estomac pendant un laps de temps prolongé. La libération contrôlée de ces médicaments se fait grâce à leur synthèse dans une matrice polymérique. La demanderesse se fonde sur les revendications 6, 11, 16, 19 et 20 du brevet. Selon elle, le concept inventif divulgué dans les revendications invoquées réside dans la combinaison de trois éléments : une forme pharmaceutique administrée par voie orale, à libération contrôlée et à rétention gastrique à utiliser avec la metformine, la vitesse de libération du médicament étant dépendante de la dissolution et de la diffusion; le polymère qui demeure intact durant la période de libération du médicament; et le principal mécanisme de libération du médicament qui n’est pas érodable.

 

[7]               Le brevet 624 a pour titre « Formes de dosage de médicaments administrés par voie orale à rétention gastrique pour libération lente de médicaments hautement solubles ». On y explique que dans les années 1970 une variété de systèmes de libération contrôlée de médicaments ont été mis au point pour des « médicaments faiblement solubles » (voir la page 1, ligne 20 du brevet). Or ces systèmes ne fonctionnaient pas avec les médicaments hautement solubles. Le brevet indique que l’invention est un système d’administration à libération contrôlée de médicaments hautement solubles, comme la metformine.

 

Les parties

[8]               La demanderesse Biovail commercialise le GLUMETZA (chlorhydrate de metformine) à prise monoquotidienne conformément à un avis de conformité délivré par Santé Canada le 31 mai 2005 pour le contrôle de l’hyperglycémie dans le diabète de type 2. Biovail détient une licence exclusive pour le brevet 624 et a obtenu le consentement de la titulaire du brevet, Depomed, Inc., pour inclure le brevet sur la liste des brevets de Santé Canada.

 

[9]               Depomed, Inc. est la titulaire et la développeure du brevet 624.

 

[10]           La défenderesse Apotex Inc. est un fabricant canadien de médicaments génériques. Apotex a déposé une présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) auprès de Santé Canada relativement au médicament APO‑Metformin ER en comprimés à libération prolongée de 500 mg pour administration orale, pour la maîtrise de l’hyperglycémie chez les patients adultes souffrant de diabète de type 2 (non insulinodépendant, à apparition tardive), comme traitement d’appoint à la diète, l’exercice et la perte de poids, et quand l’insulinothérapie n’est pas appropriée. Apotex a signifié un avis d’allégation à Biovail le 11 décembre 2007 dans lequel elle alléguait l’invalidité du brevet 624 pour cause d’antériorité, d’évidence et de double brevet et l’absence de contrefaçon, invoquant le moyen de défense fondé sur l’arrêt Gillette.

 

[11]           Le ministre de la Santé a déposé un avis de comparution, mais n’a pas pris part davantage à l'instance.

 

Le médicament en litige : le chlorhydrate de metformine

[12]           Le GLUMETZA, de Biovail, et son ingrédient actif, le chlorhydrate de metformine, sont utilisés pour le traitement du diabète de type 2. Le chlorhydrate de metformine est la forme sel de la metformine.

 

[13]           Médicament bien connu et établi, la metformine est reconnue comme un antidiabétique oral depuis 1959. Des formes pharmaceutiques orales utilisées pour la libération de la metformine et de ses sels ont été décrites et brevetées dès 1965. Par exemple, le brevet américain no 3,174,901 intitulé « Process for the Oral Treatment of Diabetes » (Procédé pour le traitement oral du diabète) a été délivré le 23 mars 1965 et présente des formes pharmaceutiques orales contenant de la metformine et ses sels. Au moment du dépôt du brevet 624 en 1997, la metformine était un médicament antidiabétique populaire qui était administré deux ou trois fois par jour. À ce moment, le brevet visant la metformine avait expiré et des fabricants de médicaments génériques produisaient ce médicament.

 

[14]           La metformine est un médicament hautement soluble qui se dissout rapidement dans l’estomac. Cette propriété pose un double problème pour les formulateurs d’une version à libération prolongée : le lieu d’absorption du médicament et la vitesse de libération. Premièrement, le médicament doit être retenu dans l’estomac pour que sa libération soit favorisée à cet endroit. Comme l'a dit le Dr Fass, l’administration par voie orale de médicaments préparés, par exemple sous forme de comprimés, de capsules, etc., est la façon la plus courante de traiter les humains au moyen de produits pharmaceutiques. Par conséquent, les médicaments à administration orale doivent pouvoir agir dans les conditions hautement variables et souvent extrêmes du tube digestif. Comme la plupart des médicaments sont surtout absorbés dans la partie supérieure de l’intestin grêle, la rétention de la metformine dans l’estomac est privilégiée.

 

[15]           Deuxièmement, les médicaments hautement solubles demeurent dans l’estomac pendant des laps de temps courts et irréguliers, ce qui se traduit par une faible biodisponibilité, une proportion moindre du médicament étant absorbée, et par la possibilité d’une surdose immédiate suivie d’une période de sous-dosage.

 

[16]           Il est également souhaitable de réduire le nombre de doses journalières de médicament, puisqu’il est difficile pour un patient de les respecter si elles sont fréquentes. Limiter le nombre de doses peut aussi réduire les effets indésirables comme l’irritation de l’estomac. Par conséquent, la formulation de la metformine sous une forme pharmaceutique convenable, comme la libération prolongée, permet de réduire la quantité globale de metformine que doit prendre le patient et peut aider à stabiliser la concentration du médicament dans l’organisme dans le temps.

 

[17]           Comme l’a expliqué Mme Louie‑Helm, au début des années 1970 les méthodes d’administration de médicaments se sont améliorées grâce à la mise au point d’une variété de systèmes de libération contrôlée, qui comprenaient des systèmes utilisant des polymères particuliers pour contrôler la libération de médicaments faiblement solubles. En conséquence, des formulations à libération prolongée ont été commercialisées pour les médicaments de faible solubilité. Dans le cas des médicaments hydrosolubles, les premières matrices polymériques ne contrôlaient pas suffisamment leur libération. Résultat : le médicament était généralement libéré dans les deux premières heures.

 

[18]           Le Glumetza est administré une fois par jour à raison d’un comprimé après le repas, quand l’estomac contient de la nourriture, c’est‑à‑dire lorsque le passage entre l’estomac et l’intestin grêle est rétréci et que seuls les liquides et les petites particules peuvent passer. Les plus grosses particules sont refluées dans l’estomac où elles continuent d’être digérées. Le gonflement de la matrice polymérique au contact du liquide gastrique sert à deux choses : 1) il empêche la forme pharmaceutique de sortir de l’estomac, lui permettant d’y rester plus longtemps et 2) il ralentit la diffusion du médicament incorporé hors du comprimé et dans la partie supérieure de l’intestin grêle.

 

Polymères

[19]           Le terme « polymère » désigne une vaste catégorie de matières dont les caractéristiques et usages sont multiples. Selon M. Paul, les polymères sont des composés formés par l’association de plus petites unités, appelées monomères. La liaison répétée de ces unités permet au formulateur de créer des polymères synthétiques dotés de structures et de qualités particulières. Par exemple, l’ajout d’hydroxyalkyle à une chaîne principale de cellulose produira un polymère qui aime l’eau (hydrophile). Lorsqu’ils sont immergés dans l’eau, ces polymères ont tendance à gonfler à mesure qu’ils absorbent l’eau.

 

[20]           Les polymères peuvent être combinés avec des ingrédients médicinaux, comme la metformine, pour contrôler la libération du médicament dans l’estomac. Il existe cinq mécanismes de contrôle de la vitesse de libération des médicaments : la diffusion, la dissolution, le gonflement, l’érosion et la décomposition chimique de la matrice polymérique. Un mécanisme de contrôle n’exclut pas l’autre. Aux fins du brevet 624, la diffusion, la dissolution et le gonflement sont les mécanismes les plus importants.

 

[21]           Par diffusion, on désigne le mouvement des molécules d’un endroit où leur concentration est élevée vers un endroit de concentration inférieure en fonction de leur agitation thermique aléatoire. Dans le cas des formes pharmaceutiques à libération contrôlée, la libération du médicament se produit lorsque le médicament solide (dans la matrice polymérique) se dissout dans le polymère ou dans le polymère qui a absorbé le solvant (comme le liquide gastrique) pour ensuite se diffuser dans le milieu ambiant. La dissolution est le procédé qui consiste à dissoudre un solide dans un liquide pour obtenir une solution.

 

[22]           Comme il a déjà été mentionné, les polymères hydrophiles gonflent après avoir absorbé un liquide. Dans les formes pharmaceutiques à libération contrôlée gonflables, la vitesse de libération du médicament dépend de la vitesse à laquelle le liquide environnant est absorbé dans la matrice polymérique. L’hydroxypropylméthylcellulose (HPMC) et le poly(éthylène oxyde) (POEX), des polymères figurant dans le brevet 624 en tant que parties de l’invention, sont deux des polymères gonflables le plus couramment utilisés pour la libération contrôlée des médicaments dans l’estomac, leur masse est variée, et ils sont utilisés depuis près de 25 ans (voir l’affidavit de M. Digenis, paragraphes 38 à 42 et 72).

 

LA PREUVE

[23]           Le 15 octobre 2008, le protonotaire Kevin Aalto a ordonné l’« inversion de l’ordre de présentation de la preuve », exigeant qu’Apotex dépose en premier sa preuve à l’appui de son allégation d’invalidité. Biovail a ensuite répondu en présentant ses propres éléments de preuve.

 

[24]           Apotex a déposé les affidavits de trois témoins experts, d’un de ses employés et d’une stagiaire en droit embauchée par l’avocat de la défenderesse :

Experts

1.         M. Robert Langer

2.         M. Tarun Mandal

3.         M. George Digenis

 

Employé d’Apotex

4.         M. John Hems

 

Stagiaire en droit

5.         Mme Biserka Horvat (stagiaire chez Goodmans LLP)

 

[25]           Biovail a fourni les affidavits de deux témoins experts, de l’un des deux inventeurs du brevet 624, d’un témoin de fait, d’un de ses employés et d’un stagiaire en droit embauché par l’avocat de la demanderesse :

Experts

1.         M. Donald Paul

2.         Dr Ronnie Fass

 

Coinventrice

3.         Mme Jenny Louie-Helm

 

Témoin de fait

 

4.         Mme Christine Haskett (associée au sein d’un cabinet juridique américain qui a pris part à l’instance américaine relative aux équivalents du brevet 624).

 

Employé de Biovail

5.         M. Alim Mamajiwalla

 

Stagiaire en droit

6.         M. Roger Shoreman (stagiaire chez Lanczner Slaght Royce Smith          Griffin LLP)

 

Les renseignements sur ces témoins figurent dans un document joint aux présentes en « annexe A ».

 

Témoignage de Mme Jenny Louie-Helm

[26]           Les inventeurs désignés dans le brevet 624 sont M. John W. Shell et Mme Jenny Louie‑Helm. M. Shell était le président et fondateur de Depomed. Il est retraité et n’a pas présenté d’affidavit en raison de son âge et de son état de santé. La coinventrice, Mme Louie‑Helm, a présenté un affidavit comprenant ses notes de laboratoire détaillées, dans lequel elle donne un aperçu de ses travaux sur la metformine.

 

[27]           Au début des années 1990, M. Shell et Mme Louie‑Helm ont travaillé à la formulation de formes pharmaceutiques permettant la libération contrôlée de médicaments ayant une faible solubilité dans l’eau. En 1992, ils ont axé leurs travaux sur la mise au point d’une forme pharmaceutique à libération contrôlée et à rétention gastrique pour l’acide acétylsalicylique (aspirine ou AAS). Selon Mme Louie-Helm, les expériences menées sur l’aspirine ont permis de comprendre le lien entre le type et la qualité des polymères à utiliser pour former une matrice polymérique qui gonflerait jusqu’à atteindre une taille suffisante pour permettre la rétention dans l’estomac et la libération contrôlée d’un médicament faiblement soluble. [LES ÉLÉMENTS DE PREUVE CONFIDENTIELS MENTIONNÉS ONT ÉTÉ EXPURGÉS DE LA VERSION PUBLIQUE DES MOTIFS DE L’ORDONNANCE _________________________________

________________]

 

[28]           Mme Louie-Helm affirme que son but était de mettre au point des formes pharmaceutiques à base de polymères, à libération contrôlée et à rétention gastrique qui pourraient être utilisées avec des médicaments hautement hydrosolubles sans ajout d’additifs cireux.

 

[29]           En 1993, Depomed a préparé des formes pharmaceutiques à libération contrôlée et à rétention gastrique formulées avec des médicaments hautement solubles. D’après Mme Louie‑Helm, la mise au point de ces formes pharmaceutiques était axée sur divers facteurs, dont la sélection de polymères appropriés – type, quantité, masse moléculaire, viscosité ou combinaisons – et la formulation des éléments choisis en une forme pharmaceutique à libération contrôlée de façon à obtenir un profil de libération du médicament.

 

[30]           [LES ÉLÉMENTS DE PREUVE CONFIDENTIELS MENTIONNÉS ONT ÉTÉ EXPURGÉS DE LA VERSION PUBLIQUE DES MOTIFS DE L’ORDONNANCE _____________________________________________________________________________

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________]

 

Témoignage de M. Donald Paul

[31]           Principal témoin expert pour Biovail, M. Paul est titulaire d’un doctorat en génie chimique. À l’instar du témoin expert principal pour Apotex, M. Langer, M. Paul a un curriculum vitæ qui démontre des compétences remarquables pour témoigner en l’espèce. Il a expliqué quel était l’état de la technique en ce qui concerne les systèmes d’administration de médicaments à libération contrôlée et les formulations avant que le brevet 624 ne soit devenu accessible au public en 1997. Dans les années 1970 et 1980, les médicaments à libération contrôlée ou retardée étaient formulés à l’aide de polymères, mais ces formulations étaient destinées aux médicaments faiblement solubles, ce qui signifie que le médicament ne se dissolvait pas rapidement dans l’eau. Pour les médicaments hautement solubles, comme la metformine, ces mécanismes de libération contrôlée ne fonctionnaient pas. M. Paul soutient que les formes décrites dans le brevet 624 sont différentes des formes pharmaceutiques à libération contrôlée de l’art antérieur, et ce, pour deux raisons. Premièrement, le brevet 624 porte sur un mécanisme de libération contrôlé destiné à des médicaments définis comme étant aisément solubles dans l’eau. Deuxièmement, le médicament est libéré principalement par diffusion, et non par dissolution, lorsqu’il est formulé avec des polymères gonflables de masse moléculaire élevée.

 

Témoignage de M. Robert Langer

[32]           Titulaire d’un doctorat en génie chimique, M. Langer a comparu en tant que témoin expert pour Apotex. Son curriculum vitæ compte près de 70 pages à simple interligne. Il a reçu plus de 160 récompenses importantes dont la National Medal of Science en 2006, la plus haute distinction scientifique décernée aux États‑Unis. En 2002, il s’est vu décerner le prix Charles Stark Draper. Considéré comme l’équivalent du prix Nobel pour les ingénieurs, c’est le prix le plus prestigieux au monde dans le domaine du génie.

 

[33]           La Cour note, encore une fois, que MM. Paul et Langer sont des ingénieurs chimistes remarquables et hautement estimés dans leur domaine.

 

[34]           M. Langer a examiné en profondeur le brevet 624 et y a consacré plus de dix pages dans son affidavit.

 

[35]           M. Langer indique que les comprimés de metformine à libération prolongée d’Apotex sont préparés conformément aux enseignements de deux GUIDES DE PRODUITS METHOCEL DE DOW publiés et accessibles au public. Le premier GUIDE DE DOW a paru en 1982 et le deuxième, en 1995. À cet égard, M. Langer donne une analyse détaillée dans son affidavit.

 

[36]           M. Langer exprime également l’avis que le brevet 624 était évident à la lumière de l’état de la technique à la date de revendication du brevet 624. Là encore, M. Langer entreprend une analyse exhaustive à cet égard. Cet affidavit est détaillé et technique, et comprend 143 pages sans compter le curriculum vitæ susmentionné.

 

Litige relatif au brevet 624

[37]           Le brevet 624 n’a pas fait l'objet de litiges au Canada. Cependant, deux brevets connexes, les brevets américains n° 6,340,475 et n° 6,635,280 ont été examinés aux États‑Unis dans l’affaire Depomed, Inc. v. Ivax Corporation. Le 20 décembre 2006, le juge Charles Breyer a prononcé une ordonnance d’interprétation des revendications des deux brevets américains (voir Depomed, Inc. v. Ivax Corporation, United States District Court, Northern District of California, (9e cir.), numéro de dossier 3:06‑cv‑00100 CRB (non publiée)). Le 12 décembre 2007, le juge Breyer a fait droit à la requête pour jugement sommaire en contrefaçon de la titulaire du brevet, Depomed, Inc., et a rejeté la requête en jugement sommaire pour invalidité, absence de contrefaçon délibérée et conduite inéquitable du fabricant de médicaments génériques (voir Depomed, Inc. v. Ivax Corporation and Ivax Pharma, 532 F. Supp. 2d 1170, (9e cir. 2007).

 

QUESTIONS EN LITIGE

[38]           En l’espèce, Apotex soutient dans son avis d’allégation que le brevet 624 est invalide pour cause d’antériorité, d’évidence et de double brevet, et elle plaide l’absence de contrefaçon en invoquant le moyen de défense tiré de l’arrêt Gillette.

 

[39]           Par conséquent, il faut, dans la présente demande d’ordonnance d’interdiction, rechercher si les allégations suivantes d’Apotex sont justifiées :

a.       si le brevet 624 a été devancé par des antériorités, qu’Apotex a limitées à l’audience à la demande 755;

 

b.      si l’objet du brevet 624 a été divulgué dans une mosaïque d’antériorités et était par conséquent évident pour une personne versée dans l’art;

 

c.       si le brevet 624 est invalide selon le principe du double brevet, c’est‑à‑dire un brevet pour une invention qui a fait l’objet d’un autre brevet, en l’occurrence le brevet nº 2,416,671 (le brevet 671);

 

d.      si la formulation de metformine à libération prolongée d’Apotex a été divulguée dans des pièces d’art antérieur, soit les publications de Dow, de sorte que la formulation d’Apotex ne peut contrefaire le brevet 624 et que le moyen de défense fondé sur l’arrêt Gillette s’applique.

 

ANALYSE

Fardeau de la preuve

[40]           Comme l’a déclaré le juge Roger Hughes dans la décision Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., 2009 CF 320, au paragraphe 38, la question du fardeau de la preuve dans une instance concernant un avis de conformité quant à l’invalidité devrait être tranchée de la façon suivante :

            1.         La seconde personne peut, dans son avis d’allégation, soulever un ou plusieurs motifs pour faire valoir l’invalidité;

 

            2.         La première personne peut, dans son avis de demande déposé auprès de la Cour, lier contestation à l’égard d’un ou de plusieurs de ces motifs;

 

            3.         La seconde personne peut produire une preuve pendant l’instance devant la Cour pour étayer les motifs à l’égard desquels a été liée contestation;

 

          4.         La première personne peut, à ses risques, se fier simplement sur la présomption de validité prévue par la Loi sur les brevets ou, si elle est plus prudente, présenter sa propre preuve quant aux motifs d’invalidité mis en cause;

 

            5.         La Cour apprécie la preuve. Si la première personne se fie uniquement sur la présomption, la Cour va malgré cela apprécier la solidité de la preuve produite par la seconde personne. Si cette preuve n’est pas concluante ni pertinente, la présomption prévaudra. Si les deux parties produisent une preuve, la Cour appréciera la preuve et tranchera la question selon la norme habituelle de la prépondérance des probabilités;

 

            6.         Si la preuve de l’une et l’autre partie s’équivaut à l’étape 5 (ce qui est rare), le requérant (la première personne) n’aura pas réussi à démontrer l’absence de fondement de l’allégation d’invalidité et n’aura pas droit à la délivrance de l’ordonnance d’interdiction sollicitée.

 

 

[41]           Apotex a soulevé des arguments quant à la validité. Tant Biovail qu’Apotex ont produit des éléments de preuve et ont présenté des observations.

 

[42]           Lorsqu’un fabricant de médicaments génériques allègue la non-contrefaçon, les déclarations qu’il fait à cet égard dans son avis d’allégation sont présumées véridiques. Le demandeur (première personne) a le fardeau de prouver à la Cour, selon la prépondérance des probabilités, que les allégations de non-contrefaçon ne sont pas justifiées. (Novopharm Limited c. Pfizer Canada Inc. (2005), 42 C.P.R. (4e) 97, 2005 CAF 270, aux paragraphes 19, 20 et 24).

 

Personne versée dans l’art

[43]           L’interprétation d’un brevet doit se faire en partant du principe que le destinataire est une personne versée dans l’art et les connaissances qu’elle est censée posséder doivent être considérées. La personne fictive qui est versée dans l’art a des compétences et des connaissances usuelles dans l’art dont relève l’invention et un esprit désireux de comprendre le mémoire descriptif qui lui est destiné. On suppose que cette personne va tenter de réussir, et non rechercher les difficultés ou viser l’échec (Free World Trust c. Électro Santé Inc. (2000), 9 C.P.R. (4e) 168 (C.S.C.)).

 

[44]           Selon la preuve par affidavit des experts de Biovail et d’Apotex, la personne versée dans l’art est une personne (ou une équipe) qui est titulaire d’un diplôme d’études supérieures en chimie pharmaceutique ou dans une discipline connexe et qui possède une expérience en préformulation et formulation ainsi qu’en conception et fabrication des formes pharmaceutiques, dont les formes à libération contrôlée. La personne versée dans l’art aurait également une connaissance pratique des polymères ainsi que de l’anatomie et de la physiologie de l’estomac, en plus d’avoir une expérience en mise au point de formes pharmaceutiques à libération contrôlée.

 

Interprétation des revendications du brevet

[45]           Il incombe à la Cour d’interpréter les revendications avant de statuer sur les questions de validité ou de contrefaçon (Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, au paragraphe 43). Cette interprétation s’applique à l’ensemble du brevet, le cas échéant, et non seulement aux revendications (Burton Parsons Chemicals, Inc. c. Hewlett-Packard (Canada) Ltd., [1976] 1 R.C.S. 555, à la page 563).

 

[46]           C’est à la Cour seule qu’appartient la tâche d’interpréter un brevet (Whirlpool, précité; Burton Parsons, précité) et celle-ci doit être abordée de façon éclairée et en fonction de l'objet, en portant une grande attention au but et à l’intention des auteurs et avec le souci judiciaire de confirmer une invention vraiment utile (Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504). Cependant, le breveté ne peut pas rédiger de nouveau une revendication dans le cadre d’une interprétation des revendications (Whirlpool, précité).

 

[47]           Le brevet 624 porte sur des systèmes de libération de médicaments qui sont retenus dans l’estomac pendant un laps de temps prolongé tout en libérant un médicament hautement soluble de manière contrôlée afin d’augmenter son efficacité et d’optimiser son utilisation. À la page 2 du brevet 624, le breveté décrit l’invention comme suit :

[traduction] On sait maintenant que les médicaments hautement solubles dans l’eau peuvent être administrés par voie orale d’une manière qui prolongera leur durée de libération, celle-ci se produisant essentiellement pendant toute la période où l’estomac contient de la nourriture, mais pas beaucoup plus longtemps.

 

 

[48]           Au paragraphe 47 de son mémoire des faits et du droit, la demanderesse déclare que le concept inventif divulgué dans les revendications invoquées réside dans une combinaison de trois éléments : une forme pharmaceutique administrée par voie orale, à libération contrôlée et à rétention gastrique à utiliser avec la metformine, la vitesse de libération du médicament étant dépendante de la dissolution et de la diffusion; le polymère qui demeure intact durant la période de libération du médicament; et le principal mécanisme de libération du médicament qui n’est pas érodable.

 

[49]           Le brevet 624 comporte 23 revendications. Biovail invoque les revendications 6, 11, 16, 19 et 20, qui sont énoncées comme suit :

                        [traduction]

6.         Une forme pharmaceutique décrite dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 4, dans laquelle ledit médicament est du chlorhydrate de metformine.

 

11.       Une forme pharmaceutique décrite dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 9, dans laquelle ladite matrice polymérique est formée d’un polymère sélectionné dans le groupe constitué du poly(éthylène oxyde), de la gomme xanthane, de l’hydroxyméthylcellulose, de l’hydroxyéthylcellulose, de l’hydroxypropylcellulose, de l’hydroxypropylméthylcellulose et du carboxyméthylcellulose.

 

16.       Une forme pharmaceutique décrite dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 14, dans laquelle ledit rapport pondéral du médicament sur le polymère est d’environ 30:70 à environ 80:20.

 

19.       Une forme pharmaceutique décrite dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 17, dans laquelle ladite matrice polymérique, après immersion dans le liquide gastrique, retient au moins environ 60 % dudit médicament une heure après l’immersion.

 

20.       Une forme pharmaceutique décrite dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 17, dans laquelle ladite matrice polymérique, après immersion dans le liquide gastrique, retient au moins environ 80 % dudit médicament une heure après l’immersion.

 

 

[50]           Chacune des revendications invoquées dépend des revendications 1 à 4. Les revendications 11, 16, 19 et 20 sont très claires et n’ont pas besoin d’être interprétées par la Cour. Lors de l’audience, Biovail a confirmé qu’elle se fondait seulement sur la revendication 6, puisque celle‑ci dépendait de la revendication 1. À cette même audience, Apotex a confirmé qu’elle était d’accord avec l’interprétation de la revendication 1 énoncée au paragraphe 80 de l’affidavit du témoin expert de Biovail, M. Paul, et qu’elle l’acceptait. Par conséquent, la Cour interprétera la revendication 6, qui dépend de la revendication 1, comme suit :

Une forme pharmaceutique dans laquelle le médicament est la metformine et qui possède les huit caractéristiques suivantes, telles qu’énoncées à la revendication 1 :

 

(i)                  La solubilité du médicament est d’une partie, en poids, pour moins de dix parties en poids d’eau;

(ii)                Le médicament est dispersé dans une matrice polymérique solide selon un rapport pondéral du médicament sur le polymère d’environ 80:20 ou moins;

(iii)               La matrice polymérique gonfle pour atteindre au moins environ le double de son volume après imbibition par l’eau;

(iv)              Le médicament dispersé est libéré de la matrice polymérique dans le liquide gastrique par dissolution et diffusion;

(v)                La matrice polymérique retient au moins 40 % du médicament dispersé une heure après immersion dans le liquide gastrique;

(vi)              La presque totalité du médicament dispersé est libérée de la matrice polymérique dans les huit heures, environ, suivant son immersion dans le liquide gastrique;

(vii)             La matrice polymérique gonflée demeure essentiellement intacte jusqu’à la libération complète du médicament;

(viii)           La matrice polymérique gonflée favorise la rétention de la forme pharmaceutique dans l’estomac lorsqu’il contient de la nourriture.

 

 

Question n° 1 :  Le brevet 624 a‑t‑il été devancé par des antériorités, qu’Apotex a limitées à l’audience à la demande 755?

 

 

[51]           Apotex prétend que le brevet 624 est invalide pour cause d’antériorité.

 

[52]           La date pertinente aux fins d’examen de la question de l’antériorité est le 6 juin 1997 (voir l’art. 28.2 de la Loi sur les brevets).

 

[53]           Les règles de droit en matière d’antériorité ont été établies par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., [2008] 3 R.C.S. 265, aux paragraphes 23 à 37 (Sanofi). Dans cet arrêt, la Cour suprême a adopté une démarche à deux volets pour déterminer si un brevet a été antériorisé : il doit y avoir divulgation et caractère réalisable. Les étapes doivent être considérées de façon distincte et prouvées. Pour établir la divulgation antérieure, il faut prouver que la pièce d’art antérieur divulgue ce qui, une fois réalisé, emporterait nécessairement contrefaçon de ce brevet sans essai successif. Pour établir le « caractère réalisable », il faut démontrer que la personne versée dans l’art a été en mesure d’exécuter l’invention sans trop de difficultés ou sans nécessité d’une étape inventive.

 

[54]           Comme l’a dit la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sanofi, l’antériorité et l’évidence sont des concepts connexes. Cependant, bien que ces concepts supposent tous deux l’examen de l’art antérieur, cet examen diffère. Dans le cadre d’une allégation d’antériorité (ou absence de nouveauté), la Cour doit décider si l’invention présumée a déjà été divulguée au public dans une seule publication de manière à pouvoir être mise en pratique (voir également Synthon BV c. Smithkline Beecham plc [2005] UKHL 59, au paragraphe 25, et Eli‑Lilly Canada Inc. c. Novopharm Limited, 2009 CF 301, au paragraphe 58).

 

[55]           Avant l’audience, il y a eu contestation entre les parties quant aux antériorités qu’Apotex pouvait opposer pour ce qui est des questions de divulgation et de caractère réalisable.

 

[56]           Biovail a fait valoir que les seules allégations d’antériorité concernaient les revendications 6, 11 et 16 et qu’une lecture attentive de l’avis d’allégation révélait que seules trois antériorités étaient opposées à ces revendications. Ces antériorités étaient : la publication PCT WO 93/18755 (la demande 755) opposée aux revendications 11 et 16; le brevet américain n° 5,273,758 (le brevet 758) opposé aux revendications 6 et 16, et la publication PCT WO 96/32097 (la demande 097) opposée à la revendication 11.

 

[57]           Dans son mémoire des faits et du droit, Apotex a fait valoir la demande 755, la demande 097, le brevet américain n° 5,582,837 (le brevet 837), le brevet 758 ainsi qu'un article écrit par A. Apicella et autres, intitulé « Poly(ethylene oxide) (PEO) and Different Molecular Weight PEO Blends of Monolithic Devices for Drug Release » (1993) 14(2) Biomaterials 83.

 

[58]           Lors de l’audience, Apotex a informé la Cour qu’elle n’invoquerait que la demande 755 à l’appui de son allégation d’antériorité. Par conséquent, seule la demande 755 a été prise en considération par la Cour.

 

[59]           La demande 755 a été publiée le 30 septembre 1993 et s’intitule « Alkyl-Substituted Cellulose-Based Sustained Release Oral Drug Dosage Forms » (Formes pharmaceutiques orales à libération soutenue, à base de cellulose et à substitution alkyle). Elle divulguait des formes pharmaceutiques orales à libération contrôlée renfermant des matrice polymériques qui gonflent et deviennent glissantes lorsqu’elles absorbent de l’eau. La demande 755 explique que ce procédé favorise la rétention gastrique de la forme pharmaceutique dans l’estomac qui contient de la nourriture.

 

[60]           Comme l’ont mentionné MM. Langer et Mandal, de nombreuses « caractéristiques » divulguées dans la demande 755 sont également revendiquées dans le brevet 624. On y trouve notamment l’utilisation de formes pharmaceutiques orales à libération contrôlée qui permettent de libérer un médicament dans l’estomac et l’utilisation de polymères à base de cellulose avec substitution alkyle. Je suis d’accord avec eux pour dire que le polymère utilisé pour la formation de la matrice et le rapport médicament/polymère indiqués dans les revendications 6 et 11 le sont également dans la demande 755.

 

[61]           Cependant, la demande 755 ne divulgue pas le brevet 624 ni ne permet à la personne versée dans l’art d’en arriver directement à ce brevet, et ce, en raison du fait que la demande 755 vise les améliorations devant être apportées aux médicaments à solubilité limitée. Il pourrait y avoir un certain chevauchement entre la demande 755 et la catégorie de médicaments décrits au brevet 624 et autres médicaments à solubilité plus élevée, mais cela ne ferait pas en sorte que la personne versée dans l’art pourrait d’emblée faire fonctionner l’invention en partant de la demande 755.

 

[62]           À la page 3 de la demande 755 sous la rubrique [traduction] « DESCRIPTION DE LA RÉALISATION PRÉFÉRENTIELLE », on lit ceci :

[traduction] Les formes pharmaceutiques de la présente invention sont efficaces pour l’administration de médicaments ayant une solubilité limitée dans le liquide gastrique […] Normalement, la solubilité du médicament (mesurée dans l’eau à 37° C) sera comprise entre 0,001 et environ 35 % en poids, plus généralement entre 0,001 et 5 % en poids.

 

L’invention s’avère particulièrement utile pour libérer des médicaments qui irritent le tractus gastro-intestinal […] Par exemple l’aspirine…

 

[63]           Par conséquent, la Cour doit conclure, à la face même de la demande 755, que cette antériorité ne vise pas l’administration de formes pharmaceutiques à libération contrôlée hautement solubles.

 

[64]           La Cour remarque que la solubilité de la metformine est de 35 %, ce qui se situe à la limite supérieure de l’intervalle mentionné dans la demande 755. Mais il est aussi évident pour la Cour que la demande 755 est surtout efficace avec les médicaments faiblement solubles et vise ces derniers.

 

[65]           M. Paul, le témoin expert pour Biovail, a été contre-interrogé par Apotex sur ce point. Il a admis que la solubilité de 35 % entre dans l’intervalle indiqué dans la demande 755, mais il a fait valoir que la demande 755 fait appel à d’autres mesures pour les médicaments ayant une solubilité supérieure. M. Paul a également dit en contre‑interrogatoire que la demande 755 visait les médicaments qui se situent plus généralement dans l’intervalle compris entre 0,001 et 5 %. Voir le contre‑interrogatoire de M. Paul, page 119, question 650.

 

[66]           Dans son affidavit, M. Paul indique au paragraphe 97 qu’une personne versée dans l’art comprendrait que la demande 775 s’applique aux médicaments à « solubilité limitée ». Il déclare :

[traduction]… toutefois, la demande 755 fait appel à d’autres mesures pour les médicaments de solubilité supérieure. Ils sont formulés avec des composés supplémentaires qui ne sont pas requis dans le brevet 624 (comme les esters d’acide gras à longue chaîne du glycérol) afin de retarder la vitesse de libération du médicament.

 

[67]           Autre différence importante entre le brevet 624 et la demande 755, cette dernière explique que le mécanisme de libération dominant est la dissolution. Au paragraphe 98 de son affidavit, M. Paul poursuit ainsi :

[traduction] Cela n’est pas surprenant, étant donné que la demande 755 vise les médicaments à solubilité limitée […] pour lesquels on s’attendrait à ce que le mécanisme de libération dominant soit la dissolution.

 

 

[68]           D’après le contre‑interrogatoire de M. Paul, il s’agit là d’une différence de taille par rapport au brevet 624, dans lequel le médicament est libéré durant la période de libération contrôlée par diffusion, et non par dissolution. Voir le contre‑interrogatoire de M. Langer, pages 102 et 103, questions 563 à 567. En réinterrogatoire, M. Paul revient sur le sujet aux questions 853 à 855 et fait remarquer qu’une des différences avec la demande 755 est que le mécanisme de libération du médicament est la dissolution et l’érosion, tandis que celui du brevet 624 est la diffusion.

 

[69]           Enfin, une autre différence que note M. Paul concerne la vitesse de libération du médicament divulgué dans le brevet 624, soit que la presque totalité du médicament est libéré en huit heures. Par contre, la demande 755 présente un profil de libération différent. Selon son évaluation des données, M. Paul dit que dans le cas de la demande 755, après huit heures environ, approximativement 70 % du médicament a été libéré, et non la totalité. Voir son affidavit aux paragraphes 98 et 99.

 

[70]           J’ai examiné les éléments de preuve présentés par M. Langer concernant la solubilité. Il déclare qu’une solubilité de 35 % en poids serait considérée comme une grande solubilité et il convient que la demande 755 donne un intervalle pouvant atteindre 35 %. Voir le contre‑interrogatoire de M. Langer, questions 659 à 660. Toutefois, la Cour ne croit pas que M. Langer ait suffisamment abordé le fait que la demande 755 est surtout efficace avec les médicaments faiblement solubles, jusqu’à 5 % de solubilité.

 

[71]           M. Langer ajoute que, dans la demande 755, le médicament est libéré du polymère par dissolution. Il ne se prononce pas sur la différence avec le brevet 624, dans lequel le médicament est libéré du polymère principalement par diffusion. M. Langer ne fait pas mention de cette différence entre la demande 755 et le brevet 624.

 

[72]           Après examen des éléments de preuve contradictoires, la Cour doit reconnaître que les principaux témoins experts des parties sont tous les deux extrêmement compétents et très estimés dans le domaine du génie chimique. Bien qu’Apotex ait établi que de nombreux éléments du brevet 624 figurent dans la demande 755, les experts s’entendent pour dire que certains de ces éléments comportent des différences. La Cour pourrait juger qu’il y a un certain équilibre dans les éléments de preuve contraires. Toutefois, il y a une différence majeure expressément indiquée dans la demande 755 même qui fait pencher la balance. La demande 755 énonce expressément que l’invention, un système de libération contrôlée, vise les médicaments à « solubilité limitée », qui se situent normalement dans l’intervalle allant de très faible à 5 %, en poids (voir page 3). À l'évidence, le brevet 624 vise directement les médicaments hautement solubles et mentionne expressément la metformine, un médicament dont le taux de solubilité est de 35 %. Pour ces motifs, la Cour doit conclure que Biovail s’est acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la demande 755 ne constitue pas une antériorité par rapport au brevet 624. La Cour est consciente que le titre du brevet 624 renferme l’expression « pour libération lente de médicaments hautement solubles ». Les inventeurs du brevet 624 et de la demande 755 n’auraient pas employé des termes si précis et contraires si cette différence dans les inventions n’avait pas été réelle.

 

[73]           Dans l’instance relative aux brevets américains susmentionnée, le juge a examiné des brevets et des antériorités semblables à ceux soumis à la Cour en l’espèce. Il est intéressant de voir ce que le juge Breyer a conclu à la page 17 de son jugement sommaire concernant l’invalidité lorsqu’il parle du brevet 837, qui ressemble beaucoup à la demande 755 :

[traduction] … L’invention brevetée concerne des systèmes de libération contrôlée par dissolution (citations retirées). Ainsi, les formulations brevetées sont principalement utilisées pour les médicaments faiblement solubles, parce que les médicaments hautement solubles se libéreraient rapidement des formes pharmaceutiques et ne seraient donc plus libérées de façon contrôlée et prolongée.

 

[74]           Le juge Breyer tient le même raisonnement que celui que nous venons d'exposer et tire la même conclusion que celle à laquelle la Cour est arrivée de façon indépendante, sans référence au jugement américain.

 

[75]           Pour ces motifs, la Cour conclut que la demande 755 n’antériorise pas le brevet 624.

 

Question n° 2 :     L’objet du brevet 624 a‑t‑il été divulgué dans une mosaïque d’antériorités et était‑il par conséquent évident pour une personne versée dans l’art?

 

 

[76]           Suivant l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, la date à laquelle il faut se reporter pour déterminer si l’invention revendiquée dans le brevet 624 était évidente est le 6 juin 1997. 

 

[77]           La Cour suprême a adopté, dans l’arrêt Sanofi, précité, au paragraphe 67, la démarche à quatre volets suivante dans le cadre de l’examen relatif à l’évidence :

 

(1)        a)         Identifier la « personne versée dans l’art »;

            b)         Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)        Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3)        Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

(4)        Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

 

[78]           La Cour suprême a fait remarquer qu’il pouvait être approprié de considérer une analyse fondée sur l’« essai allant de soi », plus particulièrement si de nombreuses variables interdépendantes peuvent se prêter à l’expérimentation (voir le paragraphe 68 de Sanofi). La locution « allant de soi » a été définie comme signifiant « très clair » et l’invention doit aller plus ou moins de soi (Sanofi, paragraphe 66; Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc., 2009 CAF 8, au paragraphe 29).

 

[79]           Si le test de l’« essai allant de soi » est justifié, le juge Rothstein énumère une liste non exhaustive de facteurs dont il faut tenir compte (voir paragraphe 69 de Sanofi) :

(1)        Est‑il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux?

(2)        Quels efforts — leur nature et leur ampleur — sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont‑ils courants ou l’expérimentation est‑elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

(3)        L’art antérieur fournit‑il un motif de rechercher la solution au problème qui sous‑tend le brevet?

 

[80]           La défenderesse a présenté une kyrielle d’antériorités de l’époque pertinente, soit avant 1997. Dans son affidavit, M. Paul s’est expressément penché sur 19 pièces d’art antérieur présentées par Apotex et ses experts pour étayer leur argumentation relative à l’évidence. Apotex soutient que la metformine était un médicament ancien, que l’utilisation de polymères gonflables pour les comprimés à libération contrôlée était connue et que les polymères mentionnés dans le brevet étaient connus.

 

[81]           Biovail ne conteste pas le fait que de nombreux éléments de la revendication 1, tels qu’ils sont intégrés dans les revendications dépendantes du brevet 624, étaient individuellement décrits dans l’art à l’époque pertinente. Sa position est que le caractère inventif du brevet 624 réside dans la combinaison de tous ces facteurs.

 

[82]           La demanderesse soutient également que le tableau que brosse la défenderesse des faits connus à l’époque pertinente est simpliste. Selon Biovail, la position d’Apotex ne tient pas compte du fait qu’une formulation présente certaines caractéristiques et certains comportements, qu’il y a d’énormes différences entre les divers types de polymères et que ces facteurs, en bout de ligne, jouent un rôle dans le mécanisme dominant de contrôle de la vitesse de libération du médicament à partir de la forme pharmaceutique. Ces variables ont été mentionnées par MM. Digenis et Mandal en contre‑interrogatoire, et elles feront l’objet d’un examen ultérieur dans les présents motifs. Biovail fait valoir que les méthodes comprises par la personne versée dans l’art pour réaliser la rétention gastrique en 1997 étaient très différentes de celles du brevet 624, et que l’art éloignait cette personne du principe de la rétention gastrique en fonction de la taille. Biovail ajoute que les médicaments hautement solubles posaient des problèmes particuliers aux formulateurs, en ce sens que les matrices polymériques n’assuraient aucun contrôle du profil de libération et que la libération du médicament était rapide. Résultat : la majeure partie du médicament était libérée dans les deux premières heures. Autrement dit, les médicaments hautement solubles contenus dans une matrice polymérique se dissolvent rapidement au contact du liquide gastrique.

 

[83]           Apotex soutient que lorsque la cour est appelée à se pencher sur la question de l’évidence, elle peut considérer une mosaïque d’antériorités.

 

[84]           Il est possible de réunir une mosaïque de réalisations antérieures pour montrer qu’une revendication est évidente. Cependant, ce faisant, la partie plaidant l’évidence doit être en mesure de montrer non seulement l’existence de réalisations antérieures, mais aussi la manière dont la personne normalement versée dans l’art aurait été amenée à combiner les éléments pertinents provenant de la mosaïque de réalisations antérieures (voir Laboratories Servier c. Apotex Inc. (2008), 67 C.P.R. (4e) 241, au paragraphe 254).

 

[85]           Il est bien établi en droit que la découverte de propriétés de substances connues ne constitue pas une invention (Pfizer Canada Inc. c. Ratiopharm Inc. (2006), 52 C.P.R. (4e) 241, au paragraphe 24 (C.A.F.)).

 

[86]           Le concept inventif que renferme le brevet 624 a été expliqué comme suit par Biovail au paragraphe 47 de son mémoire des faits et du droit :

[traduction] Le concept inventif divulgué dans les revendications invoquées est la combinaison de trois éléments : une forme pharmaceutique administrée par voie orale, à libération contrôlée et à rétention gastrique à utiliser avec la metformine, la vitesse de libération du médicament étant dépendante de la dissolution et de la diffusion; le polymère qui demeure intact durant la période de libération du médicament; et le principal mécanisme de libération du médicament qui n’est pas érodable. D’autres caractéristiques de l’invention délimitent un profil de libération de médicaments particulier (moins de 40 % du médicament libéré en une heure, la presque totalité du médicament libéré en huit heures) et des charges en médicament dont la proportion est comprise entre 30:70 et 80:20. Ces caractéristiques sont précisées par les dépendances des revendications invoquées.

 

[87]           Par conséquent, il est important de comprendre l’« état de la technique » en ce qui concerne les aspects suivants : les problèmes particuliers liés aux médicaments hautement solubles; l’utilisation de polymères pour les formes pharmaceutiques orales à libération contrôlée et à rétention gastrique; les méthodes de libération des médicaments à partir du polymère et les profils de libération des médicaments; et la charge en médicament.

 

Ce qui était connu en 1997

[88]           À partir des mémoires des faits et du droit, des observations des avocats des parties durant l’audience, et des témoignages d’experts, en particulier ceux de MM. Langer et Paul, ce qui suit peut être accepté par la Cour comme faisant partie des connaissances antérieures :

 

a)         Les problèmes particuliers liés aux médicaments hautement solubles :

 

[89]           La metformine était reconnue comme un médicament hautement soluble qui était absorbé dans le duodénum et avait une demi-vie courte. On savait que la metformine devait être administrée sous une forme à libération contrôlée et dans un estomac contenant de la nourriture. On savait également qu’il était préférable de formuler un médicament hautement soluble avec des polymères de masse moléculaire élevée pour contrôler sa libération. L’art antérieur enseignait les avantages de l’utilisation de polymères de masse moléculaire élevée, notamment les polymères de type HPMC et PEOX, dans la préparation de formes pharmaceutiques à libération contrôlée et à rétention gastrique pour des médicaments hautement solubles, qu’au moins 40 % du médicament était retenu après une heure, et que la forme pharmaceutique demeurait en grande partie intacte jusqu’à la libération totale du médicament (p. ex. voir L.S. Hermann, « Metformin: A Review of its Pharmacological Properties and Therapeutic Use » (1979) Diabetes & Metabolism 5 233; la demande 755).

 

b)         L’utilisation de polymères pour les formes pharmaceutiques orales à libération contrôlée et à rétention gastrique :

 

[90]           Le brevet 624 reconnaît, et Biovail ne conteste pas, que les formes pharmaceutiques à libération contrôlée, y compris celles formulées avec des matières polymériques gonflables, de même que leurs préparations et utilisations sont connues depuis longtemps et que leurs avantages sont reconnus. À la page 1, ligne 12 du brevet 624, il est mentionné que [traduction] « [p]our beaucoup de médicaments, ce mode d’administration entraîne une surdose temporaire suivie d’une longue période de sous-dosage, ce qui est d’une utilité clinique limitée. Le mode d’administration a été amélioré dans les années 1970 grâce à l’introduction de toute une variété de systèmes d’administration contrôlée ». La personne versée dans l’art savait que les formes pharmaceutiques à rétention gastrique devaient être administrées lorsque l’estomac contient de la nourriture. Les formes pharmaceutiques revendiquées dans le brevet 624 étaient connues et utilisées dans l’industrie pour la libération contrôlée et la rétention gastrique.

 

c)         L’utilisation et les propriétés des polymères de masse moléculaire élevée figurant dans le brevet 624 étaient connues

 

[91]           L’utilisation et les propriétés des polymères de masse moléculaire élevée figurant dans le brevet 624 étaient connues : comportements, catégories de masse moléculaire de chacun; utilisation de matrices polymériques hydrophiles dans les formes pharmaceutiques gonflables et à libération contrôlée, et efficacité sur le plan de la rétention gastrique. On savait que la vitesse de libération dépendait, entre autres, de la masse moléculaire du polymère et que les polymères de type HPMC de masse moléculaire élevée gonflaient et absorbaient l’eau plus lentement que ceux de faible masse moléculaire (p. ex. voir Waleed S.W. Shalaby, « In vitro and in vivo studies of enzyme-digestible hydrogels for oral drug delivery » (1992) 19 J. of Controlled Releases 131; K. Park, « Enzyme-digestible swelling hydrogels as platforms for long-term oral drug delivery:  synthesis and characterization » (1988) 9 Biomaterials 435; la demande 755).

 

d)         Les méthodes de libération des médicaments à partir de polymères :

 

[92]           Dans le cas des formes pharmaceutiques gonflables à libération contrôlée préparées avec des polymères de masse moléculaire élevée, on savait que la libération du médicament pouvait être contrôlée par le gonflement de la matrice polymérique et par la dissolution et la diffusion du médicament, entre autres mécanismes de libération. Par exemple, dans l’article de A. Pham et P. Lee, mentionné ci-dessous, les auteurs ont mené des expériences sur l’HPMC de haute viscosité en vue [traduction] « d’élucider le mécanisme [de régulation de la libération du médicament] en cause ». Les travaux de U. Conte et coll., mentionnés plus loin, avaient pour but de déterminer l’influence des propriétés de gonflement et de dissolution du système sur la libération du médicament, et le mouvement des interfaces entre le solvant et le système était mesuré durant le processus de libération.

 

[93]           Il était également connu que les polymères de masse moléculaire élevée, comme l’HPMC, produisaient des formes pharmaceutiques dont le mécanisme dominant de libération est le gonflement plutôt que l’érosion (p. ex. voir U. Conte et coll., « Swelling-activated drug delivery systems » (1988) 9(6) Biomaterials 489; A. Pham et P. Lee « Probing the mechanism of drug release from hydroxypropylmethyl cellulose (HPMC) matrices » (1993) 20 Proceedings of the International Symposium on Controlled Release of Bioactive Materials 220; Publications de Dow :  Formulating for Controlled Release with METHOCEL Premium cellulose ethers (Dow Chemical Company: 1995) et Formulating Sustained Release Pharmaceutical Products with METHOCEL (Dow Chemical Company: 1982)).

 

e)         La charge en médicament :

 

[94]           Il était reconnu que les ratios médicament/polymère constituaient un facteur important dans le contrôle de la libération des médicaments. Dans l’article de Ford et coll., mentionné ci-dessous, les auteurs ont constaté que le principal facteur qui contrôle la libération d’un médicament est le ratio du médicament sur le polymère (p. ex. voir Ford et coll., « Importance of Drug Type, Tablet Shape and Added Diluents on Drug Release Kinetics from Hydroxyproplylmethylcellulose Matrix Tablets » (1987) 40 Int. Journal of Pharmaceutics 223; la demande 755).

 

La metformine

[95]           Par ailleurs, Biovail allègue que la metformine n’était pas directement mentionnée dans les antériorités. Toutefois, les problèmes concernant les médicaments hautement solubles étaient connus en 1997. [LES ÉLÉMENTS DE PREUVE CONFIDENTIELS MENTIONNÉS ONT ÉTÉ EXPURGÉS DE LA VERSION PUBLIQUE DES MOTIFS DE L’ORDONNANCE_____________________________________________] Par conséquent, la Cour ne croit pas que la mention de la metformine pour une forme à libération contrôlée constitue une invention en soi.

 

Le mécanisme d’action

[96]           Biovail prétend que le mécanisme d’action préconisé dans le brevet 624 n’était pas connu.

 

[97]           Plusieurs mécanismes interviennent dans la libération des médicaments, tels le gonflement, la dissolution, la diffusion et l’érosion, même si l’un d’eux est plus marqué qu’un autre. M. Mandal a expliqué que l’érosion est une caractéristique intrinsèque des polymères (voir son contre‑interrogatoire, pages 36, 37 et 39), et M.  Paul a convenu que tous les polymères finissent par s’éroder (voir son contre‑interrogatoire, Q170). Il a également admis qu’on savait que la masse moléculaire du polymère influait sur les mécanismes de libération des médicaments. La demande 718 et les articles de Pham et Lee indiquent qu’un PEOX de masse moléculaire élevée gonfle plus rapidement qu’il s’érode, et que la libération du médicament se fait par diffusion ou par une combinaison de dissolution et de diffusion.

 

[98]           En contre‑interrogatoire, M. Paul a reconnu que la demande 755 expliquait comment travailler avec les médicaments plus solubles et indiquait que le médicament était dispersé dans une matrice polymérique solide, dans ce cas-ci, l’hydroxyéthylcellulose, selon un ratio médicament/polymère d’environ 80:20 ou moins. Il a également reconnu que la demande 755 comprenait des commentaires sur la solubilité des médicaments qui peuvent être utilisés dans les formes pharmaceutiques orales à libération contrôlée, cette solubilité pouvant normalement atteindre 35 %, ce qui correspond à la limite supérieure de l’intervalle mentionné dans le brevet 624. Toutefois, M. Paul a déclaré que la demande 755 n’aborde pas la question de savoir ce qui contrôle la libération du médicament. À la question 709 de son contre‑interrogatoire, il déclare : [traduction] « Mais ce qui contrôle cette libération constitue la question en litige, dans mon esprit… ».

 

[99]           Cependant, les mécanismes d’action, même s’ils étaient inconnus avant 1997, sont des propriétés inhérentes des polymères à masse moléculaire élevée dans les systèmes à libération contrôlée contenant des médicaments hautement solubles. Comme l’a écrit le juge Barnes au paragraphe 103 de la décision AstraZeneca AB c. Apotex Inc. (2007), 60 C.P.R. (4th) 199, la demanderesse soutient que le nouvel usage divulgué par le brevet était la découverte d’un mécanisme d’action. Le juge Barnes a conclu qu’on ne pouvait pas parler d’un nouvel usage dans le cas d’un effet inhérent à un traitement connu.

 

[100]       Comme l’a dit le juge Hughes dans Shire Biochem Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2008), 67 C.P.R. (4th) 94, au paragraphe 79, la possibilité de parvenir à l'invention présumée par plusieurs voies ne signifie pas que celle-ci n'est pas évidente.

 

[101]       Abstraction faite de toute connaissance de l’invention présumée, tout enseignement« nouveau » tenait au mécanisme d’action intervenant dans la libération du médicament. Il s’agit là de propriétés inhérentes et non brevetables. Les éléments non inhérents de l’invention 624 étaient connus.

 

[102]       Biovail soutient que les travaux menés sur la metformine représentaient l’aboutissement d’années de recherche et de développement. La difficulté du choix d’un polymère, en fonction des facteurs variables à considérer, a été reconnue par MM. Digenis et Mandal en contre‑interrogatoire.

 

[103]       En contre‑interrogatoire, M. Digenis a souligné que de nombreux facteurs influent sur la vitesse de libération du médicament hors de la forme pharmaceutique. Aux questions 126 à 146, M. Digenis a convenu que la masse moléculaire et la viscosité du polymère, de même que sa  réticulation ou sa ramification, la solubilité du médicament, la présence ou l’absence de nourriture, tout enrobage, excipient ou diluant, la compression durant la fabrication et la forme de la forme pharmaceutique sont tous des facteurs qui ont un effet sur la libération du médicament.

 

[104]       M. Mandal a convenu en contre‑interrogatoire que le comportement d’une matrice polymérique est dicté par un certain nombre de variables (page 27, lignes 8 à 16). Il était aussi d’accord pour dire qu’il existe une vaste gamme de polymères et que dans chacun de ces types, il y a une très grande variation (page 28, lignes 1 à 25). À la page 29, à partir de la ligne 10, M. Mandal a admis que de nombreux types de polymères cellulosiques pourraient être utilisés et qu’ils peuvent faire l’objet d’une substitution par un certain nombre de différents groupements fonctionnels, comme les groupes hydroxy.

 

[105]       Le témoignage de Mme Louie-Helm à ce sujet figure dans son affidavit, dans son volumineux carnet de laboratoire et dans son contre-interrogatoire.

 

[106]       Mme Louie-Helm allègue que les efforts déployés pour mettre au point l’invention représentent des années de recherche, qui remontent à 1992 et aux travaux de Depomed sur l’aspirine, et qu’il fallait s’attaquer aux nombreux problèmes d’administration en prolongeant la libération des médicaments très solubles. Toutefois, la preuve concernant la metformine ne démontre pas la rigueur souvent associée à la recherche pharmaceutique. [LES ÉLÉMENTS DE PREUVE CONFIDENTIELS MENTIONNÉS ONT ÉTÉ EXPURGÉS DE LA VERSION PUBLIQUE DES MOTIFS DE L’ORDONNANCE_____]

 

Conclusion relative à l’évidence

[107]       Appliquant les règles de droit à la preuve produite en l’espèce, la Cour conclut comme suit :

 

1.                  La différence entre l’état de la technique et le concept inventif que renferme le brevet 624 réside dans la « bonne » combinaison d’éléments connus avec un médicament hautement soluble comme la metformine. Les éléments connus comptent notamment un polymère de masse moléculaire élevée qui gonfle pour améliorer la rétention gastrique. Il en résulte un mécanisme d’action qui libère la metformine principalement par diffusion et par dissolution, et non par érosion, sur une période de huit heures;

 

2.                  Le « mécanisme d’action » qui en découle est une propriété inhérente du polymère choisi et n’est pas brevetable en droit;

 

3.                  Les expériences ayant permis de sélectionner un polymère de bonne masse moléculaire et doté d’autres caractéristiques pour contrôler la libération du médicament hautement soluble appelé metformine constituent l’invention présumée. Les éléments de preuve quant à savoir si ces expériences peuvent être considérées comme des « essais allant de soi » ou non s’équilibrent;

 

4.                  La question est de savoir si une personne versée dans l’art aurait considéré ces expériences comme « allant de soi ». À cet égard, la Cour a soupesé les éléments de preuve présentés par les deux parties au litige et a conclu qu’ils s’équilibraient;

 

5.                  Les parties conviennent que les éléments de l’invention étaient connus dans l’art antérieur et que c’est leur combinaison, notamment le choix approprié du polymère, qui a mené au « mécanisme d’action » revendiqué dans le brevet 624;

 

6.                  La preuve a révélé qu’on savait que les polymères de masse moléculaire élevée sont plus visqueux et qu’ils retiennent les médicaments plus longtemps que les polymères de faible masse moléculaire;

 

7.                  Il était connu que la solubilité du polymère diminue à mesure que sa masse moléculaire augmente. De plus, le polymère de masse moléculaire élevée imbibe l’eau, ce qui ralentit la libération du médicament;

 

8.                  Les polymères mentionnés dans le brevet 624 étaient bien connus et facilement accessibles;

 

9.                  Les parties ont reconnu qu’une forme pharmaceutique à libération contrôlée pour les médicaments hautement solubles, comme la metformine, était nécessaire. Il existait un motif pour trouver une solution;

 

10.              Les éléments de preuve quant à l’étendue, à la nature et au nombre des expériences nécessaires pour réaliser le brevet 624 sont le résultat d’essais menés sur un certain nombre de polymères;

 

11.              La Cour estime que les éléments de preuve quant à savoir si ces essais constituaient le type d’expériences courantes qu’une personne versée dans l’art considérait comme « allant de soi » s’équilibrent.

 

 

Étant donné que la demanderesse a le fardeau de la preuve et que la Cour a conclu que la preuve relative au critère de l’« essai allant de soi » s’équilibre, il en résulte que la demanderesse ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation à cet égard était non justifiée. Pour ces motifs, la Cour doit rejeter la présente demande.

 

[108]       Je reconnais que dans Depomed Inc. c. Ivax Corporation, United States District Court, Northern District of California, numéro de dossier 3:06-cv-00100 CRB, juge Charles Breyer (12 décembre 2007), le juge Breyer a rejeté la requête pour jugement sommaire en invalidité d’Ivax, ayant conclu qu’Ivax ne s’était pas acquittée de son fardeau de démontrer que les revendications invoquées des brevets en litige dans cette affaire étaient évidentes à la lumière de deux antériorités, le brevet américain n° 5,582,837 et les publications de Dow. Je souligne que cette affaire a été entendue dans un pays étranger en vertu de règles de droit différentes, qu’elle ne visait pas le brevet 624, que seules deux pièces d’antériorité ont été examinées et que la présente affaire repose sur un dossier différent.

 

[109]       Dans le cas où je serais dans l’erreur sur la question de l’évidence, je vais examiner les deux autres questions.

 

 

Question n° 3 :  Le brevet 624 est‑il invalide selon le principe du double brevet, c’est‑à‑dire un brevet pour une invention qui a fait l’objet d’un autre brevet, le brevet nº 2,416,671 (le brevet 671)?

 

[110]       Apotex soutient que le brevet 624 est invalide selon le principe du « double brevet ». Le juge Hughes a clairement expliqué le principe interdisant le double brevet dans Bristol‑Myers Squibb Canada Co. c. Apotex Inc., [2009] C.F. 137, aux paragraphes 173 et 174 :

 

¶ 173.  En termes simples, l’interdiction de la double protection se fonde sur l’idée que personne ne peut obtenir un deuxième brevet portant sur le même objet que celui d’un brevet antérieur. Le brevet est un monopole valable pour une période de temps limitée qui ne devrait pas être prolongée grâce à la délivrance d’un brevet ultérieur portant sur le même objet.

 

¶ 174.  Il n’y a double protection que lorsque la même personne obtient deux brevets ou plus. Si une autre personne a déjà obtenu un brevet, le deuxième doit être pris en compte dans le contexte de l’antériorité ou de l’évidence, ou de l’identité de l’inventeur quant aux demandes de brevet antérieures au mois d’octobre 1989.         

 

 

[111]       Apotex prétend que les revendications invoquées du brevet 624 sont invalides eu égard aux revendications du brevet canadien 671. La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, au paragraphe 63, a expliqué ce qui suit sous la plume du juge Binnie :

L’interdiction du double brevet est rattachée au problème du « renouvellement à perpétuité » mentionné au départ. L’inventeur n’a droit qu’à « un » brevet pour chaque invention [...] Si un brevet comportant des revendications identiques est délivré ultérieurement, il y a prolongement irrégulier du monopole.

 

 

[112]       En l’espèce, la Cour constate que le brevet 624 expire avant le brevet 671. Par conséquent, le brevet 624 ne permet pas de perpétuer un brevet antérieur pour la même invention. Le brevet 624 expire le 5 juin 2018. Le brevet 671 expire le 26 février 2021. Sans que la Cour n’ait à entrer dans les détails, il est clair que le brevet 624 n’est pas un brevet ultérieur au brevet 671 au sens des principes de droit interdisant le double brevet et l’abus que constitue la « perpétuation ».

 

[113]       Comme il est clair pour la Cour que la règle du double brevet n’est pas applicable au brevet 624, il ne lui est pas nécessaire de rechercher s’il y a « identité » entre les revendications du brevet 624 et celles du brevet 671.

 

Question n° 4 :  La formulation de metformine à libération prolongée d’Apotex a‑t‑elle été divulguée dans des pièces d’art antérieur, soit les publications de Dow, de sorte que la formulation d’Apotex ne peut pas contrefaire le brevet 624 et que le moyen de défense fondé sur l’arrêt Gillette s’applique?

 

[114]       Le moyen de défense fondé sur l’arrêt Gillette est établi quand la preuve démontre que le produit censément contrefait est fondé sur les enseignements de l’art antérieur et que le supposé contrefacteur fait simplement quelque chose qui est déjà connu (Gillette Safety Razor Co. c. Anglo-American Trading Co. Ltd. (1913), 30 R.P.R. 465 (H.L.)).

 

[115]       Dans leur monographie intitulée « Hughes et Woodley on Patents », les auteurs (Hughes, Roger T., John H. Woodley, Neal Armstrong et David Smith, Hughes and Woodley on Patents, 2e éd. (Markham, Ont. : LexisNexis Butterworths, 2005, au par. 38A) décrivent ce moyen de défense de la façon suivante :

[traduction]  La Chambre des Lords en Angleterre a créé un moyen de défense à une allégation de contrefaçon qui est communément appelé moyen de défense fondé sur l’arrêt Gillette(1). La Cour a déclaré :

 

Le moyen de défense suivant lequel « la contrefaçon alléguée n’était pas nouvelle au moment où les lettres patentes ont été délivrées au demandeur » est valide en droit et on pourrait parfois raccourcir considérablement les procès en matière de brevets et en diminuer les coûts si le défendeur présentait sa cause de cette façon, s’épargnant ainsi la peine de démontrer à quelle enseigne le demandeur loge : celle de l’invalidité ou celle de la non‑contrefaçon.

 

Ce moyen de défense a été invoqué dans la jurisprudence canadienne(2) et a été accueilli dans une décision(3).

                        ____________

1.Gillette Safety Razor Co. c. Anglo-American Trading Co. Ltd. (1913), 30 R.P.C. 465, aux par. 480-481 (H.L.); Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., [2008] A.C.F. n° 171, 63 C.P.R. (4e) 406, aux par. 185 et 186.

2. Citations omises.

3. Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., [2009] A.C.F. n° 413, 26 mars 2009, 2009 CF 320, aux par. 60 à 64.

 

 

[116]       Apotex soutient qu’elle met simplement en pratique les enseignements de l’art antérieur d’une manière qui est conforme aux connaissances d’une personne versée dans l’art. Elle soutient que ses comprimés de metformine à libération prolongée sont fabriqués conformément aux enseignements des deux publications de Dow Chemical susmentionnées dans la section portant sur l’évidence.

 

[117]       Les parties ne s’entendent pas quant à savoir si l’établissement du moyen de défense fondé sur l’arrêt Gillette dépend entièrement de l'existence d’une pièce d’art antérieur et que, faute d’une telle conclusion, le moyen de défense serait irrecevable et injustifié. Apotex s’appuie sur le texte original de la décision de la Chambre des Lords Gillette Safety Razor Company c. Anglo‑American Trading Company Ltd. et sur un extrait de Fox, Canadian Patent Law and Practice (4e éd. 1969), à la p. 352‑252 pour soutenir que la question devrait être de savoir si les comprimés d’Apotex sont fabriqués conformément à l’état antérieur, et non si l’art antérieur devance les revendications.

 

[118]       Deux décisions récentes de notre Cour viennent appuyer la position de Biovail, laquelle veut essentiellement que le moyen de défense fondé sur l’arrêt Gillette soit une contestation de la validité et de l’absence de nouveauté : Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., 2009 CF 320, et Sanofi-Aventis Canada Inc. et al. c. Apotex Inc. et al., 2009 CF 676.

 

[119]       Dans Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., le juge Hughes a conclu au paragraphe 64 que, d’après les faits de cette instance concernant un avis de conformité, les allégations d’Apotex quant au moyen de défense fondé sur l’arrêt Gillette étaient justifiées en ce que son produit devait être fabriqué conformément au processus décrit dans une pièce d’art antérieur qui tombait dans le champ des revendications du brevet en litige en l’espèce. Cependant, le juge Hughes avait précédemment conclu que le produit décrit dans le brevet antérieur antériorisait le produit revendiqué dans le brevet en litige et donc que les revendications n’étaient pas valides et qu’aucune d’elles n’avait été contrefaite.

 

[120]       Dans Sanofi-Aventis Canada Inc. et al. c. Apotex Inc. et al., 2009, précitée, aux paragraphes 347 à 349, la juge Snider a interprété la conclusion du juge Hughes dans Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc, précitée. Selon la juge Snider, la conclusion du juge Hughes sur le moyen de défense fondé sur l’arrêt Gillette dépendait entièrement de sa conclusion sur l’antériorité et qu’en l’absence d’une telle conclusion, Apotex n’aurait pu invoquer ce moyen de défense. La juge Snider a par conséquent conclu qu’elle ne pouvait pas faire droit au moyen de défense fondé sur l’arrêt Gillette dans l’affaire dont elle était saisie puisqu’Apotex n’avait pas invoqué l’invalidité du fait de l’antériorisation par le brevet antérieur.

 

[121]       Compte tenu de ces décisions, il apparaît clairement à la Cour que le moyen de défense fondé sur l’arrêt Gillette ne s’applique au Canada que lorsque le brevet se heurte à une antériorité. Dans l’affaire qui nous intéresse, Apotex n’a pas fait valoir que les deux publications de Dow Chemical de 1982 et de 1995 antériorisent le brevet 624. La Cour se serait attendue à ce qu’Apotex se fonde sur ces deux publications de Dow dans son argumentation sur l’antériorité si ces publications avaient réellement divulgué l’invention revendiquée dans le brevet 624 et permis de la réaliser.

 

[122]       En l’espèce, Apotex n’a pas fait valoir les publications de Dow Chemical dans ses allégations sur l’antériorité. Comme on l’a vu précédemment, j’ai conclu que Biovail a démontré que l’allégation d’invalidité pour cause d’antériorité d’Apotex n’est pas justifiée. Par conséquent, faute d’une conclusion que Biovail n’a pas démontré que les allégations d’antériorité étaient injustifiées, l’argument que tire Apotex du moyen de défense fondé sur l’arrêt Gillette doit être rejeté.

 

CONCLUSION

[123]       La Cour conclut que les demanderesses ont établi, selon la prépondérance des probabilités, que les allégations d’Apotex selon lesquelles le brevet 624 de Biovail est invalide pour cause d’antériorité, double brevet et contrefaçon ne sont pas justifiées. Cependant, la Cour a également conclu que les demanderesses ne se sont pas déchargées de leur fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation d’Apotex selon laquelle le brevet de Biovail est invalide pour cause d’évidence n’est pas justifiée. Par conséquent, la demande d’ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Apotex pour une version générique de la metformine en comprimés à libération prolongée sera rejetée avec dépens.

 

DÉPENS

[124]       Lors de l’audience, les parties ont indiqué qu'en cas d'impossibilité d'entente sur l’échelle des dépens et le nombre d’avocats, elles présenteraient des observations à la Cour. Par conséquent, la Cour rendra une ordonnance subséquente précisant l’échelle du tarif et le nombre d’avocats si les parties n’arrivent pas à s’entendre.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE QUE :

            La demande d’ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Apotex pour une version générique de la metformine en comprimés à libération prolongée est rejetée avec dépens.

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


Annexe A

 

Renseignements sur les témoins

 

Sauf indication contraire, tous les témoins ont été contre-interrogés. 

 

 

TÉMOINS D’APOTEX

M. Robert Langer : M. Langer est ingénieur chimiste. Ses travaux sont axés sur le génie chimique, le génie biomédical, la biotechnologie, la chimie pharmaceutique et la mise au point de formulations. Il est un des 14 professeurs émérites au Massachusetts Institute of Technology. Il est auteur ou coauteur de plus d’un millier d’articles, et il est titulaire d’environ 600 brevets délivrés ou en instance dans le monde. M. Langer a siégé à de nombreux conseils, comme le Science Board de la Food and Drug Administration des États-Unis et reçu plus de 160 récompenses majeures.

 

M. Tarun Mandal : M. Mandal est formulateur pharmaceutique et enseigne à l’Université Xavier de la Louisiane à titre de McCaffrey/Norwood Professor of Pharmacy and Pharmaceutics. Il a été membre du comité de rédaction et examinateur pour de nombreuses revues évaluées par des pairs. M. Mandal est l’auteur d’un nombre important de publications évaluées par des pairs, dont des articles de recherche originale.

 

M. George Digenis : M. Digenis est professeur émérite de chimie médicinale et de sciences pharmaceutiques au College of Pharmacy de l’Université du Kentucky et professeur émérite aux Départements de médecine nucléaire et de toxicologie du College of Medicine de l’Université du Kentucky. Il compte plus de 190 ouvrages ou articles scientifiques évalués par des pairs à son actif et est titulaire de 14 brevets. Ses intérêts en matière de recherche portent sur la conception et l’administration des médicaments ainsi que sur le comportement de libération et la biodisponibilité des formes pharmaceutiques. En particulier, il a étudié la metformine et son absorption dans le tube digestif.

 

M. John Hems : M. Hems est directeur, Affaires réglementaires, Canada, chez Apotex. Son affidavit comprenait des extraits de la présentation de drogue d’Apotex. Il n’a pas été contre‑interrogé.

 

Mme Biserka Horvat : Mme Horvat est technicienne juridique au cabinet d’avocats Goodmans LLP. Son affidavit comprenait des copies des antériorités citées dans l’avis d’allégation. Elle n’a pas été contre-interrogée.

 

 

 

TÉMOINS DE BIOVAIL

M. Donald Paul : M. Paul est directeur du Texas Materials Institute, titulaire de la chaire Earnest Cockrell Sr. en génie chimique et directeur du Center for Polymer Research, tous situés à l’Université du Texas, à Austin. Il est membre de nombreuses associations professionnelles, dont l’American Institute of Chemical Engineers. En plus d’avoir rédigé plus de 600 publications scientifiques évaluées par des pairs, il siège au comité de rédaction de revues à comité de lecture comme le Journal of Applied Polymer Science.

 

Dr Ronnie Fass : Le Dr Fass est professeur de médecine à l’Université de l’Arizona, chef du service de gastro-entérologie du Southern Arizona VA Health Care System, et directeur du GI Motility Laboratory du Southern Arizona VA Health Care System et du Health Science Center de l’Université de l’Arizona. Il a obtenu de nombreuses récompenses et distinctions pour ses travaux, est très actif dans le milieu de la gastro-entérologie, et agit comme examinateur pour de nombreuses revues universitaires. Le Dr Fass possède une expertise particulière en motilité gastro-intestinale.

 

Mme Jenny Louie-Helm : Mme Louie-Helm est coinventrice du brevet 624.

 

Mme Christine Haskett : Mme Haskett est associée dans un cabinet d’avocats aux États-Unis dont les services ont été retenus dans le cadre du litige américain relatif à l’équivalent du brevet 624. Mme Haskett n’a pas été contre‑interrogée.

 

M. Alim Mamajiwalla : M. Mamajiwalla est directeur principal, Propriété intellectuelle, chez Biovail. Il a fourni des renseignements sur des listes des brevets. Il n’a pas été contre-interrogé.

 

M. Roger Shoreman : M. Shoreman est technicien juridique au cabinet d’avocats Lanczner Slaght Royce Smith Griffin LLP. Son affidavit comprenait une copie certifiée conforme du brevet 624. Il n’a pas été contre-interrogé.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T-118-08

 

INTITULÉ :                                       BIOVAIL CORPORATION et DEPOMED, INC. c.

                                                            LE MINISTRE DE LA SANTÉ et APOTEX INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Les 23, 24, 25 et 26 novembre 2009

 

MOTIFS MODIFIÉS DE

L’ORDONNANCE ET

ORDONNANCE :                             LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                      20 janvier 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Marguerite Ethier

Elizabeth Dipchand

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Andrew Brodkin

Dino Clarizio

Belle Van

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(APOTEX INC.)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lenczner Slaght Royce Smith

Griffin LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

 

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(APOTEX INC.)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 (MINISTRE DE LA SANTÉ)

 

 

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